SOURCE - Édouard Garancher - Famille Chrétienne - 31 mai 2013
«Pesons le gain et la perte, en prenant croix que Dieu est.
Estimons ces deux cas : si vous gagnez, vous gagnez tout ; si vous
perdez, vous ne perdez rien. Gagez donc qu’il est, sans hésiter!»
Le fameux pari de Pascal, auquel l’abbé de Tanoüarn consacre son récent
livre, fascine comme il peut agacer. Peu de textes ont été aussi
féconds en interprétations erronées. Le Dieu des chrétiens, objet d’une
gageure : il fallait, pour avoir cette audace, toute l’originalité du
profil pascalien.
Le moraliste de Port-Royal est d’abord, en effet, un mathématicien. À 12 ans, il redécouvre par lui-même les propriétés du triangle d’Euclide. À 19, il invente la première machine à calculer de l’Histoire, la Pascaline. Dans son avidité de recherches, il se passionne, par la suite, pour les probabilités. Nous sommes en 1654, quelques mois avant le début de la rédaction des Pensées. Ce problème ne présente pas seulement un intérêt scientifique. La question va très vite le tarabuster : l’espérance mathématique tient-elle de l’espérance théologale autre chose que la minceur d’une homonymie ? La première peut-elle être une image, un comparant pour saisir la seconde ?
Le deuxième contresens est une illusion d’optique. Parce que le pari se dénouera à notre mort, nous imaginons que Pascal nous parle de l’autre monde. Rien de plus réducteur : le pari prend son efficacité dans l’instant même où nous adhérons à Dieu. Les libertins craignent de sacrifier leurs passions au chatoiement d’un mirage. Que vous arrivera-t-il ?, leur demande notre auteur. « Vous serez fidèle, honnête, humble, reconnaissant, bienfaisant, sincère, ami véritable. » La démarche de conversion n’est pas seulement un choix en faveur de l’infini de Dieu, mais une première expérience de cet infini. « Le possible devient réel », écrit Tanoüarn : le croyant s’aperçoit qu’il possède déjà ce qu’il espère.
Alors, est-ce un grand danger, comme disait Simone Weil, d’aimer Dieu comme un joueur aime le jeu ? L’affaire n’est pas entendue. Il existe des jeux de providence comme des jeux de hasard. La dimension ludique est inséparable de la vie. Pascal le sait bien, devenu scientifique par loisir, en s’amusant à résoudre les problèmes. L’abbé de Tanoüarn nous le décrit, souriant et grave, enjoué et réfléchi. La spiritualité n’échappe pas à la règle, à condition de prendre son risque, d’engager toute sa vie, sans lésine. C’est la chandelle qui doit valoir le jeu.
Au fond du pari, on découvre ainsi une sensibilité mystique du renoncement à soi où l’on attendait un esprit spéculateur : c’est la belle clé de lecture que nous propose ce livre.
Le moraliste de Port-Royal est d’abord, en effet, un mathématicien. À 12 ans, il redécouvre par lui-même les propriétés du triangle d’Euclide. À 19, il invente la première machine à calculer de l’Histoire, la Pascaline. Dans son avidité de recherches, il se passionne, par la suite, pour les probabilités. Nous sommes en 1654, quelques mois avant le début de la rédaction des Pensées. Ce problème ne présente pas seulement un intérêt scientifique. La question va très vite le tarabuster : l’espérance mathématique tient-elle de l’espérance théologale autre chose que la minceur d’une homonymie ? La première peut-elle être une image, un comparant pour saisir la seconde ?
Le possible devient réelL’originalité de l’abbé de Tanoüarn consiste à prendre au sérieux, sur le plan spirituel, la démarche de Pascal. Il corrige ainsi deux idées reçues. La première, celle de Voltaire, voudrait faire du pari un calcul sordide, ramenant l’aventure de la foi aux dimensions misérables de l’arithmétique. Faut-il manquer d’amour, pense-t-on en substance, pour miser sur Dieu à partir d’une comptabilité des gains et des pertes, comme on pose ses jetons sur une table de casino ! En réalité, le pari est le contraire d’un calcul. Qu’avons-nous en présence ? L’infini figure Dieu, le néant son absence. On ne peut pas plus ajouter une unité à l’infini que faire du néant un multiplicateur : les opérations s’annulent en présence de ces deux symboles. Pascal ne cherche pas à nous initier aux subtilités probabilistes : il pense que l’idée d’infini, soit-il numérique, recèle en creux l’intuition de Dieu. Il n’ambitionne pas de nous convaincre rationnellement, mais de nous faire céder à la douceur violente d’un vertige : dès lors que nous sommes en face de l’infini, même incertain, il serait déraisonnable de ne pas opter pour lui. Quelque chose en nous ne nous laisse pas le choix.
Le deuxième contresens est une illusion d’optique. Parce que le pari se dénouera à notre mort, nous imaginons que Pascal nous parle de l’autre monde. Rien de plus réducteur : le pari prend son efficacité dans l’instant même où nous adhérons à Dieu. Les libertins craignent de sacrifier leurs passions au chatoiement d’un mirage. Que vous arrivera-t-il ?, leur demande notre auteur. « Vous serez fidèle, honnête, humble, reconnaissant, bienfaisant, sincère, ami véritable. » La démarche de conversion n’est pas seulement un choix en faveur de l’infini de Dieu, mais une première expérience de cet infini. « Le possible devient réel », écrit Tanoüarn : le croyant s’aperçoit qu’il possède déjà ce qu’il espère.
Alors, est-ce un grand danger, comme disait Simone Weil, d’aimer Dieu comme un joueur aime le jeu ? L’affaire n’est pas entendue. Il existe des jeux de providence comme des jeux de hasard. La dimension ludique est inséparable de la vie. Pascal le sait bien, devenu scientifique par loisir, en s’amusant à résoudre les problèmes. L’abbé de Tanoüarn nous le décrit, souriant et grave, enjoué et réfléchi. La spiritualité n’échappe pas à la règle, à condition de prendre son risque, d’engager toute sa vie, sans lésine. C’est la chandelle qui doit valoir le jeu.
Au fond du pari, on découvre ainsi une sensibilité mystique du renoncement à soi où l’on attendait un esprit spéculateur : c’est la belle clé de lecture que nous propose ce livre.