15 juillet 1999

[Fr. Louis-Marie de Blignières - Sedes Sapientiae] Actes fondateurs et gestes de Communion

SOURCE - Fr. Louis-Marie de Blignières, Fraternité Saint-Vincent Ferrier - Sedes Sapientiae n°68 - Juillet 1999

Le pèlerinage à Rome pour le dixième anniversaire du Motu proprio Ecclesia Dei a confirmé la vitalité du courant traditionnel dans l’Eglise. La presse a parlé à cette occasion, de façon un peu provocante, du « soutien de Rome aux tradis ». Le discours du Saint-Père lors de l’Audience du 26 octobre 1998, avec son invitation fraternelle aux évêques « à avoir une compréhension et une attention pastorale renouvelée aux fidèles attachés à l’ancien rite » , a surpris ceux qui pensaient que les dispositions du Motu proprio avaient un caractère exceptionnel et provisoire.

Nous nous proposons de tenter de mieux faire comprendre l’une des caractéristiques des instituts de la mouvance d’Ecclesia Dei : vivre la pleine communion ecclésiale dans la fidélité aux rites traditionnels et manifester cette communion par des signes cohérents avec ce choix fondamental. Pour cela, nous devons rappeler la nature de leurs actes fondateurs : après les avoir replacés dans leur contexte historique, et avoir indiqué les intentions spécifiques qui les ont animés, nous soulignerons leur caractère de jugements prudentiels. Puis, dans la ligne du charisme propre de ces instituts, nous réfléchirons sur les gestes d’unité demandés par le Saint-Père « à tous les catholiques », pour que « la légitime diversité et les différentes sensibilités, dignes de respect, ne les séparent pas les uns des autres » .
1. Contexte historique
a. La crise de l’Église

La réalité d’une « crise de l’Eglise », imbriquée dans la crise de la modernité qui affecte le monde de la pensée et la société civile, est aujourd’hui de plus en plus reconnue : crise d’identité dans le rapport au monde, dans la transmission catéchétique de la foi, dans l’élan missionnaire, dans la spécificité sacerdotale, dans la vie religieuse, crise enfin des vocations et crise de la liturgie. Paul VI et Jean-Paul II, ainsi que le Cardinal Ratzinger et d’autres hauts responsables, ont indiqué, à la suite de nombreux analystes du dedans et du dehors, la présence de ces diverses composantes, mêlées à d’indéniables éléments positifs et à de nombreux signes d’espérance, dans la vie ecclésiale depuis une trentaine d’années.

La naissance des instituts Ecclesia Dei ne saurait être comprise sans la référence à ce contexte de crise postconciliaire. Vatican II se proposait de réaffirmer et développer le trésor de la doctrine catholique, en indiquant les voies pastorales qui semblaient les plus opportunes pour qu’elle atteigne les hommes contemporains : « Il importe que cette doctrine certaine et immuable, à laquelle on doit se soumettre fidèlement, soit étudiée et exposée d’une manière conforme aux exigences de notre temps» . Il n’est pas dans notre propos d’étudier toutes les solutions pastorales dont le Concile, dans l’optimisme des années soixante, ouvrait les voies. Nous ne chercherons pas non plus si les réformes postconciliaires n’ont pas largement dépassé ce que demandaient les Pères conciliaires.

Avec le recul du temps, il apparaît que plusieurs de ces réformes, en elles-mêmes et plus encore dans leur application, furent marquées de notables déficiences, qui compromirent la mise en œuvre des justes intuitions des Pères conciliaires. Trois de ces carences jouèrent, nous semble-t-il, un rôle important. D’abord l’aspect pastoral a pris le pas sur le fondement doctrinal rappelé et développé par le Concile. Ensuite le souci de la continuité et de l’homogénéité consubstantielle à la croissance du dogme et à l’évolution de la liturgie a été insuffisant. Enfin la rapidité et l’universalité des réformes, jointes à la brutalité de leur mise en application, ont fait contraste avec les déclarations sur la suppression de l’arbitraire.

Cette période a été celle d’une crise profonde de la notion même de Tradition. En dépit des rappels doctrinaux de Paul VI , la continuité de la Tradition a paru ébranlée au point que l’aile progressiste parla, pour s’en réjouir, de rupture, arrivant en certains cas à la dissidence ouverte quant au contenu de la foi. D’un autre côté, le lien du magistère vivant avec la Tradition a semblé obscurci par l’insistance sur la nouveauté et l’urgence des réformes. De nombreux fidèles se sont sentis abandonnés aux mains de novateurs, et ont déserté la pratique ou se sont installés aux marges, jusqu’à rompre en certains cas les liens de la communion hiérarchique.

Les points les plus sensibles de ce processus furent l’enseignement de la théologie, la question des catéchismes et celle de la liturgie. « Je suis convaincu, écrit le Cardinal Ratzinger, que la crise de l’Eglise que nous vivons aujourd’hui repose largement sur la désintégration de la liturgie. » En ces trois domaines, de réels progrès pouvaient être réalisés, en prenant en compte les directives du Concile en leur ligne essentielle. Mais la clef d’un progrès authentique est le respect de l’acquis légué par les prédécesseurs, et dans le cas de l’Eglise animée par le Saint-Esprit, la piété filiale vis-à-vis de « la Tradition qui nous vient du Seigneur par les Apôtres, telle qu’elle s’est constituée tout au long de l’Histoire » .

On retrouve sur ces trois points-clés les carences signalées plus haut. L’obnubilation sur une perspective d’adaptation pastorale finit par évacuer, jusqu’à la faire juger incongrue, la question du contenu doctrinal qui norme toute action juste dans l’Eglise. Ceci a été particulièrement spectaculaire dans la nouvelle pédagogie catéchétique, dont l’échec est aujourd’hui patent. L’absence du souci de la continuité et de l’homogénéité finit par couper la théologie de ses sources normatives et par compromettre le cœur de la formation sacerdotale. Il aurait fallu au contraire intégrer un enrichissement scripturaire et patristique à la structuration spéculative apportée par la sagesse thomiste recommandée par le Concile . Enfin les réformes liturgiques ont, dans l’espace de quelques courtes années, profondément modifié tous les rites, et ont imposé les changements sans guère demander son avis au peuple chrétien, et sans laisser subsister les formes anciennes. Ceci est frappant dans le cas de la Messe, dont la forme tridentine du Missel latin classique a été, sinon formellement abrogée, du moins pratiquement obrogée par l’imposition quasi-universelle du nouvel Ordo Missæ .
b. L’évolution en cours
Cette situation a cependant évolué depuis une quinzaine d’années. La carence des catéchismes, signalée dès 1983 par le Cardinal Ratzinger, a trouvé un commencement de solution par la parution du Catéchisme de l’Église Catholique en 1992. Les grands documents pontificaux des dernières années, Veritatis splendor, Ordinatio sacerdotalis, Evangelium vitæ, Ad tuendam fidem, Fides et ratio, soulignent le caractère normatif du contenu de la foi, son harmonie avec les vérités naturelles, et l’importance de la continuité de la Tradition. Enfin, la crise de la liturgie est aujourd’hui reconnue au-delà des cercles traditionalistes , les abus font l’objet de certaines mises en garde, et la Messe tridentine, avec l’Indult de 1984 et le Motu proprio de 1988, commence à sortir de l’interdit de fait qui pesait sur elle.

