30 juin 2012

[Mgr Alfonso de Galarreta, fsspx] Réflexions autour de la proposition romaine

SOURCE - Mgr Alfonso de Galarreta, fsspx - document de réflexion de Mgr de Galarreta suite à la réunion d’Albano d’octobre 2011

LE TEXTE ROMAIN
Pour me limiter à la « Note préliminaire » et au « Préambule doctrinal», je dois dire d’emblée qu’ils sont confus, équivoques, faux et mauvais pour l'essentiel. Même l’apparente ouverture à une critique du Concile est sibylline et rusée, un piège bien dressé («légitime [?] discussion... d’expressions ou de formulations...» selon les «critères d’interprétation de la doctrine catholique nécessaire...», c’est-à-dire, selon «Préambule» Il et III, 2, surtout in fine). Ce document est substantiellement inacceptable. Il est pire que le Protocole de 1988, en particulier par rapport au Concile et au magistère postconciliaire.
  • Monseigneur Lefebvre: «Nos vrais fidèles, ceux qui ont compris le problème et qui nous ont justement aidés à poursuivre la ligne droite et ferme de la Tradition et de la foi, craignaient les démarches que j’ai faites à Rome. Ils m'ont dit que c’était dangereux et que je perdais mon temps. Oui, bien sûr, j'ai espéré jusqu 'à la dernière minute qu'à Rome ont témoignerait d'un petit peu de loyauté. On ne peut pas me reprocher de ne pas avoir fait le maximum. Aussi maintenant, à ‘ceux qui viennent me dire: il faut vous entendre avec Rome, je crois pouvoir dire que je suis allé plus loin même que je n’aurais dû aller» (Fideliter n°79, p. 11).
  • «Fideliter: Que pensez-vous de l’instruction du cardinal Ratzinger instituant le serment de fidélité et que comporte une profession de foi ?
    Monseigneur Lefebvre : Il y a d’abord le Credo, qui ne pose pas de problème. Il est resté intact. Le premier et le deuxième alinéas ne pas non plus de difficultés. Ce sont des choses courantes au point de vue théologique.
    Mais le troisième est très mauvais. C’est pratiquement s’aligner sur ce que les évêques du monde entier pensent aujourd’hui. Dans le préambule il est d'ailleurs clairement indiqué que cet alinéa a été ajouté en raison de l'esprit du Concile. Il se réfère au Concile et au soi-disant magistère d'aujourd'hui qui est celui des conciliaires. Il aurait fallu ajouter: en tant que ce magistère est en pleine conformité avec la Tradition. Telle qu’elle est cette formule est dangereuse. Cela démontre bien l'esprit de ces gens avec lesquels- il est impossible de s’entendre. C’est absolument ridicule et faux – comme certains l'ont fait – de présenter ce serment de fidélité comme une résurgence du serment antimoderniste supprimé depuis le‘ Concile. Tout le venin est dans le troisième alinéa qui semble fait exprès pour- obliger ceux qui sont ralliés à signer cette profession de foi et d’affirmer leur plein accord avec les évêques.
    C'est comme si au temps de l'arianisme on avait dit, maintenant vous êtes en accord avec tout ce que pensent les évêques ariens.
    Non je n’exagère pas, c’est clairement exprimé dans l'introduction. C'est de la fourberie. On peut se demander si l’on n’a pas voulu à Rome, corriger ainsi le texte du protocole. Bien qu’il ne nous satisfasse pas, il paraît encore trop en notre faveur en l’article 3 de la déclaration doctrinale, car il n’exprime pas assez la nécessité de nous soumettre au Concile.
    Alors je pense qu’ils se rattrapent maintenant. Ils vont sans doute faire signer ces textes aux séminaristes de la Fraternité Saint-Pierre avant leur ordination et aux prêtres de cette Fraternité, qui vont alors se trouver dans l’obligation de faire un acte officiel de ralliement à l'Église conciliaire. A la différence du protocole, par ces nouveaux textes on se soumet au Concile et à tous les évêques conciliaires. C'est leur esprit et on ne les changera pas » (Fideliter, n° 70, p. 16).
  • « Fideliter : Pensez-vous que la situations: soit encore dégradée depuis que vous aviez – avant les sacres – engagé des conversations qui avaient abouti à la rédaction du protocole du 5 mai 1988
    Monseigneur Lefebvre : Oh oui ! Par exemple -la profession de foi qui est maintenant réclamée parle Cardinal Ratzinger depuis le début de l'année 1989. C’est un fait très grave. Car il demande à tous ceux qui se sont ralliés ou qui pourraient le faire de faire une profession de foi dans les documents du Concile et dans les réformes post-conciliaires. Pour nous c'est impossible » (Fideliter n°79, p. 4).
PRINCIPE DE JUGEMENT
De fait il correspond parfaitement à la pensée et à la position que la Commission Romaine a manifesté tout le long des discussions doctrinales. Il est essentiel pour la question actuelle d'avoir présent à l’esprit le constat indubitable que nous venons de faire à cette occasion : ils ne sont pas ‘prêts à renoncer au Concile Vatican II, ni aux doctrines libérales de celui-ci, et leur intention, leur volonté manifeste, est de nous y ramener. Tout au plus, Rome accepterait ‘un rééquilibrage et une meilleure formulation, toujours dans le cadre de l'herméneutique du renouveau dans la continuité ». Et là on peut discuter et nous sommes même utiles... pour cautionner le renouveau de la reforme avec la continuité.
IMPOSSIBLE ACCORD
Le document proposé ne fait que nous confirmer qu’il est illusoire et irréaliste de croire que nous pourrions arriver’ à un accord pratique bon, convenable et garanti, et même tout simplement acceptable pour les deux parties. Étant données les circonstances, il est certain qu'à la fin, après de longs parlements, nous n’arriverions à absolument rien. Alors, à quoi bon nous y engager ?
RAISONS D’UN REFUS
Suite à la proposition romaine, la vraie question, cruciale, est la suivante : devons-nous, pouvons-nous; nous engager dans la voie d'un « possible » accord pratique ? Est-il prudent et convenable de maintenir des contacts avec Rome en vue d'un tel accord ?

Pour moi la réponse est claire : nous devons refuser cette voie parce que nous ne pouvons pas faire un mal pour qu’un bien arrive (bien d'ailleurs incertain) et parce que cela va nécessairement engendrer des maux (très certains) pour le bien commun que nous possédons, pour la Fraternité et pour la famille de la Tradition.

Voici en résumé quelques unes des raisons de mon point de vue :
OBEIR A QUI?, A QUOI ?
I. Comment nous soumettre et obéir à des autorités qui continueront à penser, à prêcher, et à gouverner en modernistes ? Nous avons des fins et des buts contraires, des moyens différents même, comment travailler sous leurs ordres ?

Le problème n’est pas d’intentions subjectives, mais objectives, manifestes, du constat que nous venons de faire sur leur volonté : acceptation du Concile Vatican II et ses principes libéraux. Pour l'essentiel rien n'est changé, il n’y a pas de « retour ».
  • Monseigneur Lefebvre: « Ce sont des choses qui sont faciles à dire. Se mettre à I’intérieur de l’Eglise, qu’est-ce que cela veut dire ? Et d'abord de quelle Eglise parle-ton? Si c’est de l'Eglise conciliaire, il faudrait que nous‘ qui avons lutté contre elle pendant vingt ans parce que nous voulons I’Eglise catholique, nous dans cette Eglise conciliaire pour soi-disant la rendre catholique. C’est une illusion totale. ‘Ce ne sont pas les sujets qui font les supérieurs, mais les supérieurs qui font les sujets » (Fideliter n°70, p. 6)
     
  • Monseigneur Lefebvre: «je ne pense pas que ce soit un véritable retour. C'est comme dans un combat, quand on a l’impression que les troupes vont un peu trop loin, on les retient, on freine un tout petit peu l’élan de Vatican II, parce que. les tenants du Concile vont trop loin. D’ailleurs ces théologiens ont bien tort de s'émouvoir. Ces évêques sont tout acquis au Concile réformes post-conciliaires, à I’œcuménisme et au charismatisme.
    Apparemment ils font quelque chose d'un peu plus modéré, un peu de sentiment religieux traditionnel, mais ce n'est pas profond. Les grands principes fondamentaux du Concile, les erreurs du Concile, ils les accueillent, ils les mettent en pratique. Cela ne fait pas Au contraire, je dirais même que ce sont ceux-là qui sont les plus durs avec nous. Ce sont eux qui-exigeraient le plus que nous nous soumettions aux principes du Concile » (Fideliter n°70, p. 12).
  • Monseigneur Lefebvre: « C’était parfaitement clair et cela illustre bien leur état d'esprit. Il n'est pas question pour eux d'abandonner la nouvelle messe. Au contraire et cela est évident. C'est pourquoi ce qui peut apparaître comme une concession n'est en réalité qu'une manœuvre pour parvenir à détacher de nous le plus possible de fidèles. C'est dans cette perspective qu'ils semblent donner toujours un peu plus et aller très loin. Il nous faut absolument convaincre les fidèles qu’il s’agit bien dîme manœuvre, que c’est un danger de se mettre entre les mains des évêques conciliaires et de la Rome moderniste. C’est le plus grand danger qui les menace. Si nous avons lutté pendant vingt ans pour éviter les erreurs conciliaires, ce n’est pas pour nous mettre maintenant dans les mains de ceux qui les professeur » (Fideliter n°70, pp.. 13-14).
ATTEINTE A LA CONFESSION DE LA FOI
II. Comment alors ne pas aller contre la confession et la défense publiques de la foi, contre la nécessairement publique protection des fidèles et de l’Eglise ?

À cet égard, si nous faisons un accord purement pratique nous sommes, dans‘ les circonstances actuelles, déjà dans la duplicité et dans l’ambiguïté. Le fait même est un témoignage et un message publiques : nous rentrerions en pleine communion » avec des autorités qui demeurent modernistes.

Nous ne pouvons pas faire non plus abstraction du contexte, c’est-à-dire, des événements et des enseignements constants dans la vie de l’Eglise ‘actuelle : visites réitérées aux temples protestants et synagogues, béatification (bientôt canonisation de Jean Paul Il, Assis III, prédication à temps et contretemps de la liberté religieuse, et- un long etcetera.

Par ailleurs si nous faisons un accord nous perdrons la liberté de parole, nous devrons mettre en sourdine nos critiques publiques des faits, des autorités et même de Certains textes du Concile et du magistère postconciliaire.

Pour comprendre et illustrer les points 1 et II, il suffit de regarder ‘ce qui est arrivé avec tous les ralliés, depuis la F. St. Pierre jusqu’à l’IBP : ils sont inéluctablement devant l’alternative de céder ou trahir leurs engagements... et c’est le premier qui arrive.
  • « Fideliter: Quand on voit que Dom Gérard et la Fraternité Saint-Pierre ont obtenu de conserver la liturgie et le catéchisme, sans – disent-ils – n’avoir rien concédé, certains qui sont troublés de se trouver en situation difficile avec Rome, peuvent être tentés. a‘ la longue de se rallier à leur tour par lassitude. « Ils arrivent bien, disent-ils, à s’entendre avec Rome sans n'avoir rien lâché ».
    Monseigneur Lefebvre : Quand ils disent qu’ils n'ont rien lâché, c’est faux. Ils ont lâché la possibilité de contrer Rome. Ils ne peuvent plus rien dire. Ils doivent se taire étant données les faveurs qui leur ont été accordées. Il leur est maintenant impossible de dénoncer les erreurs de l’Eglise conciliaire. Tout doucement ils adhèrent, ne serait-ce que par la profession de foi qui est demandée par le cardinal Ratzinger. je crois que Dom Gérard est en passe de faire paraître un petit livre rédigé par l'un de ses moines, sur la liberté religieuse et qui va essayer de la justifier » (Fideliter n°79, pp 4-5).
     
