18 novembre 2002

[Aletheian°35] Pour un petit catéchisme universel - Non à Vatican III - Saint Josemaria Escriva et la nouvelle messe - Document : Le cardinal Siri et la

Yves Chiron - Aletheia n°35 - 18 novembre 2002
. Pour un petit catéchisme universel.
. Non à Vatican III.
. Saint Josemaria Escriva et la nouvelle messe.
. Document : Le cardinal Siri et la nouvelle messe.
. Nouveautés romaines.

POUR UN PETIT CATÉCHISME UNIVERSEL
Mgr Maggiolini est évêque de Côme depuis 1989. Bien qu'il ait été l'unique évêque italien à participer à la rédaction du Catéchisme de l'Eglise Catholique — le comité de rédaction comptait 8 membres —, il reste peu connu en France. De la dizaine de livres qu'il a publiés, pas un seul n'a encore été traduit en français. D'ici quelques semaines, paraîtra, en Italie, son dernier livre, consacré à la confession.
Il y a un an, à l'occasion de la parution de Fine della nostra cristianità (Piemme, 2001, 239 pages), j'avais réalisé un entretien qui a été publié dans la Nef (B.P. 48, 78810 Feucherolles, n° 119, septembre 2001, 6 euros). Cette fois, c'est à l'occasion du dixième anniversaire de la publication du Catéchisme de l'Eglise Catholique, que je l'ai interrogé. L'entretien paraît dans l'Homme Nouveau (1 Place Saint-Sulpice, 75006 Paris, n° 1290, 17.11.2002, 3 euros). Mgr Maggiolini, interrogé sur la nécessité et l'opportunité de rédiger maintenant un petit catéchisme universel à l'intention des enfants, répond :
"J'ignore si un tel catéchisme pour enfants et adolescents serait possible. J'en vois l'utilité. Et même la nécessité, à partir du moment où beaucoup de jeunes croyants se limitent à se souvenir de "petits bouts" de la Bible, sans avoir une synthèse dans laquelle ranger les différents morceaux. Et cela, sans même connaître par cœur les formules les plus importantes, à commencer par le Notre Père et l'Ave Maria (...) je suggère seulement aux éventuels rédacteurs de ne pas se laisser engluer par des questions exaspérées de méthode, qui souvent finissent par écraser et vider le contenu de la Révélation."
NON A VATICAN III
Mgr Maggiolini publie régulièrement, deux ou trois fois par mois, et en toute liberté, des articles dans le quotidien italien Il Giornale. Alors que la célébration du 40e anniversaire du concile Vatican II, est l'occasion pour certains, dans l'Eglise, de suggérer ou de réclamer un "Vatican III", l'évêque de Côme, dans un article publié le 18 octobre dernier, évoque le "fondement d'argile" d'un hypothétique Vatican III.
L'enseignement véritable du concile Vatican II, explique Mgr Maggiolini, reste encore largement méconnu ou travesti. Qui plus est, on peut s'interroger sur les fruits de Vatican II : où sont les conversions ? les grands saints ? Les vocations sacerdotales et religieuses ? A-t-on enregistré un nouvel élan pour les missions ? "On dira, peut-être, qu'il y a eu Padre Pio et Mère Teresa de Calcutta. Mais ces saints n'ont pas fleuri à partir de Vatican II. On objectera peut-être encore qu'il est trop tôt pour voir les saints post-conciliaires. Mais l'histoire ne s'accélère-t-elle pas ?".
Mgr Maggiolini, avec quelque malice, ajoute : "A voix basse, je voudrais soumettre un doute aux impatients désireux d'un nouveau Concile. Attention : plutôt que d'une plus grande ouverture — mais que signifie ce mot ? —, peut-être que les chrétiens les plus sérieux et les évêques les plus lucides, les plus perspicaces et les plus travailleurs, demandent des positions plus précises, des propositions plus solides, une identité plus claire, des énoncés doctrinaux moins délayés et ainsi de suite."
SAINT JOSEMARIA ET LA NOUVELLE MESSE
A plusieurs reprises déjà, j'ai évoqué, ici, la question de la célébration du Nouvel Ordo Missae par saint Josemaria Escriva de Balaguer. Un témoignage circonstancié existe, celui de Mgr Javier Echevarria, Prélat de l'Opus Dei. Membre de l'Opus Dei depuis 1948, il a été le secrétaire particulier de saint Josemaria Escriva à partir de 1952 et il est resté aux côtés du fondateur de l'Opus Dei jusqu'à la mort de celui-ci, en 1975. Dans un ouvrage de souvenirs sur le fondateur, Memoria del Beato Josemaria Escriva (Leonardo international, 2001), il se souvient "de l'effort que lui a coûté le changement [d'ordo]". "Mais il ne voulait accepter aucune exception ; chaque jour il me demandait de le corriger toutes les fois qu'il se trompait dans le respect des nouvelles rubriques il était décidé à manifester son amour pour la liturgie à travers le nouveau rite."
Il refusa qu'on sollicita pour lui le privilège, concédé aux prêtres âgés, de conserver l'ancien Ordo : "par esprit d'obéissance envers les normes ecclésiastiques, il interdit qu'on en fasse pour lui la demande."
Un jour, don Alvaro del Portillo, qui devait succéder ensuite à Mgr Escriva à la tête de l'Opus Dei, se trouvait à parler de la nouvelle messe avec Mgr Bugnini. La situation du fondateur de l'Opus Dei fut évoquée. Le maître d'œuvre de la réforme liturgique, bien que son interlocuteur n'en sollicita pas l'autorisation, accorda à Mgr Escriva de "célébrer comme avant". Mgr Escriva "en fut très content", "mais à partir de ce moment il voulut qu'à sa messe assiste seulement celui qui la servait, et personne d'autre".
Si le fondateur de l'Opus Dei est donc revenu à la messe traditionnelle, à une date qui reste à déterminer, et ne l'a plus abandonnée, le N.O.M. a été de règle dans toutes les maisons de la prélature.
Document -LE CARDINAL SIRI ET LA NOUVELLE MESSE
Le cardinal Siri fut archevêque de Gênes de 1946 à 1987. Selon les classifications — pas toujours pertinentes — des historiens, il aurait été un représentant éminent de l'aile "conservatrice" de l'Eglise. Mais, au concile Vatican II, par exemple, même s'il a suivi de près les travaux et les interventions du Cœtus internationalis, où il comptait plusieurs amis, il n'en a jamais été membre.
Nous traduisons et publions, avec l'accord de son destinataire — dont on comprendra qu'il souhaite garder l'anonymat —, la lettre que lui adressait le cardinal Siri en 1982, Ce religieux, qui voulait continuer à célébrer la messe traditionnelle, faisait part de son drame intérieur au cardinal Siri et sollicitait d'être accueilli dans son diocèse. Voici la réponse que lui fit le cardinal archevêque de Gênes. Elle illustre, comme la réaction de saint Josemaria Escriva citée plus haut, l'esprit d'obéissance qui a eu cours dans l'Eglise, dans les années 60/80, et qui a permis la diffusion si rapide de la réforme liturgique.
Gênes, 6 septembre 1982
Révérend Père,
je reçois votre lettre et je ressens profondément l'ampleur de votre drame intérieur. Je souhaiterais pouvoir vous aider à la résoudre.
En ce qui concerne votre répugnance à accepter le Nouvel Ordo. Je vous invite à raisonner patiemment (après avoir prié). Le Nouvel Ordo ne peut être frappé d'hérésie.
Le pouvoir avec lequel saint Pie V a fixé sa réforme liturgique est celui-là même dont a usé Paul VI. Avoir réformé l'Ordo implique sa substitution à l'ancien. Nous devons obéir.
Il y a des questions bien plus graves dans l'Eglise : celle-ci n'a aucune importance. Libérez-vous de ce complexe et ne permettez pas qu'il détruise votre vocation. Que Dieu vous aide !
Quant à votre désir d'être éventuellement accueilli dans mon diocèse, je crois que c'est impossible : mon clergé est excellent, mais il n'est pas exempt de méfiance envers ceux qui ne sont pas originaires du diocèse. Je ne veux demander à personne le sacrifice de se sentir un intrus !
Peut-être une connaissance directe pourrait suggérer quelque idée meilleure.
En attendant je prie pour vous, de tout coeur !
In Christo
Giuseppe Card. SIRI
NOUVEAUTÉS ROMAINES
. Sœur Margherita Marchione, religieuse américaine d'origine italienne, de la congrégation des Soeurs Philippines, a publié ces dernières années, aux Etats-Unis et en Italie, plusieurs ouvrages pour défendre la mémoire de Pie XII. Elle vient de publier deux nouveaux livres :
- Pio XII attraverso le immagini, Libreria Editrice Vaticana, 214 pages grand format. Un album biographique, avec de très nombreux documents et photographies, dont certains inédits ;
- Il Silenzio di Pio XII. Papa Pacelli di fronte al Nazismo e alla persecuzione degli Ebrei : accuse, controversie e verità storica, Sperling & Kupfer, Milan, 309 pages. En douze chapitres très structurés, sœur Margherita Marchione fait le point sur la controverse —qui dure depuis quarante ans maintenant — et cite de nombreux témoignages et documents. Au-delà de l'attitude et de l'action de Pie XII pendant la Seconde Guerre mondiale, auxquelles l'essentiel du livre est consacré, l'auteur veut mettre aussi en lumière la sainteté de Pie XII. A cet égard, elle cite notamment, une vision de Padre Pio, le jour-même de la mort de Pie XII. Padre Pio, le 9 octobre 1958, comme on le lit dans son Diario (encore inédit pour ces années) et comme il en a fait la confidence à plusieurs personnes (parmi lesquelles, une des soeurs de Pie XII), a eu "la claire vision" de la mort du pape et de son entrée au Ciel.
. Une édition du Compendio del Catechismo di San Pio X (en 152 questions et réponses) vient de paraître aux éditions Il Pozzo di Giacobbe. Ce très élégant petit volume de 45 pages est vendu à un prix très raisonnable —1,20 euro —, qui le rend accessible à toutes les familles italiennes.
. Sœur Lucie de Fatima a fait paraître à la Libreria Editrice Vaticana Gli Appelli del Messagio di Fatima (309 pages). Il s'agit non pas d'un nouveau récit des apparitions de 1917 mais d'un commentaire spirituel de ces apparitions et du message qui y fut donné. Sœur Lucie considère que la recommandation faite par la Sainte Vierge lors de l'apparition du 13 octobre 1917 : "N'offensez plus Dieu Notre-Seigneur qui est déjà tant offensé" est l'appel central du message de Fatima.,
L'ouvrage, rédigé en portugais il y a plusieurs années déjà, a été entièrement écrit par soeur Lucie, avertit l'évêque de Leiria-Fatima dans une préface. Il ajoute : "il est nécessaire de toujours distinguer, pour ne pas avoir de désillusions, entre la Sœur Lucie voyante, instrument de Dieu, et la Sœur Lucie interprète, avec sa propre intelligence, et avec son coeur, certainement noble et généreux."
La distinction vaut aussi, nous semble-t-il, pour des questions qui ont alimenté des controverses ces dernières années : la consécration de la Russie et le contenu du troisième secret de Fatima.
On lira avec intérêt le dernier numéro des Amis du Monastère (n° 104, Monastère Sainte-Madeleine, 84330 Le Barroux). Le TRP Dom Gérard y évoque, dans son traditionnel éditorial d'ouverture, la fondation que réalise son monastère dans le diocèse d'Agen. Dans un second article, pages 4 et 5, intitulé "Vous n'avez pas encore résisté jusqu'au sang" (Héb 12,4), Dom Gérard, avec une belle vigueur, exprime "l'intransigeance" nécessaire face à certaines situations dans l'Eglise. Il écrit notamment :
"Les martyrs anglais du XVIe siècle, et les martyrs chinois du XXe, ont tous versé leur sang pour avoir refusé d'entrer, les uns dans une église anglicane, les autres dans une église patriotique, et vous voudriez nous voir entrer dans ce magma informe qu'on appelle "œcuménisme" ou "dialogue inter-religieux" ? Il est temps que le vent se lève et balaye ces mensonges doucereux déguisés sous les oripeaux de la tolérance".