Le 2 juillet 1988 paraît en effet le Motu proprio Ecclesia Dei . Si l’occasion qui lui a donné naissance est la consécration, contre la volonté formelle du Pape, de quatre évêques par Mgr Marcel Lefebvre, cet acte pontifical dépasse largement ce seul problème. D’abord par son contenu : une méditation de grande ampleur sur la Tradition, dont il souligne le développement homogène et continu et le lien intérieur avec le magistère vivant (n. 4), et aussi une claire affirmation de « la légitimité (...) de la diversité des charismes et des traditions de spiritualité et d’apostolat » (n. 5a). Ensuite par ses destinataires, qui sont non seulement « ceux qui ont été liés au mouvement issu de Mgr Lefebvre » (n. 5c), mais aussi « tous les fidèles catholiques, (...) les évêques » (n. 5a) (...) « les théologiens et experts » (n. 5b). Le Pape les invite tous à « réfléchir sincèrement sur la fidélité à la Tradition » et à « refuser toutes les interprétations erronées et les applications abusives en matière doctrinale, liturgique et disciplinaire » (n. 5a).

Cet acte du magistère, loin d’être purement de circonstance, s’inscrit dans le souci de réaffirmer la continuité qui marque particulièrement ces dernières années du Pontificat. L’espoir qui anime le Saint-Père, c’est de faire cesser la mentalité d’opposition dialectique qui rend impossible une lecture vraiment catholique de Vatican II, comme élément de « la doctrine de l’Eglise, héritière fidèle de la Tradition existant déjà depuis près de vingt siècles comme réalité vivante qui progresse » . C’est aussi de montrer qu’une réforme qui ne craint pas de laisser une certaine place dans l’Eglise aux « formes liturgiques et disciplinaires antérieures » est digne de créance quand elle affirme sa continuité.

A l’appui de cette lecture d’Ecclesia Dei comme document dépassant les circonstances qui ont été à son origine, on peut remarquer que dans l’Audience du 26 octobre 1998, le Pape ne fait aucune référence à « l’acte schismatique » des sacres du 30 juin 1988, pour expliquer comment « l’on doit lire et appliquer le Motu proprio Ecclesia Dei » .
2. Intentions spécifiques
a. Le texte de référence
C’est sur cette toile de fond que se détachent les actes fondateurs des instituts Ecclesia Dei . Existant depuis plusieurs années avant le Motu proprio, ou fondés dans sa prolongation, ils ont reçu leur statut canonique grâce (ou en référence) à lui. Les uns étaient érigés par la Commission Pontificale Ecclesia Dei en vertu des pouvoirs spéciaux reçus du Souverain Pontife , les autres recevaient d’elle des facultés liturgiques .

Dans tous les cas, le texte de référence qui éclaire les actes fondateurs est un passage d’Ecclesia Dei auquel renvoie le Rescrit du 18 octobre (n. 6a). Il concerne ceux qui « ayant eu des liens avec la Fraternité fondée par Mgr Lefebvre, désirent rester unis au successeur de Pierre dans l’Église catholique, en conservant leurs traditions spirituelles et liturgiques selon (iuxta) le Protocole signé le 5 mai précédent par le Cardinal Ratzinger et Mgr Lefebvre » . Deux éléments intègrent donc l’acte par lequel les fondateurs des instituts Ecclesia Dei ont demandé à l’Autorité ecclésiastique la reconnaissance canonique de leurs fondations :

- Vivre dans l’union au pape et donc dans la pleine communion hiérarchique de l’Eglise, avec toutes ses exigences et tous ses bienfaits ;

- Conserver le patrimoine de leurs traditions propres, et ceci selon les normes précises données par un texte désigné nommément.

Ces éléments, constitutifs du charisme fondateur de chacun des instituts, ont été reçus ou approuvés par l’Autorité : pour Le Barroux dans la Notification officielle de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi du 25 juillet 1988 (qui fait référence explicitement à ce passage), pour les autres instituts dans les décrets d’érection, qui y renvoient implicitement en mentionnant que la Commission agit « en vertu des facultés spéciales qui lui ont été conférés par le Souverain Pontife Jean-Paul II » .

Dans la fondation d’un institut, il faut en effet prendre en compte les deux actuations qui interviennent.

D’une part, celle des fondateurs selon leur charisme. L’expression, employée par Paul VI , est reprise par Jean-Paul II : « Il est avant tout demandé d’être fidèle au charisme fondateur et au patrimoine spirituel constitué dans chaque institut » , et elle est utilisée par lui, tant dans le texte du Motu proprio qu’à l’Audience accordée pour le dixième anniversaire d’ Ecclesia Dei.

D’autre part, l’action de la hiérarchie, qui conformément au principe de subsidiarité, ne se substitue pas à la première, mais donne ou refuse la garantie d’authenticité : « D’une part [l’Esprit de Dieu] suscite directement l’activité des croyants en ouvrant des voies nouvelles et inédites à l’annonce de l’Evangile, de l’autre il rend leur œuvre authentique à travers l’intervention officielle de l’Eglise. » Pour indiquer qu’il existe bien deux sujets d’action, Vatican II décrit « la fonction de la hiérarchie dans l’Eglise » par rapport aux règles « proposées » par les fondateurs par le verbe « recevoir (recipit) » .

Pour comprendre la portée des actes qui ont donné naissance aux instituts Ecclesia Dei, il est donc nécessaire de les référer à ces deux actions et aux intentions spécifiques qu’elles manifestent. D’abord celle de l’autorité. Aux supérieurs des instituts Ecclesia Dei, les Cardinaux Ratzinger et Mayer, chargés par le Pape de ce dossier, ont durant l’été 1988 « proposé de la part du Saint-Père le Protocole signé le 5 mai et dénoncé dans la nuit du 5 au 6 mai » . Ensuite celle des fondateurs qui ont accepté cette proposition et soumis, selon cette norme précise, leurs projets de vie à l’approbation canonique.
b. L’intention de la hiérarchie

Quelle est donc cette norme selon laquelle les deux parties, chacune à son rang, se sont loyalement engagées ? Elle comporte une Déclaration doctrinale et des dispositions juridiques. La Déclaration est composée de cinq points :

- 1. Une profession de fidélité à l’Eglise catholique et au Pontife Romain.

- 2. L’acceptation de la doctrine de Lumen gentium n. 25 sur le magistère et l’adhésion qui lui est due.

- 3. L’engagement à une attitude positive d’étude et de communication avec le Siège apostolique, « à propos de certains points enseignés par le Concile Vatican II ou concernant les réformes postérieures de la liturgie et du droit, et qui paraissent difficilement conciliables avec la Tradition ».

- 4. La reconnaissance de la validité de la Messe et des Sacrements célébrés, avec l’intention de faire ce que fait l’Eglise, selon les éditions typiques promulguées par Paul VI et Jean-Paul II.

- 5. La promesse du respect des lois disciplinaires de l’Eglise, spécialement celles du Code de droit canonique de 1983, « étant sauve la discipline concédée à la Fraternité [Saint-Pie-X] par une loi particulière».

