1.1) En filigrane : l’enjeu sous-jacent est-il bien si innocent ?...
C’est une réponse à une question posée par monsieur D. Balter (Note C) de Nantes. Certains prêtres de la Fraternité Saint Pie X interdisent de recevoir la communion distribuée dans le cadre du NOM et interdisent pareillement (au moins dans un cas cité) l’adoration des espèces eucharistiques consacrées dans le cadre du NOM. Et pourtant, il semblerait que la position de la Fraternité Saint-Pie X consistât à refuser le NOM comme un rite intrinsèquement néfaste pour la foi, tout en reconnaissant sa validité de principe ; auquel cas, les deux interdictions citées contredisent cette position, alors qu’elles seraient à l’inverse logiques pour quelqu’un qui considèrerait le NOM comme non seulement néfaste mais même comme invalide. D’où deux solutions : soit il y a aujourd’hui quelques prêtres de la Fraternité Saint-Pie X pour imposer ces deux interdictions et dans ce cas, il y a dans la Fraternité quelques prêtres (dont le supérieur du Séminaire de Holy Cross, en Australie) qui ne sont plus logiques avec la position de cette Fraternité ; soit tous les prêtres de la Fraternité Saint-Pie X imposent aujourd’hui ces deux interdictions, conformément aux vues des supérieurs actuels de la Fraternité, et dans ce cas aujourd’hui, tous les prêtres de la Fraternité, sous la conduite de leurs supérieurs actuels, adoptent une logique qui n’est plus celle de la Fraternité. Dans le premier cas, la Fraternité est infiltrée par un complot de crypto-schismatico-sédévacantistes ; dans le deuxième cas, la Fraternité d’aujourd’hui n’est plus la Fraternité d’hier. Et dans les deux cas l’abbé Philippe Laguérie aura prouvé ce qu’il voulait : cqfd.
1.2) En clair : un fallacieux sophisme et de sophistiques déductions.
Le fruit d’un rite valide reste toujours bon. Puisque les espèces eucharistiques consacrées dans le cadre du NOM sont le fruit d’un rite valide, ces espèces sont intrinsèquement bonnes : on peut y communier et on peut les adorer.Et donc, si on interdit explicitement de communier à ces espèces ou de les adorer, on affirme implicitement que ces espèces ne sont pas intrinsèquement bonnes. Niant l’effet, on nie la cause : on nie la validité du NOM que pourtant la Fraternité affirme en principe. Ce qui explique l’enjeu signalé au § 1.1).A ce raisonnement doublement faux, nous opposerons tout simplement deux distinctions élémentaires.
Communier, c’est recevoir un sacrement, le sacrement de l’eucharistie. Or, l’Eglise interdit à tout fidèle catholique de recevoir les sacrements, même donnés validement, même l’eucharistie, de la part d’un ministre schismatique ou hérétique. Nul ne peut, sous peine d’une faute grave qui constitue en l’occurrence un délit, le délit de la communicatio in sacris, recevoir le baptême (même supposé valide) de la part d’un ministre protestant, ni recevoir la sainte communion (même validement consacrée) de la part d’un ministre schismatique orthodoxe. Ce qui montre bien que la validité d’un rite ne suffit pas à prouver que la réception de son fruit soit bonne, en toutes circonstances.Adorer le Saint-Sacrement, c’est exercer la vertu de religion, en usant là encore des fruits d’un rite validement célébré. Or l’Eglise interdit à tout fidèle d’exercer sa vertu de religion en connivence avec les schismatiques ou les hérétiques. C’est encore le délit de la communicatio in sacris. Il n’est pas permis d’aller se recueillir, d’aller prier et adorer Notre Seigneur, même réellement présent dans le tabernacle, si cette présence réelle découle d’un rite valide mais schismatique. Là encore, nous voyons bien qu’il ne suffit pas qu’une hostie ait été validement consacrée pour que tout fidèle puisse et doive lui rendre l’hommage de son adoration. Dans le cas extrême de la messe noire satanique, l’Eglise prévoit même que les saintes espèces validement consacrées dans un tel contexte sacrilège devront être non pas restituées à l’adoration des fidèles (imaginez ou plutôt n’imaginez pas la scène …) mais tout simplement laissées à leur propre corruption naturelle.Bref, l’usage des sacrements et l’exercice de la vertu de religion, qui supposent l’un et l’autre la validité du rite ne font jamais abstraction de la valeur doctrinale et morale de ce rite. Il en va ainsi parce que, en usant des sacrements et en exerçant leur religion, les fidèles doivent aussi professer leur foi et leur morale. Par conséquent, ni l’usage des sacrements ni l’exercice de la religion ne doivent être l’occasion d’entamer la foi et la morale. L’Eglise interdit donc à ses fidèles l’usage des sacrements (même valides) donnés par les acatholiques et elle leur interdit aussi d’exercer leur religion dans un contexte découlant de ces sacrements.Mgr Lefebvre a jugé préférable d’étendre cette législation de l’Eglise à l’égard des nouveaux sacrements conciliaires, la nouvelle messe en particulier :« Ces messes nouvelles non seulement ne peuvent être l'objet d'une obligation pour le précepte dominical, mais on doit leur appliquer les règlements canoniques que l'Eglise a coutume d'appliquer à la « communicatio in sacris » avec les cultes orthodoxes schismatiques, et avec les cultes protestants »(1).« Au sujet de la nouvelle messe, détruisons immédiatement cette idée absurde : si la messe nouvelle est valide, on peut y participer. L’Église a toujours défendu d’assister aux messes des schismatiques et des hérétiques, même si elles sont valides. Il est évident qu’on ne peut participer à des messes sacrilèges, ni à des messes qui mettent notre foi en danger »(2).On peut certes ne pas partager ce point de vue, notamment à cause des conséquences pratiques qu’il entraîne. Mais on ne saurait en ce cas continuer à se réclamer de Mgr Lefebvre, ni même de la sainte théologie catholique, en prétendant être plus sage que Salomon.