  • Fideliter: Depuis les sacres il n’y a plus de contacts avec Rome cependant comme vous l’avez raconté, le cardinal Oddi vous a téléphoné en vous disant : « Il faut que les choses s'arrangent. Demandez un petit pardon au Pape et il est prêt à vous accueillir ». Alors pourquoi ne pas tenter cette ultime démarche et pourquoi vous paraît-elle impossible ? »
    Monseigneur Lefebvre: C’est absolument impossible dans le climat actuel de Rome qui devient de plus en plus mauvais. Il ne faut pas se faire d’illusions. Les principes qui dirigent maintenant l'Église conciliaire sont de plus en plus ouvertement contraires à la doctrine catholique.
    Devant la Commission des droits de l’homme des Nations Unies, le cardinal Casaroli a récemment déclaré : «Je désire m’attarder quelque peu sur un aspect spécifique de la Iiberté fondamentale de pensée et d'agir selon sa conscience, donc la liberté de religion. L'Eglise catholique et son Pasteur suprême, qui a fait. des droits de l’homme l'un des grands thèmes de sa prédication, n'ont pas manqué de rappeler que, dans un monde fait par l’homme et pour l’homme, toute l'organisation de la société n’a de sens que dans la mesure où elle fait de la dimension humaine une préoccupation centrale». Entendre cela dans la bouche d'un cardinal! De Dieu il n'en parle pas ?
    De son côté le cardinal Ratzinger, en présentant un document fleuve sur les relations entre le Magistère et les théologiens, dit-il « pour la première fois avec clarté » que « des décisions du Magistère ne peuvent être le dernier mot sur la matière en tant que telle » mais « une espèce de disposition provisoire... Le noyau reste stable mais les aspects particuliers sur lesquels ont une influence les circonstances du temps peuvent avoir besoin de rectifications ultérieures. A cet égard on peut signaler les déclarations des papes du siècle dernier. Les décisions antimodernistes ont rendu un grand service... mais elles sont maintenant dépassées». Et voilà, la page du modernisme est tournée ! Ces réflexions sont absolument insensées.
    Enfin le Pape est plus œcuméniste que jamais. Toutes les idées fausses du Concile continuent de se développer, d’être réaffirmées avec toujours davantage de clarté. Ils se cachent de moins en moins. Il est donc absolument inconcevable que l’on puisse accepter de collaborer avec une hiérarchie semblable » (Fideliter n°79, pp. 34).
     
  • « Fideliter: Vous avez dit en désignant Dom Gérard et les autres : « Ils nous trahissent. Ils donnent maintenant la main à ceux qui démolissent I’Eglise, aux libéraux, aux modernistes ». N 'est-ce pas un peu sévère ?
    Monseigneur Lefebvre : Mais non. Ils ont fait appel à moi pendant quinze ans. Ce n’est pas moi qui suis allé les chercher. Ce sont eux4mêmes qui sont venus vers moi pour me demander des appuis, de faire des ordinations, l'amitié de nos prêtres en même temps que I’ouverture de tous nos prieurés pour les aider financièrement. Ils se sont tous servis de nous tant qu’ils ont pu. On l’a fait de bon cœur et même généreusement. J'ai été heureux de faire ces ordinations, d'ouvrir nos maisons pour qu'ils puissent profiter de la ‘générosité de nos‘ bienfaiteurs... Et puis, tout à coup, on me téléphone : on n'a plus besoin de vous, ,c’est terminé. Nous irons chez l’archevêque d’Avignon. On est maintenant d'accord avec Rome. Nous avons signé un protocole.
    Ce n’est pas de gaieté de cœur que nous avons eu des difficultés avec Rome.. Ce n’est pas par plaisir que nous avons dû nous battre. Nous l’avons fait pour des principes, pour garder la foi catholique. Et ils étaient d’accord avec nous. Ils collaboraient avec nous. Et puis tout à coup oh abandonne le vrai combat pour s’allier aux démolisseurs sous prétexte qu’on leur accorde quelques privilèges. C'est inadmissible.
    Ils ont pratiquement abandonné le combat de la foi. Ils ne peuvent plus attaquer Rome.
    C’est ce qu’a fait aussi le Père de Blignières. Il a changé complètement. Lui qui avait écrit tout un volume pour condamner la liberté religieuse, il écrit maintenant en faveur de la liberté religieuse. Ce n'est pas sérieux. On ne peut plus compter sur des hommes comme ceux-là, qui n'ont rien compris à la question doctrinale.
    J’estime en tout cas qu’ils commettent une grave erreur. Ils ont péché gravement en agissant comme ils l’ont fait, sciemment avec une désinvolture invraisemblable » (Fideliter n°79, p.6)
LA QUESTION DOCTRINALE, PROBLÈME ESSENTIEL
III. Il faut regarder le cadre dans lequel ils entendent nous incorporer. Un accord est, qu’on le veuille ou non, nous intégrer dans leur système, dans une pensée et une réalité données qui ne dépendent pas de nous mais qui dépendent de leur pensée, leur théologie et leur action. Et c'est comme cela qu’ils vont le présenter (cf. Campos, texte signé par Mgr. Licinio).

Or, nous venons de constater dans les discussions doctrinales quelle est leur conception : du pur modernisme révisé et corrigé.

En particulier il y en aura sous-entendus trois principes que nous accepterions implicitement :

1.- Relativisme de la vérité, même dogmatique, nécessité du pluralisme dans l’Eglise. Pour eux nous avons l'expérience et le charisme de la Tradition, bons et utiles à l’EgIise, mais seulement vérité partielle.

Leur système moderniste et dialectique (qui réclame les contraires) leur permet de nous intégrer au nom de « l’unité dans la diversité », comme un élément positif et même nécessaire, pourvu que nous soyons dans la pleine communion (soumission à l'autorité et respect des autres personnes et réalités ecclésiales) et que nous restions ouverts au dialogue, toujours à la recherche de la vérité.

La preuve de ceci en est à nous accepter après le constat de part et d’autre, d’une opposition doctrinale de foi foncière et essentielle.

Comment accepter implicitement un tel principe, par une intégration explicite dans leur système et par l'interprétation officielle qu'ils en donneront, alors qu’il est le fondement même du modernisme et qu’il est destructeur de toute vérité naturelle et surnaturelle ?

C’est accepter le relativisme de la Tradition, de la seule vraie foi.

2.- On peut interpréter tout Vatican Il en accord avec la Tradition. Nous pourrions aider à trouver, au besoin, la « bonne » interprétation. C’est « l’herméneutique de la continuité». «L’herméneutique de la rupture » (alors que c’est la vraie) doit être rejetée, parce que ni Vatican II ni le magistère postconciliaire majeur ont pu se tromper. Après les discussions et le document proposé, il n’est que trop clair, ne nous accepteraient que dans le cadre de la première et le rejet de la seconde.

C’est avaliser Vatican II.
  • Monseigneur Lefebvre: « Les réponses à nos objections qui nous ont été envoyées de Rome par des intermédiaires, tendaient toutes à démontrer qu’il n'y avait pas de changement, mais continuation de la Tradition. Ce sont des affirmations qui sont pires que celles de la Déclaration conciliaire sur la liberté religieuse. C'est le vrai mensonge officiel. Tant qu'à Rome on restera attaché aux idées ConciIiaires : liberté religieuse, œcuménisme, collégialité... on fera fausse route. C’est grave parce que cela va jusque dans des réalisations pratiques. C’est cela qui justifie la visite du Pape à Cuba. Le Pape visite ou reçoit les chefs communistes tortionnaires ou assassins qui ont du sang de chrétiens sur les mains, comme s’ils étaient aussi dignes que des honnêtes gens » (Fideliter n°70, p. 8).
3.- La -vérité de foi évolue, les dogmes aussi, les formules dogmatiques et les définitions de la foi sont seulement des approches substantiels aux mystères de la foi. Le noyau demeure, tout le reste évolue au gré des temps, des cultures, des circonstances historiques, de l'expérience et du vécu du"Peuple de Dieu.

En Conséquence la Tradition est vivante, la Tradition c’est Vatican II, les condamnations du libéralisme et du modernisme sont dépassées.
  • Monseigneur Lefebvre: « C’est pourquoi ils ont voulu que Vatican II soit un Concile pastoral et non un Concile dogmatique, parce qu'ils ne croient pas à l’infaillibilité. Ils ne veulent pas de vérité définitive. La Vérité doit vivre et doit évoluer. Elle peut changer éventuellement avec le temps, avec l'histoire, la science, etc... L'infaillibilité, elle, fixe à jamais une formule et une vérité qui ne changent plus. Cela ils ne peuvent pas y croire. C'est nous qui sommes avec l'infaillibilité, ce n'est pas I’Eglise conciliaire. Elle est contre l'infaillibilité, c’est absolument certain.
    Le cardinal Ratzinger est contre l’infaillibilité, le Pape est contre l'infaillibilité de par sa formation philosophique. Que l’on nous comprenne bien, nous ne sommes pas contre le Pape en tant qu'il représente toutes les valeurs du siège apostolique, qui sont immuables, du siège de Pierre, mais contre le Pape qui est un moderniste qui ne croit pas à son infaillibilité, quifait de l’œcuménisme. Evidemment nous sommes contre l’Eglise conciliaire qui est pratiquement schismatique, même s'ils ne l’acceptent pas. Dans la pratique c'est une Eglise virtuellement excommuniée, parce que c'est une Eglise moderniste. Ce sont eux nous excommunient, alors que nous voulons rester catholiques. Nous voulons rester avec le Pape catholique et avec l'Église catholique. Voilà la différence » (Fideliter n°70, p. 8).
  • Monseigneur Lefebvre: « Mais précisément, nous ne sommes pas dans la même vérité. Pour eux la vérité est évolutive, la vérité change avec le temps, et la Tradition : c’est Vatican II aujourd’hui. Pour nous la Tradition c'est ce que l'Eglise a enseigné depuis les apôtres jusqu'à nos jours. Pour eux, non, la Tradition c’est Vatican II qui résume en lui-même tout ce qui a été dit précédemment. Les circonstances historiques sont telles que maintenant il faut croire ce que Vatican II a fait. Ce qui s'est passé avant, çà n'existe plus. Cela appartient au temps passé. C'est pourquoi le Cardinal n’hésite pas à dire « Le Concile Vatican Il est un anti-Syllabus ». On se demande bien comment un cardinal de la Sainte Eglise peut dire que le Concile de Vatican II est un anti-Syllabus, un acte très officiel du Pape Pie dans l’encyclique Quanta Cura. C’est inimaginable.
    J'ai dit un jour au cardinal Ratzinger : « Eminence, il faut que nous choisissions : ou bien la liberté religieuse telle qu’elle est dans, le bien le Syllabus de Pie Ils sont contradictoires et il faut choisir. » Alors il m'a dit : « Mais Monseigneur nous ne sommes plus au temps du Syllabus. – Ah ! Ai-je dit, alors la vérité change avec le temps. Alors ce que vous me dites aujourd’hui, demain ce ne sera plus vrai. Il n’y a plus moyen de s’entendre, on est dans une évolution continuelle. Il devient impossible de parler ».
    Ils ont cela dans l'esprit. Il m’a répété : « Il n’y a plus qu’une Église, c’est l’Eglise de Vatican II. Vatican II représente la Tradition ». Malheureusement, l’Eglise de Vatican II s’oppose à la Tradition. Ce n'est pas la même chose» (Fideliter n° hors série - 29-30 juin, p. 15).
     