Ce qui frappe dans ces conditions, c’est d’abord leur concision et leur adéquation à la théologie la plus classique. L’autorité considère comme catholique le baptisé qui, soumis à la Hiérarchie (n. 1), adhère à la doctrine catholique selon l’assentiment dû au magistère (n. 2), reconnait la validité des sacrements célébrés selon les rites approuvés (n. 4), et obéit aux lois de l’Eglise (n. 5). On retrouve en substance le canon 205 du Code de droit canonique : « Sont pleinement dans la communion de l’Eglise catholique sur cette terre les baptisés qui sont unis au Christ dans l’ensemble visible de cette Eglise, par les liens de la profession de foi, des sacrements et du gouvernement ecclésiastique. »

On peut aussi noter que plusieurs de ces éléments se retrouvent dans la Profession de foi et le Serment de fidélité que doivent prononcer ceux qui reçoivent une charge à exercer au nom de l’Eglise. L’incise finale du n. 5, « étant sauve la discipline particulière concédée à la Fraternité », répond assez exactement au « étant sauves la nature et la fin de mon institut » du Serment de fidélité, et à l’exigence de « fidélité à la discipline de l’institut » du droit qui règle l’apostolat des membres des instituts de vie consacrée .

Dans cette déclaration doctrinale, on relève aussi une largeur d’esprit, qui, par rapport à l’attitude des autorités ecclésiastiques vis-à-vis des traditionalistes durant les vingt années précédentes, constitue une nouveauté. Que l’on considère par exemple les conditions imposées par Paul VI à Mgr Lefebvre comme préalables à toute réconciliation : acceptation sans aucune nuance du Concile « et de tous ses documents », acceptation de « la totalité de l’enseignement » de Paul VI, et engagement « à adopter et à faire adopter, dans les maisons qui dépendent de [Mgr Lefebvre], le Missel que [Paul VI] a lui-même promulgué » . Dans un esprit tout différent, la Déclaration doctrinale, conformément aux recommandations de Vatican II, applique « au sein même de l’Eglise », l’adage « unité dans le nécessaire, liberté dans le doute, en toutes choses la charité » , qui est l’un des principes directeurs de l’œcuménisme catholique .

Une difficulté, dont le principe même semblait écarté jusqu’ici, se trouve prise en compte, pour la première fois, dans toute son ampleur : celle de concilier certains points du Concile et des réformes postérieures avec la Tradition (n. 3). Dans le Motu proprio, Jean-Paul II indiquera un fondement objectif de cette difficulté, en évoquant « ces points de doctrine, qui peut-être à cause de leur nouveauté (cum fortasse novæ sint), n’ont pas été bien compris par certaines parties de l’Eglise » (n. 5b). Sur ces points, étant évidemment sauvegardée l’attitude due à un texte du magistère (cf. n. 2), il est demandé, non une réception sans nuances qui traiterait par prétérition les déficiences qui peuvent se rencontrer même dans un texte magistériel , mais « une attitude positive d’étude et de communication avec le Siège Apostolique, en évitant toute polémique ». On trouve ici l’ouverture qui est manifestée par le magistère dans le dialogue avec le théologien : « Si, en dépit d’effort loyaux, les difficultés persistent, c’est un devoir pour le théologien de faire connaître aux autorités magistérielles les problèmes que soulève un enseignement en lui-même, dans les justifications qui en sont proposées ou encore dans la manière selon lequel il est présenté ». En demandant d’éviter toute polémique, on entend donc écarter seulement « cette attitude publique d’opposition au magistère de l’Eglise, appelée encore “dissentiment” » .

Un point a été décisif dans la conclusion de l’accord. Il concerne les nouveaux rituels de la Messe et des sacrements. La Déclaration doctrinale n’exige plus leur utilisation habituelle ou ponctuelle, mais la reconnaissance de leur validité lorsqu’ils sont « célébrés (...) selon les rites indiqués dans les éditions typiques » (n. 4). Il était de notoriété publique que, pour Mgr Lefebvre, la réforme liturgique comportait des aspects qui lui paraissaient « difficilement conciliables avec la Tradition ». Eviter la polémique, reconnaître la validité du Novus Ordo dans les textes officiels latins, communiquer avec le Saint-Siège sur les difficultés, voilà ce qui lui était demandé, en conformité avec la théologie classique de l’assistance du Saint-Esprit aux lois universelles de l’Église, qui garantit au moins la validité et la non-hétérodoxie, mais ne préserve pas nécessairement de toute déficience .

La « discipline spéciale concédée à la Fraternité [Saint-Pie-X] par une loi particulière » (n. 5) garantissait par ailleurs l’usage exclusif des livres liturgiques de 1962. Il est absolument capital de mesurer que c’est cette disposition qui a rendu possible l’accord sur le Protocole, puis l’érection des instituts Ecclesia Dei. Supposer qu’il s’agisse là d’une manœuvre habile, que le Saint-Siège envisageait de contraindre par la suite le signataire, et ceux qui accepteraient après lui ce Protocole, à la célébration au moins occasionnelle des rites qui leur faisaient justement difficulté, c’est lui imputer de manquer à la transparence des intentions et à la sincérité qui caractérisent tout dialogue dans l’esprit de l’Eglise. « Les caractéristiques du dialogue sont : la clarté avant tout, (...) la douceur, (...) la confiance (...) la prudence ; (...) le climat du dialogue, c’est l’amitié » . Imaginer en outre qu’une telle déloyauté serait reprise par le Motu proprio (qui est un acte solennel du magistère) lorsqu’il se réfère au Protocole, est encore plus invraisemblable.

L’intention spécifique de l’Autorité qui a érigé les instituts Ecclesia Dei, telle qu’elle est objectivement manifestée par les textes et les actes de l’été 1988, est donc, en imposant ce qui est strictement « nécessaire à l’unité, de respecter la juste liberté tant dans les formes variées de vie spirituelle et de discipline, que dans la variété des rites liturgiques » . Le Saint-Père a fait lui-même l’application à ce cas singulier du passage de Vatican II qui affirme que « l’Eglise, dans les domaines qui ne touchent pas la foi ou le bien de toute la communauté, ne désire pas, même dans la liturgie, imposer la forme rigide d’un libellé unique » .
c. L’intention des fondateurs
L’intention spécifique des fondateurs des instituts Ecclesia Dei n’est pas moins incontestable. Tous souhaitaient vivre dans la pleine communion ecclésiale leur projet de vie religieuse ou apostolique, en conservant ces disciplines, ces pédagogies, ces rituels traditionnels auxquels toute leur respiration spirituelle se trouve attachée, et en s’abstenant de ceux qui précisément leur faisaient difficulté depuis presque vingt ans. Ils auraient refusé une concession explicitement temporaire ou une formule biritualiste, conscients en outre de l’échec de toutes les tentatives antérieures de ce type (Séminaires du Leonianum, et de Mater Ecclesiæ à Rome). Les fondateurs des Fraternités Saint-Pierre et Saint-Vincent-Ferrier, début juillet à Rome, s’en expliquaient d’ailleurs loyalement avec les Cardinaux Ratzinger et Mayer qui régularisèrent leur situation canonique et leur délivrèrent des autorisations de célébrer (celebrets) selon le rite traditionnel. Dans un texte signé par eux et les fondateurs de l’Opus Mariæ, et remis à Mgr Perl, Secrétaire de la Commission Ecclesia Dei, ils incluaient cette condition du monoritualisme traditionnel .

Les Constitutions de ces deux Fraternités comportent d’ailleurs une disposition en ce sens. « La fin particulière de la Fraternité Saint-Pierre est de réaliser ce but [la sanctification des prêtres] par l’observance fidèle des “traditions liturgiques et spirituelles” conformément aux dispositions du Motu proprio Ecclesia Dei du 2 juillet 1988, qui est à l’origine de sa fondation » . « Dans la célébration de la Sainte Messe et de l’office divin, les membres de la Fraternité [Saint-Vincent-Ferrier] sont tenus d’utiliser leurs livres liturgiques propres et approuvés, selon la norme du Décret d’érection de la Fraternité» .