Entre un rite certainement valide et un rite certainement invalide, ily a ce qu’on est bien obligé d’appeler un rite ou un sacrement douteusement valide (3). Il y certitude quand on sait. Il y a un doute quand on ne sait pas. Un rite ou un sacrement est certainement valide lorsqu’on doit présumer qu’il l’est toujours et partout, puisque aucun motif objectif (tiré du rite lui-même) n’est suffisant pour en douter. Un rite ou un sacrement est douteusement valide lorsqu’on n’a plus cette présomption, car il existe des motifs objectifs (tirés du rite lui-même) qui sont suffisants pour penser que ce rite n’est pas toujours et partout valide, et qu’il est quelquefois ou quelque part invalide.
Tout n’est donc pas si simple que le laisserait d’abord penser une alternative un peu trop manichéenne. Le Bref examen critique des cardinaux Ottaviani et Bacci dépasse par sa profondeur et sa densité les dimensions d’une petite page d’internet. Mgr Lefebvre lui-même s’y est repris à plusieurs fois, pour expliquer toutes les nuances qui entrent en jeu dans cette question difficile et bien délicate.
Il est vrai que les fruits d’un rite certainement valide restent bons, étant entendue la première distinction faite au §2. Mais le rite du NOM est douteusement valide, car si on l’examine, on y trouve des motifs objectifs pour conclure qu’en usant de ce rite tout célébrant n’aura pas forcément, toujours et partout, l’intention requise à la validité du sacrement de l’eucharistie, l’intention objective de faire ce que fait l’Eglise (indépendamment de ses intentions subjectives et personnelles dont par définition personne ne peut juger). Parfois, l’intention y sera, parfois elle n’y sera pas : l’inconsistance de ce rite pourra se prêter à tous les accommodements (4).
Il y a en effet un lien nécessaire et essentiel entre l’orthodoxie d’un rite et sa validité. Car le rite est la cause de l’intention du ministre, elle-même requise à la validité. Pour avoir cette intention, le ministre doit avoir la volonté de faire ce que fait l’Eglise, quand elle donne le sacrement. Cette volonté suppose un jugement qui consiste à identifier « ce que fait l’Eglise » avec le rite du sacrement. Pour que l’intention requise ait lieu, il faut et il suffit que le ministre ait la volonté d’employer un rite catholique. Il est possible que le ministre n’ait pas la foi (5) ni en général vis-à-vis des vérités du dogme qui entrent en jeu dans la réalisation du sacrement (par exemple, si un protestant qui donne le baptême ne croit pas au péché originel) ni même vis-à-vis de l’efficacité du sacrement (par exemple un juif ou un musulman qui donnerait le baptême). Mais ces dispositions ne sont pas strictement requises à l’intention ; pourvu que le ministre (hérétique ou infidèle) ait la volonté d’employer le rite catholique, l’intention est implicitement celle de l’Eglise, et elle suffit à la validité.
Il y aura défaut au niveau de l’intention si le rite utilisé n’est pas catholique. Il y aura doute au niveau de l’intention si le rite utilisé est douteusement catholique. Dans le premier cas, le rite est certainement invalide, dans le second il est douteusement valide. Un exemple peut nous aider à comprendre cela. Nous savons en effet que par la Bulle Apostolicae curae du 13 septembre 1896, le pape Léon XIII tranche avec autorité pour dire que le rite utilisé pour consacrer les prêtres ou les évêques par les anglicans donne la certitude morale qu’il n’y a pas l’intention requise chez le ministre (que celui-ci soit par ailleurs validement consacré ou pas). L’expression de Léon XIII est très précise : il ne dit pas que ce rite est invalide par vice de forme sacramentelle ; il dit que ce rite est invalide par vice d’intention. En effet, ce rite a connu deux versions successives. De 1550 à 1662, les anglicans utilisent un rite qui est de toutes façons invalide par vice de forme sacramentelle (6). Depuis 1662, la version révisée est telle qu’on pourrait nier l’invalidité par vice de forme sacramentelle (7). Mais, comme l’explique Léon XIII (8), la forme n’est jamais utilisée telle quelle, comme une pièce détachée et abstraite du rite. Elle est utilisée dans le contexte d’un rite qui en détermine le sens et qui va ainsi conditionner l’intention du ministre. Il est possible qu’à s’en tenir aux seules paroles de la forme, prises littéralement et abstraction faite de tout le rite, rien ne s’oppose à la validité. Mais il est possible qu’avec cela, si on s’en tient au sens que ces paroles revêtent dans le contexte de tout le rite, telles que le ministre les utilise concrètement, la validité soit mise en question. On doit donc soigneusement distinguer les deux conditions requises à la validité : d’une part condition requise du côté de la forme sacramentelle prise à l’état pur, en fonction des paroles littérales et abstraites du rite ; d’autre part condition requise du côté de l’intention, en fonction du sens que le contexte de tout le rite va donner à ces paroles, dans l’usage concret que le ministre en fait. Si le rite donne aux paroles de la forme sacramentelle une signification qui n’est pas celle de l’Eglise catholique, ou qui l’est douteusement, le ministre recourant à ce rite n’aura pas ou aura douteusement l’intention de faire ce que fait l’Eglise.