  • Monseigneur Lefebvre : « Certainement la question de la liturgie et des sacrements est très importante, mais ce n’est pas la plus importante. La plus importante c'est celle de la foi. Pour nous elle est résolue. Nous avons la foi de toujours, celle du concile de Trente, du catéchisme de saint Pie X, de tous les conciles et de tous les papes d'avant Vatican II.
    Pendant des années ils se sont efforcés à Rome de montrer que tout ce qui était dans le Concile était parfaitement conforme à la Tradition. A présent ils se découvrent. Le cardinal Ratzinger ne s'était jamais prononce’ avec autant de clarté. Il n'y a pas de Tradition. Il n'y a plus de dépôt à transmettre. La tradition dans l’Eglise, c'est ce que dit le Pape aujourd'hui. Vous devez vous soumettre à ce que le Pape et les évêques disent aujourd’hui. Pour eux voilà la tradition, la fameuse tradition vivante, seul motif de notre condamnation.
    Ils ne cherchent plus maintenant à prouver que ce qu'ils disent est conforme à ce qu'a écrit Pie IX, à ce qu'a promulgué le concile de Trente. Non tout cela est fini, c'est dépassé, comme dit le cardinal Ratzinger. C’est clair et ils auraient pu le dire plus tôt. Ce n'était pas la peine de nous faire parler, de discuter. C'est maintenant la tyrannie de l'autorité, parce-qu’il n'y a plus de règle. On ne peut plus se référer au passé.
    Dans un sens les choses deviennent aujourd'hui plus claires. Elles nous donnent toujours davantage raison. Nous avons affaire à des gens qui ont une autre philosophie que la nôtre, une autre manière de voir, qui sont influencés partons les philosophes modernes et subjectivistes. Pour eux iI n’y a pas de vérité fixe, il n’y a pas de dogme. Tout est en évolution. C'est là une conception tout à fait maçonnique. C'est vraiment la destruction de la foi. Heureusement, nous, nous continuons de nous appuyer sur la Tradition (Fideliter, n°79, p. 9).
     
  • Monseigneur Lefebvre : « Le Pape veut faire l'unité en dehors de la foi. C’est une communion. Une communion à qui? A quoi? En quoi? Ce n’est plus une unité. Celle-ci ne peut se faire que dans l'unité de la foi. C'est ce que l’Eglise a toujours enseigné. C’est pourquoi il y avait les missionnaires, pour convertir à la foi catholique. Maintenant il ne faut plus convertir. L'Eglise n'est plus une société hiérarchique, c’est une communion. Tout est faussé. C'est la destruction de la notion de l'Eglise, du catholicisme. C’est très grave et cela explique que nombreux soient les catholiques qui abandonnent la foi» (Fideliter, n°79, p. 8).
LE VRAI COMBAT EST DOCTRINAL
Dans toutes les révolutions, après la « fureur » et la « terreur » il y a un temps de rééquilibrage dans la nouvelle situation, une période d’institutionnalisation. D’autre part il est prévisible que, si retour il y en a, il soit graduel. Nous savons donc à l’avance qu'il y aura des phases plus confuses : à côté d’un mieux dans la pratique et peut-être dans les intentions, d’un peu plus d'ordre (tout cela par rapport au pire), il y aura nécessairement une aggravation par rapport à la clarté des choses, l’erreur sera plus trompeuse ,et séductrice, moins évidente et plus subtile, bref, beaucoup plus dangereuse... capable de tromper même les élus. L’erreur est plus équivoque et dangereuse lorsqu’elle rassemble d'avantage à la vérité, comme par exemple la fausse monnaie

Nous savons donc à l'avance que notre combat et notre position seront de moins en moins compris, plus difficiles à expliquer, à justifier et à maintenir. Les choses vont nécessairement évoluer comme cela: il faut donc une réponse appropriée de notre part, pour ainsi dire, inversement proportionnelle à la confusion.

Les trois raisons citées ci-dessus montrent que nous sommes dans cette phase d’une fausse restauration, d'un faux retour. L'attitude du Pape et de la Curie romaine - beaucoup plus confuse, contradictoire et séductrice – n’a que l’apparence de Tradition.

Il faut bien distinguer les bons aspects du pontificat actuel -accidentels ou ponctuels- de l’enseignement et de la direction doctrinale.

Or, notre combat est doctrinal. C’est sur le terrain doctrinal que se joue la victoire ou la défaite de la foi et par là de tous les biens de l’Eglise.
  • Cardinal Pie : « Ne dirait-on pas que certains hommes ne veulent un peu d'ordre dans les faits que pour faire revivre impunément le désordre dans les esprits, et qu’ils ne demandent au ciel quelque sécurité matérielle que pour avoir le droit de reprendre, sans trop de danger, le vieux tissu de leurs mensonges un instant interrompu par la peur ? Insensés, de n'avoir pas encore compris que c’est, en définitive, sur le terrain de la doctrine que se gagnent ou se :perdent les batailles qui décident de l'avenir !Non, toute une portion de la société ne saurait garder plus longtemps cette attitude dans laquelle nous sommes encore condamnés à la peindre: la plume en main pour enseigner toujours les mêmes principes, I’arme‘au bras pour en exterminer les conséquences; descendant volontiers le soir dans la rue pour fusiller es actes provoqués par les doctrines et par les exemples du matin. Contradiction toujours renaissante, et que ne cessera qu'autant que Ies hommes qui ont quelque autorité et quelque ascendant sur leurs semblables, embrasseront sincèrement la vérité et la pratique chrétiennes » (Œuvres, t. II, pp. 170-171).
  • « Fideliter: Le Cardinal Oddi a récemment déclaré : « je suis persuadé que la rupture ne durera pas longtemps et que Mgr Lefebvre regagnera assez tôt l’Eglise de Rome.» De même prête-t-on au Pape et au cardinal Ratzinger le sentiment que Lefebvre » n’est pas terminée. Dans votre dernière lettre au Saint Père vous déclariez attendre des temps plus propices au retour de Rome à la Tradition. Que pensez-vous d'une éventuelle reprise des conversations avec Rome ?
    Monseigneur Lefebvre : Nous n’avons pas la même façon de concevoir la réconciliation. Le cardinal Ratzinger la voit dans le sens de nous réduire, de nous ramener à Vatican II. Nous, nous la voyons comme un retour de Rome-à la Tradition. On ne s’entend pas. C'est un dialogue de sourds. je ne peux pas beaucoup parler d’avenir, Car le mien est derrière moi. Mais si je vis encore un peu et en supposant que d'ici à un certain temps Rome fasse un appel, qu'on veuille nous revoir, reprendre langue, à ce moment-là c'est moi qui poserais les conditions. je n’accept,erai plus d’être dans la situation où nous nous sommes trouvés lors des colloques. C’est fini.
    Je poserais la question au plan doctrinal : « Est-ce que vous êtes d'accord avec les grandes encycliques de tous les papes qui vous ont précédés. Est-ce que vous êtes d'accord avec Quanta Cura de Pie IX, Immortale Dei, Libertas de Léon XIII, Pascendi de Pie X , Quas Primas de Pie XI, Humani generis de Pie XII ? Est-ce que vous êtes en pleine communion avec ces papes et avec leurs affirmations ? Est-ce que vous acceptez encore le serment antimoderniste ? Est-ce que vous êtes pour le règne social de Notre Seigneur Jésus-Christ ?
    Si vous n'acceptez pas la doctrine de vos prédécesseurs, il est inutile de parler. Tant que vous n'aurez pas accepté de réformer le Concile en considérant la doctrine de ces papes qui vous ont précédés, il n’y a pas de dialogue possible. C'est inutile.
    Les positions seraient ainsi plus claires.
    Ce n'est pas une petite chose qui nous oppose. II ne pas qu’on nous dise : vous pouvez dire la messe ancienne, mais il faut accepter cela. Non, ce n'est pas que cela Non, ce n’est cela qui nous oppose, c’est la doctrine. C'est clair» (Fideliter, n° 66, pp. 12-14).
ENTRER DANS LA CONTRADICTION
IV. Aller. dans le sens d’un accord pratique serait renier notre parole et nos engagements devant nos prêtres, nos fidèles, Rome et devant tout le monde. Cela aurait des conséquences négatives énormes ad intra et ad extra.

Il n’y a aucun changement au point de vue doctrinal de la ‘part de Rome qui justifierait le nôtre. Bien au contraire, les discussions ont démontré qu'ils n'acceptent en rien nos critiques.

Il serait absurde de notre part d’aller dans le sens d’un accord pratique après le résultat et les constatations des discussions, Ou alors il faudrait penser que Mgr. Riffan et l’abbé Aulagnier avaient raison.

Une telle démarche manifesterait une grave faiblesse diplomatique, de la part de la Fraternité, et à vrai dire, plus que diplomatique. Il serait de cohérence, de droiture et de fermeté, qui auraient comme effets la perte de crédibilité et de l'autorité morale dont nous jouissons.
IMPLOSION DE LA FRATERNITE“
V. Le simple fait engager dans cette voie engendrera chez nous le doute, des disputes, méfiances, partis, et surtout la division‘. Beaucoup de supérieurs et de prêtres auront: un problème de conscience légitime et s’y opposeront. L'autorité et le principe même de l’autorité seront remis en question, minés.

Nous ne pouvons pas aller à la remorque dans nos contacts avec Rome, nous devons garder les commandes, marquer les temps et les conditions. Il nous faut donc une. ligne définie à l’avance, claire et ferme, indépendante des sollicitations et des éventuelles manœuvres romaines.

En conséquence, ce n’est pas le moment de changer la décision du Chapitre de 2006 (pas d’accord pratique sans solution de la question doctrinale) et il n'est pas correct ni prudent de se lancer à préparer les esprits dans le sens contraire, avant qu'il n'y ait chez nous la conviction, le consensus et la décision de changer. Le contraire ne fait que provoquer la division et, par réaction, une guéguerre, l'anarchie.
MISE EN GARDE AUTORISEE
VI. L’avertissement du R. P. Ferrer, secrétaire du Card. Cañizares : « Ne faites pas d’accord avec Rome, elle ne pourra pas. tenir ce qu'elle vous promettra». Nous avons reçu d'autres avertissements similaires à Rome.
GARDER LA LIGNE
Alors que faire, quoi répondre ?

Ce que nous avons de mieux à faire c’est de garder la ligne qui a assuré la cohésion et la survie de la Fraternité et qui a donné beaucoup de fruits vis-à-vis de Rome, pour l’Eglise. Ils hésitent, ils commencent à céder, leur édifice s’écroule, ils ne peuvent pas s’en passer de nous... Restons fermes dans notre politique et attendons qu'il y ait des conditions clairement sûres et garanties. Comme le signalait Mgr. Lefebvre après les sacres, il faudra attendre, malheureusement, ne la situation s'aggrave chez eux... jusqu’à ce qu'ils soient prêts à lâcher Vatican

Nous pourrions répondre que, vues les conclusions des discussions, par fidélité et loyauté envers Dieu, envers notre conscience, envers l’Eglise et même envers le Saint Siège, nous ne pouvons pas nous engager dans une voie premièrement pratique, mais comme nous l'avions déjà dit, que nous restons ouverts à collaborer ou participer dans une étude et critique doctrinale du Concile.
SUIVRE LA PROVIDENCE
S’ils coupent alors avec nous, une pause dans la tension constante que signifient les contacts pour la Fraternité, serait bienvenue et, à mes yeux, providentielle. De toutes façons, les connaissant, ils ne tarderaient pas longtemps à reparler avec nous.