Dom Gérard, fondateur de l’Abbaye du Barroux, déclarait de son côté: « Ce que nous demandions depuis le début (messe de saint Pie V, catéchisme, sacrements, le tout conforme au rite de la Tradition séculaire de l’Église) nous était octroyé, sans contrepartie doctrinale, sans concession, sans reniement » . Les « Déclarations » de l’Abbaye précisent que « la liturgie de la Messe [et de l’Office divin], célébrée selon les rites plus que millénaires de la Sainte Eglise Romaine, dans la langue latine » est l’une des « deux sources qui ont donné naissance à la communauté du Barroux et qui constituent sa raison d’exister (rationem eius existentiæ constituunt) » .

Le monoritualisme traditionnel est bien l’un des éléments de cet « esprit des fondateurs et de leurs intentions spécifiques (propriaque proposita) » que Vatican II demande de « mettre en pleine lumière et de maintenir fidèlement » . L’autorité dans l’Eglise considère comme l’un de ses devoirs de « veiller, pour sa part, à ce que les instituts croissent et fleurissent selon l’esprit des fondateurs et leurs saines traditions » . Le projet de vie des fondateurs ne se réduit évidemment pas à cet aspect. Il inclut surtout le patrimoine de spiritualité propre à chacun des instituts. Il comporte la détermination à tirer toutes les conséquences de la pleine communion ecclésiale, selon les indications des cinq points de la Déclaration doctrinale du Protocole, à refuser toute tricherie disciplinaire, à cultiver la transparence vis-à-vis des autorités, la vigilance contre l’esprit d’amertume ou le séparatisme, les échanges effectifs avec les autres secteurs de l’Eglise.

Mais l’érection canonique d’instituts comportant cette intention fondatrice traduit dans les faits, de façon convaincante, la promesse du Saint-Siège dans sa Note d’information du 16 juin 1988 . On pouvait y lire en conclusion « un pressant appel aux membres de la Fraternité [Saint-Pie-X] et aux fidèles qui lui sont liés, pour qu’ils reconsidèrent leur position et veuillent rester unis au Vicaire du Christ, en les assurant que toutes les mesures seront prises pour garantir le respect de leur identité dans la pleine communion de l’Eglise catholique».
3. Jugements prudentiels
a. Un acte prudentiel normatif
Il faut maintenant préciser la nature exacte d’un acte fondateur. Comme son nom l’indique, il relève de l’agir moral, et il engage l’avenir. C’est donc un acte prudentiel au sens thomiste du mot , qui est normatif d’autres actes ultérieurement posés dans sa prolongation.

Comme acte prudentiel, il intègre un ensemble varié de données complexes, qui entrent dans la délibération de l’intelligence pratique et guident le jugement moral qui la clôt. Ce n’est pas un discours spéculatif qui analyse dans l’abstrait, une démonstration où tous les éléments prétendraient à la nécessité apodictique et à l’universalité.

La fondation d’instituts attachés au service des formes disciplinaires, liturgiques, apostoliques et spirituelles de la tradition latine dans le contexte de la crise ecclésiale, à la suite de la rupture des sacres du 30 juin 1988, est un acte prudentiel. Faire cela dans une intention fondatrice comportant le monoritualisme traditionnel, adhérer à ces instituts par la profession ou l’engagement : tous ces actes sont des jugements prudentiels.
b. Les considérants du jugement
Ces jugements sont éclairés par les principes nécessaires de la théologie de l’Eglise et des sacrements. Ils mettent en œuvre ces principes au sein d’une matière mouvante où il s’agit souvent plus de convenances, d’inconvénients et de dangers probables que de nécessités absolues. Des analyses marquées d’une part de contingence seront faites sur les divers aspects de la crise de l’Eglise, notamment les trois signalés plus haut (théologie, catéchèse, liturgie). Des considérations de justice naturelle et de loyauté humaine interviendront vis-à-vis des prêtres, religieux, séminaristes, fidèles, qui ont fait confiance aux fondateurs et les ont suivis dans cette voie, souvent au prix de grands sacrifices. Des appréciations d’efficacité apostolique entreront en ligne de compte : un enracinement profond dans une identité nette est nécessaire pour mener une action hardie et novatrice dans le cadre de la nouvelle évangélisation. Le souci de la stabilité des formes de la vie quotidienne jouera . La paix et l’unité qu’assurent les formes traditionnelles, comparées au caractère évolutif et à la variété des pratiques issues de la réforme, seront prises en compte. Des préoccupations « œcuméniques » légitimes seront présentes, à l’égard de ceux de nos frères qui ont été entraînés dans une dissidence qui se prolonge, mais qui souffrent parfois profondément de cette séparation.

L’un des éléments fondamentaux qui intervient dans la délibération du jugement prudentiel concerne les difficultés que présente pour nous la réforme liturgique, et qui sont prises en compte par le Protocole d’accord du 5 mai . Dans le cadre de cet article, nous ne pouvons que renvoyer à certaines études sérieuses, même si plusieurs de leurs analyses ou conclusions demanderaient à être complétées, ou parfois corrigées . Les difficultés présentées dans ces travaux touchent à l’expression de la théologie de la messe , notamment sur sa réalité de sacrifice propitiatoire, sur le rôle joué par la présence réelle dans l’économie du sacrifice, sur la place respective du prêtre et de l’assemblée.

D’autres études analysent les graves déficiences de certaines traductions en langue vernaculaire, comme celle du Père Renié . D’autres enfin soulignent le caractère polymorphe et évolutif de la réforme, qui, de l’aveu de son principal maître d’œuvre, Mgr Annibal Bugnini, comprend aussi les étapes « de l’adaptation (ou incarnation) de la forme romaine de la liturgie dans les usages et dans les mentalités de chaque Eglise (...) et de chacune des assemblées en prière » . Selon l’« attitude positive d’étude et de communication » que demande le Protocole, un véritable dialogue avec le Saint-Siège et les évêques sur ces divers problèmes serait hautement souhaitable.

Le choix normatif du monoritualisme pour les actes fondateurs est un choix pratique qui doit intégrer tous les éléments. Il ne s’agit pas de faire une étude académique sur tel ou tel aspect de la réforme. Il s’agit de constater que dans l’esprit de ses initiateurs et dans la réalité ecclésiale quotidienne, elle forme un tout, d’ailleurs encore évolutif. Il est extrêment difficile (sauf pour quelques abbayes ou quelques prêtres isolés) de dissocier une partie de ce tout. Par exemple d’utiliser seulement la Prex Eucharistica Ia (la plus proche de l’ancien canon romain). Il est aussi presqu’impossible de refuser la dynamique interne du mouvement, sans entraîner de graves tensions avec les confrères, voire des rappels à l’ordre des évêques .