La difficulté que pose le nouveau rite de la messe de 1969, réformé par le pape Paul VI, se pose en des termes comparables. Elle vient de ce que les paroles de tout l’ensemble du nouveau rite (et non les seules paroles littérales de la consécration qui, dans l’abstrait du rite, pourraient suffire à la validité) ne suffisent plus à garantir l’intention requise chez le célébrant. Ce rite, sans être positivement hérétique, favorise l’hérésie à cause de son ambiguïté et de ses omissions graves, c’est un rite entièrement nouveau, dont des experts hautement qualifiés on pu dire qu’il « s’éloigne de manière impressionnante, dans l’ensemble comme dans le détail, de la théologie catholique de la sainte messe telle qu’elle a été formulée à la 20e session du concile de Trente » (9). Ce rite est équivoque, au point de suggérer (sans toujours l’avouer franchement) une doctrine non plus catholique mais hérétodoxe, et donc au point de conditionner chez le célébrant une intention qui ne serait plus celle de l’Eglise.
Dans une conférence du 15 février 1975, Mgr Lefebvre le dit très clairement :
« Tous ces changements dans le nouveau rite sont vraiment périlleux, parce que peu à peu surtout pour les jeunes prêtres qui n’ont plus l’idée du sacrifice, de la présence réelle, de la transsubstantiation et pour lesquels tout cela ne signifie plus rien, ces jeunes prêtres perdent l’intention de faire ce que fait l’Eglise et ne disent plus de messes valides. Certes, les prêtres âgés, quand ils célèbrent selon le nouveau rite, ont encore la foi de toujours. Ils ont dit la messe avec l’ancien rite durant tant d’années, ils en gardent les mêmes intentions, on peut croire que leur messe est valide. Mais, dans la mesure où ces intentions s’en vont, disparaissent, dans cette mesure les messes ne seront plus valides »(10).
C’est aussi le sens de la critique adressée au pape Paul VI par les cardinaux Ottaviani et Bacci dès 1969 :
« La portée des paroles de la consécration telles qu’elles figurent dans le Novus ordo y est conditionnée par tout le contexte. Ces paroles peuvent assurer la validité en raison de l’intention du ministre, mais elles ne le font pas ex vi verborum ou plus exactement en vertu du modus significandi qui leur est associé dans le Canon de saint Pie V. Il se peut donc que ces paroles n’assurent pas la validité de la consécration. Les prêtres qui dans un proche avenir n’auront pas reçu la formation traditionnelle et qui se fieront au Novus ordo pour faire ce que fait l’Église, consacreront-ils validement ? Il est légitime d’en douter »(11).
Les paroles littérales de la double consécration sont ce qu’elles sont en vertu des mots eux-mêmes (ex vi verborum). Mais il n’y a pas dans la messe que les paroles de la consécration ; il y a aussi tout le contexte qui les entoure et qui peut en modifier le sens. Tout va dépendre de ce que le rite va leur faire dire (en vertu de la manière dont il explique le sens des paroles de la consécration : modus significandi). Si le rite explique que l’on recourt à ces paroles pour réaliser efficacement le mystère sacramentel de la transsubstantiation, nous aurons affaire à une messe catholique célébrée validement : c’est le cas dans la messe de saint Pie V. Mais si le rite laisse entendre que l’on recourt à ces mêmes paroles pour faire le « récit de l’institution », comme c’est le cas dans la nouvelle messe, le célébrant, ignorant toute la théologie traditionnelle de la messe et laissé aux seules ressources de ce rite inconsistant, fera non plus ce que fait l’Eglise, c'est-à-dire la transsubstantiation, mais le simple mémorial de la passion et de la mort de Jésus.
Mgr Lefebvre insistait sur l’importance de ce jugement du Bref examen critique des cardinaux Ottaviani et Bacci :
« J’ai eu l’occasion […] de relire le petit fascicule que vous connaissez bien, évidemment, le Bref Examen critique du Novus ordo missæ, qui a été approuvé par les cardinaux Ottaviani et Bacci. Il y a une note dans ce petit fascicule qu’il est bien utile de relire à propos des paroles de la consécration, qui, depuis l’introduction du nouvel ordo, ont été l’occasion de discussions et de considérations multiples. Je puis vous dire que ce qui s’y trouve représente ce que personnellement j’ai toujours considéré comme l’appréciation la plus exacte sur la validité ou l’invalidité du Novus ordo missæ. Cela a une certaine importance, en raison des discussions actuelles sur ce sujet » [Mgr cite le passage ci-dessus]. Voyez, c’est ce que je crois avoir toujours affirmé : il y aura de plus en plus de messes invalides à cause de la formation des jeunes prêtres qui n’auront plus l’intention véritablement de faire ce que fait l’Église. Faire ce que fait l’Église, ça veut dire faire ce qu’a toujours fait l’Église, ce que fait l’Église d’une manière – je dirais presque si l’on pouvait le dire – éternelle. Alors ces jeunes prêtres n’auront pas l’intention de faire ce que fait l’Église, parce qu’on ne leur aura pas enseigné que la messe est un véritable sacrifice. Ils n’auront pas l’intention de faire un sacrifice ; ils auront l’intention de faire une Eucharistie, un partage, une communion, un mémorial, ce qui n’a rien à voir avec la foi dans le sacrifice de la messe. Donc à ce moment-là, à mesure que ces prêtres déformés n’auront plus du tout l’intention de faire ce que fait l’Église, les messes seront de plus en plus invalides évidemment » (12).
