SOURCE - Mgr Lefebvre, fsspx - Fideliter - 30 mai 1988
[Le Pointet, 30 mai 1988 - publié dans Fideliter, Numéro hors-série, 29-30 juin 1988. Texte manuscrit remis par Mgr Lefebvre aux prêtres et religieuses réunis par lui au Pointet le 30 mai. Reproduit également ans Itinéraires, Numéro 325-326 de juillet-octobre 1988]
- Quinze ans d'opposition aux déviations doctrinales du Concile et aux Réformes issues de cet esprit conciliaire, afin de demeurer fidèles à la foi et aux sources de la grâce sanctifiante.
- Pour demeurer dans cette fidélité nous subissons la persécution de Rome et des épiscopats, des Congrégations religieuses.
- Réalisant le même combat, nous nous sommes entr'aidés pour consolider et développer les œuvres que la Providence a mises dans nos mains et qu'elle a visiblement bénies.
- La Providence a permis que nous ayons un Evêque, grâce auquel les grâces des ordinations et des confirmations ont pu nous être données, secours indispensable pour notre fidélité.
- Quinze années de vie ecclésiale traditionnelle, quinze années de bénédictions, de vie avec le sacrifice eucharistique, de prières, de réception de sacrements valides et fructueux. Évêque, prêtres, religieux, religieuses, familles chrétiennes unis dans la foi, la ferveur, la générosité, la pleine croissance spirituelle et matérielle, au milieu d'épreuves, de croix, de mépris, etc.
- L'Evêque formait le lien moral et même le lien ecclésial avec la Rome moderniste actuelle. Il faut bien reconnaître que les efforts pour corriger 1'esprit et les Réformes du Concile furent vains, ainsi que les demandes d'autoriser officiellement l'«expérience de la Tradition».
Cependant le problème vital pour la fidélité à la Tradition se pose avec la disparition de l'Evêque.
Rome refusant son concours à la permanence de la Tradition, la nécessité pour le salut des âmes fait loi. Le 29 juin 1987 est annoncée la décision de créer quelques Evêques pour la succession épiscopale.
Le 14 juillet 1987 une ultime demande est faite à Rome de vive voix et par lettre. Le 28 juillet 1987 une ouverture sérieuse se fait jour, Rome semble effrayée par la menace de la consécration des Évêques.
La réponse ne rejette pas l'idée d'une succession épiscopale, mais, après reconnaissance légale de la Fraternité, la liturgie, les séminaires traditionnels seront autorisés. On n'y parlait plus de document doctrinal. Ils y reviendront. Un visiteur apostolique est envisagé.Que devons-nous faire?
- La visite par le cardinal Gagnon est décidée et se réalise du 11 novembre au 9 décembre. [NDLR : 1987]
- Rapport remis le 5 janvier [NDLR : 1988] au Pape.
- Le 18 mars : proposition d'une Commission.
- Réunion de la Commission d'experts les 13-14-15 avril. Signature d'un projet le 15 avril.
Réunion de la Commission entre le Cardinal, Mgr Lefebvre et les experts, les 3 et 4 mai. Signature du Protocole le 5 mai, St Pie V.
- Procédure pour l'application.
- Question de la date de la consécration? Remise "sine die".
- Lettre de Monseigneur au Pape du 5 mai 1988.
Commencent les difficultés d'application:
Lettre du 6 mai au Cardinal : menace de procéder aux consécrations le 30 juin. Réponse du Cardinal le 6 mai.
Projet de lettre pour le Pape avec demande de pardon, la lettre du 5 mai étant trop administrative- (apportée par l'abbé du Chalard)
L'abbé du Chalard confirme au Cardinal l'intention de consacrer le 30 juin- le Cardinal demande que je vienne à Rome.
Lettre au Pape et lettre au Cardinal au sujet de la date et du nombre des évêques et des membres de la Commission Romaine - du 20 mai et du 24 mai.
Rencontre avec le Cardinal et les Secrétaires le 24 mai - Remise des lettres - Le Cardinal fait alors allusion au 15 août pour la consécration, mais ne répond pas aux autres problèmes. Les Secrétaires, eux, font allusion aux autres problèmes en disant qu'on peut examiner les demandes !... -le Cardinal me remet un autre projet de lettre au Pape. Le 28 mai, le Pape confirme la date du 15 août "intus l'anno mariale".
L'ambiance de ces contacts et des colloques, les réflexions des uns et des autres au cours des conversations
L'ambiance de ces contacts et des colloques, les réflexions des uns et des autres au cours des conversations, nous manifestent clairement que le désir du Saint-Siège est de nous rapprocher du Concile et de ses Réformes, de nous remettre aussi dans le sein de l'Eglise Conciliaire et des Congrégations religieuses :
- Le Bureau de Rome sera provisoire (Note spéciale).