18 octobre 2002

[Aletheia n°34] Revue des revues

Yves Chiron - Aletheia n°34 - 18 octobre 2002
Revue des revues
. Oremus (11 avenue Chauchard, 78000 Versailles), n° 13, septembre 2002, ce numéro 3 euros.
Ce numéro d' Oremus, "Bulletin d'information consacré à la liturgie catholique latine traditionnelle", est très précieux car il fait, quatorze ans après la publication du motu proprio Ecclesia Dei afflicta, un bilan chiffré de son application en France, "un des pays où la messe traditionnelle est certainement la plus répandue".
Sur 93 diocèses de France métropolitaine, 51, seulement, offrent aux fidèles, de manière hebdomadaire, une messe traditionnelle. Il faut lire les autres statistiques détaillées qui font un point précis de la situation. Par exemple, dans plus d'un diocèse français sur trois (35 %), la messe traditionnelle n'est même pas célébrée une fois par mois.
Si l'on prend en compte les lieux de culte où la messe traditionnelle est célébrée sans autorisation de l'évêque du diocèse — il s'agit essentiellement des églises, chapelles et prieurés de la Fraternité Saint-Pie X—, on atteint des chiffres beaucoup plus élevés : aux 82 messes traditionnelles "Ecclesia Dei" célébrées chaque dimanche en France, s'ajoutent 164 autres messes dominicales traditionnelles grâce, essentiellement, à la FSSPX.
. Présent (5 rue d'Amboise, 75002 Paris), numéros des 16 et 17 octobre 2002, 1,50 euros le numéro (abonnement d'un an : 301,85 euros).
En écho à ce numéro d'Oremus, Jean Madiran, dans deux numéros successifs de Présent, a scruté "Quarante ans d'évolution conciliaire". Il fait remarquer que les "apports positifs du Magistère", indéniables (les encycliques Veritatis splendor et Fides et ratio, par exemple), "n'ont cependant donné aucun coup d'arrêt ; ni même aucun coup de frein". En France, du moins, et en matière liturgique, du moins.
Évoquant les lieux de culte traditionnel, et aussi, ce qui n'est pas accessoire mais lié, les écoles et le catéchisme, Jean Madiran note :
"quoi que l'on puisse penser de certaines tactiques risquées, de certains propos largement excessifs ou de certaines situations délicates de la FSSPX, c'est bien ici et pour cela que nous n'esquivons pas la nécessité d'en prendre acte : face à l'évolution conciliaire, la FSSPX a raison sur le fond. Elle n'est pas la seule. Sociologiquement, c'est elle qui a le poids principal."
. Kephas (8 bis, boulevard Bessonneau, 49100 Angers), n° 3, juillet-septembre 2002, ce numéro 15 euros.
La revue, dirigée par M. l'abbé Le Pivain, contient d'intéressants échos sur un colloque consacré au cardinal Charles Journet à Fribourg en avril dernier. On lit aussi, entre autres choses, une étude historique sur Joseph II et le joséphisme par l'abbé Vincent Richard et un article de Denis Sureau consacré à l'essai, très intéressant mais peu remarqué, de William Cavanaugh, Eucharistie et mondialisation (Ad Solem, 2001).
Cav anaugh appartient au courant anglo-saxon de la Radical Orthodoxy, courant d'idées qui devrait attirer davantage l'attention des traditionalistes français. Dans Eucharistie et mondialisation, Cavanaugh analyse le phénomène actuel de la mondialisation comme l'aboutissement de la sécularisation et aussi, thèse assez iconoclaste, comme l'aboutissement de la création des états-nations à l'époque moderne. Contre le mythe de l' "État sauveur", le jeune théologien américain revendique pour l'Eglise la nécessité de se poser en corps social alternatif et de refuser la distinction spirituel/temporel. Cavanaugh est aux antipodes de la pensée du Maritain seconde manière.
Au coeur de la thèse hardie de Cavanaugh, il y a une considération sur le rôle social de l'Eucharistie : "l'urgence, aujourd'hui, n'est pas de se ménager un moyen pour influencer le pouvoir laïc par le biais de la société mais plutôt de restaurer une pratique liturgique capable de redonner aux chrétiens la conscience de la dimension politique de la foi, et par là de produire des hommes de pouvoir dont le langage sera un langage de paix et de vérité."
. Le Sel de la Terre (Couvent de la Haye-aux-Bonshommes, 49240 Avrillé), n° 42, automne 2002, ce numéro 14 euros.
Il ne passe pas de numéro de cette revue, depuis plusieurs années, dans lequel je ne sois pas épinglé, stigmatisé ou injurié. Dans ce numéro encore, dans trois articles différents, les Révérends Pères d'Avrillé me cherchent querelle pour des articles parus dans Présent ou dans Alètheia, à propos d'Evola, à propos de l'Opus Dei et à propos de Kephas et des éditions Ad Solem. Dans ce dernier article, où est mis en cause principalement Yves Daoudal, on ressort la vieille calembredaine d'une supposée "école de l'ésotérisme chrétien", à laquelle Daoudal et moi appartiendrions.
L'historienne Annie Kriegel, à propos des agissements de certains auteurs et responsables de la communauté israélite, avait dénoncé " une insupportable police juive de la pensée ". Faudrait-il donc parler aussi d' "une insupportable police avrilloise [ou avrillesque, comme on dit burlesque] de la pensée" ?
Combien de fois faudra-t-il répéter, comme je l'ai écrit ici-même, il y a plusieurs mois déjà : "Il y a dans l'oeuvre de Guénon, malgré quelques vues justes sur la crise de la civilisation moderne, trop d'impasses, d'illusions et de dérives qui rendent le plus grand nombre de ses pages inacceptables pour un catholique. Je donnerai volontiers tous les livres de René Guénon pour une seule page lumineuse de Jean Madiran."
Je pourrais dire exactement la même chose de Julius Evola, à propos duquel la revue Le Sel de la Terre publie, d'ailleurs, un article fort intéressant. Cet article, dû au professeur italien Paolo Taufer, et dont la suite paraîtra dans le prochain numéro de la revue, met opportunément en lumière la philosophie idéaliste qui est à la base de la pensée d'Evola et dévoile le ressort inquiétant des recherches initiatiques qu'il a menées par différentes voies. Assurément, Julius Evola n'est pas un maître catholique.
. AVE (Kapittelweg 11, 1216 HR Hilversum, Nederland), n° 7, septembre 2002, envoi gratuit.
AVE (Niieuwsbrief over Actuele VErschijningen), malheureusement accessible aux seuls lecteurs néerlandophones, est la meilleure revue existante consacrée aux apparitions mariales contemporaines. Dans la fidélité à l'enseignement traditionnel de l'Eglise sur ce sujet, chaque numéro trimestriel comprend des articles solides. Le dernier numéro paru contient, notamment, la lettre de l'évêque de Harlem, en date du 31 mai 2002, sur "Notre-Dame de tous les Peuples" (Amsterdam) ; une étude critique de Mark Waterinckx sur San Damiano et le décret de l'évêque de Wollongong, en date du 16 juin 2002, sur le voyant William Kamm, appelé "Little Pebble" (Australie).

15 octobre 2002

[Abbé Philippe Laguérie, fsspx - Le Mascaret] "Et maintenant… ?"

SOURCE - Abbé Philippe Laguérie, fsspx - Le Mascaret (bulletin de la chapelle de Bordeaux) - octobre 2002

J'ai dit, le 22 septembre, devant 15 de mes confrères venus un dimanche (merci chers amis, ça c'est le sacerdoce de Jésus-Christ!) et 1100 fidèles, ce que nous devions à Dieu de reconnaissance et d'action de grâce. On peut vraiment avoir le triomphe modeste quand on sait (n'est-ce pas Monsieur l'abbé Héry ?) que c'est Lui qui a tout fait. Jamais on ne Le remerciera assez pour ce cadeau somptueux qui est le prélude de toutes sortes de grâces.

Car Saint Eloi n'est absolument pas une fin en soi. C'est un merveilleux moyen, le plus adapté, mais un moyen. La fin, le but, c'est Dieu et les âmes. Et je vais vous le dire parce que je l'ai déjà connu, vu touché du doigt et vérifié quinze années durant comme curé de Saint-Nicolas du Chardonnet.

Le but ? C'est tout simplement de mettre devant ceux qui en ont tant besoin le vrai, le véridique, l'unique Saint Sacrifice de Notre Seigneur Jésus-Christ, notre Sainte messe catholique. Tout est là, Dieu fera le reste.

Je pense à l'article 2 de nos statuts : « La Fraternité est essentiellement missionnaire » et pourquoi ? : « Parce que, poursuit Mgr Lefebvre, le St Sacrifice de la messe l'est aussi ». Toute la Fraternité est là, tout l'apostolat est là et toute autre argutie est décadence. Souvenez-vous du sermon de Mgr Lefebvre à son jubilé (1979 - 50 ans de sacerdoce). Il nous a simplement raconté les fruits merveilleux de la messe catholique en Afrique, ces conversions, ces générosités incomparables, ces retours silencieux et merveilleux. Je l'ai vu à Paris et nous allons le voir à Bordeaux. Ces pleurs silencieux derrière un pilier, ces années de timidité et de prières jusqu'au jour où… . Ma dernière confession à Paris est celle d'un brave home qui assistait depuis 1977 à la messe presque tous les jours… Quant à sa confession, la précédente avait 72 ans et datait de sa 1ère communion.

Quand je dis, on va le voir, c'est déjà vu… ça commence, mais la discrétion m'en interdit davantage.