Et c’est d’ailleurs ce jugement que Mgr Lefebvre a voulu clairement exprimer dans la Déclaration (13) de fidélité aux positions de la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X :
« J’admets que les messes célébrées selon le nouveau rite ne sont pas toutes invalides. Cependant, eu égard aux mauvaises traductions du NOM, à son ambiguïté qui favorise son interprétation dans un sens protestant et à la pluralité de ses modes de célébration, je reconnais que le danger d’invalidité est très grand »(14).
Tous les futurs prêtres issus des séminaires de la Fraternité sont invités à souscrire à cette Déclaration, avant de recevoir les ordres majeurs. On y voit bien que les choses sont quand même moins simples que ne laisserait le croire un jugement péremptoire, « par sic et non », comme auraient dit nos scolastiques. Dans sa sagesse, Mgr Lefebvre a déterminé la nature précise de la difficulté posée par le NOM avec beaucoup plus de nuances. Le NOM est-il valide ? Est-il invalide ? La question ne se pose pas ainsi, sur un plan théorique et abstrait. Le NOM est avant tout un rite inconsistant et ambigu ; à lui seul, il peut servir indifféremment pour une messe valide ou pour une messe invalide. La question va donc se poser au niveau des messes, sur le plan concret de la célébration : elles ne seront pas toutes invalides, mais vu l’ambiguïté du rite, le risque existe et il est même « très grand ».
Telle a toujours été la position de Mgr Lefebvre. La Fraternité Saint-Pie X la tient encore. On peut certes s’en séparer, parce qu’on en refuse les conséquences pratiques. Mais c’est alors se séparer de Mgr Lefebvre et de la Fraternité Saint-Pie X (celle d’hier et celle d’aujourd’hui), sur un point essentiel de leur combat.
Mgr Lefebvre a toujours considéré ce nouveau rite réformé de Paul VI comme illégitime. Certes, le pape Paul VI a voulu imposer cette réforme, mais cela ne suffit pas pour qu’il y ait de sa part un exercice de l’autorité légitime. Le pape peut abuser de son pouvoir, et nul doute que Paul VI soit quand même sorti des limites de ses attributions en promouvant un rite si éloigné de la définition catholique de la messe. L’abbé Philippe Laguérie citait d’ailleurs encore il y a quelques temps (15) les principales études théologiques sur lesquelles la Fraternité Saint-Pie X s’est toujours appuyée pour conclure à l’illégitimité foncière du nouveau rite. Il recommandait « surtout l’excellent ouvrage de Da Silveira (Chiré) : La nouvelle messe de Paul VI, qu’en penser ? ».Le différent qui oppose les tenants des deux rites n’est donc pas seulement de portée théologique : on ne discute pas ici comme le font les théologiens sur quelque point secondaire et accessoire, qui somme toute ne remettrait pas vraiment en question l’unité doctrinale, l’unité de la foi et des mœurs constitutive de l’Eglise. L’ampleur de la résistance déployée par Mgr Lefebvre (jusqu’à encourir la suspense a divinis en 1976 (16)) serait disproportionnée dans le cadre d’une simple controverse théologique. Il y a ici bien davantage que de la théologie, car l’adage garde tout son point : « legem credendi statuat lex supplicandi ». Le rite de la messe exprime la foi de l'Eglise. Changer le rite c’est changer la foi. Et c’est donc aussi changer l’Eglise. Qu’on le veuille ou non.
Le nouveau rite réformé de Paul VI ne peut pas être mis sur le même rang que le rite traditionnel de saint Pie V.
« Comparer la réforme actuelle à la réforme ou plutôt à l’acte par lequel saint Pie V a canonisé le rite latin de la messe dans le but de protéger la foi contre l’idéologie protestante est faire preuve d’une ignorance grave de l’histoire tant du concile de Trente que de l’histoire du concile Vatican II et de sa réforme liturgique. D’un côté tout est mis en œuvre pour protéger l’expression traditionnelle de la vraie foi ; de l’autre l’idée œcuméniste a tellement atténué cette expression que le doute envahit l’esprit des fidèles et celui des prêtres » (17).
Le seul rite romain légitime qui garde encore toute force de loi dans la sainte Eglise est le rite de la messe de saint Pie V, le rite traditionnel. Le rite réformé de Paul VI est un intrus, il n’est pas seulement moins bon que le rite traditionnel et ce dernier n’est pas seulement préférable. Le rite de saint Pie V est bon et légitime ; le rite de Paul VI est mauvais et illégitime. A moins d’affirmer cela, nul ne pourra refuser en principe de célébrer la nouvelle messe (18).
