SOURCE - Paix Liturgique - lettre N°571 - 29 novembre 2016
« Jamais aucun de nos paroissiens n’a manifesté le désir de voir réintroduite la messe traditionnelle, et beaucoup ont au contraire exprimé le souhait inverse. » Cette déclaration publique du chancelier de l’archidiocèse de Glasgow, en janvier 2010, avait motivé une lectrice écossaise de Paix liturgique à nous écrire pour nous suggérer d’entreprendre un sondage sur la réception du motu proprio de Benoît XVI (voir notre lettre 227). Nous avions accueilli favorablement sa suggestion et fait réaliser ce sondage en juin 2010 par l’institut Harris interactive.
« Jamais aucun de nos paroissiens n’a manifesté le désir de voir réintroduite la messe traditionnelle, et beaucoup ont au contraire exprimé le souhait inverse. » Cette déclaration publique du chancelier de l’archidiocèse de Glasgow, en janvier 2010, avait motivé une lectrice écossaise de Paix liturgique à nous écrire pour nous suggérer d’entreprendre un sondage sur la réception du motu proprio de Benoît XVI (voir notre lettre 227). Nous avions accueilli favorablement sa suggestion et fait réaliser ce sondage en juin 2010 par l’institut Harris interactive.
Les résultats de ce sondage, présentés le 3 septembre 2010 dans notre lettre 246 (a), indiquaient qu’un quart des catholiques d’Angleterre, d’Écosse et du Pays de Galles assisteraient au moins une fois par mois à la forme extraordinaire du rite romain si celle-ci venait célébrée dans leur paroisse. Parmi les pratiquants, ils étaient même 2 sur 3 (66,4 %) à se déclarer prêts à une telle démarche. Un résultat en harmonie avec la forte sensibilité liturgique des catholiques d’Outre-Manche – dont on sait qu’elle leur avait permis d'obtenir, dès 1971, le fameux indult dit « Agatha Christie » qui ouvrait une première brèche dans le caractère de fait obligatoire du missel de Paul VI. Toutefois, cette enquête révélait aussi que 6 catholiques britanniques sur 10 n’avaient pas eu connaiss ance du motu proprio Summorum Pontificum, conséquence de l’embargo organisé sur le sujet par la hiérarchie ecclésiastique dont la déclaration du chancelier de Glasgow était un signe...
Six ans plus tard, tous les évêques titulaires écossais (au nombre de huit) ont été renouvelés : deux par Benoît XVI et six par le pape François. Et, peu à peu, l’Écosse s’ouvre à la liturgie traditionnelle comme le prouve le dynamisme des fidèles de la paroisse Sainte-Marie de Cleland, dans le diocèse de Motherwell.
I – POUR LA SATISFACTION SPIRITUELLE DES FIDÈLES
C’est une vidéo sur Facebook qui a attiré notre attention sur la célébration hebdomadaire, chaque jeudi soir, de la forme extraordinaire du rite romain en l’église Sainte-Marie de Cleland, petit bourg des environs de Motherwell. Ce reportage, produit par une équipe de jeunes catholiques du diocèse, montre des images prises au cours d’une messe et donne la parole au célébrant, l’abbé Liam O’Connor, ordonné en 2011. Rien d’extraordinaire en soi – mis à part la liturgie filmée bien sûr –, si ce n’est que cette vidéo est devenue en quelques jours la plus visionnée de toutes celles proposées par ces jeunes reporters.
Nous avons contacté l’auteur du film, John Paul Mallon, 25 ans, qui appartient à une paroi sse voisine de Cleland : « Comme jeune catholique, ce qui m’attire c’est la paix et la sérénité qui se dégagent de la messe basse trasitionnelle . Je me sens spirituellement immergé dans les grandes traditions de l’Église. Le fait que le prêtre célèbre ad orientem, qu’il soit tourné vers Dieu avec moi, m’incite à participer plus profondément au mystère eucharistique. »
C’est en juin 2016 que l’abbé O’Connor, curé en charge des 1350 âmes de la paroisse de Cleland, a commencé à offrir cette messe hebdomadaire. « Mon évêque, Mgr Toal [nommé en 2014 par le pape François, ndlr], m’a approché pour me demander si je serais heureux d’offr ir publiquement la forme extraordinaire. Il s’agissait de répondre à la demande d’un groupe stable de fidèles dont le desservant, le chanoine Edward Glackin, avait été rappelé à Dieu en janvier 2016. Depuis 1997, ce prêtre diocésain célébrait la liturgie traditionnelle chaque premier vendredi du mois à Uddingston, à 10 km de Cleland. »
Arrivé à Cleland en 2015, l’abbé O’Connor a volontiers répondu à l’invitation de son évêque : « J’ai découvert la messe traditionnelle vers l’âge de 18 ans et ai toujours eu le désir de la célébrer comme prêtre. Après mon ordination en 2011, j’ai appris les rubriques et ai commencé à la célébrer en privé quand l’occasion le permettait.&nbs p;»
L’assistance moyenne de cette messe, célébrée à 19 heures, est d’une trentaine de fidèles, « ce qui est un bon nombre pour une messe du soir » précise le jeune curé. « En comparaison, l’assistance en semaine à la messe du matin en forme ordinaire est d’une quarantaine de personnes. Surtout, poursuit-il, cette messe attire beaucoup de jeunes, désireux de vivre la messe qui a marqué des siècles d’histoire de l’Église. »
Même si, pour l’heure, il n’est pas envisagé d’offrir la forme extraordinaire les dimanches, l’abbé O’Connor se félicite du soutien de son évêque et est convaincu, « même si le motu proprio n’a pas été particulièrement promu par le clergé écossais , que bon nombre de fidèles ont le désir de pouvoir participer à une telle célébration ».