Les bordelais vont découvrir la messe, « les saints mystères », le sacrifice et la grâce de Jésus de Nazareth, Fils de Dieu et Fils de l'homme. Non plus dans un effort social surhumain mais en passant une porte qui ouvre sur un chef-d'œuvre du passé. Tous ne sont pas des héros mais tous seront touchés par la grâce. La grâce, elle peut passer par l'architecture, par l'encens, par un sourire, par le silence, par chacun des éléments multiformes de la beauté infiniment variée d'une vraie messe catholique. Mais elle vient toujours de cet autel mystérieux où le prêtre, en silence, est Jésus-Christ Lui-même qui offre à son père l'acte infini de charité de sa croix.

N'allez pas non plus vous étonner que le démon nous ait fait payer assez cher, et été, une telle grâce ; Et je ne parle pas du mauvais temps et de l'été pourri, qui a cessé… le 21 ! Je parle de cette formidable coalition contre Saint Eloi réunissant les socialistes, les verts surtout, les trotskards d'Utopia, les procès, les tracasseries sécuritaires et administratives, les ecclésiastiques (le dernier en date est le père Narcisse, o.p. de St Paul qui édite un tract où il nous traite de schismatiques ! au XXIe siècle !). Je croyais moi, que cette compétence relevait de l'ordinaire du lieu. Mais surtout ces prédécesseurs de l'Inquisition espagnole étaient quand même meilleurs : en condamnant et en brûlant, ils n'avaient pas l'incohérence, au moins, d'invoquer le décalogue, la liberté, les droits de l'homme et la démocratie… Les journalistes aussi et même quelques inquiets de chez nous, un instant déroutés - c'est compréhensible - et vite ressaisis grâce à Dieu.

Aujourd'hui, la tranquillité de l'ordre (c'est-à-dire la paix) revient. Saint Eloi marche et gagne du terrain. Notre-Dame du Bon Conseil regorge… et bravo. (Nous rajouterons les messes qu'il faut, passée l'installation totale de Saint Eloi. Notre école St Georges prospère sous sa nouvelle dynamique corse, le secondaire a pris un très bon départ (aidez, je vous en prie, notre valeureux et irremplaçable Maître Thomas Rivière). Sans oublier notre petite Sainte Colombe - que la gloire du grand saint Eloi ne doit pas occulter - et qui, coquette, attend d'être splendide (et elle le sera !) pour s'envoler.

Je vous bénis tous, anciens et nouveaux, en Notre Seigneur Jésus-Christ. Et surtout les anciens, les vieux compagnons d'une route sans faille. A ceux qui imagineraient que le Père de la parabole a préféré l'enfant prodigue, je renvois à la lecture de ce texte. C'est absolument faux. Le Père aime ses deux enfants et sûrement plus l'aîné. Bien sûr que le terrible a besoin de plus de manifestations. Mais l'aîné n'a pas besoin d'un veau gras, parce que, justement, il est plus aimé que l'autre ; c'est simplement la routine qui l'en a fait douter. Mais c'est bien à l'aîné - et non au prodigue - que le Père déclare cette communion absolue : « Tout ce qui est à moi est à toi ».

[Abbé Guelfucci, fsspx - Le Mascaret] "Les saints et nous"

SOURCE - Abbé Guelfucci, fsspx - Le Mascaret (bulletin de la chapelle de Bordeaux) - octobre 2002

Pour commencer cette série des saints canonisés ces dernières décennies, nous devions parler de saint Maximilien Kolbe. Mais voici que saint Eloi revendique son droit d'aînesse, et c'est bien volontiers que nous lui laissons la première place. Parler de la canonisation de saint Eloi va d'ailleurs nous permettre de préciser les sages coutumes de l'Eglise.

En effet, à l'origine, la « canonisation » est de fait la vénération du peuple chrétien, le culte public rendu à un fidèle trépassé : c'est la manifestation de l'odeur de sainteté et l'appel à suivre l'exemple de ses vertus. Le premier culte fut celui rendu aux saints martyrs. Le peuple recueillait les reliques de ces victimes de la persécution, édifiait des autels sur leurs tombes et les prêtres y célébraient les saints mystères. Les premiers exemples remontent au 2ème siècle et la pratique est universelle au 3ème siècle. Cependant ce culte dut rapidement être authentifié par l'évêque, et ainsi on distingue les martyrs reconnus de ceux qui ne le sont pas.

C'est seulement après le 4ème siècle que la canonisation s'étend à ceux qui, bien que n'ayant pas eu l'occasion de verser leur sang pour la foi, s'étaient illustrés par des vertus éminentes. La discipline reste inchangée : c'est aux évêques qu'il incombe de reconnaître la sainteté et, surtout à la fin du 11ème siècle, les papes réclament pour plus de sûreté que l'examen des vertus et des miracles se fasse dans le cadre d'un concile, de préférence concile général. Et cela reste d'ailleurs de simples béatifications restreintes par définition à certains lieux, le pouvoir d'un évêque ne dépassant pas les bornes de son diocèse. Le culte ne s'élevait à la dignité d'une canonisation que lorsque passant de diocèse en diocèse il s'étendait à l'Eglise universelle, avec l'assentiment exprès ou tacite du Souverain Pontife.

Nous voici donc dans le cas de saint Eloi (588-660) qui fut l'orfèvre que l'on connaît, puis trésorier de Clotaire II après avoir gagné sa confiance en faisant deux trônes de l'or que lui avait confié le roi. Il continua toutefois à exercer son art en réalisant de belles châsses pour les reliques de saint Martin, saint Denis, saint Quentin, sainte Geneviève, sainte Colombe…Il distribuait tous ses biens aux pauvres n'épargnant pas même ses vêtements, dotait des monastères et vivait tel un moine. Il servit également avec fidélité Dagobert Ier. A la cour il côtoyait alors saint Ouen, saint Didier et saint Sulpice. De tels hommes attirèrent l'attention des évêques qui résolurent de les élever à l'épiscopat : Eloi à Noyon-Tournai, Ouen à Rouen, tous deux en 640, Didier à Cahors, Sulpice à Bourges. Le roi ne put retenir ses serviteurs d'exception.

Saint Eloi désirait remporter la couronne du martyre en évangélisant Saxons et Suèves, mais sa bonté et son désintéressement les touchèrent. Temples et idoles furent détruits : les nouveaux baptisés devaient fréquenter l'église, donner l'aumône, mettre les esclaves en liberté et fuir les superstitions. Il reçut de Dieu le don spécial de trouver les corps des saints que l'on honorait sans savoir où étaient leurs reliques. C'est ainsi qu'il retrouva les restes de saint Quentin et de saint Lucien à Beauvais. Il prédit sa mort et rendit son âme à Dieu le 1er décembre 659 en récitant le cantique Nunc dimittis… Saint Ouen rapporte que sa mort fut suivie de plusieurs miracles, comme la rupture des chaînes de prisonniers venus vénérer son corps. La reine sainte Bathilde voulut le faire porter en son abbaye de Chelles mais il devint si pesant qu'on ne put le remuer : Dieu le voulait à Noyon où la foule des fidèles pleurait son bienfaiteur. Du drap qui couvrait son tombeau, une certaine liqueur coulait qui guérissait un grand nombre.

La canonisation de saint Eloi est dite équipollente : c'est la sentence que le Souverain Pontife rend pour ratifier le culte qui depuis un temps immémorial est publiquement rendu à un serviteur de Dieu. Il est nécessaire que les vertus héroïques et les miracles de ce serviteur de Dieu, bien que n'ayant pas été juridiquement constatés, aient été rapportés par des récits dignes de foi (témoignages de saint Ouen de Rouen par exemple) et fassent l'objet de la croyance générale du peuple chrétien. Cette sentence est officielle quand le Saint-Siège impose à toute l'Eglise la célébration de la messe et la récitation de l'office en l'honneur de ce saint dans le calendrier universel.

Ainsi, même si notre saint fait simplement partie du propre de France, c'est à dire du calendrier de l'Eglise de France, notre Mère l'Eglise a béni la dévotion portée à cet humble orfèvre devenu évêque et qui, par sa prière, rend une église et une paroisse à la bonne ville de Bordeaux.

[Abbé Christophe Héry, fsspx - Le Mascaret] L'ouverture à St Eloi: qui est contre?

SOURCE - Abbé Christophe Héry, fsspx - Le Mascaret (bulletin de la chapelle de Bordeaux) - octobre 2002

L'émouvante réouverture de l'église Saint-Éloi à Bordeaux a donc rassemblé un millier de personnes le 22 septembre 2002, parmi lesquels de nombreux notables de la cité girondine. L'information circule. Les curieux passent la porte, côtoyant de nouveaux fidèles, les catholiques, d'où qu'ils viennent, contemplent, prient, brûlent un cierge, s'y sentent chez eux. Beaucoup de Bordelais sont stupéfaits et bouleversés de voir « leur » église revivre et retrouver sa beauté, celle-là même où ils ont été baptisés ou mariés. L'immense majorité de ceux qui découvrent en passant l'église rouverte sous la Grosse Cloche manifestent leur émerveillement, prient et laissent leur signature. Le Seigneur les touche et en ramène à lui déjà quelques-uns. Huit jours après, ce 29 septembre, la grand messe de la Saint-Michel, en dépit du pèlerinage paroissial à l'île Madame, a rassemblé plus de 450 fidèles.

Face à cette adhésion silencieuse, les opposants au retour d'une des plus vieilles églises de la ville à sa destination d'origine se découvrent bruyamment les uns après les autres : d'abord les socialistes, les verts et les communistes qui se sont transformés en grenouilles de bénitier et, comme des bénis oui-oui, ont pris la défense de monseigneur l'Archevêque : ils préféraient voir Saint-Éloi à l'abandon depuis 25 ans que d'assister aujourd'hui à sa reviviscence ; puis Mgr Ricard lui-même, qui fait procès à monsieur Juppé d'appliquer à des catholiques la loi sur l'affectation des églises et sur la liberté du culte -- catholiques qui officient, il est vrai, selon le rite traditionnel ; puis les groupuscules d'extrême gauche (Utopia, Récidive et autres), qui ont fait maigre pour leur manif contre la liberté de culte, ce même dimanche 22 septembre : leur nombre, toutes tendances confondues, n'a pas dépassé la trentaine et ils ne reviendront pas se ridiculiser de sitôt ; à quoi s'ajoutent ici ou là quelques ronchons, perpétuels frustrés-insatisfaits, toujours prêts à rejoindre, quoiqu'il arrive, l'intergroupe des mécontents -- avant de faire bientôt scission avec eux-mêmes.

Mais d'aucuns, comme Libération du 28/29 septembre qui vole tout à coup au secours de la calotte et même de la mitre, tiennent la liberté de culte non pour un droit mais pour un « cadeau », dû à certains et indûment accordé à d'autres… Quant au sort de l'église Saint-Éloi, les faits répondent d'eux-mêmes aux allégations tendancieuses. Ces faits vérifiables par tous :

1. En 1981, l'archevêché de Bordeaux abandonne définitivement l'église Saint-Éloi, faute de moyens. Le dernier curé en titre est parti en 1973. L'édifice du XIIIème siècle est alors offert par le clergé comme abri pour des étrangers (turcs et kurdes) sans-papiers. Puis il sert de squat. Les dégâts dus aux déprédations perpétrées sont considérables. La responsabilité en revient tout entière à l'évêché.