En conclusion, nous ne devons pas devancer la Providence, c’est Elle qui résoudra la crise. Nous devons faire très attention à la tentation sub specie boni, éviter l’empressement, patienter, et seulement nous engager dans cette voie lorsqu'il n’y aura pas un seul doute que Rome (le Pape) veut la Tradition, qu'ils ont une idée juste de celle-ci, que c’est prudent et que c’est la volonté de Dieu. Il nous faut plus de raisons pour changer que pour rester dans la ligne sûre et éprouvée que nous avons. Or, c'est le contraire qui arrive.
  • Monseigneur Lefebvre: « Sans s'attarder sur Ie fait que beaucoup de choses n’allaient pas, l'accent a été mis sur les grands espoirs que font naître le charismatique et le pentecôtisme. A Rome, ils veulent se convaincre de cela. Ils ferment obstinément les yeux sur les catastrophes engendrées par le Concile et qu'ils sont en train d'accomplir, sur la ruine à laquelle ils sont. en train de conduire l'Église. Et ils veulent que nous entrions dans ce courant. Si nous faisons un pas dans cette voie, si nous nous soumettons à l'autorité sans garantie, à plus ou‘ moins ‘longue échéance, dans deux, trois ou cinq ans, nous perdrons la Tradition. Or nous ne voulons pas la perdre. Nous ne pouvons donc pas nous soumettre aux autorités qui veulent nous faire perdre la Tradition.
    Ainsi que je l'ai déjà exposé, si je suis allé discuter à Rome, c'est parce que je voulais essayer de voir si nous pourrions réaliser un accord avec les autorités ecclésiastiques, tout en nous mettant à l'abri de leur libéralisme et en sauvegardant la Tradition. Force m'a bien été de constater qu'aucun accord ne pouvait être réalisé qui nous donne à la fois toute garantie et la conviction que Rome voulait sincèrement concourir à la préservation de la Tradition.
    J'ai attendu jusqu'au 5 juin pour écrire au Pape : «je regrette, mais nous ne pouvons pas nous entendre. Vous n'avez pas le même but nous. En faisant cet accord votre but est de nous ramener au Concile. Le mien est au contraire de pouvoir nous maintenir en dehors du Concile et de -ses influences » (Fideliter, n°68, p. 15).
GARE AU DANGER
Pour le bien de la Fraternité .et de là Tradition, il faut refermer au plus vite la «boîte de Pandore », afin d’éviter le discrédit et la démolition de l'autorité, des contestations, des discordes et des divisions, peut-être sans retour.

Dans ce sens, la vraie question à laquelle il faut répondre est la suivante : quelles sont les autres conditions requises, ad intra et ad extra, dans le cas hypothétique d'une proposition « bonne », totalement acceptable en elle-même, pour tenter de faire un accord ?

Les textes cités de Monseigneur Lefebvre nous permettent d’y répondre avec clarté et fermeté.

+ Mgr Alfonso de Galarreta

[Mgr Williamson - Commentaire Eleison] Deux erreurs

SOURCE - Mgr Williamson, fsspx - Commentaire Eleison - 30 juin 2012

Que la Fraternité St Pie X survive à sa grave épreuve actuelle ou non, en tout cas les libéraux reviendront à la charge avec des arguments faux pour la pousser au suicide. Voyons-en deux.

Le premier revient constamment dans les débats actuels sur l’avenir de la Fraternité – doit-elle ou non accepter un accord pratique sans accord doctrinal avec la Rome Conciliaire? Cet argument est on ne peut plus simple : tout chef catholique (ou chefs) reçoit de Dieu des grâces d’état, donc il ne faut pas le critiquer mais lui faire confiance automatiquement. Réponse : bien sûr le bon Dieu nous offre à nous tous, et pas seulement aux chefs, l’aide naturelle et la grâce surnaturelle dont nous avons besoin pour nous mettre à accomplir notre devoir d’état, mais il dépend de notre libre arbitre que nous coopérions avec cette grâce, ou la refusions. Eussent tous les chefs d’Église coopéré avec leurs grâces d’état, comment y aurait-il jamais eu un Judas Iscariote ? Et comment aurions-nous jamais eu Vatican II ? Cet argument à partir des grâces d’état est aussi bête qu’il est simple.

Le deuxième argument est plus sérieux. Un article récent de dix pages en fait état dans une revue catholique conservatrice en Angleterre, écrit par un Monsieur J.L. qui favorise un accord pratique entre Rome et la Fraternité. Voici un résumé, mais pas faux, de son argument. L’Église catholique est attaquée aujourd’hui de toutes parts : du dehors, par exemple par le gouvernement américain ; du dedans, par exemple par les évêques qui apprécient la « dolce vita » mais leur théologie catholique bien moins ; aux sommets, par une administration au Vatican où sévissent les scandales et les conflits internes. Le Pape est donc assiégé de tous les côtés, et son regard se porte vers la Fraternité afin qu’elle lui vienne en aide pour rétablir dans l’Église l’influence saine de son passé, passé auquel il croit, même s’il croit en même temps à Vatican II. Mgr Bux rendit public cet appel du Pape: si seulement la Fraternité l’écoutait en acceptant un accord pratique, les bienfaits en seraient immenses, et pour l’Église Universelle et pour la Fraternité elle-même. Un prêtre autrefois important dans la Fraternité, l’abbé Aulagnier, voit clairement ceci.

Cher Monsieur J.L., félicitations de votre amour de l’Église et votre constat de ses problèmes, de votre souci pour le Pape et votre désir de lui venir en aide, mais vous ne voyez guère la raison de ces problèmes ni la raison d’être de la Fraternité. Comme à tant d’âmes dans l’Église et le monde d’aujourd’hui, y compris à l’abbé Aulagnier, l’importance primordiale de la doctrine de la Foi vous échappe.

Le gouvernement américain attaque l’Église parce qu’elle est faible. L’Église est faible parce que le comportement lamentable de ses évêques suit leur incompréhension lamentable de la doctrine du ciel, de l’enfer, du péché, de la damnation, de la rédemption, de la grâce qui sauve, du sacrifice du Rédempteur toujours présent dans la vraie Messe. Les évêques comprennent si mal ces vérités salvatrices parce que, entre autre, l’Évêque des évêques n’y croit qu’à moitié. Et le Pape n’y croit qu’à moitié parce que l’autre moitié en lui croit à Vatican II. Ce maudit Concile subvertit toute la vraie religion de Dieu par les ambiguïtés mortelles dont ses documents sont parsemés, comme vous le reconnaissez vous-même, ambiguïtés conçues pour mettre l’homme à la place de Dieu.

Cher Monsieur J.L., le problème de base, c’est la fausse doctrine. Par la grâce de Dieu, jusqu’ici, la Fraternité a maintenu les vrais enseignements de Jésus Christ, mais si elle se soumettait à ces autorités de l’Église qui au mieux n’y croient qu’à moitié, bientôt elle cesserait d’attaquer les erreurs (comme il arrive déjà), et elle finirait par prôner l’erreur et promouvoir avec l’erreur toutes les horreurs évoquées dans votre article. Que Dieu nous en défende !

Kyrie eleison.

[SPO] Fraternité Saint-Pierre : Wigratzbad et Fribourg

SOURCE - SPO - 30 juin 2012

Aujourd’hui, Mgr Wolfgang Haas, archevêque de Vaduz, a ordonné quatre nouveaux prêtres à Wigratzbad, pour la Fraternité Sacerdotale Saint Pierre. Il s’agit des abbés : Loïc Courtois de Lourmel, Bernward van der Linden, Arnaud Moura et Francesco Riegger, qui s’ajoutent aux cinq prêtres ordonnés aux États-Unis en mai dernier.

Toujours concernant la Fraternité Saint-Pierre, le nouvel évêque de Lausanne, Genève et Fribourg, le dominicain (et thomiste) Mgr Charles Morerod, a confié à partir du 1er septembre prochain la charge pastorale de la Basilique Notre-Dame, à Fribourg. Selon l’agence APIC qui rapporte l’information :
La décision a été prise après consultation de ses différents conseils, de la Fondation en charge de la Basilique Notre-Dame et de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pierre.
L’agence APIC ajoute :
A partir du mois de septembre prochain, la messe dans la forme extraordinaire du rite romain – célébrée jusqu’ici en l’église du Collège Saint-Michel et en d’autres endroits de la ville de Fribourg -, ainsi que toutes les autres activités pastorales assurées par la FSSP à Fribourg, seront transférées à la Basilique Notre-Dame. « Cette décision permettra de mieux répondre aux besoins pastoraux de la communauté des fidèles attachés à cette liturgie de l’Église », précise un communiqué signé de Mgr Alain Chardonnens, vicaire général du diocèse.
Confier la Basilique Notre-Dame à la FSSP de la mouvance des traditionalistes fidèles à Rome marque à la fois le désir du diocèse de doter la Basilique, récemment restaurée, d’un projet pastoral et la volonté de permettre aux fidèles attachés à la liturgie dans sa forme traditionnelle de trouver une place.
Ci-dessous, le texte intégral du communiqué officiel de l’évêché de Lausanne, Genève et Fribourg
Avenir de la Basilique Notre-Dame à Fribourg
Après consultation de ses différents conseils, de la Fondation en charge de la Basilique Notre-Dame (FR) et de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pierre* (FSSP), Mgr Charles Morerod, évêque du diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg, a décidé de confier dès le 1er septembre 2012 la charge pastorale de la Basilique Notre-Dame à Fribourg à la FSSP.

A partir du mois de septembre prochain, la messe dans la forme extraordinaire du rite romain - célébrée jusqu’ici en l’église du Collège Saint-Michel et en d’autres endroits de la ville de Fribourg - ainsi que toutes les autres activités pastorales assurées par la FSSP à Fribourg seront transférées à la Basilique Notre-Dame. Cette décision permettra ainsi de mieux répondre aux besoins pastoraux de la communauté des fidèles attachés à cette liturgie de l’Église. Confier la Basilique Notre-Dame à la FSSP marque à la fois le désir du diocèse de doter la Basilique, récemment restaurée, d’un projet pastoral et la volonté de permettre aux fidèles attachés à la liturgie dans sa forme traditionnelle de trouver une place.

L’église du Collège Saint-Michel, qu’occupait la FSSP jusqu’alors, verra l’arrivée d’autres projets pastoraux, en lien notamment avec les activités de l’aumônerie du Collège ou de la jeunesse.

En raison des travaux de rénovation de la Basilique Notre-Dame – qui ont pris fin en 2011, l’adoration perpétuelle et la mission linguistique italienne qui se trouvaient auparavant dans ce lieu avaient dû déménager. Aujourd’hui, toutes deux continueront d’être accueillies par le couvent des Cordeliers.

Enfin, une convention sera établie prochainement pour coordonner l’utilisation de la Basilique Notre-Dame en lien notamment avec la congrégation mariale qui lui est attachée. La décision sera communiquée ultérieurement.

Fribourg, le 29 juin 2012, Solennité des Saints Pierre et Paul

Mgr Alain Chardonnens
Vicaire général

La Fraternité Sacerdotale Saint-Pierre en bref - En pleine communion avec Rome, la FSSP suit la forme extraordinaire du rite romain, en usage avant le Concile Vatican II. La FSSP, qui a elle-même refusé toute rupture avec Rome, n’est pas à confondre avec la Fraternité Saint-Pie X à Ecône.

[Abbé Renaud de la Motte, fsspx - Apostol] 1789 dans la Fraternité?