II – LES RÉFLEXIONS DE PAIX LITURGIQUE
1) Les résultats détaillés du sondage Harris Interactive de 2010 pour l’Écosse montraient qu’un catholique sur trois (pratiquant ou non) s’y déclarait prêt à participer au moins une fois par mois à la forme extraordinaire du rite romain. À une époque, comme le confirme l’abbé O’Connor, où ni les évêques ni les prêtres n’étaient alors particulièrement enclin à en assurer la diffusion. Aujourd’hui que le corps épiscopal a été complètement renouvelé et que de jeunes prêtres marqués par l’enseignement de Benoît XVI sont arrivés dans les paroisses du pays, il n’est pas imprudent d’affirmer que cette proportion de catholiques ouverts aux bienfaits du motu proprio Summorum Pontificum est encore plus grande qu’à l’époque.
2) Parmi l'ensemble des pratiquants d'Angleterre, d'Écosse et du Pas de Galles, les données brutes du sondage montraient que les deux tiers d'entre eux assisteraient au moins une fois par mois à la messe traditionnelle si celle-ci était célébrée dans leur paroisse. C'est l'un des résultats partiels les plus forts de toute notre série d'enquêtes internationales, bien plus qu'en France (34 % dans le sondage CSA 2008). La liberté d’esprit des catholiques d'Outre-Manche, longtemps maltraités par la Couronne, est sans doute l’une des explications à ce résultat. La Grande-Bretagne est un vivier important pour le développement de la messe traditionnelle. La Fraternité Saint-Pierre et l'Institut du Christ-Roi ont été chargés ces dernières années de la cure de lieux de culte importants tandis que la Latin Mass Society poursuit un infatigable travail de formation des prêtres et des ministres. C’est d'ailleurs à Londres que le cardinal Sarah, Préfet de la Congrégation pour le Culte divin, a choisi de lancer, le 5 juillet 2016, son invitation à tous les prêtres qui le désirent, de célébrer la messe « tournés vers le Seigneur » à partir de ce premier dimanche de l’Avent.
3) « Entretemps il est apparu clairement que des personnes jeunes découvraient également cette forme liturgiqu e, se sentaient attirées par elle et y trouvaient une forme de rencontre avec le mystère de la Très Sainte Eucharistie qui leur convenait particulièrement » écrivait le pape Benoît XVI aux évêques du monde entier dans sa lettre du 7 juillet 2007 accompagnant le motu proprio Summorum Pontificum. C’est précisément ce qui se passe actuellement à Cleland et, plus largement, dans toute l’Écosse. Samedi 12 novembre 2016, la messe annuelle de Requiem de la section écossaise d’Una Voce – qui réunissait 30 personnes en 2008 – a ainsi attiré plus de 75 fidèles, dont de nombreux jeunes. C’est aussi l’intérêt porté par la jeunesse écossaise à la liturgie traditionnelle qui explique le succès de la vidéo réalisée par John Paul Mallon.
4) En 2010, outre les 2 messes célébrées par la Fraternité Saint-Pie X à Édimbourg et Glasgow, l’Écosse comptait en tout et pour tout 3 messes dominicales hebdomadaires selon le missel de saint Jean XXIII : une diocésaine à Glasgow (Una Voce) et 2 Ecclesia Dei (Fraternité Saint-Pierre à Édimbourg et Rédemptoristes transalpins dans les îles Orcades). Elle en compte deux de plus aujourd’hui, l’une offerte par les prêtres du Sacré-Cœur (dehoniens) dans le comté d’Ayrshire et l’autre par une paroisse de Glasgow (b). Cette paroisse, intitulée au Cœur Immaculée de Marie, est la première paroisse d’Écosse à offrir la messe traditionnelle non seulement le dimanche mais aussi en semaine, lundis et vendredis exceptés. Et les fidèles répondent présents.
5) Le dernier instantané du dynamisme du tout jeune peuple Summorum Pontificum écossais nous est fourni par le choix de l’abbé Ninian Doohan, ordonné le 15 août 2016 pour le diocèse de Dunkeld (Dundee), de célébrer dès le 20 août une première messe selon la forme extraordinaire du rite romain. L’événement est d’autant plus significatif que, de 2002 à 2014, le diocèse de Dunkeld n’a compté aucune ordination ! En Écosse comme ailleurs, la jeunesse de l’Église est extraordinaire...
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(a) Ces résultats sont repris dans notre récente brochure Neuf sondages pour l’Histoire, présentée dans notre lettre 569.
(b) Voir ici la liste des messes en Écosse (hors FSSPX).