2. En 1987, la Ville mène des travaux de restauration des toitures pour sauver le monument (classé en 1921) du vandalisme et de la ruine. L'évêché ne manifeste aucune volonté ni de l'entretenir ni d'y rétablir le culte.

3. En 1993, devant cette situation d'incurie prolongée, la mairie souhaite reprendre la disposition du bâtiment. Un contrat est conclut à l'amiable entre la Ville et l'archevêché. Après les travaux nécessaires de nettoyage et de réaménagement, l'église Saint-Éloi est transformée par la Ville en annexe des services municipaux (tri et classement des Archives). L'annexe Saint-Éloi fonctionnera jusqu'à la signature de la convention avec l'association « Église Saint-Éloi ».

4. Le 6 mai 2001, le Préfet de Région constate par lettre que : «Désaffecté, cet édifice est utilisé à d'autres fins que le culte, par la mairie de Bordeaux, depuis 1981».

5. Le 28 janvier 2002, au vu de cet avis officiel, le conseil municipal de Bordeaux délibère sous la présidence du maire Alain Juppé. Dans le respect des droits de l'homme et de la liberté de culte, est votée la mise à disposition de l'édifice à l'association « Église Saint-Éloi », proche de la Fraternité Saint-Pie X, en vue de le réhabiliter, de le rouvrir au public et de l'animer conformément à sa destination originelle. Ont voté contre : les groupes socialiste, vert et communiste. Une convention est signée peu après entre l'association et la mairie.

6. En mars 2002, M. Savary, du groupe socialiste, et Mgr Ricard, archevêque de Bordeaux, engagent deux recours administratifs contre la délibération du 28 janvier. Mgr Ricard craint-il que les milliers d'églises vides et fermées en France puissent être détournées du culte catholique ? Précisément, ce n'est pas le cas de Saint Eloi, qui retrouve après des décennies d'usage profane sa destination originelle. Rappelons que pour Jean-Paul II, malgré les difficultés réelles et la différence de rite, les prêtres de la Fraternité Saint-Pie X ne sont ni d'une autre religion, ni d'un autre culte. Eux-mêmes reconnaissent le pape et prient à chaque messe à ses intentions. Le pape de son côté reconnaît que ces prêtres relèvent du culte catholique (leur dossier à Rome est suivi par le Préfet de la Congrégation pour le Clergé, le Cardinal Hoyos, et non celui chargé des églises séparées), et que le rite grégorien traditionnel, quoique différent du rite conciliaire, est légitime.

7. Le 22 septembre, journée du Patrimoine, mille personnes sont rassemblées pour une messe grégorienne de réouverture. L'association a fait appel pour la messe à la Fraternité Saint-Pie X. Des centaines de signatures favorables ont été posées en quelques jours sur le livre d'or de Saint-Éloi par les passants et les habitants du quartier qui découvrent l'église à nouveau vivante, émerveillés.

Conclusion :

Le Président de la conférence épiscopale française, par son hostilité déclarée à la réouverture, après 25 ans d'usage profane, d'une église où se célèbre désormais un culte reconnu catholique par Rome, célébré par des prêtres qui, en dépit de tout, reconnaissent le pape, s'écarte de la ligne de Jean-Paul II et du simple bon sens. Son action en justice aux côtés d'un groupe d'opposition contre la mairie de Bordeaux rejette sur le terrain politique une question essentiellement interne à l'Église. Mgr Ricard, se servant d'un parti politique qu'il soutient, provoque délibérément la gêne des pouvoirs civils, simplement soucieux, quant à eux, de sauvegarder le patrimoine et de faire respecter la liberté de culte.

[Abbé Bouchacourt, fsspx - Le Chardonnet] "Servir ou se servir..." (éditorial)

SOURCE - Abbé Bouchacourt, fsspx - Le Chardonnet (bulletin de St Nicolas du Chardonnet - octobre 2002

A chaque rentrée paroissiale, résonnent du haut de la chaire les appels pathétiques du curé pour appeler à venir renforcer les rangs de la chorale, prêter main forte à 1'équipe du ménage, inscrire ses enfants au catéchisme, ou dans un mouvement dans lequel ils pourront se dévouer etc., etc.

Ces appels suscitent deux sortes de réaction. Il y a d'abord les indifférents, ceux qui ne se sentent jamais concernés par ce qu'ils entendent et qui, par contre, savent à qui ces paroles s'adressent... Ceux-là sont incurables, ils font et feront le désespoir des curés jusqu'à la fin des temps. Lorsqu'ils arriveront devant saint Pierre, au terme de leur vie, les mains vides, ils trouveront probablement très injuste la sentence divine les concernant et diront pour leur défense: « Mais qu'avons-nous fait pour mériter cela?» et Dieu leur répondra: « Rien, et c'est bien là votre tort».

Il y a ensuite, ceux qui, en entendant les ?aroles de leur curé, se sentent interpellés et gUI, avec enthousiasme, vont s'inscrire immédiatement après la messe; qui à la chorale, qui aux scouts, qui au ménage. .. C'est alors un plaisir de rencontrer les responsables de ces différents services, la rayonnante qui. pleins de reconnaissance, remercient leur pasteur chaleureusement pour ses paroles convaincantes. Ces mêmes responsables, la semaine écoulée, la mine défaite, viennent lui annoncer que sur les dix inscrits de dimanche dernier, deux se sont présentés et qu'un seul persévérera. Comment expliquer ce syndrome qui frappe toutes les paroisses et les prieurés d'aujourd'hui?

Le monde dans lequel nous vivons, nourrit chez nous tous un individualisme forcené. Il faut vivre dans l'instant, jouir le plus possible et agir comme je veux, quand je veux. .. La notion du bien commun, du service gratuit est totalement ignorée et méprisée. Force est de constater que nous-mêmes, dans nos milieux, nous n'en sortons pas indemnes.

Il faut se rappeler cette phrase de l'Évangile: « Le Christ est venu, non pour être servi mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude » Mt.XX,28. Ce que le Christ a fait pour nous racheter, nous, enfants de Dieu, coupables de L'avoir offensé, responsables de Ses souffrances durant la Passion, nous avons le devoir de l'imiter en servant à notre tour. Ce service est l'aumône de notre temps que nous offrons à Dieu pour réparer nos péchés, mériter Sa grâce et Le louer. Ce temps que Dieu nous donne, nous aurons a en rendre compte un jour.

Rendre service exige de l'abnégation, de la persévérance, de la constance et beaucoup d'humilité. Dès lors que l'on s'inscrit à telle ou telle œuvre, il faut s'y tenir: car c’est notre devoir d'état, sauf raison grave. De notre fidélité dépend aussi la persévérance de beaucoup d'autres personnes. Ainsi nous servons le bien commun. Pourquoi reste-ton si sourd aux appels? Pourquoi tant d'abandons? Parce que l'on veut se servir en rendant service! La constance qui est demandée exige de faire des choix pour durer dans l'accomplissement de sa tâche. Il faudra organiser sa vie en fonction des engagements pris et non renoncer à ces engagements à la première gêne rencontrée. Voilà le martyre du devoir d'état, l'héroïsme des saints. Ah ! certes, cela est pesant, nous ne serons pas toujours remerciés comme nous le désirerions mais savoir que Dieu voit tout, compte tout et que cela Lui plait, nous aidera à persévérer. C’est la pureté d’intention qui sera récompensée par Dieu au centuple de sa valeur. Quel placement !..

Ce qui fait le malheur de nos contemporains, c'est l'impossibilité qu'ils ont de porter la croix que Dieu place sur leurs épaules afin de mériter le ciel. Le paradis se conquiert... Comme vous le savez, on ne juge de la valeur d'un soldat que dans le combat et non dans la paix, de même que l'on apprécie l'amitié d'une personne à la fidélité qu elle nous manifeste lorsque l'épreuve nous touche. Dieu aime notre fidélité dans la constance de nos combats quotidiens. Il nous demande de Le servir sans nous servir en accomplissant Sa volonté.

Si notre siècle comprenait cela, il serait moins malheureux. A commencer par ces époux qui envisagent de se séparer dès que des dissensions se font jour sans regarder ce qu'il faudrait corriger pour sauver leur foyer. L'instant incline à la séparation, le bien commun exige l'union. C'est ce même esprit qui tue la pratique religieuse chez beaucoup. On ne va à la messe que lorsque l'on en salut de nos âmes. Il en ira de même pour la prière que l'on maintiendra tant qu'y sont jointes des consolations, mais, dès que l’aridité nous touche, alors on l'abandonne. Je citerai le bienheureux Jean d'Avila pour vous convaincre de l'erreur de telles attitudes: « Mieux vaut mille fois être dans les labeurs des aridités et des tentations, par la volonté de Dieu, que de goûter de célestes suavités dans la contemplation en dehors de cette divine volonté ».

Ce désir de se servir dans le service empoisonne la société, telles les autorités civiles qui nous gouvernent et qui, pour continuer à plaire, sacrifient à l'opinion publique des mesures nécessaires pour sauver la société; c'est de la démagogie et l'on en meurt! L'autorité est un service, une abnégation de soi-même. Ce virus a atteint aussi l'Église; voyez les Journées mondiales de la jeunesse qui rassemblent des foules immenses sans aucun profit. Les statistiques sont là, implacables. Au lendemain des J.M.J. de 1997, en France, il n'y eut ni remontée des vocations, ni augmentation de la pratique religieuse. Ces rassemblements sont purement émotionnels et sans lendemain. Les autorités-ecclésiastiques; en les organisant; suscitent les acclamations, elles s'illusionnent, elles se servent elles-mêmes et desservent l'Église. Pour sortir de cette crise qui n'en finit pas il faudrait que les prêtres reprennent leur service dans les confessionnaux obscurs, qu'ils enseignent le catéchisme et les vérités divines dans l'humilité des salles paroissiales. Il faut enfin que la messe nous soit rendue, chaque jour, dans chaque église, sur chaque autel. C'est cela le service du prêtre et des évêques, rien que cela, tout cela!

Alors, chers amis, n'oubliez pas, à l'occasion de cette rentrée, de vous donner sans compter, sans calcul; vous arracherez ainsi du Cœur de Notre-Seigneur les grâces si nécessaires pour votre salut. Il faut pour y parvenir une âme forte, de cette force qui, comme le disait Cicéron, « est une manière consciente d’affronter les périls et de supporter les labeurs ».