SOURCE - Abbé Renaud de la Motte, fsspx - Apostol - juillet-août 2012

Vous êtes le sel de la terre ; mais si le sel s’affadit, avec quoi le salera-t-on ? Il n’est plus bon à rien qu’à être jeté dehors pour être foulé aux pieds par les hommes 1.Le sel est bon pendant qu’il conserve sa force et sa pointe ; il assaisonne les viandes, il sert comme d’âme aux corps qui sont morts ; il empêche que les vers ne s’y engendrent, et que la pourriture ne s’y forme.

Dans la tourmente actuelle, nous devrions attendre de nos prêtres qu’ils soient le sel de la terre, ces hommes de Dieu, animés de l’esprit de Jésus-Christ. Il n’est rien qui soit plus utile aux âmes ni plus avantageux pour leur salut ; car ils ont cette mission de les garantir de la corruption des moeurs par l’enseignement de l’Evangile, et par l’exemple en leur inspirant l’amour et l’estime de la perfection.

Or il est très dommageable pour la Fraternité saint Pie X et pour les âmes de nos prieurés de découvrir, jour après jour, ces déclarations intempestives, ces appels à la désobéissance vis-à-vis de l’autorité, ces états d’âme manifestés sur la Toile… Quel scandale pour les fidèles !

S’il est légitime de s’interroger sur la situation de la Fraternité et de sa place dans l’Eglise, il me semble important de rappeler que cette épreuve devrait être l’occasion de manifester notre attachement à l’ordre voulu par Dieu et garanti par l’autorité légitime, malgré les différences d’opinion dans le domaine prudentiel. Jamais la Foi n’a été tant invoquée pour justifier nos tentations d’orgueil et d’indépendance, signe d’un esprit résolument moderne !

Car le sel perd sa force dans l’eau, quoiqu’il en tire son origine… Il est fait de l’eau qui sort de la mer ; mais si on l’y rejette, il se fond aussitôt, et se perd. Fuyons la mer du monde, fuyons les moeurs du monde, ne soyons plus les esclaves du siècle. Le spectacle de la division, celui des luttes silencieuses mais néanmoins réelles, des tactiques politiciennes sont indignes de la Fraternité et de nos Prieurés !

Ayez du sel en vous-mêmes, et soyez en paix entre vous 2. Ayons en nous le sel de la sagesse évangélique, avant de le distribuer aux autres. Goûtons nous-mêmes les choses du ciel avant que de leur en donner le goût. Ayons en nous le sel de la mortification : nos sacrifices ne seront point agréables à Dieu, s’ils ne viennent d’un coeur parfaitement mortifié.

Ayez en vous le sel de la discrétion 3. Que vos paroles soient accompagnées d’une douceur édifiante, et assaisonnée de la discrétion ; en sorte que vous sachiez comment vous devez répondre à chacun 4. Ayons enfin le sel de la persévérance, et de la stabilité dans l’amour de Dieu et du prochain.

Ce sera l’amour divin, joint à l’inspiration du Saint-Esprit, et à la grâce du baptême, qui fera des prêtres de la Fraternité sacerdotale saint Pie X des hommes véritablement apostoliques, comme le sel se fait par la chaleur du soleil, et par le souffle du vent qui donne sur l’eau de la mer.

Abbé Renaud de la Motte +
Prieur
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1 Math V, 13
2 Marc IX, 49
3 Levit. 2. 13
4 Col IV, 6

[VIDEO] [Abbé P. Girouard, fsspx] Conférence sur les accords FSSPX-Rome (Version complète)

SOURCE - Abbé P. Girouard, fsspx - 30 juin 2012

29 juin 2012

[Fidelys] Chronologie des relations FSSPX-Rome depuis les sacres de 1988

SOURCE - Fidelys - 29 juin 2012

Nous nous bornerons dans un premier examen à recenser les faits sans en donner aucun commentaire. Les négociations entre Rome et la FSSPX s’étant soldées par un échec à la veille des sacres de 1988 nous commenceronsà cette date notre chronologie, afin de donner un éclairage historique sur les événements de ces dernières années.
1988
30 août : Sacres de Mgr B. Fellay, Mgr A de Galarreta, Mgr B. Tissier de Mallerais et Mgr R. Williamson par son Excellence Mgr M. Lefebvre assisté de son Excellence Mgr A. de Castro-Meyer. Excommunication des six évêques par le Pape Jean-Paul II.
1994
Mgr Fellay est nommé Supérieur Général de la FSSPX.
2000
Année du jubilé, le Supérieur Général de la FSSPX entreprend avec ses prêtres un pèlerinage à Saint Pierre de Rome. Le Cardinal Castrillon Hoyos reçoit les quatre évêques, les relations encore naissantes n’iront cependant pas plus loin à cause de l’opposition vigoureuse de nombreux prêtres et laïcs de la FSSPX.
2004
Crise dans la Réforme des séminaires (départ des Abbés de Tanouarn et Laguérie…)
2005
Août 2005 : Mgr Fellay et l’Abbé Schmidberger rencontrent le Pape Benoit XVI. Reprise de contact. Le Supérieur Général pose trois conditions préalables (qui lui sont semble-t-il venues de M. l’Abbé P. Aulagnier alors encore à la FSSPX ou de Mgr Rifan de Campos ?) :
  • la libéralisation de la messe de Saint Pie V.
  • la levée de l’excommunication des six évêques (donc de Mgr Lefebvre et de Mgr de Castro-Meyer également).
  • entreprendre des discussions doctrinales.
2006
Chapitre Général : réélection de Mgr Fellay. (Rappelons que c’est lui qui nomme les supérieurs de district et de séminaire et donc en fin de compte, les électeurs du Chapitre …)
Dans ce Chapitre il est promis expressément par le Supérieur Général qu’il n’y aura pas d’accord pratique avant un accord doctrinal et sans la réalisations des préalables fixés en 2005.
2007
7 juillet 2007 : Motu Proprio Summorumpontificum« libéralisant » la messe (qui n’a jamais été interdite).
2009
21 janvier : Levée des pseudos excommunicationsdes quatre évêques de la FSSPX, non de Mgr Lefebvre et de Mgr de Castro-Meyer.

Fin 2009 : Début des discussions doctrinales. Mgr de Galarreta, les Abbés Gleize, De LaRocque et de Jorna sont choisis pour se rendre à Rome. Elles dureront jusqu’au deuxième semestre 2011, interrompues brutalement par Rome.
2011
Septembre 2011 : Béatification de Jean-Paul II et Assise III. Mgr Fellay ne désire pas condamner publiquement ce rassemblement de toutes les religions organisé par le Pape, car les discussions sur le Préambule doctrinal préalables à un éventuel accord débutent mi-septembre.
(Le Cardinal Levada en charge des relations avec la FSSPX remet un préambule doctrinal à Mgr Fellay qu’il doit signer avant tout accord pratique. Ce document va faire trois allers-retours entre Menzingen et Rome, à chaque fois Mgr Fellay retouchera les propositions Romaines, avec un conseil très restreint et toujours dans le plus grand secret.)

Septembre 2011 : Arrêt brutal de la commission doctrinale par Rome qui se tourne directement vers Mgr Fellay ce qui va court-circuiter celle-ci la rendant inutile.

Décembre 2011 : Voit le second aller-retour de ce Préambule doctrinal.
2012
Janvier 2012 : Le premier document romain et la première réponse de Menzingensont communiqués oralement aux supérieurs et aux prieurs de la FSSPX (alors que nous en sommes déjà à la rédaction d’une troisième réponse). Il en ressortira que Menzingen propose alors de ne pas parler du Concile Vatican II. Dans sa déclaration Menzingen ne se positionne uniquement en adhérant aux conciles jusqu’à Trente. Ainsi n’est pas affirmé dans cette première déclaration doctrinale ni adhésion ni aucune défiance envers à Vatican II.

Mars-avril 2012 : Rome se déclare plutôt satisfaite de la troisième réponse de Menzingen (quid de la deuxième réponse ?), toujours secrète à ce jour sauf le paragraphe suivant lu par M. l’Abbé Pfluger le 5 juin 2012 à Saint-Joseph-des-Carmes :
« L’entière Tradition de la foi catholique doit être le critère et le guide de compréhension des enseignements du Concile Vatican II, lequel à son tour éclaire certains aspects de la vie et de la doctrine de l’Église, implicitement présents en elle, non encore formulés. Les affirmations du Concile Vatican II et du Magistère Pontifical postérieur relatifs à la relation entre l’Église catholique et les confessions chrétiennes non-catholiques doivent être comprises à la lumière de la Tradition entière. »
9 mai 2012 : Révélation sur Internet de la dissension entre les trois autres évêques et Mgr Fellay par la divulgation d’une correspondance entre ceux-ci. La lettre des trois évêque est datée du 7 avril 2012 et la réponse de Mgr Fellay et de ses assistants du 14 avril 2012. Dès lors la FSSPX va voir se déclarer les positions de plusieurs prêtres et fidèles dans les deux camps : « les accordistes » favorables à Mgr Fellay, et les « non-accordistes » non favorables.

13 juin 2012 : Mgr Fellay se rend à Rome et après deux heures de discussions se voit remettre deux documents : un projet de prélature personnelle, soumis à la condition de la signature du deuxième document, qui est un nouveau Préambule doctrinal inattendu. Mgr Fellay demande un temps de réflexion, d’autant que le Chapitre de Juillet approche.

25 juin 2012 : Menzingen envoie une lettre à tous les supérieurs qui fuitera sur internet dès le lendemain qui exprime trois choses :
  • Mgr Fellay fera le point au chapitre sur l’ensemble du dossier (chacun des membres recevant un dossier personnel) et il affirme que le document remis par le Cardinal Levada est « inacceptable ».
  • Mgr Williamson est écarté du Chapitre et a interdiction de se rendre aux ordinations du 29 juin 2012.
  • Les dominicains d’Avrillé et les capucins de Morgon verront leurs ordinations repoussées ultérieurement le temps de s’assurer « de leur fidélité » à Mgr Fellay.
29 juin 2012 : Ordinations sacerdotales à Ecône.

3 au 14 juillet 2012 : Chapitre «d’affaire» de mi-mandat. Selon la lettre de Menzingen du 25 juin déjà citée, « le chapitre permettra de faire le point sur l’ensemble du dossier ».

[Pierre Labat - Rivarol] Hold-up sur l’œuvre de Mgr Lefebvre

SOURCE - Pierre Labat - Rivarol (n°3053) - 29 juin 2012

Le feuilleton des relations de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X (FSSPX, fondée par Mgr Lefebvre) avec Rome n’en finit pas de faire la une de l’actualité.

Dernière nouvelle : le supérieur de la FSSPX, Mgr Bernard Fellay, refuserait de signer le préambule doctrinal que lui propose le Vatican, alors que ce texte a fait l’objet d’âpres négociations depuis près d’un an. Dans le même temps, on apprend que Mgr Williamson est interdit d’assister aux ordinations sacerdotales du 29 juin et au chapitre général de sa congrégation. Enfin plusieurs communautés religieuses traditionalistes (dominicains d’Avrillé, capucins de Morgon) ne pourront faire ordonner leurs candidats cette année.

Voici douze ans que la FSSPX se rapproche petit à petit des autorités vaticanes. A la mi-avril tout semblait bouclé. Ce nouveau recul de Mgr Fellay est-il vraiment réel ? Tout laisse penser qu’il masque seulement d’ultimes manœuvres pour désarmer les oppositions internes.

En effet celles-ci ne manquent pas. Ce sont tout d’abord les trois confrères dans l’épiscopat de Mgr Fellay qui l’ont solennellement mis en garde. Ce sont ensuite plusieurs simples prêtres qui, au risque de se faire exclure de leur congrégation, n’ont pas hésité à manifester publiquement leur opposition à une “régularisation” canonique alors que subsistent des désaccords doctrinaux majeurs.

