Pro Liturgia - Pro Liturgia - 15 avril 2007
Le Forum allemand du dialogue judéo-chrétien souhaite que le pape Benoît XVI n'autorise pas la célébration de l'ancienne liturgie dite "de S. Pie V". Dans une déclaration récente, ce Forum fait part de ses réticences au Saint Père, surtout pour ce qui concerne la liturgie du Vendredi saint dans l'ancien missel romain. En effet, dans les prières universelles du missel de 1962, on demande la conversion des Juifs. Le Forum estime qu'une telle demande est en totale contradiction avec le document conciliaire Nostra Aetate (chap. IV). Les membres du Forum déclarent: "Bien qu'on ait supprimé, dans ce missel [de 1962] des passages traitant les Juifs d'infidèles (perfidus) ou d'incroyants (perfidia), la formulation des prières universelles correspond à une formule figurant dans la liturgie depuis le Moyen-Age. Or, parler de l' "aveuglement" (obsecratio) du peuple juif ainsi que de sa marche dans les ténèbres, est en contradiction totale avec la déclaration conciliaire de Nostra Aetate."
Le Forum du dialogue judéo-chrétien fait remarquer le retour du missel de 1962 conduirait à un changement total, sur le plan théologique, de la façon de comprendre l'enseignement conciliaire sur le Juifs, et par là même, conduirait à un changement radical concernant la façon dont l'Eglise se comprend elle-même.
Dans l'ancienne liturgie, on priait pour que les Juifs reconnaissent Jésus-Christ comme la lumière de la Vérité. Le missel actuel reconnaît que le peuple juif suit son propre chemin de salut, selon la volonté divine. Dans la liturgie actuelle, on prie donc pour que les Juifs parviennent à "la plénitude de la rédemption".
Le Forum pour le dialogue judéo-chrétien note aussi des traces de marcionisme dans l'ancien missel romain: dans le missel "de S. Pie V", en effet, les lectures tirées de l'Ancien Testament sont peu nombreuses, ce qui laisse la porte ouverte à l'idée selon laquelle le Nouveau Testament serait en opposition avec l'Ancien Testament (doctrine de Marcion).
Ces remarques ne concernent pas uniquement les relations entre l'Eglise et le Judaïsme: il s'agit de questions théologiques fondamentales. Bien entendu, le Forum se borde à étudier la question de la libéralisation du rite d'avant Vatican II, et non la question de la liturgie en latin qui reste toujours possible et pleinement légitime selon le missel romain postconciliaire (édition de 2002).
En conclusion, le Forum invite vivement le pape Benoît XVI à ne pas réadmettre l'utilisation "ordinaire" du missel "tridentin", et ce pour ne pas entraver le dialogue judéo-chrétien si nécessaire de nos jours dans nos sociétés marquées tant par l'hédonisme que par le matérialisme.