- L'Evêque est inutile, mais accordé de mauvais gré. Délais!
- L'Eglise catholique est l'Eglise du Concile Vatican II.
- L'acceptation des nouveautés conciliaires à Saint-Nicolas!
- [Faire] retourner les Congrégations religieuses à leurs Ordres respectifs, avec un statut spécial!
- On nous remet une note doctrinale à la signature.
- On nous redemande le pardon de nos fautes.
Notre réintégration semble être un atout politique, diplomatique, pour faire équilibre aux excès des autres.
C'est alors que se pose le problème moral suivant et pour lequel je n'ai pas cru pouvoir agir sans avoir votre avis puisque vous êtes concernés d'une manière directe. (Rappel de M. l'abbé Schmidberger des USA.)
Il faut prendre conscience qu'une nouvelle situation apparaîtra après la mise en application de l'accord.
Disons les avantages :
- Normalisation canonique de nos œuvres. Reprise des relations avec Rome de chacune de nos œuvres.
- En gardant une certaine indépendance pour la sauvegarde de la Tradition, par la liturgie, par la confirmation des membres et des fidèles.
- Et relations avec les évêques et le monde conciliaire ; suppression des appréhensions et des réticences !... dans une certaine mesure.
- Et relations facilitées avec certaines administrations civiles.
- Contacts missionnaires plus faciles pour convertir à la Tradition, prêtres et fidèles !...
- Afflux de vocations et de fidèles dans nos œuvres.
- Evêque consacré avec l'agrément du Saint-Siège.
Disons les inconvénients :
- Dépendance mesurée mais certaine de la Rome moderniste et conciliaire, à travers la commission romaine dirigée par le cardinal Ratzinger, dont les principes sont ceux qui nous ont éloignés de la Rome moderne.
- Dissociation normale de notre unité morale créée autour de ma personne, qui disparaît au profit en partie du cardinal Ratzinger et en partie au profit des différents Supérieurs généraux et générales qui auront affaire directement avec Rome, mais pourront continuer à s'adresser à l'Evêque consacré pour la Tradition.
- Risque de moins d'unité et de moindre force.
- Relations avec les congrégations et Ordres, avec statut spécial, mais malgré tout avec une dépendance morale, que Rome souhaite voir transformée le plus tôt possible en dépendance canonique.
Danger de contamination.
- Relations avec les évêques et un clergé et des fidèles conciliaires malgré l'exemption très étendue ; les barrières canoniques disparaissant, il y aura nécessairement des contacts de courtoisie et peut-être des offres de coopération pour les unions scolaires, union des supérieurs, réunions sacerdotales, cérémonies régionales, etc. Tout ce monde est d'esprit conciliaire, œcuméniste, charismatique.
- Un seul évêque.
- Moins de protection, plus de danger.
Nous étions jusqu'à présent protégés naturellement, la sélection s'assurait d'elle même par la nécessité d'une rupture avec le monde conciliaire; désormais, il va falloir faire des dépistages continuels, se prémunir sans cesse des milieux romains, des milieux diocésains.
C'est pourquoi nous voulions trois ou quatre évêques et la majorité dans le Conseil Romain. Mais ils font la sourde oreille. Ils n'ont accepté qu'un évêque, sous la menace continuelle, et ont avancé la date. Ils estiment inconcevable qu'on les traite comme un milieu contaminé, après tout ce qu'ils nous accordent.
Le problème moral se pose donc pour nous :
• Faut-il prendre les risques de contacts avec ces milieux modernistes, avec l'espoir de convertir quelques âmes et avec l'espoir de se prémunir, avec la grâce de Dieu et la vertu de prudence, et ainsi demeurer légalement unis à Rome par la lettre, car nous le sommes par la réalité et l'esprit ?
• Ou faut-il avant tout préserver la famille traditionnelle pour maintenir sa cohésion et sa vigueur dans la foi et dans la grâce, considérant que le lien purement formel avec la Rome moderniste ne peut pas être mis en balance avec la protection de cette famille qui représente ce qui demeure de la véritable Eglise catholique ?
• Qu'est-ce que Dieu et la Trinité Sainte et la Vierge de Fatima demandent de nous comme réponse à cette question ?
Il est clair que quatre évêques nous fortifieront mieux qu'un seul.
La décision doit être prise dans les 48 heures.
Réfléchissez, priez, veuillez me donner votre avis, même par écrit si vous le voulez, et il me faudra, avec le secours de l'Esprit Saint et de la Vierge Marie Reine, prendre une décision.
Note : Mgr de Castro-Mayer a promis de venir pour le 30 juin, pour les consécrations épiscopales, avec trois prêtres de son diocèse.
+ Marcel LEFEBVRE