Les clercs sont divisés et les fidèles inquiets. Mgr Fellay, qui croyait rallier son petit monde à Benoît XVI en douceur, a en réalité allumé un incendie dans la maison. Il apparaît isolé parmi ses confrères même si la plupart d’entre eux n’osent s’exprimer par crainte du renvoi. La terreur règne.
COMMENT EN EST-ON ARRIVÉ LÀ ?
Mgr Fellay a été nommé supérieur général de la FSSPX en juillet 1994. Il dirige la congrégation depuis dix-huit ans. Auparavant il était l’un des principaux collaborateurs de l’abbé Franz Schmidberger, nommé supérieur pour succéder à Mgr Lefebvre en 1982.

Il n’est pas exagéré de dire que Mgr Fellay a été formé par l’abbé Schmidberger, dont il reste proche et qui n’hésite pas à le reprendre vivement quand les choses n’avancent pas à son goût.

L’abbé Schmidberger, issu d’une famille paysanne de Souabe, est aujourd’hui supérieur du district d’Allemagne de la FSSPX. Il a toujours gardé le contact avec le cardinal Ratzinger, dont il avait suivi les cours pendant ses études. D’après la rumeur, il enverrait chaque année des fleurs à son ancien professeur pour son anniversaire. Il avait joué un grand rôle lors des premières négociations de la FSSPX menées en 1988 par Mgr Lefebvre avec la Rome moderniste et apostate… représentée par le cardinal Ratzinger. Cette année-là Mgr Lefebvre signa un accord avec le cardinal qu’il renia le lendemain et procéda au sacre des quatre évêques ci-dessus.

Mgr Fellay, qui réside en Suisse allemande, aime à s’entourer de prêtres germanophones, comme son bras droit l’abbé Pfluger. En réalité, et alors même que la plupart de ses fidèles sont français, la FSSPX est dirigée par des Allemands.

L’abbé Schmidberger était présent lors de l’audience d’août 2005 au cours de laquelle Benoît XVI et Mgr Fellay ont mis en place les étapes du processus de ralliement de la FSSPX à l’église conciliaire. La brutale reprise en main de la FSSPX à laquelle nous assistons porte sa marque.

Car le processus de retour dans l’église conciliaire des traditionalistes lefebvristes n’a rien d’un fleuve tranquille. Commencé en août 2000 à l’occasion d’un pèlerinage des traditionalistes à Rome au cours duquel le cardinal Castrillon Hoyos avait reçu les quatre évêques, il avait connu un brutal coup d’arrêt en 2001 face à l’opposition vigoureuse de nombreux prêtres et laïcs. Sans doute d’accord avec Rome, Mgr Fellay s’employa dès lors à remettre de l’ordre chez lui. Cela commença par une reprise en main des séminaires : furent écartés des ordinations tous les esprits libres. Mgr Fellay déclarait en privé qu’il préférait avoir moins de prêtres pourvu qu’ils soient obéissants. Cette gestion malthusienne brutale entraîna une grave crise en 2004 qui vit le départ de la FSSPX de fortes personnalités comme les abbés Laguérie et de Tanoüarn, aujourd’hui ralliés. Mgr Fellay s’employa ensuite à écarter des postes de responsabilité, notamment ceux qui ouvrent accès au chapitre général de la congrégation, les prêtres qui ne partageaient pas son attrait pour la Rome conciliaire. Cette politique lui permit de conserver son fauteuil au chapitre de 2006, tant il est plus facile d’être réélu quand on nomme soi-même les électeurs.

L’élection de Benoît XVI en 2005 avait relancé les négociations. Il fut convenu d’avancer lentement. Afin de rassurer les opposants, Mgr Fellay promit qu’aucun accord n’aurait lieu sans la réalisation de préalables qui paraissaient impossibles à obtenir. Il s’agissait tout d’abord de la levée des excommunications frappant les évêques traditionalistes et ensuite que Benoît XVI “libère” la messe traditionnelle. Ces “préalables” étaient une idée de Mgr Rifan, évêque de Campos aujourd’hui rallié.

Mgr Fellay qui affecte une grande piété mariale au point que ses partisans lui prêtent une véritable sainteté digne, pensent-ils, de Mgr Lefebvre, appela les fidèles à réciter (et à comptabiliser) des millions de chapelets. Les objectifs étaient quantitatifs ! Cela les occuperait au lieu qu’ils perdent leur temps à se renseigner sur Internet !

Face aux gros chiffres de Rosaires dûment consignés par la FSSPX, le Ciel dût bien se résoudre à faire les “miracles” demandés.

Ainsi Benoît XVI leva les excommunications après que les évêques en eurent fait la demande écrite. Il ne faut pas décourager ceux qui montrent de la bonne volonté. Et puis Paul VI l’avait bien fait en 1965 pour le patriarche Athénagoras. D’ailleurs ces peines d’un autre âge n’intéressent personne. Quant à la messe traditionnelle, il décida qu’elle pouvait être célébrée à titre “extraordinaire” : une place en quelque sorte folklorique dans le patrimoine catholique.

Vint ensuite l’étape des discussions doctrinales. C’était le cœur de la question : pour se mettre d’accord il faut professer la même foi.

Ces discussions furent entourées du secret le plus opaque, car on n’était pas trop sûr de leur issue.

Las, ces discussions débouchèrent sur un échec complet. D’après les théologiens, il est impossible de réconcilier les doctrines issues de Vatican II avec l’enseignement antérieur des papes, particulièrement sur la question des rapports avec les autres religions et la place de la religion chrétienne dans la société. Les experts traditionalistes sortaient de deux ans de discussions plus aguerris que jamais : l’accord apparaissait impossible !

Il faudrait beaucoup travailler le texte pour signer un accord où chacun pourrait lire l’inverse de ce qu’y lirait son interlocuteur ! Ce fut le travail des dernier mois. Mgr Fellay maintint un strict secret (selon des méthodes maçonniques) sur le projet de Préambule dont l’impact toucherait incontestablement la foi de tous les traditionalistes. Même les prêtres (les évêques ?) de la FSSPX n’en eurent pas connaissance, ce qui créa un véritable malaise.

Mais plus c’est gros, plus ça passe ! L’abbé Pfluger a expliqué voici deux semaines dans le sud de la France que l’objectif des discussions doctrinales n’avait jamais été de convaincre les interlocuteurs des traditionalistes. Il s’agissait au plus de mesurer les différences. Mgr Fellay s’apprête donc au même accord purement pratique qu’il avait reproché à ses anciens confrères de l’Institut du Bon Pasteur d’avoir signé.
POURQUOI DONC LE REVIREMENT ACTUEL ?
C’est que la rébellion gronde. La FSSPX est menacée d’éclatement. Rome n’a pas envie de récupérer une coquille vide, même si cette coquille apporte le patrimoine de la FSSPX qui semble important. Ce qui intéresse Benoît XVI est de faire cesser cette dissidence qui conteste Vatican II et jette par conséquent le doute sur sa propre légitimité. Il faut donc que la troupe suive.

Rome a alors opportunément relevé ses exigences doctrinales, donnant ainsi le beau rôle de défenseur de l’orthodoxie à Mgr Fellay qui s’empresse désormais de refuser le préambule doctrinal. Bien entendu, Mgr Fellay va mettre à profit ce nouveau délai pour “nettoyer” les poches de résistance. Les têtes vont tomber. A commencer par celle de Mgr Williamson qui constitue un obstacle au rapprochement à lui tout seul, puisqu’il s’est mis à dos la communauté juive. D’autres suivront.

Comment va se passer le chapitre général ? Il y a fort à parier que ce sera un non-évènement. Mgr Fellay écarte d’autorité ses opposants. Il répète qu’il s’agit d’un « chapitre d’affaires », non prévu par les statuts. Il maîtrise parfaitement l’ordre du jour. Les statuts d’ailleurs n’apparaissent pas son souci principal et les modalités de convocation de ce « chapitre d’affaires » mériteraient sans doute un examen de conformité. Mgr Fellay ne semble guère inquiet de l’issue des débats. Les têtes vont tomber.

Nous assistons à un hold-up sur l’œuvre de Mgr Lefebvre mené par le commando allemand de Benoît XVI.

Pierre LABAT.

[Jean Mercier - La Vie] L'habit de lumière

SOURCE - Jean Mercier - La Vie - 29 juin 2012

Il y a exactement 50 ans, les jeunes prêtres enlevaient la soutane. Les jeunes prêtres de 2012 la remettent volontiers. Décryptage d'un phénomène culturel qui n'a rien à voir avec un retour en arrière.

J'écris souvent sur la pensée de Benoît XVI. Cette fois, j'ai envie de parler chiffons, ce qui est légitime pour un mercier... Ou, plus exactement de son bleu de travail, qu'il a endossé le 19 avril 2005 et qu'il n'a plus quitté. Le bleu est blanc, en la circonstance, et il fait heureusement écho à la chevelure éclatante du pape. Le pape est le seul prêtre à porter une soutane blanche, écho de la nouveauté introduite par Pie V, un dominicain qui décida de garder l'habit de l'ordre des prêcheurs.

Mais l'habit de lumière papal est le prétexte d'une petite enquête sur la soutane... noire. Pourquoi s’intéresser à du tissu en cette heure où d'autres urgences s’imposent ? Parce que c'est la saison des ordinations, d'abord. Et parce que c'est de plus en plus courant de voir des jeunes prêtres la porter à nouveau, alors qu'ils ne sont pas traditionalistes. Parce que, surtout, c'est un anniversaire qui pourrait passer inaperçu.

Il y a exactement 50 ans, dès avant le Concile, les différents diocèses légifèrent sur la question de l'habit ecclésiastique, permettant l'utilisation du clergyman. Jusque là, seule la soutane est autorisée par l 'Eglise, en toutes circonstances. Mais elle est de plus en plus remise en cause, à partir de la fin des années 50, au bénéfice d’un costume jugé plus pratique et plus discret.

En mars 1962, l'assemblée des cardinaux et archevêques se penche sur la question, mais n'arrive pas à se mettre d'accord. Le cardinal-archevêque de Paris, Maurice Feltin, édicte le 29 juin 1962 de nouvelles règles pour son diocèse, qui vont donner le signal d'un changement historique. Le prélat prend acte d'une mutation sociétale. « Considérant que les mentalités, les modes de vie et les moyens de déplacement se sont profondément transformés ces dernières années ; Considérant qu'il convient d'adopter, pour habit ecclésiastique, la tenue qui répond le mieux aux exigences de la vie du prêtre, de ses de­voirs pastoraux et de sa mission apostolique ; Considérant, enfin, que la tenue dite de "clergyman" est, autant que la soutane, un habit ecclésiastique reconnu dans l'Eglise », l'archevêque de Paris autorise à partir du 1er juillet « la tenue de clergyman (noir ou gris sombre), avec le col romain comme signe distinctif du clerc ». Le texte ajoute néanmoins deux conditions : « Le port de la soutane demeure obligatoire à l'église et pour tous les actes cultuels. Le costume civil est absolument interdit aux clercs, sauf autorisation personnelle écrite de l'Ordinaire du lieu d'origine et du lieu de séjour. » La plupart des diocèses suivront le mouvement au cours de l'année 1962.

Mon article pourraient se résumer à deux interrogations : pourquoi l'ont-ils enlevée (en 1962) ? Pourquoi la remettent-ils (en 2012) ? Il me semble qu'en tenant ensemble ces deux interrogations, on peut comprendre beaucoup de choses de l'évolution du monde en l'espace de 50 ans.