Si l’on se contente de dire que « la messe traditionnelle relève du rite romain » (19), on introduit une distinction dont la portée n’est pas petite, car c’est la distinction entre la partie et le tout, celle-là n’étant pas le dernier mot de celui-ci… C’est d’ailleurs le même genre de distinction que l’on trouve déjà dans les textes du concile Vatican II, lorsque la constitution Lumen gentium sur l’Eglise affirme que « l’Eglise du Christ subsiste dans l’Eglise catholique » : le tout se réalise dans chacune de ses parties, plus ou moins selon les parties, mais toujours et partout, en chacune d’elles. Au milieu de ces parties, l’Eglise catholique n’est plus que préférable, meilleure, car elle possède la plénitude des moyens de salut. Pareillement, on dira que le rite romain subsiste dans la messe traditionnelle de saint Pie V. Le rite romain dépasse les limites du missel traditionnel ; il englobe aussi, bien sûr, le nouveau missel de Paul VI. Libre à certains de préférer l’usage du missel de saint Pie V, parce qu’ils le considèrent comme meilleur. Mais c’est une simple question d’usage ; pour l’essentiel, les deux rites s’équivalent dans leur définition de rite romain, bon et légitime.
Telle est désormais la position de l’abbé Philippe Laguérie et de l’Institut du Bon Pasteur. « A saint Eloi, ce n’est pas à proprement parler le rite qui détermine la paroisse (la messe de Saint Pie V n’est pas un autre rite que le rite romain) mais un « autre motif : l’usage liturgique » (20). Il est alors logique de sa part de contester la critique radicale que poursuit envers et contre tous la Fraternité Saint-Pie X. Là où son illogisme nous étonne, c’est lorsqu’il objecte cette critique à la Fraternité, en lui reprochant de renier ses origines. Cela est inquiétant, car l’abbé Philippe Laguérie montre ainsi qu’il ne comprend plus grand chose ni à la Fraternité Saint Pie X ni aux véritables enjeux de la réforme liturgique de Paul VI.
Supérieur du District de France
NOTE A - Question de François-Xavier Peron et réponse de l'abbé Philippe Laguérie (22 février 2007)
Question : Monsieur l’abbé, Vous dites que la FSSPX jouit du rite tridentin de fait mais non de droit contrairement à votre institut. Mais ce rite n’est-il pas un droit perpétuel accordé par la bulle historique de St Pie V à ce sujet ? N’est-ce pas au contraire votre érection, qui donnant à l’IBP un « droit » à la liturgie tridentine, se trouve de fait dans l’illégalité ? Et cette question s’applique d’autant plus à toute la mouvance Ecclesia Dei. Au maximum, on vous a accordé quelque chose auquel vous aviez droit, ni plus ni moins. Qu’en pensez-vous ? Merci. François-Xavier PeronRéponse : Cher Monsieur Peron, Votre question me plait, beaucoup plus par sa subtile dialectique interne que par son fond. Mais bravo, vous avez su me provoquer à vous donner cette réponse. Une petite parabole, si vous le voulez-bien. Votre femme vient d’accoucher et vous voilà papa, d’un apollon du Belvédère, évidemment ; bravo encore ! Vous allez fièrement déclarer votre progéniture en mairie et vous tombez sur un officier d’état-civil qui, gentiment et de mille manières, vous félicite de votre exploit. Mais quand il enregistre votre paternité vous lui sautez à la gorge en lui expliquant que c’est un droit et que sa gentillesse il peut se la garder ! Gageons que vous ne lui mettez pas un coup de boule ! Une question : qu’eussiez-vous fait alors, s’il ne vous avait pas congratulé ou, pire encore, s’il avait mis en doute votre paternité et attenté à l’honneur de votre épouse… Nous sommes ici dans ce dernier cas, notez-le bien. Voilà des dizaines d’années qu’on nous conteste ce droit que nous avons à la messe traditionnelle et quand on le reconnaît enfin, vous affirmez que cette reconnaissance est un déni ! C’est sans solution… Vous mélangez allègrement, et avec quelque malice semble-t-il parce que vous m’avez l’air intelligent, le droit lui-même (qu’aucun de nous ne conteste) et sa reconnaissance par l’Autorité. Seriez-vous de ces positivistes juridiques, fort amusants s’ils n’étaient particulièrement dangereux ? Non pas : ils ne reconnaissent de légitimité qu’à la légalité. Vous faites bien plus : la légitimité disparaît avec la légalité. Et même avec la reconnaissance de celle-ci… Vous répondrez sans doute que la messe traditionnelle était non seulement légitime mais encore légale. Soit. C’est justement cela qui est reconnu et cela devrait vous réjouir…Un contre exemple intéressant : la nouvelle messe. Vous ne pourriez contester sa légitimité qu’en attaquant sa légalité ? A moins d’être sedevacantiste c’est bigrement léger. Avouez que l’argument serait dérisoire par rapport à l’enjeu ! C’est dans son fond que nous récusons la nouvelle liturgie et non dans son droit, dans sa légitimité et non dans sa légalité. Et je vous souhaite d’en faire autant parce qu’à ce compte on passe rapidement de la liturgie de Grégoire 1er à celle de Paul VI . Merci. Vous m’avez bien détendu (je parle vrai) et si vous en avez d’autres comme celle là, n’hésitez surtout pas. Au fait, si vous êtes marié, mes respects à la digne épouse d’un parfait honnête homme. Abbé Philippe LaguérieNote B : Question de Luc Jaulin et réponse de l'abbé Philippe Laguérie (17 avril 2007)