Bon courage à tous!
Mise au point sur la Fraternité Saint Pie X présente à l'église Saint-Éloi à Bordeaux
Octobre 2002 - la communauté des Dominicains de Bordeaux - lien
Mise au point sur la Fraternité Saint Pie X présente à l'église Saint-Éloi à Bordeaux Nombre de fidèles nous posent des questions concernant les prêtres de la Fraternité Saint Pie X (clergé issu de monseigneur Marcel Lefebvre), à l'occasion de leur installation à l'église Saint-Éloi. Voici une mise au point des problèmes qui se posent.
1) La Fraternité Saint Pie X est-elle schismatique ?
Le mouvement lefebvriste, dirigé par la Fraternité, est schismatique depuis le sacre des évêques en 1988, accompli sans l'aval du Pape. Un tel acte de désobéissance est une rupture objective, explicite et délibérée avec le Saint-Siège et l'Église Catholique Romaine. Cette rupture de communion de charité s'appelle un schisme (alors qu'une rupture dans la vérité de foi s'appelle une hérésie, ce qui n'est pas le cas ici). De ce fait, les évêques et les prêtres de la Fraternité sont hors de la communion de l'Église Catholique, ce pourquoi, ils sont dits excommuniés.
2) Mais le Pape n'a jamais proclamé l'excommunication à leur endroit !
Il n'en a pas besoin, même s'il en a pris acte. Un évêque qui ordonne des évêques sans la permission du Saint-Siège se place lui-même hors de la communion. Lui-même et ceux qui reçoivent ordination de ses mains s'excommunient par le fait même, ipso facto, ainsi que les prêtres qui se placent sous leur juridiction. Le refus d'obéir à l'évêque diocésain et de dépendre de lui pour toute mission pastorale est le signe manifeste de la rupture.
3) Les prêtres de la Fraternité disent pourtant qu'ils sont toujours dans l'Église Catholique, et même qu'ils prient pour le Pape !
Ce n'est pas le problème. Le fait de prier pour le Pape n'est pas de soi un signe d'appartenance à l'Église. Surtout, le discours ambigu qui consiste à prétendre qu'il n'y a pas schisme sous prétexte qu'ils ne se considèrent pas en-dehors de l'Église (et même qu'ils sont quasiment les seuls à y être restés) ne saurait faire illusion. Autre est le sentiment subjectif d'une appartenance, autre est la réalité objective. Lorsqu'on adhère à un acte grave et schismatique, et que l'on milite pour cette cause à tout moment, on se situe objectivement hors de l'Église.
4) Comment un mouvement qui revendique sa fidélité à la Tradition de l'Église pourrait-il se trouver en dehors d'elle ?
L'intégrisme français se place nettement en réaction contre le modernisme, mouvement de pensée qui consiste à réduire la vérité à la sincérité, l'objectif au subjectif, la foi au sentiment, les dogmes à l'assentiment de la seule raison, l'obéissance à l'Église à une critique purement humaine. Mais, en réalité, il tombe lui-même dans les erreurs qu'il pourfend. Le mouvement lefebvriste se fait maître et arbitre des décisions de l'Église en son Magistère traditionnel et actuel. Il en appelle à " une Église de toujours " contre " l'Église conciliaire " selon une distinction irréelle et illégitime, qui lui permet de désobéir sans en avoir l'air. En quoi cette dissidence n'est pas aussi préservée qu'elle le pense du subjectivisme qu'elle dénonce, par exemple, chez les Protestants. Elle est en train de suivre le même chemin que Luther. Ce n'est pas le moindre de ses paradoxes.
5) Un fidèle peut-il assister à une messe de la Fraternité (par exemple à Saint-Éloi) et y communier ?
Un fidèle ne peut pas plus assister à une Messe et y communier qu'il ne le ferait pour une Messe dans une église orthodoxe (laquelle demande permission expresse des évêques respectifs). La présence réelle du Christ s'y trouve évidemment, les prêtres étant de vrais prêtres. Mais la communion ecclésiale ne s'y trouve pas, c'est pourquoi il ne faut ni communier ni même y aller. Cela, eu égard à la réalité d'une rupture, eu égard aussi à la nécessité de se refuser au jeu de la confusion, volontiers entretenue par la Fraternité. Toute présence est un acte public : elle est, de fait, assimilée à une communion et à une approbation. Les fidèles devront se poser les mêmes exigences s'ils doivent se confesser, baptiser leurs enfants, s'ils sont conviés à un mariage célébré par un prêtre de la Fraternité, à plus forte raison s'ils sont invités à y être témoins, etc. En nos temps de syncrétisme, il faut oser le courage, la clarté, et la volonté de faire la vérité pour reconstruire la charité. Ce qui vaut pour la situation dont nous parlons vaut également pour d'autres types de situations.
6) Faut-il alors s'interdire tout contact avec le clergé ou les fidèles relevant de la Fraternité Saint Pie X ?
Non, mais il s'agit d'éviter toute confusion liturgique et, surtout, toute confusion quant à l'appartenance actuelle de la Fraternité à l'Église Catholique Romaine. Cela n'exclut pas, mais appelle, prière, charité et accueil des personnes. Il ne faut pas oublier, en outre, les propos extrêmement violents que la Fraternité se permet régulièrement à l'égard de Rome. Le Saint-Père, avec miséricorde et bonté, a engagé des pourparlers avec les responsables de la Fraternité, lesquels ne se hâtent pas de manifester leur désir de rentrer dans la communion de l'Église, bien au contraire. Une stratégie de conciliation apparente à la base ne saurait justifier une fin de non-recevoir au sommet. Il n'est pas exclu que les fidèles soient victimes d'un double langage, plus ou moins conscient, sur la réalité du schisme ou son absence.
7) Mais pourquoi la préférence pour la Messe en latin serait-elle schismatique ?
La Messe en latin n'est en rien schismatique ! D'abord, la Messe actuelle est de rite latin. La messe dite de Paul VI est la version révisée du Rite romain, " foi inchangée, tradition ininterrompue ", dit l'introduction au Missel. Ensuite, permission a été donnée par Jean-Paul II de faire usage de la Messe dite de Saint Pie V (édition de 1962) aux fidèles le désirant, dans le motu proprio Ecclesia Dei (1988), dont le Pape demande aux pasteurs une application " large et généreuse ". Point n'est besoin d'être schismatique pour assister à une Messe latine dite de Saint Pie V. D'ailleurs, il apparaît de plus en plus nettement que le schisme dont nous parlons a eu lieu pour d'autres raisons que celle à laquelle pense tout le monde, la Messe en latin. Comme le dit le Pape, le schisme est issu d'une conception faussée de ce qu'est la véritable Tradition de l'Église. Il court le risque, en outre, de marquer une primauté du politique sur le spirituel.
8) Y a-t-il un risque de dérive sectaire ?
Le schisme lefebvriste procède d'un acte formel et grave de désobéissance à l'Église. Il préfère sa vision des choses à celle qu'enseigne l'Église en son Magistère authentique. Cette préférence est la marque d'un durcissement des esprits et des cœurs. Elle est source de dégénérescence de ce que ce mouvement comporte de bon. Encore une fois, il appartient ainsi à l'esprit moderne qu'il déteste tant. La vertu de ses prêtres et la piété à laquelle ceux-ci appellent les fidèles ne sont pas en cause. On invoque souvent leur souci de doctrine. Dans la confusion actuelle, ils n'ont pas de mal à paraître éclairés et exigeants. Mais cette solidité doctrinale est beaucoup plus passionnelle que théologique. Elle met nombre de choses sur le même plan, qu'il faudrait distinguer et nuancer, et commet bien des inexactitudes sur des sujets graves, à commencer par ce qu'enseigne le Concile Vatican II. Il n'est pas possible, pour les fidèles, de suivre les prêtres de la fraternité Saint Pie X. Ils le pourront le jour où la réconciliation sera effective. Il faut prier pour cela, d'autant que le mouvement lefebvriste est menacé, au contraire, d'une dérive sectaire. Cette dérive n'est pas d'abord doctrinale, mais psychologique (autojustification constante, violence verbale, diabolisation du monde extérieur, surenchère affective, mystique du petit reste (seul à être sauvé), noircissement constant et souvent inexact de l'Église : il n'est qu'à lire la critique qu'il fait du Catéchisme de l'Église catholique, suspecté de bien des déviances !
Que penser, que faire ?
On ne peut être catholique qu'en étant humblement obéissant à l'autorité légitime de l'Église, à son enseignement et aux directives proposées par ses évêques et pasteurs en parfaite communion avec le Saint-Père. Il est vrai qu'une large part de la dissidence lefebvriste trouve son origine dans les troubles doctrinaux et liturgiques qui ont suivi le Concile Vatican II en France. C'est pourquoi chacun, prêtre ou laïc, est ramené à l'exigence d'une semblable obéissance, d'une transmission complète et courageuse de la foi, et d'une liturgie digne, fidèle au Missel et contemplative. On ne saurait dénoncer un mal qu'en supprimant la source d'où il affirme provenir. Mais on ne saurait réformer l'Église en se plaçant hors d'elle.
La communauté des Dominicains de Bordeaux, octobre 2002.