Dans le cadre du droit liturgique issu de la réforme, un institut pourrait-il statutairement imposer à ses membres la forme la plus traditionnelle de la réforme liturgique et leur refuser les nombreuses possibilités ad libitum qu’elle offre ? La réponse semble plutôt négative. En tous cas, l’exemple des membres de certaines communautés canoniales ou apostoliques qui célèbrent selon l’Ordo de Paul VI, est parlant. Malgré leur nette préférence pour le rit latin orienté et la communion sous sa forme traditionnelle, ils se voient amenés à célébrer à peu près comme le reste du presbyterium des diocèses où ils sont accueillis, c’est-à-dire en vernaculaire, face au peuple et avec la communion donnée dans la main.
c. Un acte normatif pour nos seuls instituts
Le choix du monoritualisme traditionnel comme normatif pour les instituts Ecclesia Dei, est un acte qui engage, il importe de le souligner, ces seuls instituts et ceux qui y entrent. Ce n’est nullement une condamnation des autres choix possibles dans la communion ecclésiale, ou une réprobation de ceux qui s’engagent sur d’autres voies. Certains, dans le clergé ou les fidèles, se méprennent malheureusement sur ce point. Une meilleure communication doit être mise en œuvre pour les éclairer. Des membres des instituts Ecclesia Dei ont pu par leur paroles ou leurs attitudes accréditer l’idée contraire. Cette façon de faire, blessant la charité, ne peut qu’être désavouée par les Supérieurs et demande instamment à être redressée. Enfin un esprit séparatiste a pu être exprimé par certains des fidèles qui font confiance à nos instituts mais sont blessés par un passé douloureux, ou lassés de voir leurs demandes légitimes laissées sans réponse. Nous avons à faire tout notre possible pour les rappeler au sens de l’Eglise (sentire cum Ecclesia) , tout en suppliant respectueusement les Pasteurs de les considérer, eux aussi, comme des brebis du troupeau que le Christ leur a confié.

Les actes fondateurs par ailleurs engagent l’avenir, autant qu’il est possible évidemment dans les choses humaines. Un décret d’érection peut être annulé par l’autorité à cause de la disparition de l’objet de l’institut, du manque de sujets, ou pour une faute grave contre la foi ou la discipline. Mais il est de soi permanent. Des Constitutions peuvent être modifiées (avec l’approbation du Saint-Siège) par un Chapitre général, mais l’expérience montre que toucher à ce qui constitue ou protège directement le patrimoine de l’institut est le prélude habituel des catastrophes, comme on l’a constaté dans plusieurs des Chapitres « de rénovation » de 1968. Car selon l’adage philosophique, « les choses se conservent dans l’être par les mêmes causes qui leur ont donné naissance » .

Enfin, chacun adhère librement aux divers éléments du patrimoine de l’institut. Le devoir des formateurs est de les exposer loyalement. Le devoir des candidats est de discerner si leur propre vocation y correspond, et de se déterminer dans la clarté avant l’engagement définitif. Sur un point de cette importance, un engagement loyal à respecter les intentions fondatrices et à obéir selon la spécification des Constitutions est indispensable . Mais cette « obéissance de jugement » qui demanderait une d’adhésion interne au bien-fondé de toutes les orientations, n’est nullement requise. En revanche, sont nécessaires le respect des exigences d’unité et de charité fraternelles de l’institut, la docilité envers les Supérieurs et la sagesse qui prend en compte la grande difficultés de temps de fondation, accrue par l’instabilité de l’époque moderne.
4. Charisme propre et “ gestes d’unité ”
a. L’invitation du Pape
« Selon l’esprit de conversion de la lettre apostolique Tertio millenio adveniente , j’exhorte tous les catholiques à faire des gestes d’unité et à renouveler leur adhésion à l’Eglise, pour que la légitime diversité et les différentes sensibilités, dignes de respect, ne les séparent pas les uns des autres, mais les poussent à annoncer ensemble l’Evangile ; ainsi, stimulés par l’Esprit qui fait concourir tous les charismes à l’unité, tous pourront glorifier le Seigneur et le salut sera proclamé à toutes les nations. »

En recevant les pèlerins venus à Rome pour le dixième anniversaire d’Ecclesia Dei, le Saint-Père est revenu sur un thème qui lui est cher. Plusieurs idées s’articulent ici :

- la diversité des charismes et même des sensibilités est légitime ;

- tous sont invités à poser des gestes d’unité, afin que la diversité ne nuise pas à l’unité,

- mais contribue à l’efficacité du témoignage apostolique.

On retrouve ici une idée très traditionnelle, peut-être un peu perdue de vue au XIXe et XXe siècles sous la pression de l’hostilité du monde à l’Eglise, qui a dû réagir par une centralisation légitime en soi mais non indemne du péril d’uniformisation. Cette idée, c’est qu’une saine diversité « représente une richesse » .
b. Le caractère propre

En ce qui concerne la vie religieuse et apostolique, cela se traduit par le principe que les divers instituts, comme les diocèses d’ailleurs, ne sont pas simplement des départements administrés d’en-haut, tirant toute leur substance de l’action hiérarchique. Ce sont « des familles diverses dont le capital profite à la fois aux membres de ces familles et au bien de tout le Corps du Christ ». C’est pourquoi « l’Eglise défend et soutient le caractère propre de chaque institut » .

Le magistère récent est conscient de l’importance de ce caractère propre dans le contexte actuel. « En cette période d’évolution culturelle et de rénovation ecclésiale, il est nécessaire que soit sauvegardée l’identité de chaque institut avec une assurance telle que soit évité le péril d’une situation insuffisamment définie, dans laquelle les religieux s’inséreraient dans la vie de l’Eglise d’une manière vague et ambiguë, s’ils ne se référaient pas de la façon requise au mode spécifique découlant de leur caractère propre (indolis proprii) » .

Dans cette ligne, le Code de droit canonique, à la suite de Vatican II, insiste sur la « juste autonomie » dont doit jouir chaque institut, et que les Ordinaires des lieux ont le devoir « de sauvegarder et de protéger (servare ac tueri) » . Il est donc juste que les manifestations concrètes de l’unité ecclésiale soient en conformité avec ce que le Code appelle « le droit propre » des instituts. Depuis une trentaine d’années, l’importance de ce droit est mieux mise en lumière. C’est ainsi que le P. Beyer, s.j., spécialiste reconnu de la vie consacrée, écrit à son sujet : « Les autorités ecclésiales n’ont pas à le modifier, le limiter ou l’enfermer dans une autonomie “interne” qui empêcherait son témoignage et son plein rayonnement.»
c. Le sens du bien commun
D’un autre côté, cette diversité doit concourir à l’unité, et cela doit se traduire concrètement. On rencontre ici une difficulté : comment concilier légitime diversité et unité ecclésiale ? Il faut reconnaître que la perte profonde du sens du bien commun qui marque la crise de la modernité, avec l’affirmation toujours plus impérieuse des droits de l’individu et l’absence grandissante de valeurs communément partagées, constitue un sérieux obstacle. Dans le cas de l’Eglise, cette situation s’est traduite (et a été favorisée) par l’abandon pratique des grands signes et des grands véhicules de l’universalité : la langue sacrée dans le patriarcat latin, la formation des clercs selon des pédagogies communes (avec les renouveaux biblique et thomiste), le respect des normes liturgiques et canoniques, qui avaient caractérisé les pontificats modernes héritiers de l’esprit classique, de Léon XIII à Pie XII.