1962 : « Cette année là », comme chantait Claude François... L'année des accords d'Evian : on tourne à grand peine la lourde page du colonialisme. L'année du voyage de Konrad Adenauer en France : on tourne la page d'un autre passé encore à fleur de peau, celui de la Seconde guerre mondiale. On a envie de tourner bien des pages au mitan des Trente Glorieuses... On est ivre d'avenir et de renouveau, dont la société de consommation est le symbole très concret... Et c'est vrai que tout change. Et pas seulement la couleur des boîtes postales, qui deviennent jaunes en cette année 1962... Aux Etats Unis, la pilule contraceptive est déjà en vente, et révolutionne les rapports hommes-femmes... Ce n'est qu'une question d’années pour la vieille Europe...

Il faut se replonger dans cette ivresse de modernité pour comprendre à quel point l'abrogation de l’obligation de la soutane a été, pour beaucoup de clercs, une bouffée d'oxygène, une véritable libération. C'est une façon concrète, notamment pour les jeunes générations de prêtres, d'anticiper l'ouverture du Concile, quelques mois plus tard.

A l'époque, l'Eglise catholique domine encore largement les mentalités. Les catholiques sont à 85% pratiquants. La soutane que portent les prêtres renvoient au poids que l'Eglise exerce encore sur les consciences. Certes, qui n'a plus rien à voir avec celui qu'il avait avant-guerre, mais qui est encore très fort.

L'habit de jais des prêtres devient de plus en plus difficile à porter en une période d'intenses mutations sociétales. Rappelons ici qu'en 1962, le noir n'est pas la couleur branchée qu'elle est devenue de nos jours. Le noir renvoie au deuil et à une contrainte sociétale. Une femme qui perdait son mari devait s'habiller en noir pendant un an. Il n'était pas rare, que, un deuil s'enchaînant à un autre, les gens aient dû porter du noir pendant des années. Le noir était un carcan en une époque où le contrôle social était fort...

Depuis le Concile de Trente, ou à peu près, les prêtres sont tenus de porter un vêtement qui les différencient du reste des hommes. L'habit de la soutane s'imposera comme l'habit de référence pour les prêtres français au XIXe siècle : il prend la forme d'une robe boutonnée par devant, qui va du col aux talons. Le but de cet habit est de différencier et de séparer, car l'homme « normal » ne porte pas de robe. Il est aussi de cacher : les modelés du corps sont abolis, à la fois par la couleur et la forme ample. La couleur noire renvoie à la mort, à la Croix. Le prêtre, qui s'engage à se conformer au Christ chaste et pauvre, a pris ce vêtement dès le séminaire. Il signale son renoncement au plaisir et à la séduction, et plus largement « au monde », au système de valeurs qui régissent les relations humaines selon le pouvoir, l'argent, le paraître. La soutane est une forme de tombeau. Elle fait écho à l’ancienne pratique de passer sous le « voile mortuaire » lors de l'entrée en religion pour les religieux et religieuses, qui symbolise la mort à sa volonté propre et au monde.

L'abrogation du port obligatoire de la soutane au début de l'été 1962 fait l'objet d'un reportage filmé, disponible sur le site de l'INA, et intéressant à plus d'un titre (voir coordonnées en bas de l'article). Le journaliste interviewe d'abord Monsieur Ferrand, chef du rayon des vêtements ecclésiastiques dans un grand magasin. (Oui, vous avez bien lu ! En 1962, dans les grands magasins, il y avait un secteur pour prêtres, ce qui atteste de leur insertion encore forte dans une société où la sécularisation n'a pas encore produit tous ses effets).

Le vendeur, au look austère, nous présente un costume de clergyman, la « nouvelle tenue ecclésiastique autorisée ». L'homme explique qu'il y a des modèles gris anthracite et ajoute, un peu pincé : « Pas d'autres fantaisies ne sont permises !» Il concède au journaliste que le clergyman va intéresser surtout les jeunes prêtres, qui sont « plus enjoués », alors que les seniors, « plus réfléchis », garderont l'habit.

Puis le reportage nous emmène Place Saint Sulpice à Paris, pour un micro trottoir savoureux. Un prêtre explique : « ça facilitera les choses, ce sera plus facile pour se déplacer. Ce sera beaucoup moins gênant pour faire du vélo ». Un autre explique que le « Seigneur s'occupe des gens contemporains ». Quant aux laïcs interrogés, leurs avis sont variés. Une femme estime que « ce sera plus pratique pour exercer le ministère ». Une autre regrette que « les prêtres ne s'habillent plus en prêtres ». Un laïc reconnaît que « c'est une bonne chose, car ce sera plus confortable ». Une dame entre deux âges n'est pas heureuse de tout ça car « on ne distingue plus les prêtres catholiques des autres. » Elle déplore le changement surtout « pour la campagne. Les gens ne comprendront pas ». L'instant bouffon vient avec les paroles d'un ado : « ça sera mieux, on dirait des bonnes soeurs ! »

Dans ces réactions se mêlent toutes sortes de choses : l'élément générationnel (jeunes prêtres contre anciens), l'argument de commodité (confort, vélo), la question identitaire (reconnaissance publique) et culturelle (les gens simples vont être bousculés), mais il est évident que la considération idéologique est première : il faut une proximité nouvelle avec le monde contemporain. La logique de l'abandon de la soutane est donc celle de l'ouverture au monde. On rejoint ici, partiellement la volonté déjà connue des prêtres ouvriers de se rapprocher des gens.

En 1962, l'Eglise renvoie encore à la sphère de la puissance institutionnelle, à une période où les figures d'autorité (l'instituteur, le médecin, le prêtre) impliquent la soumission et l'obéissance. La soutane incarne tout cela. Elle matérialise la distance institutionnelle d'avec le monde profane. Mais les prêtres ont bien conscience que depuis les années 30, l'Eglise a perdu déjà du terrain, et que la sécularisation est en marche. Quitter la soutane, c’est montrer qu’on n’a pas peur de ce mouvement de l’Histoire. C'est une façon pour l'Eglise de dire qu'elle est plus humaine que son statut de puissance institutionnelle ne le laisse imaginer. Le film Léon Morin prêtre – joué par Belmondo – qui se situe pendant l'Occupation, a été tourné en 1961 et reflète la nouvelle posture de l'élite catholique au début des années 60, celle de ne plus s'identifier avec la puissance.

En 1962, pour un prêtre, quitter la soutane est une rupture énorme. Dans le film des actualités télévisées, le journaliste insiste sur le fait que le prêtre s'habille désormais « presque en civil ». Ce qui n’est pas faux, car une écharpe peut facilement masquer le col romain. La vraie rupture symbolique est le passage de la robe au pantalon. De fait, de très nombreux prêtres se réjouiront d'adopter un vêtement non seulement plus discret, mais plus « viril »... A chaque fois que je demande à un prêtre de plus de 75 ans ce qu'il a ressenti en quittant la soutane, il me parle de libération.

En 2002, j'avais fait un reportage à Machecoul, en Loire-Atlantique, pour les 40 ans de Vatican II, et le père Jean Garaud m'avait expliqué combien il avait été soulagé de troquer la soutane pour un costume de clergyman, quatre ans après son ordination sacerdotale en 1958. A l'issue de mon interview, cet homme très sympathique était allé dans son grenier et il avait descendu sa soutane, pieusement conservée, pour me la montrer, non sans une certaine émotion. Preuve sans doute du lien affectif qu'il entretenait avec cette « seconde peau » de sa jeunesse. Il avait tenu à me la donner, de peur sans doute que, s'il venait à disparaître, elle ne finisse dans un coffre à déguisement, ou dans une décharge, et j'avais accepté de la prendre en charge, comme une relique d'un temps révolu.

Mais ce temps n’est pas si révolu que ça. Car la soutane fait son retour dans un contexte culturel à fronts renversés. Même si la méthode n'est pas exactement la même. Ceux de 62 ont mis la soutane au placard, pour porter le clergyman. Mais avec les évolutions sociétales, ils ont souvent abandonné tout vêtement ecclésiastique en 68. En 2012, les jeunes prêtres portent habituellement le col romain, et utilisent la soutane en « variante », selon certaines circonstances et convenances – (je rappelle que les prêtres traditionalistes des instituts Ecclesia dei ne sont pas dans mon périmètre, même s'ils exercent en la matière une influence réelle, d'un point de vue stylistique).

De plus en plus de jeunes prêtres non affiliés à des groupes traditionalistes la portent sans complexes. Ces trois dernières années, j'ai constaté que le phénomène est exponentiel. « Aujourd'hui, la question n'est plus de savoir si on porte le col romain, mais si on assume de porter la soutane » m'a confié l'un d'eux. Ils sont très nombreux, ceux de moins de 40 ans, à avoir une soutane dans leur garde-robe et à la porter occasionnellement, pour des ordinations, des fêtes d'Eglise, et systématiquement lorsqu’ils vont à Rome. Lors de la clôture de l'année sacerdotale, à Rome, en juin 2010, les jeunes prêtres français qui étaient venus s'étaient lâchés en ce domaine...

Le phénomène est d'autant plus fameux qu'il a un goût de défendu. Car la soutane est associée au traditionalisme voire à l’intégrisme. Des prêtres ont, ici et là, semé la panique en sortant leur soutane au lendemain de l'ordination, comme s’ils révélaient au grand jour un positionnement idéologique jusque là soigneusement caché. Porter la soutane implique qu'on risque de se faire étiqueter “tradi”, ce qui est parfois difficile à vivre car certains prêtres revendiquent le port de l’habit traditionnel sans toutefois épouser la vision traditionaliste. Il est vrai néanmoins que ce phénomène va de pair avec le retour en grâce de la messe tridentine. Ce sont souvent les mêmes qui portent de temps en temps la soutane et qui apprennent en catimini à dire la messe selon « la forme extraordinaire », moins par idéologie que par attirance réelle pour la forme “vintage” du rite romain.

L’amalgame “soutane = intégriste” est d’ailleurs un réflexe très français, car dans d'autres pays, comme l'Angleterre, les Etats-Unis, porter la soutane ne revêt pas de dimension idéologique clivante. Dans les pays où l'Anglicanisme est répandu, les femmes ministres la portent sans gêne... En Italie, Espagne, Pologne, et plus largement en Afrique, la soutane est très courante.

Mais pourquoi donc la remettent-ils? Comme en 1962, il y a l'argument de commodité. L'hiver, elle tient chaud, m'ont dit plusieurs curés dont l'église est mal chauffée. L'été, elle présente l'avantage qu'on peut être en caleçon en dessous, sans porter de pantalon. Pas si désagréable, peut-être...

Il y surtout la question de la communication : une soutane, c'est encore plus parlant qu'un col romain, c'est une prédication publique incontournable. Cette question identitaire va de pair avec l'argument missionnaire. Une soutane attire le regard et peut susciter l'intérêt, au même titre que le col romain, mais un cran au dessus. Tel prêtre me disait qu'elle attirait vers lui des jeunes musulmans, pleins de questions. Elle peut aussi susciter la défiance. Mais en tous cas, elle le laisse pas indifférent. Le prêtre marseillais Michel-Marie Zanotti Sorkine assure la porter pour les gens qui sont loin de l'Eglise.