Question : Monsieur l’Abbé, L’abbé de Cacqueray affirme dans sa Lettre aux amis et bienfaiteurs du mois d’avril, que vous-même et l’Institut du Bon Pasteur, vous avez reconnu la "légitimité" de la réforme de Paul VI (d’après un entretien de l’abbé de Tanoüarn dans Valeurs actuelles). Cette affirmation me laisse perplexe. En effet, d’après ce qui a été dit de vos statuts, vos prêtres célèbrent exclusivement le rite romain traditionnel et il me semble que devant l’Église, vous défendez mieux encore que la Fraternité St Pie X la légitimité de ce rite brutalement supprimé en 1970. Dans ce contexte, que signifie exactement le terme "légitimité" appliqué à la liturgie ? [Qu’en est-il selon vous de la position de l’abbé de Cacqueray : tiendrait-il implicitement la nouvelle messe pour invalide ?] Luc Jaulin, Nantes
Réponse : Cher ami, Telle qu’elle est formulée par M. l’abbé de Cacqueray dans la lettre aux amis et bienfaiteurs n° 70 d’avril 2007, la position de l’Institut du Bon Pasteur sur la messe est caricaturée jusqu’à la fausseté. Citons le passage : « Nous ne pouvons donc que protester lorsque des prêtres, qui ont obtenu pour eux l’autorisation de célébrer selon l’ancien rite – qu’il s’agisse de prêtres de la Fraternité Saint-Pierre ou désormais de l’Institut du Bon Pasteur – affirment pour les premiers l’orthodoxie de la nouvelle messe et, pour les autres, ont déjà admis sa légitimité ». Où donc l’abbé de Cacqueray a-t-il pioché cette position donnée par lui comme étant celle des prêtres du Bon Pasteur ? Dans un document officiel dudit Institut ? Dans une communication de son supérieur ? Pas du tout ! Mais dans un entretien de l’abbé de Tanoüarn avec un journaliste dans Valeurs Actuelles, faussement interprété hors de son contexte et déformé comme nous allons le voir. Du reste, la Fraternité saint Pie X ne reconnaît-elle pas la légitimité de la messe en français face au peuple, proposée officiellement aux prêtres diocésains comme une étape par l’abbé de la Rocque, dans sa lettre d’accompagnement du DVD sur le rite de St Pie V (cf. le message "Lettre de l’abbé de la Rocque" du 11 février 2007 sur ce blog) ? A ce compte et avec les mêmes méthodes, je pourrais tout aussi aisément « démontrer » que la FSSPX admet la possible légitimité de la « messe Pie-Paul » envisagée par l’abbé Celier (cf son livre Benoît XVI et les traditionalistes, approuvé par l’abbé de Cacqueray), et mille autres choses semblables… Dieu me préserve toutefois de ce genre d’amalgame intellectuellement douteux. Voyons à présent la phrase incriminée de notre cher confrère avant d’ouvrir la vraie question. Il s’agit d’un débat avec Jean-Pierre Denis (eh oui !) paru dans Valeurs actuelles en date du 2 décembre 2006. Tout ceci a de l’importance. Car précisément, au cours du long paragraphe qui précède, l’abbé de Tanoüarn vient de rappeler fortement ce qui distingue essentiellement les deux rites : l’aspect mis ou non sur la valeur sacrificielle de la messe. Et de conclure que la préférence pour le rite traditionnel est donc, sur ce motif, « profonde et non subjective ou esthétique ». Dès lors, le mot légitime utilisé dans la conclusion ne peut évidemment pas avoir le sens que lui prête l’abbé de Cacqueray dans son amalgame avec orthodoxe. Il prend analogiquement, s’agissant d’une loi liturgique de l’Église qui est de constitution divine, le sens que lui donne le dictionnaire Larousse : « qui a les qualités requises par la loi ». Ou le premier sens donné par le Petit Robert : « qui est juridiquement fondé, consacré par la loi ». Citons l’abbé de Tanoüarn : « Cela dit, bien entendu, si au nom de cette préférence [pour le rite traditionnel], on anathémise tous les autres et on dit que le rite rénové n’est pas légitime, on a rien à faire dans l’Eglise ». Il est donc manifeste que le terme légitime employé ici pour qualifier le nouveau rite désigne d’abord sa cause efficiente, l’Autorité compétente en la matière et son droit à légiférer en ce domaine. L’utilisation de cette citation pour faire dire à l’abbé de Tanoüarn (et par lui, on l’a vu, à tous les prêtres de l’Institut !) que le contenu du rite nouveau serait entièrement bon est simplement frauduleuse. A y bien regarder, c’est même traiter son cousin de sot, lequel vient d’affirmer le contraire sur un paragraphe entier. Considéré sous le seul aspect de la puissance à légiférer le mot légitime a bien le sens français premier de légal. Et j’ose espérer, toujours sous cet aspect, que la Fraternité tient bien cette thèse… L’abbé de Tanoüarn explique par ailleurs dans un article d’Objections n° 8, p. 18 l’usage qu’il fait du terme : « Ce qu’il faut considérer avant