14 octobre 2002

Traditionalisme catholique en France: une enquête sur l'application du motu proprio "Ecclesia Dei"
Religioscope - 14 octobre 2002
Même si la question de la célébration liturgique n'était pas la seule raison des catholiques traditionalistes pour s'opposer aux conséquences du Concile Vatican II, elle a été la bannière de leur résistance. A la suite des sacres épiscopaux auxquels procéda Mgr Marcel Lefebvre en 1988, le pape Jean-Paul II publia un motu proprio intitulé Ecclesia Dei, en application duquel est reconnu à ceux qui le désirent le droit de participer à des messes célébrées selon le rite dit "de saint Pie V". Quatorze ans après, quelle est la situation en France? Le numéro de septembre 2002 de la Lettre d'Oremus fait le point.
La lettre apostolique Ecclesia Dei du 2 juillet 1988 exprimait la tristesse face aux sacres effectués par Mgr Lefebvre. Mais, pour ceux des catholiques traditionalistes qui ne souhaitaient pas la rupture, il ouvrait également des perspectives à première vue encourageantes, puisque le pape y déclarait:
"A tous ces fidèles catholiques qui se sentent attachés à certaines formes liturgiques et disciplinaires antérieures de la tradition latine, je désire aussi manifester ma volonté - à laquelle je demande que s'associent les évêques et tous ceux qui ont un ministère pastoral dans l'Eglise - de leur faciliter la communion ecclésiale grâce à des mesures nécessaires pour garantir le respect de leurs aspirations."
Différentes questions posées par des fidèles au cours des années suivantes donnèrent à Rome l'occasion d'indiquer qu'une "application large et généreuse", comme le disait le texte de 1988, était bien l'objectif visé: il s'agissait de permettre à tous ceux qui le désiraient, indépendamment de leur âge (donc également des fidèles nés après Vatican II), de pouvoir assister à des messes célébrées selon la "liturgie catholique latine traditionnelle", pour utiliser l'expression que tendent à préférer aujourd'hui ceux qui s'y montrent attachés.
Qu'en est-il dans les faits? Un périodique traditionaliste, la Lettre d'Oremus, a eu l'heureuse initiative de se livrer à une enquête pour savoir dans quels diocèses de France la "liturgie traditionnelle" était régulièrement célébrée avec l'approbation de l'évêque diocésain. La France étant "un des pays où la messe traditionnelle est certainement la plus répandue", les résultats de cette enquête présentent un intérêt particulier. Il faut souligner que les évêques diocésains "sont seuls responsables dans leur diocèse de l'application ou non du motu proprio".
Dans 49 diocèses de la France métropolitaine sur 93, "la messe traditionnelle est célébrée régulièrement (c'est-à-dire au moins chaque dimanche et fête) dans au moins une chapelle ou église paroissiale accessible aux fidèles ordinaires". Le nombre de diocèses passe à 51 si l'on inclut les diocèses dans lesquels cette messe est célébrée dans un monastère.
Au total, cela représente 82 lieux de messe en France (73 dans des chapelles et 9 dans des monastères). Dans 31 diocèses sur 51, il n'y a qu'un seul lieu. Cela signifie donc, notent les rédacteurs, que l'accès à une "messe traditionnelle" reste très difficile pour beaucoup de fidèles, en raison des distances géographiques. Une observation importante: "une étude détaillée montrerait que c'est souvent dans des lieux reculés que les autorisations sont données". Dans certains diocèses, tout serait fait pour décourager ceux qui souhaitent des célébrations selon le rite tridentin.
En outre, l'enquête soulève un autre problème: contrairement à ce qui s'est passé dans plusieurs diocèses aux Etats-Unis, il est en France "assez rare que la communauté traditionnelle dispose d'un lieu de culte qui lui soit propre avec les facilités de n'importe quelle paroisse du diocèse".
Si l'on considère les lieux de culte dans lesquels la "messe traditionnelle" est célébrée sans l'accord de l'évêque diocésain - c'est-à-dire les lieux de culte dépendant, pour la plupart, de la Fraternité Saint-Pie X fondée par Mgr Lefebvre - ils sont implantés dans 79 diocèses, avec 164 lieux de culte où la messe traditionnelle est célébrée au moins une fois par semaine. Cela indique donc qu'une demande existe bien dans la plupart des diocèses, selon l'analyse des rédacteurs de la Lettre.
La Lettre d'Oremus considère que la situation n'est donc pas réglée. En revanche, elle se réjouit de voir que plusieurs diocèses viennent d'autoriser l'installation de prêtres provenant d'instituts de formation traditionalistes (Institut du Christ-Roi et Fraternité Saint-Pierre).

9 octobre 2002

[Aletheia n°33] L'abbé Aulagnier - L’abbé Sulmont, Jean Madiran et la Croix - La Lettre à nos frères prêtres

Yves Chiron - Aletheia n°33 - 9 octobre 2002
L’abbé Aulagnier

Présent, dans son édition du 19 septembre dernier, a donné, discrètement, l’information suivante:
“Journaliste, créateur et directeur de plusieurs publications estimées, écrivain ecclésiastique d’une grande notoriété, notamment pour son livre paru en décembre 2000 : La Tradition sans peur (en collaboration avec l’abbé Guillaume de Tanoüarn, préfacé par l’abbé Philippe Laguérie), l’abbé Paul Aulagnier vient, pour une raison jusqu’ici inconnue, d’être frappé d’une nouvelle sanction par ses supérieurs de la FSSPX. Il est envoyé à Québec comme aumônier d’une maison de retraite pour personnes âgées ; et surtout il a l’interdiction d’écrire. Cette interdiction-là est sans doute pour un écrivain, même ecclésiastique, la plus grave sanction possible.”
Je ne commenterai pas cet entrefilet. Je renverrai au dernier livre publié par M. l’abbé Aulagnier, La Tradition sans peur. Il est toujours disponible aux Éditions Servir, 15 rue d’Estrées, 75007 Paris, 350 pages, 20 euros franco de port. L’abbé Aulagnier y exprimait des vues audacieuses et libres, tant sur la crise actuelle de l’Eglise que sur l’action de la FSSPX ( cf. Alètheia, n° 7, 5 janvier 2001).
Je ne rappellerai pas le rôle éminent qu’a eu l’abbé Aulagnier dans le combat de la Tradition : un des premiers membres de la Fraternité créée par Mgr Lefebvre, il a été durant dix-huit ans supérieur du district de France, période pendant laquelle il a fondé la revue Fideliter et il a présidé à la création de nombreux prieurés et de plusieurs écoles à travers la France. Puis il fut deuxième assistant du supérieur général de la FSSPX.
Je préfère renvoyer à l’image des premiers temps, héroïques, de la FSSPX ; image que rapporte le dernier biographe de Mgr Lefebvre : “En cette année 1972-1973, la Fraternité n’a d’apostolat qu’en Grande-Bretagne et en Californie, si l’on met à part l’humble aumônerie que l’abbé Aulagnier assure en France à l’école de filles de Mademoiselle Luce Quenette à Malvières, un village perdu que l’aumônier, un jour d’hiver, n’atteindra qu’en chaussant des skis” (p. 475).
Cette biographie de Mgr Lefebvre, écrite par Mgr Bernard Tissier de Mallerais, publiée par les éditions Clovis (B.P. 88, 91152 Etampes cedex, 719 pages, 24 euros), est la plus volumineuse qui ait été consacrée au fondateur de la FSSPX.
L’abbé Sulmont, Jean Madiran et la Croix
L’abbé Philippe Sulmont, le bien connu curé de Domqueur, attaché indéfectiblement au rite traditionnel et que les évêques successifs de son diocèse ont laissé en fonction, a adressé, le 3 septembre 2002, une lettre à Noël Copin. Celui-ci, ancien directeur de la Croix, avait publié, la veille, dans ce journal, un éloge du concile Vatican II, le qualifiant de “prophétique”.
L’abbé Sulmont lui écrivit alors : “Ce concile est en contradiction avec l’Evangile et toute la Tradition. (...) En fait, le bilan du concile est catastrophique”. Il citait aussi un extrait du dernier livre de Jean Madiran, La Révolution copernicienne dans l’Eglise (cf. Alètheia, n° 31, 3 septembre 2002).
Les verts propos de l’abbé Sulmont — et sans doute aussi l’annonce qu’ils seraient répandus dans son bulletin paroissial “répandu à 4000 exemplaires” — ont fait réagir Noël Copin.
Dans un article paru dans la Croix le 30 septembre dernier, Noël Copin fait allusion à la lettre de l’abbé Sulmont (sans le nommer, ni citer le bulletin où la lettre a paru) et il cite le nom de Jean Madiran (sans faire référence à son livre). On passera sur le procédé.
On s’ébahit, en revanche, de voir le nom de Jean Madiran et — presque —les références d’un de ses livres cités dans la Croix. C’est, sans doute, bien la première fois, depuis un quart de siècle au moins, qu’un livre de Madiran est — presque — recensé dans la Croix.
Les lecteurs curieux peuvent obtenir auprès d’Alètheia copie de la lettre ouverte de l’abbé Sulmont et de l’article-réponse de Noël Copin, en envoyant un timbre.
La Lettre à nos frères prêtres
L’abbé de La Rocque a repris la direction de la Lettre à nos frères prêtres, la “Lettre trimestrielle de liaison de la Fraternité Saint-Pie X avec le clergé de France”. L’adresse de cette publication est désormais : 2245 avenue des Platanes, 31380 Gragnague. On peut s’y abonner pour 7,5 euros (4 numéros par an).
Le dernier numéro paru contient de nombreux témoignages circonstanciés sur la façon dont les évêques de Nîmes et de Poitiers “entendent recadrer leur clergé”. Ce sont des faits à connaître. Mais on aimerait aussi que les initiatives en sens inverse, d’autres évêques de France, soient signalées aussi.
Le même numéro contient le texte d’une supplique qui a été adressée à Jean-Paul II, en 2001, pour demander que la célébration de la messe selon le rite traditionnel soit autorisée “sans clause restrictive”. Cette supplique a été signée par 250 prêtres incardinés dans les diocèses de France. C’est peu et c’est beaucoup à la fois. Mais, “organisée dans la discrétion, cette démarche s’est propagée au moyen du bouche à oreille et n’a touchée sur quatre cents prêtres”.
250 sur 400, c’est donc déjà beaucoup. Si l’on avait ajouté les prêtres religieux et les prêtres de la FSSPX, on aurait facilement doublé le nombre des signataires.
L’abbé de La Rocque fait remarquer que cinquante-quatre des signataires “ont été ordonnés dans les dix dernières années, dont vingt-sept depuis les JMJ parisiennes...”. On a envie de prolonger l’analyse : comment ces prêtres français, indépendants de la FSSPX, formés et ordonnés dans le nouveau rite, sont-ils restés attachés à la messe traditionnelle ? Le manichéisme n’est donc pas de mise dans l’analyse de la situation de l’Eglise.

16 septembre 2002

[Aletheia n°32] Avertissement du Pape aux théologiens - Une interview de Mgr Fellay - Le cas Rosmini