La manifestation de l’unité doit intégrer cette réalité actuelle de l’effacement de références communes capables d’incarner la catholicité de l’Eglise et de soutenir le sens du primat du bien commun. Plaquer artificiellement les exigences correspondant à des temps de grande unité culturelle, liturgique et théologique sur une situation qui est à l’opposé, ce serait retomber dans un formalisme dont précisément les promoteurs des réformes voulaient nous délivrer. Ce serait entrer en contradiction interne avec l’inculturation souhaitée par beaucoup de théologiens, et dans une certaine mesure par le magistère lui-même. On peut aussi affirmer que ce serait sortir de la ligne générale des réformes postconciliaires. Ces dernières sont marquées par une polymorphie liturgique, une souplesse juridique, un certain pluralisme théologique qui rendent incongrue l’imposition autoritaire de signes uniformes de la communion.

La diminution des référents communs a favorisé ces dernières années le développement d’un langage particulier, une sorte de « langue de bois ecclésiastique », qui semble avoir pour origine le désir d’éviter toute affirmation trop nette, dans le but de ne pas heurter. Dans ce contexte, le langage direct et explicite du Pape lorsqu’il s’adresse au monde et à la jeunesse est ressenti comme une véritable libération. « N’ayons pas peur de dire clairement la vérité », nous dit-il en quelque sorte. Le premier effort pour retisser l’unité nous semble bien être celui de la clarté, et notamment sur les conditions de l’appartenance ecclésiale et sur la notion de communion. « On ne peut pas soutenir un concept de communion selon lequel la valeur pastorale suprême consiste à éviter les conflits » .
d. Notre contribution
Sur ce point, les instituts Ecclesia Dei peuvent apporter aussi leur contribution. S’ils savent rester à leur place, faisant mentir, par leur attitude respectueuse et ouverte, l’accusation de constituer une « Eglise de fait », ils peuvent être les témoins de certaines formes traditionnelles, qui faisaient autrefois le tissu commun de la culture ecclésiale et qui, actualisées selon les besoins présents, peuvent fournir (avec d’autres) des points de repère utiles.

Dans le domaine de la théologie, l’existence de leurs centres d’études thomistes peut être d’un grand prix à l’heure où le magistère invite à redécouvrir une « philosophie de l’être » . Leur participation à des revues philosophiques et théologiques, à des rencontres avec d’autres écoles, à des échanges d’intervenants avec les centres de formation des diocèses et les instituts d’autres traditions, à des congrès, leur insertion dans des centres d’enseignement civils et ecclésiastiques, notamment les Facultés canoniques, ne seraient-elles pas des « signes d’unité » possibles ? Il y faudra sans doute « un esprit de conversion » : de leur côté par un intérêt accru pour la recherche et les débats contradictoires, de l’autre par une meilleure ouverture à leur école de pensée, que d’ailleurs commencent à redécouvrir certains secteurs profanes .

Dans le domaine de la catéchèse, sur la base du Catéchisme de l’Eglise Catholique, l’un des « signes d’unité » ne pourrait-il être, comme cela se fait déjà dans quelques diocèses, de confier à des membres de ces instituts et à des fidèles proches, moyennant les échanges nécessaires pour s’assurer qu’ils ont les qualités morales et doctrinales requises, une part dans la catéchèse des adultes, la formation permanente, la préparation au mariage, l’accompagnement des foyers chrétiens ?

Enfin, dans le domaine de la liturgie, qui est le plus sensible, il serait souhaitable que l’on se mette d’accord calmement sur des signes de communion qui soient suffisamment explicites, sans couvrir les réels problèmes qui demeurent ni violenter les consciences. On n’obtient rien de durable en feignant d’ignorer les difficultés ou en forçant les personnes. Dans une saine anthropologie, le geste doit d’abord être vrai pour être signifiant. Sinon, il contribue à la confusion, favorise l’hypocrisie, et risque d’engendrer ce que les psychologues appellent des « retours du refoulé ».
e. Les signes de communion
Les instituts Ecclesia Dei ont en partage « des formes liturgiques et disciplinaires antérieures de la tradition latine » . Les signes de communion doivent pour eux s’inscrire dans cette tradition. Or, traditionnellement, le signe indubitable que l’on reconnaît la validité d’un rit de la Messe, et que l’on est en communion catholique avec celui qui le célèbre, c’est l’assistance à cette Messe et la réception de la communion dans sa célébration. Nous proposons donc ce geste d’unité, qui suffit au regard de la théologie de l’Eglise et de la nature des signes sacramentels. Affirmer qu’un prêtre qui assiste à une messe et y communie revêtu de la tenue de chœur et de l’étole n’y « participe » pas (ou du moins pas assez pour en reconnaître la validité et la non-hétérodoxie), c’est vraiment faire peu de cas de l’Histoire de la liturgie et manifester une conception bien cléricale de la participation au sacrifice de la messe ! Si la communion sacramentelle, avec les insignes de son ordre, ne manifeste pas que le prêtre est en communion ecclésiale, il y a vraiment un problème .

Faut-il ici davantage, à tout prix ? Faut-il imposer, comme le souhaitent certains évêques, la concélébration sacramentelle selon le rit réformé aux prêtres ou au moins aux Supérieurs des instituts Ecclesia Dei, à la Messe chrismale et aux grands rassemblements diocésains ? Une telle formule ne pourrait se réclamer que d’une conception sans fondement théologique : celle qui fait de la concélébration sacramentelle, non seulement une « manifestation opportune de l’unité du sacerdoce » , mais l’unique signe de la communion ecclésiale. Elle s’opposerait explicitement au droit universel , qui laisse aux prêtres la liberté en ce domaine. En outre, elle constituerait une dénégation, sur un point crucial, des engagements pris par la hiérarchie à l’été 1988 vis-à-vis des prêtres qui ont refusé le schisme. Cette solution paraît donc impensable.

On peut envisager cependant que, dans l’espoir de débloquer une situation tendue, on exige des Supérieurs qu’ils laissent aux membres prêtres de leurs instituts toute liberté sur ce point. Cette formule soulèverait plus de problèmes qu’elle n’en résoudrait. Nous ne pensons pas qu’elle soit raisonnable, ni conforme au principe de subsidiarité. Il faudrait pour cela oublier l’une des caractéristiques fondatrices des instituts Ecclesia Dei, le monoritualisme traditionnel. Il faudrait ne tenir aucun compte des difficultés par rapport à la réforme liturgique qui sont l’élément décisif de ce choix fondateur. Cette solution s’opposerait par ailleurs au droit propre des instituts qui ont légiféré sur l’usage exclusif des livres liturgiques de 1962 . Elle réduirait indûment la responsabilité et l’autorité des Supérieurs , mettrait en péril le gouvernement, l’unité et même la pérennité des instituts Ecclesia Dei. Elle introduirait, contrairement à « l’utilité des fidèles » mentionnée par le canon 902, de graves germes de division parmi les fidèles qui ont fait confiance à ces instituts. Enfin elle réduirait à rien la crédibilité d’Ecclesia Dei comme alternative à la dissidence lefebvriste.

Pour les instituts à vocation apostolique, s’engager dans une telle voie signifierait accepter en pratique et en droit le biritualisme. Il est frappant de constater que les demandes qui sont faites en faveur de la concélébration s’accompagnent ici ou là de suggestions en ce sens, voire même de l’affirmation surprenante que les prêtres des instituts Ecclesia Dei ne sont pas plus liés à l’une des « formes du missel romain » (celle de 1962 ou celle de 1969) qu’à une autre. Quant à ceux qui veulent effacer les « survivances » du rit traditionnel, ils ne se satisferont pas de gestes symboliques occasionnels. D’ailleurs, au nom de quoi les instituts voués à l’apostolat déclineraient-ils la proposition de ministères comportant la célébration du nouveau rit, dès lors que elle est acceptée dans son principe par le biais de la concélébration ? Cela conduirait à une division interne et externe des instituts Ecclesia Dei, d’une diminution de leur recrutement, du découragement et de la dispersion de fidèles qui ont fait confiance au Saint-Siège en 1988. Cela serait payer de beaucoup de désordres et de divisions ce qui doit être un geste de paix et d’union !