Un prêtre m'a parlé un jour de la soutane comme de la "charte graphique" du prêtre catholique, ce qui n'est pas sans importance dans une société comme la nôtre, devenue hyper sensible aux marques, aux logos, aux pictogrammes. Elle plaît aussi à des personnes attachées à la dimension stylistique du catholicisme. Je me souviens à cet égard d'une conversation avec l'écrivain Jacqueline Kelen, qu'on peut difficilement taxer d’intégrisme. Elle me disait son attachement à la soutane pour la noblesse de l'habit. Une question de standing et design, en quelque sorte, à une période où les codes vestimentaires se sont atomisés, jusqu’à une indifférenciation si poussée que le vêtement n’a plus de sens. La soutane, c’est le retour du style.

Le style, c’est d’abord le noir qui est très à la mode partout, et notamment dans l'habillement, chez les femmes comme chez les hommes, car il est synonyme d'élégance, de raffinement. Mais qui renvoie aussi à la marginalité, ce qui cadre bien avec le choix de vie du prêtre, éminemment contre-cuturel. Les ados associent en effet le noir à leur période rebelle, comme signe de contestation de la culture établie. La robe noire portée par des hommes évoque le film Matrix. Certains « gothiques » portent ce qui n'est pas une soutane, évidemment, mais un vêtement qui lui ressemble, associé à la ténèbre, à la nuit. Au monde surnaturel.

Et puis il y a le vieux fond culturel, les images profondément enracinées dans la mémoire sociale. Pour la plupart de nos contemporains, la soutane est le vêtement du prêtre, un point c’est tout. C'est ce que décrit la sociologue Céline Béraud dans son ouvrage Le métier de prêtre, quand elle affirme que « le prêtre est aujourd'hui un inconnu pour beaucoup et l'objet de stéréotypes souvent en retard d'un concile ». Elle fait référence à des film dont le contexte est celui du XXIe siècle mais où le prêtre apparaît vêtu d'une soutane. Elle rapporte l'anecdote d'un boulanger (non pratiquant) qui demande à son curé de lui prêter son habit pour une fête costumée. Le curé pense qu'il s'agit de son aube. Le boulanger, lui, pense à la soutane... même s'il n'a jamais vu le curé la porter en venant chercher son pain. Bilan des courses : les représentations collectives sont comme aspirées par des symboles qui résistent. Alors que la soutane a pratiquement disparu entre 1970 et 2000, elle est restée dans les têtes de ceux qui n’ont pas suivi les évolutions de l’Eglise.

La soutane fascine ou agace, dérange ou attire. Elle est devenue l'un des éléments de la panoplie communicationnelle du catholicisme contemporain, qui s'appuie sur une nouvelle forme de provocation visuelle, comme d'ailleurs les autres groupes religieux – l'islam et le bouddhisme - qui revendiquent une visibilité. Il est vrai que le catholicisme est une religion de l'image, du signe. Le prêtre, en tant que tel, est une sorte de « sacrement », et il est juste que cela se traduise visuellement.

Un ami prêtre me confiait ainsi que récemment, il avait traversé toute la ville de Lourdes en compagnie d'un autre prêtre habillé en soutane. Lui même portait un clergyman noir. C'est un homme de belle allure, charismatique. Son compagnon était timide, doué de moins de prestance et d'éclat. Néanmoins, il a constaté que sur tout le trajet à travers la ville, les deux hommes étaient arrêtés sans cesse par des pèlerins voulant faire bénir des objets. « A aucun moment, ils ne se sont adressés à moi, bien qu'il était évident que j'étais prêtre, mais toujours à mon ami. Je crois que c'est la soutane qui veut cela. En particulier auprès des petites gens, elle exerce un attrait puissant. »

J’ai encore de nombreux autres témoignages de jeunes prêtres qui me racontent qu’ils passent inaperçus lorsqu’ils portent le col romain, mais, qui, le jour où ils mettent leur soutane, passent leur temps à se faire arrêter dans la rue par des passants. Il n’en faut pas plus pour les convaincre qu’il s’agit d’un outil magique en matière d’évangélisation. Comme si la soutane venait toucher les gens là où l’Eglise ne sait plus les toucher - mais où les gens attendent néanmoins d’être touchés - à une jonction mystérieuse qui est au delà de tout discours. Un noeud où se mêle le corps, le signe, l’identité sexuelle.

Car il y a cette étrangeté de la soutane, celle d’être une robe portée par un homme. Le dominicain Timothy Radcliffe insistait un jour sur le prêtre comme figure marginale au sein de la société, et sur la force évocatrice de la robe portée par des hommes pour signifier une forme de marginalité, qui correspond bien à ce qu'est le prêtre.

La soutane a cette puissance suggestive qui “recrée” un imaginaire autour de la personne du prêtre, alors que sa figure s’était un peu perdue dans les sables de la post-modernité. Il s’agit certes d’un imaginaire ambivalent, où se mêlent toutes sortes d’émotions et de projections. La soutane, surtout portée par un jeune homme, fait vibrer une forme de romantisme, active une sorte de séduction qui ne dit pas son nom. Bien sûr, cette ambivalence n’est pas sans risques. Car le narcissisme n’est pas loin... Mais, de nos jours, en ce qui concerne la figure du prêtre, il vaut mieux créer de l’ambivalence “impure” que de disparaitre des écrans radars de la société postmoderne.

(On pourrait ici également parler de l'aspect érotique que peut évoquer la soutane. Telle dame que je connais trouve très inspirants les prêtres en soutane – d'autant plus qu'ils sont sexuellement interdits à cause du célibat – Elle fantasme sur l'idée de défaire tous les boutons... Je m’arrête là !)

On voit bien donc, sur le plan culturel, qu’on se situe à fronts renversés par rapport à la situation de 1962 où la soutane était tout sauf un objet de provocation ou d’interrogation...

Comme en 1962, la soutane crée un clivage générationnel, cette fois à l'envers. En juin 1962, selon le vendeur du film de l'INA, les jeunes curés étaient pressés de quitter la soutane, au grand dam des prêtres plus âgés. En 2012, ce sont ces prêtres devenus âgés qui ont du mal avec leurs jeunes confrères qui s'ensoutanent allègrement.

Les prêtres de plus de 60 ans que je connais voient dans le port de la soutane la manifestation d'un retour en arrière, une forme d'arrogance identitaire, un raidissement idéologique. Il est vrai que la plupart des jeunes prêtres sont très différents d’eux : ils sont “ratzingériens” pour la plupart. Ils aiment notamment la liturgie où s'exprime le sacré. Les prêtres anciens ont l'impression qu'en portant la soutane, les jeunes collègues leur font la leçon, et surtout qu'ils désavouent tout ce que pour quoi ils se sont battus eux-mêmes, à savoir une présence de plain-pied dans le monde moderne, au grand large. Ce clivage générationnel entre prêtres recouvre celui qui existe entre les laïcs.

Il est vrai que la soutane peut-être comme une sorte d'étendard idéologique ou un outil de gratification narcissique. Tel jeune prêtre, qui porte la soutane régulièrement, critiquent certains collègues qui la mettent pour faire des mondanités ou se pavaner dans certains cercles tradis. Car tout dépend de la façon dont elle est portée.

Il est difficile d’arborer la soutane avec naturel. Ceux qui y réussissent le mieux sont les prêtres de la Communauté Saint Martin. S’il semblent tellement à l’aise dans ce bleu de travail, c’est parce qu’ils le portent tout le temps alors qu’ils ne sont pas traditionalistes. Cette aisance qui n'est sans doute pas pour rien dans le succès de cette communauté qui totalise 60 séminaristes.

Autre élément montrant que le retour de la soutane est un phénomène finalement assez “moderne” : les jeunes prêtres qui l’endossent de temps en temps le font selon un modèle très libéral (puisqu’ils ne sont contraints à aucune règle en la matière): c'est quand je veux, avec qui je veux. Le jeu est volontiers individualiste. Dans des diocèses où les cadres dirigeants sont massivement issus de l'Action catholique, porter la soutane peut avoir un caractère de provocation plus ou moins calculé... qui nous alerte sur le besoin de certains jeunes prêtres d’être reconnus, tout simplement.

En tous cas, ce serait une erreur d’interpréter ce retour de la soutane comme une résurgence du passé ou un prurit nostalgique. La chose est beaucoup plus complexe.

Résumons l'argument: ce furent les jeunes prêtres de 1962 qui l'enlevèrent. Ce sont les jeunes prêtres de 2012 qui la remettent. C’est à chaque fois une affaire de jeunes.

Mais l’attitude invoquée en 1962 comme en 2012 est, au fond, assez similaire : le prêtre veut être apôtre. Il y a 50 ans, il croyait être plus crédible et efficace dans son ministère apostolique en ayant l'air moderne, en réduisant l’écart avec l’homme en civil. Aujourd'hui, certains prêtres estiment qu’on évangélise plus efficacement à partir d’une communication visuelle abrasive et qui renvoie à un style “ancien”. Mais la démarche a en commun une ambition, celle d'annoncer le Christ dans deux situations historiques radicalement opposées. Les solutions qu'ils donnent apparaissent opposées, bien que l'intention soit la même...

Car le coeur profond du prêtre n'a pas tant changé que cela en 50 ans. C'est le contexte sociétal qui s'est renversé. L'Eglise n'est plus une institution puissante qui devrait s'excuser de prendre tant de place dans la société, comme en 1962... Les jeunes cathos – prêtres et laïcs – de 2012 savent qu'ils sont une petite minorité qui doit assumer sa visibilité. La soutane est donc la partie visible d'une insurrection devant le risque d'un effacement total du paysage symbolique contemporain.

Mais la soutane est aussi plus que cela, car les prêtres la lient fortement au célibat. Celui-ci est aussi un témoignage fortement contre-culturel. La soutane, vêtement décalé comme aucun autre, vient donner une peau à ce choix radical du renoncement au mariage pour l'annonce eschatologique du Royaume. Le vêtement noir qui couvre tout le corps est un cri de résistance dans un monde où la chair s’exhibe, et où prévaut un tyrannique conformisme social sur ce qui touche à la sexualité. Celui qui affirme que l’on est anormal si on n’est pas sexuellement actif. Le prêtre continent et célibataire incarne l'insurrection contre cette pensée unique. Le fait de porter la soutane participe alors d'une revendication de marginalité qui renvoie à la radicalité du Christ et de l'Evangile.

Le prêtre ensoutané de 2012 se veut alors prophète par son look, alors qu’en 1962, il ne le pouvait pas, car le prêtre faisait trop partie de la culture commune.

Cette prophétie n'a évidemment de poids que si, au delà du vêtement, le prêtre qui porte la soutane incarne réellement le Christ par sa bonté, son souci des pauvres et des petits, son humilité. Récemment, le prieur des dominicains de la Province de France, le père Jean-Paul Vesco, a écrit à ses frères pour les autoriser à porter l’habit à l’extérieur des couvents. Au delà d’une considération historique très proche de mon propos (“les temps ont changé”), il insiste sur la façon de porter l’habit : “Au fond, ce n’est pas tant le fait de porter l’habit qui compte mais la manière de le porter, et ce que l’on entend signifier. Si l’habit est signe d’humilité, d’une vie simple, unifiée, fraternelle et vraiment donnée à tous, il sera un témoignage qui parle à notre temps. S’il manifeste au contraire une volonté de rupture avec la société, de séparation, de supériorité, ou s’il est plaqué sur une vie personnelle qui ne lui ressemble pas, il mettra en échec la relation sans laquelle il n’est pas de témoignage possible, sauf un contre-témoignage.”.

La soutane n'a aucune valeur si elle n'est qu'un pur appât communicationnel, ou qu'un emblème idéologique d’une volonté de reconquérir un passé mythique. C’est uniquement comme symbole vivant de l'amour du Christ qu'elle peut être habit de lumière.
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le film à voir : les actualités du 29 juin 1962, intitulées "Monsieur l'Abbé sans soutane".