tout, plutôt que de s’étriper sur les positions des uns ou des autres, c’est la légitimité que chacun possède à se déclarer catholique. » Si l’on se réfère donc à l’intention de l’auteur, ce qu’il entend par légitimité du nouveau rite, c’est la constitution même de l’Église qui garantit que ceux qui observent correctement ce rite ne peuvent être déclarés par quiconque membres (ou ministres) illégitimes de l’Église romaine. Le respect mutuel et l’apaisement entre catholiques en dépend, au cœur même des discussions doctrinales sur la Messe. Mais une autre considération capitale saute à l’esprit : ce que l’abbé de Tanoüarn appelle légitimité se rapporte concrètement, non à une prétendue obligation de célébrer ce nouveau rite, mais tout simplement à sa validité, reconnue comme telle, en son principe, par la Fraternité saint Pie X, ainsi que l’absence d’hérésie formelle dans son contenu – ce qui ne signifie pas que ce contenu soit bon et sans danger. Tout concourt à le démontrer, en effet : s’il pouvait arriver qu’un rite universel, promulgué par l’Autorité compétente, soit invalide et formellement hérétique, alors oui, les portes de l’Enfer auraient prévalu sur l’Épouse de Jésus-Christ. Ce qui est impossible. Le sens de la Foi, que possèdent les fidèles bien mieux que les théologiens, le clame hautement. J’invite donc notre cher confrère, M. l’abbé de Cacqueray, à se ressouvenir du serment qu’il a dû prêter lui-même sur ce point avant son ordination, affirmant certes, l’ambiguïté dans l’expression de la foi aux saints Mystères, mais admettant la « validité » intrinsèque et « l’absence d’hérésie formelle » dans la Messe de Paul VI. En prêtant ce serment exigé par Ecône à ses futurs prêtres, les abbés de la Fraternité ont tous juré qu’ils admettaient en ce sens la légitimité du nouveau rite, définie telle qu’on l’a dit : rite promulgué par l’autorité compétente de l’Église, par conséquent exempt d’hérésie formelle, et en lui-même valide – de sorte que se renier sur ce point reviendrait non seulement à douter de la constitution divine de l’Église, mais serait encore un parjure… Il faut donc être très clairs et précis sur la critique théologique constructive que nous proposons, vous et nous, de la réforme liturgique. Nous affirmons que l’abrogation du rite grégorien, imposée dans les faits et non en droit en 1970, a été, elle, bel et bien gravement illégitime, comme l’a démontré l’annexe au livre Le Problème de la réforme liturgique paru en 2001, et comme l’ont reconnu depuis de nombreux cardinaux. Cette illégitimité radicale n’a-t-elle pas fondé Mgr Lefebvre à « désobéir » légitimement, en se soustrayant à la fausse obligation de célébrer le rite nouveau (cf le ch. 13 du livre de l’abbé Héry, Non lieu sur un schisme) ? Nous continuons d’affirmer de surcroît que la réforme Bunigni-Paul VI, de par son contenu et non de par l’autorité de sa promulgation, « s’éloigne de façon impressionnante de la théologie catholique de la Messe telle que définie au concile de Trente », comme le signèrent si bien les cardinaux Ottaviani et Bacci à l’époque. Faire dire autre chose à l’Institut du Bon-Pasteur est une pure diffamation qui se doit d’être réparée. Abbé Philippe Laguérie
Note C : Question de D. Balter et réponse de l'abbé Philippe Laguérie (3 avril 2007)
Question : Bonjour M. l’abbé, Un prêtre de la FSSPX m’a dit il y a quelques mois que je ne devais pas communier avec une hostie consacrée à une messe de Paul VI. Selon lui, la communion est l’acte le plus fort d’approbation du rite. De même, j’ai cru lire que le supérieur du séminaire de la FSSPX en Australie interdit à ses ouailles de participer à une adoration eucharistique où l’hostie exposée a été consacrée au cours d’une messe de Paul VI. Je suis un peu surpris car depuis bientôt 20 ans que je fréquente les chapelles de la FSSPX, j’avais cru comprendre que si l’assistance à la nouvelle messe était bien sûr déconseillée, ces questions de communion et d’adoration occasionnelles étaient plutôt laissées à la discrétion des fidèles… Je me souviens aussi qu’à plusieurs occasions (pèlerinages, mariages dans des églises paroissiales) j’ai vu des prêtres de la Fraternité puiser dans les tabernacles des sanctuaires en question pour distribuer la communion aux fidèles. D’où mes questions : Quelle était la position « officielle » de la FSSPX sur ce sujet dans les années 80/90 ? Cette position a-t-elle changé ? Quelle est maintenant la position de l’IBP ? Merci d’avance pour vos réponses et croyez en mes respectueux et néanmoins cordiaux sentiments. D Balter - Nantes