La solution que nous proposons, en harmonie avec le droit ancien et actuel de l’Eglise, nous paraît plus sage parce que plus vraie. Il serait peu honnête vis-à-vis des autres et de nous-mêmes de poser publiquement un acte accréditant l’idée que la réforme liturgique ne nous pose plus de problèmes. Notre attitude doit intégrer cette dimension d’un témoignage, dans le respect de la hiérarchie et de toutes les personnes qui ne partagent pas notre jugement.

Sans doute un tel témoignage est-il crucifiant, source d’incompréhensions, de difficultés et même de certains retards apportés à notre mission évangélisatrice. Mais nous pensons que ce témoignage est nécessaire et constitue une interpellation utile pour inciter à examiner et dépasser des problèmes qui ne se résoudront pas en les ignorant. Le service que nous pouvons rendre à l’unité ecclésiale ne peut que se situer dans la vérité. « Un projet d’unité ecclésiale dans lequel le durcissement des conflits serait d’emblée évité au nom d’une paix artificielle, en renonçant à la totalité du témoignage, se révélerait bien vite illusoire » .

Ce n’est d’ailleurs pas la première ni la dernière fois dans l’histoire de l’Eglise que des crises internes, où les deux parties peuvent être également de bonne foi et animées par la charité, suscitent des épreuves qui les purifient et les authentifient, selon « la constante historique de la liaison entre le charisme et la Croix » . Qui sait dans quelle mesure le sacrifice du support de ces tensions actuelles dans la coexistence des deux rites, ne prépare pas pour l’avenir la paix liturgique que désirent tant de prêtres et de fidèles ?

C’est donc dans un authentique « esprit de conversion » que nous proposons cette solution d’assistance et de communion sacramentelle à un rit qui nous pose de réels problèmes. Ce « geste d’unité » peut être vécu dans le même esprit par l’évêque du lieu et le presbyterium diocésain, qui pourront avoir à cœur de respecter attentivement les normes de la célébration, et d’éviter ce jour-là les formules ad libitum les plus éloignées de l’usage traditionnel.

N’oublions pas que le but de ces signes d’unité est de permettre à l’Eglise d’affronter dans de meilleures conditions la tâche plus urgente que jamais de l’évangélisation. En face d’un monde culturellement éclaté, la largeur d’esprit de l’Eglise, « la variété des rites liturgiques et même de l’élaboration théologique de la vérité révélée », au sein de la même foi et de la même charité, n’est pas un handicap ou un scandale. Au contraire, elle « manifeste plus pleinement la véritable catholicité et apostolicité de l’Eglise » . N’est-ce pas le sens même de l’invitation du Saint-Père le 26 octobre dernier aux pèlerins d’Ecclesia Dei et «à tous les catholiques»?
Fr. Louis-Marie de Blignières

13 juillet 1999

[Commission Pontificale Ecclesia Dei] "Vous n'ignorez certainement pas la démarche entreprise par un groupe de prêtres..."

SOURCE - Commission Pontificale Ecclesia Dei - 13 juillet 1999

Commission Pontificale «Ecclesia Dei»
N 512/99 Rome, le 13 juillet 1999

Monsieur l'abbé Joseph BISIG
Supérieur Général de la Fraternité Saint-Pierre

Monsieur l'abbé.

Vous n'ignorez certainement pas la démarche entreprise par un groupe de prêtres de la Fraternité Saint-Pierre, qui ont présenté un Recours formel au Saint-Siège en date du 29 juin dernier. Dans ce Recours ils déclarent leur opposition aux points suivants:

- à la ligne actuelle de la Fraternité Saint-Pierre en matière de liturgie et de la mise en œuvre des grandes lignes indiquées par le Concile Vatican II;

- à la convocation du Chapitre Général prévu pour cette année ainsi qu'à la manière de préparer les élections des participants à ce Chapitre, lequel - selon les opposants - est destiné à perpétuer cette ligne en l'insérant définitivement dans les Constitutions;

- à la manière de gouverner la Fraternité, qui tend à faire taire toute voix opposée à la ligne actuelle, et qui ne favorise pas une entente fraternelle entre les membres, mais comporte le danger que la Fraternité se retrouve dans un isolement total dans l'Eglise.

Etant donné le nombre assez important des signataires de ce Recours, équivalent à environ un tiers des membres incardinés à l’Institut, et étant donné la gravité des problèmes soulevés, cette Commission Pontificale ne peut ne pas prendre en considération cette démarche. Les faits énumérés dans la lettre de Recours s'ajoutent à d'autres faits qui, ces derniers temps, sont déjà venus à la connaissance de cette Commission Pontificale.

Pour ces motifs, cette Commission Pontificale a décidé d'agir sans tarder afin d'éviter des conséquences négatives et dommageables à la Fraternité elle-même et à l’œuvre de l'insertion des fidèles traditionalistes dans la réalité de l'Eglise. La cause profonde des difficultés actuelles semble être un manque de confiance vis-à-vis de la hiérarchie de l'Eglise à tous les niveaux, tant le Saint-Siège que les Evêques. Il y a peut-être au fond de cette attitude une certaine méfiance à l'égard de l’œuvre du Concile Vatican II, qui implique avant tout la liturgie réformée par le pape Paul VI à la suite de ce Concile. Le refus de toute concélébration dans une Messe célébrée selon le rite en vigueur en est malheureusement la manifestation. Comme on le sait, un tel manque de confiance était déjà à l'origine du schisme de Mgr. M. Lefebvre et y persiste encore. Il est de notre devoir de prendre des mesures préventives pour éviter une évolution analogue dans votre Institut.

Après avoir consulté la Congrégation pour la Doctrine de la Foi et avec son consentement, cette Commission Pontificale, exerçant l'autorité du Saint-Siège sur la Fraternité Saint-Pierre en vertu des facultés qui lui ont été attribuées par le Souverain-Pontife Jean--Paul II, a décidé ce qui suit:

l) L'autorisation donnée le 3 mars 1999 ( Prot. 443/99 ) de pouvoir anticiper le Chapitre Général de la Fraternité Saint-Pierre d'un an et de le tenir au cours de l’été de l'année en cours, est retirée.

2) Une assemblée de tous les membres incardinés dans la Fraternité est à convoquer au cours de l'automne 1999, soit à Wigratzbad soit à Rome ou encore ailleurs. Cette assemblée aura le but de discuter, sous la présidence du Cardinal-Président de cette Commission ou de son Délégué, les thèmes ecclésiologiques et liturgiques en question, dans une libre confrontation des idées. Le Cardinal-Président donnera à la fin des dispositions pour l'avenir tant pour le gouvernement futur de la Fraternité, que pour la pratique liturgique future, qui conservera certainement l'identité liturgique garantie par l'indult accordé à la Fraternité au moment de sa fondation.