Yves Chiron - Aletheia n°32 - 16 septembre 2002
Avertissement du Pape aux théologiens
Le jeudi 5 septembre, Jean-Paul II a reçu à Castel Gandolfo un groupe d'évêques brésiliens en visite ad limina. Il leur a recommandé plus de vigilance dans les admissions au séminaire. Il a aussi, longuement, évoqué la situation actuelle de la théologie en exprimant ses préoccupations et en faisant une mise en garde claire et vigoureuse. Le pape a précisé dans son discours que ses préoccupations et sa mise en garde ne concernaient pas seulement les théologiens brésiliens mais ceux d' “autres parties du monde”.
Certains journaux italiens, notamment Il Giornale dans son édition du 6 septembre, ont longuement rendu compte de cette exhortation. Comme aucun journal français, à ma connaissance, n’en a fait autant, je crois utile d’en reproduire des extraits, traduits de l’italien, en attendant - on l’espère - la publication intégrale dans la Documentation catholique.
Jean-Paul II a exprimé sa “profonde tristesse et ses préoccupations” pour le caractère inadéquat de l’enseignement de la théologie dans certains instituts de théologie et séminaires. Cette inadéquation “est due, a dit le pape, à une préparation insuffisante ou à des positions en désaccord avec l’enseignement de l’Eglise”.
Le pape s’inquiète de certaines tendances de la théologie catholique qui se laissent “conditionner par la mentalité et la sensibilité de l’homme moderne”.
“Dans les facultés ou instituts de théologie de diverses parties du monde, et aussi au Brésil, une vision mutilée de l’Eglise se répand, selon une idéologie qui perd de vue le point essentiel : que l’Eglise est une participation au mystère de Dieu incarné.”
“Les évêques, a déclaré aussi le pape, ont le devoir de veiller à ce que la théologie ne se réduise pas une vision purement humaine de l’Eglise et des hommes eux-mêmes.”
“Les efforts, certainement légitimes et nécessaires, d’unir (unire) le message chrétien à la mentalité et à la sensibilité de l’homme moderne, et d’exposer la vérité de la foi avec des instruments connexes à la philosophie moderne, aux sciences positives, ou en partant de l’homme contemporain et de la société, peuvent, s’ils ne sont pas adéquatement contrôlés, menacer la nature-même de la théologie et le contenu de la foi.”
Une interview de Mgr Fellay
Le dernier numéro de la revue Fideliter (B.P. 88, 91152 Etampes Cedex, 7,50 euros le numéro), n° 149, septembre-octobre 2002, contient le compte-rendu d’un long entretien avec Mgr Fellay, Supérieur général de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X.
Mgr Fellay passe en revue la situation de la FSSPX (“désormais presque 450 prêtres et plus de 60 frères”), le vieillissement relatif de ses effectifs (“la moyenne d’âge reste juste en dessous des 40 ans”), le développement des études doctrinales réalisées par des prêtres de la FSSPX.
Mgr Fellay évoque aussi longuement l’accord intervenu entre les prêtres de Campos et Rome. Il dit ne pas partager “l’analyse optimiste de l’abbé Aulagnier” (cf. Aletheia n° 29) et redoute, dans les dix ans à venir, de voir des “nuages noirs s’amonceler” sur Campos. Il estime : “On ne peut pas affirmer que la concession faite par Rome vis-à-vis de Campos représente un réel changement, disons une faveur, un regard de bienveillance de Rome sur la Tradition.”
Le Supérieur général de la FSSPX fait le point sur l’état de ses relations avec le Saint-Siège. Il évoque enfin la biographie de Mgr Lefebvre, rédigée par Mgr Tissier de Mallerais, publiée par les éditions Clovis et qui sera mise en vente à partir du 6 octobre prochain.
A son interlocuteur - l’abbé Grégoire Celier, directeur de la revue et des éditions Clovis - qui l’interroge sur la liberté prise par l’auteur de cette biographie, Mgr Fellay assure : “ la Fraternité n’entend pas imposer à ses membres un carcan sur des points historiques librement discutables, comme si on obligeait à voir toutes choses avec des œillères.”
Le cas Rosmini
En juillet 2001, la Congrégation pour la Doctrine de la Foi a publié une “Note sur la validité des décrets doctrinaux concernant la pensée et les oeuvres du P. Antonio Rosmini Serbati”. Pie IX, en 1849, avait inscrit à l’Index deux des ouvrages de Rosmini (1797-1855). Léon XIII, en 1887, avait condamné 40 propositions, tirées principalement des oeuvres posthumes de Rosmini. La Note de 2001 affirme, après “un examen approfondi”, que “les sujets de préoccupation et les difficultés doctrinales qui ont déterminé la promulgation des Quarante Propositions n’ont plus lieu d’être”.
Cette Note de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi a scandalisé certains qui voient là un nouveau reniement de la “Rome moderniste”.
Sans juger, ici, du cas Rosmini, on peut renvoyer, pour une information plus complète sur le sujet, à une étude publiée par un religieux membre de l’Institut de Charité, congrégation fondée par Rosmini. Précisons que ce prêtre est très proche des milieux traditionalistes. Le P. Bellwood veut défendre le fondateur de l’Institut auquel il appartient.
Son étude, La “Question rosminienne”, qui compte 40 pages, sera envoyée gracieusement aux lecteurs d’Aletheia, qui en feront la demande en joignant une enveloppe timbrée à 0,69 euros. S’adresser directement à l’auteur :
Rév. Père Robert Bellwood
Notre-Dame du Rafflay
44690 Château-Thebaud

15 septembre 2002

[La Lettre d’Oremus] Ecclesia Dei : bilan 2002 du motu proprio

SOURCE - La Lettre d’Oremus - Bulletin d’information consacré à la liturgie catholique latine traditionnelle - n°13 - septembre 2002

Ecclesia Dei : bilan 2002 du motu proprio

En juillet 1988, le pape Jean-Paul II publiait le motu proprio Ecclesia Dei. Cet acte fort du Saint-Père voulait être un geste généreux de paix après des décennies de déchirements autour des questions liturgiques. A plusieurs reprises, le Saint-Père a réitéré son vœu de voir cette situation se normaliser en appelant les évêques à faire une application large et généreuse de l’autorisation de la liturgie traditionnelle. L’équipe d’Oremus fait le bilan de la situation en France, un des pays où la messe traditionnelle est certainement la plus répandue.
Le motu proprio est-il vraiment appliqué en France ?
Disons tout d’abord que l’existence même du motu proprio est mal connue. Le sondage Ipsos auprès des catholiques français, publié en mai 2001, montrait que seulement un peu plus de 50% des catholiques savait que la liturgie traditionnelle était autorisée en France; près de 50% l’ignorait ou pensait qu’elle était tout simplement interdite. On ne peut donc pas dire que depuis 1988, il y ait eu un effort particulier pour faire connaître cette mesure, voulue «généreuse» par le Saint-Père. Il faut rappeler également que si cette ouverture a été expressément voulue par Jean-Paul II, il a souhaité également que son application soit laissée à l’entière bonne volonté des évêques diocésains. Ils sont seuls responsables dans leur diocèse de l’application ou non du motu proprio.
Certes mais dans la pratique dans combien de diocèses de France peut-on assister à cette liturgie ?
Sur 93 diocèses de France métropolitaine, la messe traditionnelle est célébrée régulièrement (c’est à dire au moins chaque dimanche et fête) dans au moins une chapelle ou église paroissiale accessible aux fidèles ordinaires, dans 49 diocèses c'est-à-dire un peu plus de 50 %. Si on ajoute les diocèses où la messe est célébrée dans un monastère, et bien que la messe destinée à une communauté religieuse ne soit pas le statut normal pour une communauté de fidèles, on passe à 51 diocèses, soit 55% du total des diocèses.
Cela représente-t-il de nombreux lieux de culte ?
Cela représente 82 lieux de messes (73 dans des chapelles et 9 dans des monastères). Il faut noter que cela concerne entre 1 et 4 lieux dans chaque diocèse mais dans la majorité des cas, soit 31 diocèses sur 51, un seul lieu. Or quand on connaît la taille d'un diocèse, on peut imaginer que cette possibilité est évidemment restreinte et que la plupart des fidèles souhaitant assister à la liturgie traditionnelle se trouve à plusieurs dizaines de kilomètres d'un lieu de célébration. Il est difficilement imaginable pour tous de parcourir une telle distance le dimanche.

1993 2000 2001
Nombre de diocèses où la messe traditionnelle est célébrée de manière hebdomadaire
45 48 51
% du nombre de diocèses où la messe traditionnelle est célébrée de manière hebdomadaire
48% 51% 55%
Nombre de messes traditionnelles hebdomadaires  en France
67
81
82
% de diocèses où la messe traditionnelle n'est même pas célébrée une fois par mois
47%
40%
35%
Certes, mais ces autorisations ont bien été données d’abord dans les grandes villes de chaque diocèse, n’est-ce pas ?
Ce n’est malheureusement pas le cas du tout. Sur les 51 diocèses où la messe traditionnelle est célébrée hebdomadairement, 14 d’entre eux ne prévoient pas la célébration de la messe traditionnelle dans une ville de plus de 5000 habitants; 5 d’entre euxn’en disposent même que dans le cadre de communautés religieuses qui utilisent l’ancien missel et non dans des chapelles de type paroissial. En tout cas, cela signifie qu’un tiers des diocèses qui proposent une célébration hebdomadaire la proposent dans des conditions qui rendent son usage difficile hors des zones les plus peuplées. En Charente ou dans l’Oise par exemple, était-il si difficile de donner cette autorisation ailleurs que dans un village ? On est donc loin d’une application aussi généreuse partout.
Qu'en est-il des autres diocèses?
Dans un certain nombre de diocèses, l’évêque n’a pas souhaité autoriser une célébration hebdomadaire, souvent pour éviter que ne se crée une «habitude trop grande» qui ferait éloigner les fidèles du rite actuellement en vigueur... Une telle attitude n’est pas vraiment reconnaître la sensibilité de ces fidèles qui puisent leur spiritualité dans la liturgie traditionnelle. Sans régularité, une communauté, parfois obligée de changer de lieu chaque semaine, finit vite par se déliter et disparaître. Il est donc facile aux «mauvaises langues» de suggérer que c’est l’effet recherché ! C’est un argument souvent avancé pour affirmer que des relations de confiance sont impossibles. Si vraiment l’autorité est bienveillante et paternelle, ne pas accorder au moins un rythme hebdomadaire, c’est presque pire que de ne rien donner car on décourage même les meilleures volontés. Et pourtant dans certains diocèses, cela fait des années que des messes sont célébrées ici ou là sans qu’une autorisation hebdomadaire dans un lieu fixe soit donnée... Quelle abnégation pour les fidèles.

Si on comptabilise les lieux où elle est célébrée occasionnellement (1 à 2 fois par mois), soit 22 lieux dans 17 diocèses, on peut ajouter 9 autres diocèses qui connaissent au moins cette célébration occasionnelle. La messe traditionnelle est donc célébrée régulièrement dans seulement 55 % des diocèses de France avec l'autorisation de l'évêque, et 35 % des diocèses ne disposent même pas d'une messe occasionnelle.