Réponse : Bien cher monsieur Balter, Vous me demandez, en sorte, quelle est la position de la Fraternité saint Pie X sur les espèces eucharistiques. Ma première réaction est tout naturellement de vous conseiller de le leur demander. Je n’ai évidemment aucun mandat pour répondre au nom de la Fraternité, même si les journalistes, depuis quatre ans, continuent de me solliciter comme « porte-parole » de ladite Fraternité. Mais avant qu’un journaliste comprenne une situation religieuse, comme dit l’autre, les poules auront des dents ! Pour vous faire rire : une anecdote. En 1995, au pèlerinage de Chartes, le journaliste de FR3 m’aborde et me demande s’il pouvait rencontrer Mgr Lefebvre (décédé en 91 comme chacun sait, à l’exception de ce spécialiste). Je me suis contenté de répondre que Mgr était un peu fatigué ; mais que, s’il voulait bien, je pouvais lui ménager une interview avec le vieux Pie V, encore plus prestigieux, qui se trouvait là. Il m’a suivi de chapitre en chapitre pendant un petit moment, jusqu’à ce que je me retourne pour lui dire que l’un était mort depuis quatre ans et l’autre depuis quatre siècles. Du temps, pas si lointain, où je servais Dieu dans la Fraternité on enseignait ceci (et il n’y a aucune raison pour que les choses aient changé depuis). La nouvelle messe, célébrée selon les rubriques du missel de Paul VI, mises de côté les aberrations de célébrants fantaisistes et impies, est valide. Dès lors le respect et l’adoration dûs aux espèces eucharistiques est en tout point semblable à celui du fruit de la messe grégorienne. Sans préjudice de l’analyse théologique fort différente portée sur les rites eux-mêmes. Vous me direz qu’on ne sait jamais ce qu’un prêtre a pu inventer dans sa dernière célébration, (il est vrai, hélas) étant présumée totalement bonne son intention ; là-dessus je suis résolument thomiste, c’est-à-dire externiste, un homme ayant l’intention de faire tout bonnement ce qu’il fait. Nous n’avons pas, salvo meliore judicio, à juger de cette hypothèse qui ne tient compte que de la circonstance invérifiable pour nous en tenir à la règle moralement probable. Je vous rappelle qu’une probabilité, au sens thomiste, est largement suffisante et même contraignante de l’agir moral. La conclusion est claire et sans discussion possible, mis de côté les simples états d’âmes : la vénération et l’utilisation des espèces eucharistiques est équivalente eu égard à leur consécration dans l’ancien ou le nouveau rite. Ce qui, encore une fois, ne dit rien sur la différence théologique profonde des deux rites eux-mêmes. Je suis prêt à me rétracter sur ce point si quelqu’un parvient à me démonter le contraire, à savoir que : la nouvelle messe étant reconnue comme valide et compte tenu des règles de la morale ci-dessus rappelées, il faille vouer aux espèces eucharistiques un culte (de latrie) différent selon le rite de la messe qui les confectionnent. Vous noterez au passage que vous ne pouvez soupçonner l’intention du célébrant qu’en cas de difformité du rite lui-même (toujours la thèse thomiste). Ceci valant pour tout rite. Dès lors, si vous affirmez que le rite, quel qu’il soit, est valide, vous vous interdisez de juger de l’intention du célébrant au regard de la confection véritable de la présence réelle et du renouvellement du sacrifice du Seigneur, accomplis dans le même acte, comme on sait. C’est la validité du rite qui est ici seule en jeu. La perversité de l’intention (qui peut aller jusqu’aux messes noires !) n’a rien à voir avec notre débat. Que cela vous plaise ou non, vous devriez adorer le Seigneur dans le fruit eucharistique d’une messe noire célébrée par un prêtre validement ordonné, ayant l’intention de faire ce que fait l’Eglise et qui, évidemment, utilise un rite valide. Vous pouvez constater que l’I.B.P, la Fraternité saint Pie X et tous les théologiens catholiques tiennent et doivent tenir le même langage qui est celui de la théologie catholique et de son Docteur Commun : Saint Thomas d’Aquin. Il n’y a que ceux qui tiennent la nouvelle messe pour invalide qui peuvent avoir un comportement différent. Mais nous embarquerions là, cher ami, sur une nouvelle galaxie qui a ceci de particulier que ses habitants, extra-terrestres inavoués et crypto-sedevacantistes notoires n’osent plus, Dieu merci, soutenir leur thèse. Quand j’étais plus jeune quelques- uns s’y risquaient fièrement, comme cette femme courageuse qui en fit une brochure, Maria Davidoglou, ou encore le père Barbara. Ils sont excusables car, à l’époque, on pouvait sérieusement se demander ce qui pouvait se passer dans la tête des curés. Que Dieu ait leurs âmes ! Vous avez la position du bon sens et de la Théologie catholique : gardez-là. Abbé Philippe Laguérie
Note D : Déclaration de l'abbé de Tanoüarn dans Valeurs Actuelles n° 3653 du 2 décembre 2006
" Et donc, rien que du point de vue de ces différences d’accent, qu’il ne faut pas forcément exagérer, mais qui existent, et notre conversation en est un signe, je crois qu’il faut accepter la différence des rites et accepter qu’on puisse avoir une préférence fondée, profonde, pas seulement subjective ou esthétique, pour le rite traditionnel. Cela dit, bien entendu, si au nom de cette préférence on anathémise tous les autres et on dit que le rite rénové n’est pas légitime, on n’a rien à faire dans l’Eglise."