3) En attendant cette assemblée - qui n'aura pas besoin de publicité ni de discussions préalables parmi les prêtres et encore moins parmi les séminaristes - vous êtes prié de gérer seulement les affaires courantes de l'Institut et de vous abstenir de faire des mutations qui ne sont pas strictement nécessaires.

Cette Commission pontificale espère que vous, Monsieur l'abbé, en tant que Supérieur Général de la Fraternité Saint-Pierre collaborerez avec elle pour rétablir la paix interne à la Fraternité et pour en garantir un développement ultérieur sain qui, tout en gardant sa spécificité, lui donne la possibilité de trouver sa place parmi les autres Instituts de Vie consacrée et de Vie apostolique.

Veuillez agréer, Monsieur le Supérieur Général, l'expression de ma haute considération.

(Angelo Card. Felici)
Président
(Camillo Perl)
Secrétaire

3 juillet 1999

[Congrégation pour le Culte divin et la Discipline des Sacrements] "Protocole 1411/99"

SOURCE - diffusé par le site A.R.T. (Avenir du Rite Tridentin) - 3 juillet 1999

Note : la traduction suivante a été faite par un prêtre ayant sous les yeux les textes latin et italien du protocole. Il a généralement traduit l’original italien, en signalant le cas échéant les différences présentes dans le texte officiel latin.

Congregatio de Cultu Divino et Disciplina Sacramentorum
Prot. 1411/99
Réponses Officielles.
Après le renouvellement (lat. : restauration) liturgique demandé par le Concile Vatican II, se sont manifestés certains groupes de fidèles catholiques qui se sentent fortement attachés à certaines (lat. : -) formes de la tradition liturgique romaine antérieure. Ces groupes - nous parlons de ceux qui sont dans la pleine communion avec l’Eglise catholique et son magistère- ont manifesté le désir de pouvoir continuer à utiliser le Missel Romain dit de Saint Pie V. Le Souverain Pontife Jean-Paul II, mû par le désir paternel (lat. : la charité paternelle) de venir au devant (lat. : de pourvoir à) la sensibilité (lat. : le sens) liturgique et religieuse de ces groupes, leur a concédé de pouvoir utiliser, avec l’autorisation de l’Evêque du lieu, le "  Missel Romain " édité en 1962. Ce même Souverain Pontife a également demandé aux évêques de recevoir avec bienveillance et générosité ces personnes qui se sentent profondément attachés (lat. : les fidèles profondément attachés) au rite pré-conciliaire et, en même temps, professent une adhésion sincère au Magistère de l’Eglise et l’obéissance aux Pasteurs légitimes. Le désir du Pape (lat. : Pontife Romain) a été exprimé par le Motu Proprio Ecclesia Dei adflicta (2 juillet 1988, AAS 80 [1988] 1495-1498).

A la suite de problèmes (lat. : questions) parvenues à ce Dicastère, concernant la possibilité et les empêchements connexes à l’indult concédé par l’autorité légitime d’utiliser le Missel édité en 1962, après consultation et approbation du Conseil Pontifical pour l’interprétation des Textes Législatifs et de la Commission Pontificale Ecclesia Dei, nous communiquons ce qui suit, en forme de réponses à des questions (lat. : aux questions posées).
1. Un prêtre membre d’un Institut qui jouit de la faculté de célébrer selon le rite en vigueur avant le renouvellement (lat. : restauration) liturgique demandé (lat. : -) par Vatican II, peut-il utiliser librement le Missel Romain promulgué par le Souverain Pontife Paul VI, quand il célèbre la Sainte Eucharistique au service (lat. : pour le bien) d’une communauté dans laquelle la Messe est célébrée selon ce dernier Missel, et ceci même occasionnellement. 
Réponse : Affirmative et " ad mentem " [selon l’esprit (mens) des sources juridiques qui motivent la réponse]. La Mens est que l’usage du Missel pré-conciliaire étant une concession accordée ex indulto (par indult), elle ne supprime pas (lat. : elle consiste en quelque chose qui n’enlève pas) le droit liturgique commun pour le Rite romain, selon lequel le Missel Romain (lat. : -) en vigueur est celui qui a été promulgué après le (lat. : par ordre du) Concile Vatican II. Bien plus le prêtre mentionné ci-dessus doit (italiques dans l’italien, souligné dans le latin) célébrer avec le Missel post-conciliaire si, (lat. : +éventuellement), la célébration a lieu dans une communauté qui suit le rite Romain actuel, aussi (lat. : -) pour éviter aux fidèles étonnement ou malaise, et afin d’être une aide efficace pour les frères (lat. : confrères) prêtres qui lui auraient demandé ce service de charité pastorale. Dans les communautés habituées au Missel actuel, l’utilisation de l’ancien Missel entraîne plusieurs difficultés, par exemple : les différences dans le Calendrier liturgique, la diversité (lat. : -) des textes bibliques pour la liturgie de la Parole, la diversité (lat. : les variantes) dans les gestes liturgiques, dans la façon de recevoir la Sainte Communion, dans le rôle (lat. : les offices) des ministres, etc.
2. Les Supérieurs, de quelque rang (lat. : dignité) soient-ils, des Instituts qui jouissent de l’indult permettant l’usage du Missel Romain édité en 1962 pour la célébration du Saint Sacrifice de la Messe (lat. : du Sacrifice Eucharistique), peuvent-ils interdire aux prêtres appartenant à de tels Instituts, l’usage du Missel Romain post-conciliaire quand ces prêtres célèbrent, même occasionnellement, au service (lat. : pour le bien) d’une communauté dans laquelle est utilisé le Missel Romain actuel.
Réponse : Négative, parce que l’usage du Missel Romain de 1962 est un indult concédé en faveur des personnes qui se sentent (lat. : pour l’utilité de fidèles qui sont spécialement) lié(e)s au rite romain pré-conciliaire, et son utilisation ne peut pas être imposée à des communautés qui célèbrent la Sainte Eucharistie suivant le Missel rénové sur l’ordre du Concile Vatican II, [communautés] sur lesquelles les Supérieurs de tels Instituts n’ont d’ailleurs aucune autorité.
3. Un prêtre membre d’un Institut qui jouit de l’indult susdit peut-il librement (lat. : sans aucun empêchement) concélébrer la Sainte Messe selon les règles actuelles (lat. : selon l’Ordo actuel) du Rite romain?
Réponse : Affirmative, car l’indult ne retire pas aux prêtres le droit commun du rit romain de célébrer selon le Missel Romain actuellement en vigueur, c’est pourquoi son Supérieur ou l’Ordinaire du lieu ne peut pas et ne doit pas lui interdire la concélébration. En effet il est louable que les prêtres mentionnés ci-dessus concélèbrent librement, spécialement la Messe du Jeudi Saint présidée par l’Evêque diocésain. Bien que " chaque prêtre ait le droit de célébrer la Messe de individuellement, mais non pas au même moment dans la même église, ni le Jeudi Saint ".(cf Vatican II Sacrosanctum Concilium, 57, § 2, 2), la signification de communion manifestée par la concélébration (lat. : le signe de communion inhérent à la concélébration) est si important qu’il ne doit pas être omis à la Messe chrismale, sauf pour de graves raisons. (Sacrosanctum Concilium 57, § 1, 1a).

Au siège de la Congrégation pour le Culte divin et la Discipline des Sacrements, le 3 Juillet 1999,
Cardinal George Medina Estevez Préfet, Francisco Pio Tamburino, Archevêque-Secrétaire.