Là encore, une étude détaillée montrerait que c’est souvent dans des lieux reculés que les autorisations sont données.
sur total diocèses sur total dioc. avec messe traditionnelle hebdomadaire
Nombre de diocèses où la messe traditionnelle est célébrée de manière hebdomadaire 51 55% 100%
Nombre de diocèses où la messe traditionnelle est célébrée de manière hebdomadaire dans une ville de plus de 5 000 hab. 37 40% 72%
Nombre de diocèses où la messe traditionnelle n’est célébrée de manière hebdomadaire que dans une ville de moins de 5 000 hab. 14 (dont 4 communautés religieuses) 15% 28%
Mais cette progression est continue... Avec le temps des évêques ne donnent-ils pas de nouvelles autorisations ?
Il est fort intéressant de comparer la situation actuelle avec celle qui existait en 1993 soit exactement 5 ans après la promulgation du motu proprio. On constate qu'à cette époque 42 diocèses proposaient déjà une messe hebdomadaire accessible aux fidèles en paroisse ou dans une chapelle, soit 7 de moins qu'aujourd'hui ; si on y ajoute les monastères on constate qu'on est passé de 45 diocèses offrant une messe traditionnelle hebdomadaire à 51 diocèses, soit seulement 6 de plus ; cette progression est le résultat de 10 diocèses nouveaux qui ont accueilli une célébration hebdomadaire et de 4 diocèses qui l'ont abandonnée. Il faut noter que pour la seule année 2001, 3 nouveaux diocèses ont accueilli la célébration de la liturgie tridentine alors que ce n'était pas le cas par le passé. C’est un signe encourageant mais assez trompeur. De fait la plupart des autorisations ont été données il y a près de dix ans.
Cependant le nombre global de lieux augmente ...
Certes, le nombre de lieux a augmenté, passant de 67 à 82, ce qui montre que, là où la célébration a été autorisée, la demande a été plus forte, répondant manifestement à une demande légitime mais c’est peu de choses comparé au total des fidèles qui assisteraient volontiers à la liturgie traditionnelle. Ce n’est qu’une indication mais, selon le sondage Ipsos déjà cité, 25% des catholiques assisteraient certainement à la liturgie traditionnelle s’ils avaient l’occasion de le faire. Ce n’est pas un phénomène négligeable.
Si dans certains diocèses cette liturgie n’est pas autorisée, c’est sans doute que la demande est nulle...
En 1990, le père abbé du Barroux remettait au Saint-Père plus de 50 000 signatures de fidèles demandant une plus large application du motu proprio. Suite à cette requête et à la demande de Dom Gérard, Oremus a entrepris l’informatisation de cette supplique : il est clair que même dans le plus petit diocèse de France il y a au minimum une centaine voire plus de familles qui souhaiterait pouvoir suivre cette liturgie et ne parlons pas des grands diocèses où ce sont des centaines, voire des milliers. Et encore ce sont ceux qui expriment une demande claire, par écrit, ce qui est quand même un acte militant... Combien de silencieux cela représente-t-il, quand on sait déjà que la moitié des catholiques ignore l’existence du motu proprio dont il faut dire qu’en France il n’en a jamais été fait publicité.
Quand même dans les grandes villes, cette demande est satisfaite !
Mais non, les trois grands diocèses de région parisienne que sont Nanterre, Saint-Denis et Evry ne bénéficient d’aucune célébration de messe traditionnelle; un recensement effectué par le diocèse de Versailles faisait par exemple état d’un important noyau de fidèles du diocèse de Nanterre contraint de venir dans les Yvelines suivre les offices traditionnels. On pourrait estimer que là, la distance est courte mais en province il est souvent physiquement impossible d’assister à une messe traditionnelle si on le souhaite.
Des demandes sont-elles réellement faites ? Pourquoi accorder quelque chose si personne ne le demande formellement ?
Une fois de plus, l’origine géographique des signataires de la supplique au Saint-Père mais aussi – nous y reviendrons– la présence dans tous les diocèses ou presque de lieux non autorisés montrent que le problème concerne tous les diocèses de France. Il est cependant exact qu’il n’est pas facile pour de simples fidèles d’aller faire cette demande à l’évêque... La crainte d’être éconduit, le fait de se croire seul dans ce cas, conduisent plutôt les fidèles à quitter des célébrations dans lesquelles ils ne se retrouvent plus qu’à faire une démarche formelle auprès de leur évêque.

Il faut dire que la tendance «traditionnelle» n’a pas été spécialement encouragée dans l’Eglise de France ces dernières décennies ... il faut donc avoir un peu de «culot» pour faire cette démarche.

Depuis la publication du motu proprio il n’existe pas un seul évêque qui ait fait lui-même cette démarche en disant à ses fidèles «je suis prêt à appliquer le motu proprio pour les fidèles qui le souhaiteraient».

Dans le diocèse de Nanterre par exemple, en quelques années ce sont trois démarches successives qui ont été faites par des diocésains... qui souvent n’ont pas même réussi à avoir un rendez-vous avec un représentant de l’évêché... Il est donc logique qu’aujourd’hui il n’y ait pas de messe traditionnelle dans ce diocèse mais ce n’est pas faute d’avoir demandé.
Le manque de prêtres alors ?
On peut comprendre que la raréfaction du clergé, qui s’accentue avec les années constitue un obstacle pour un évêque qui ne peut consacrer un prêtre à un tel apostolat alors que son diocèse en manque cruellement. Cependant les communautés traditionnelles ordonnent chaque année une douzaine de prêtres français qui sont prêts à servir l’Eglise dans le cadre diocésain en usant du rite traditionnel. Cela devrait suffire à la tâche. Et c’est sans compter les prêtres qui, si ils en avaient l’autorisation, célébreraient volontiers ce rite même occasionnellement.
Est-ce que ce sont plutôt des évêques dits «conservateurs» qui ont donné ces autorisations ?
Cette notion d’étiquette distinguant entre «conservateurs» ou «progressistes» nous semble tout à fait inadaptée et irrespectueuse de l’autorité diocésaine. L’évêque est le pasteur légitime d’une diocèse, et le fait que telle ou telle de ses positions ne nous plaise pas personnellement n’a pas grande importance. Il est le père et le pasteur des fidèles de son diocèse. Il faut donc le considérer comme tel. On peut peut-être dire que ceux qui ont accordé le plus facilement ces autorisations sont ceux qui avaient le plus grand souci pastoral, réalisant, selon le mot du cardinal CastrillonHoyos, que ces fidèles «ne font aucun mal» et qu’au contraire c’est servir l’unité diocésaine que de les y intégrer généreusement.

Ce n’est sans doute pas facile car il y a de multiples pressions et il faut peut-être un certain courage à un évêque pour prendre cette décision ...mais quand même, le pape et les autorités romaines ont été suffisamment claires pour qu’il ne soit pas infâmant de donner une telle autorisation.
Quel est le statut de ces communautés ?
Les statuts sont assez divers. Il est assez rare que la communauté traditionnelle dispose d’un lieu de culte qui lui soit propre avec les facilités de n’importe quelle paroisse du diocèse. Cette structure existe, a été accordée dans plusieurs diocèses aux Etats-Unis et fait partie des possibilités de l’évêque diocésain comme l’a rappelé le cardinal Medina dans sa lettre à l’évêque de Sienne du 11 juin 1999 : «Si le groupe était nombreux, on pourrait aussi établir pour eux un aumônier (voir Code de droit canonique, canons 564-567 et 571-572), ou même une paroisse personnelle (voir Code de droit canonique, canon 515, § 1), comme cela s'est fait dans quelques diocèses des États-Unis d'Amérique ou au Canada.»

Du coup, il n’est pas évident de développer une véritable vie de communauté avec ses activités (catéchisme, groupes de jeunes, activités diverses) et c’est quand même une contrainte importante : souvent les locaux appartiennent à une autre communauté, souvent les horaires mêmes sont partagés, enfin il arrive fréquemment que seule la célébration de la messe soit autorisée et pas la prédication du catéchisme ou l’aumônerie de groupes scouts ou autres. Là encore et tout en restant dans les limites des activités d’une communauté paroissiale «ordinaire» on pourrait aller plus loin que ce qui est accordé actuellement.
Nous n’avons pas abordé jusqu’ici la question des lieux de célébration de la messe traditionnelle non reconnus par les évêques. Qu’en est-il ?
On comptabilise dans ce cadre les lieux qui offrent la liturgie traditionnelle mais ne sont pas reconnus par l'autorité ecclésiale et qui sont dans leur quasi totalité plus ou moins liés à l'action de la Fraternité sacerdotale St-Pie X fondée par Mgr Lefebvre.
Messes Ecclesia Dei Messes sans accord ecclésial
% de diocèses qui connaissent au moins une messe traditionnelle hebdomadaire 55% 82%
Nombre de lieux de messes traditionnelles hebdomadaires en France 82 164
% de diocèses sans messe traditionnelle même mensuelle 35% 14%
Combien de lieux de ce type existent en France ?
Ces lieux de messes existent dans 79 diocèses soit 85 % des diocèses de France, représentant 193 lieux de culte. 166 d’entre eux sont des lieux où est célébrée la messe de manière hebdomadaire, recouvrant ainsi 76 diocèses soit 82 % du total.

Le nombre de lieux par diocèse varie de 1 à 6, avec une majorité de diocèses, 45 sur 76, où se trouvent plus d'un lieu. Le maillage territorial est donc beaucoup plus important que celui des messes autorisées et il est donc plus facile à des fidèles d'assister à des messes traditionnelles hors du cadre ecclésial que dans des lieux reconnus par les évêques.

Dans le cas des lieux autorisés la norme est plutôt d’un lieu par diocèse avec une minorité de diocèses qui accueillent plusieurs lieux. On voit donc là clairement que la demande pour cette liturgie existe, qu’elle est forte, qu’elle recouvre la quasi-totalité des diocèses et que, là où l’autorité ne met pas de frein (puisque ces communautés n’ont pas de lien avec l’évêque de leur diocèse), le développement de ces communautés est important.
La comparaison laisse apparaître que ces lieux sont majoritaires ...
Bien sûr. La présence des communautés auxquelles justement le motu proprio était adressé afin qu'elles rejoignent le giron de l'Église mais qui, pour des raisons diverses, n'ont pas fait cette démarche est donc près deux fois plus importante que celle des communautés en pleine communion avec l'Église.

Si on étudie les chiffres plus précisément, on constate que dans 29 diocèses la messe traditionnelle n'est pas autorisée de manière hebdomadaire par l'évêque, alors que la fraternité St-Pie X ou ses communautés amies y sont présentes de manière hebdomadaire ; le cas contraire, c’est-à-dire des diocèses où sont célébrées des messes selon le “motu proprio” etd’où est absente la Fraternité Saint Pie X, n'existe que dans 4 diocèses ; de plus, dans les diocèses où des messes hebdomadaires sont dites aussi bien avec l'accord de l'évêque que contre sa volonté soit 47 diocèses, dans près de la moitié d'entre eux (25 diocèses) le nombre de lieux de messes de la fraternité St-Pie X ou des communautés qui lui sont liées est plus grand que le nombre de lieux de messes reconnues par l'autorité. Il n'y a que 8 diocèses où le nombre de lieux reconnus par l'évêque est supérieur aux lieux non autorisés.
Nombre de diocèses ayant une célébration hebdo.
Diocèses avec 1 lieu
Diocèses avec 2 lieux
Diocèses avec 3 lieux
Diocèses avec 4 lieux
Diocèses avec 5 lieux
Diocèses avec 6 lieux
Lieux autorisés 51 31 11 7 2 0 0
Lieux non reconnus 76 31 22 11 6 2 4
Le motu proprio serait-il donc un échec ?
On constate à travers tous ces chiffres que le motu proprio est peu appliqué en France puisque après 13 années, à peine plus de la moitié des diocèses l'ont mis en application ; si on étudie de plus près cette évolution, on constate que dans près de 80% des diocèses où les messes traditionnelles ont été autorisées, elles l'ont été dans les 5 premières années du motu proprio... On considère sans doute depuis que l'application du motu proprio n'est plus nécessaire.

Pourtant, il est très clair le problème subsiste puisque cette mesure, qui était destinée à permettre aux fidèles attachés à l'ancien rite de le faire au sein de l'Église, ne touche semble-t-il pas plus de 30 % d'entre eux. Dans presque tous les diocèses (85 %) des fidèles fréquentent ces lieux en marge de la vie de l'Église, sans lien avec leur évêque ; et ils sont encore deux fois plus nombreux que ceux qui ont estimé que les propositions de l'Église à leur égard étaient généreuses.

Il est donc évident que les mesures décidées par le Saint-Pèrerestent d'actualité, ne serait-ce que pour cette masse de fidèles attachée à l'ancien rite et qu'un effort renouvelé est à effectuer. Il y a clairement un problème de confiance à restaurer qui est loin d’être un objectif atteint.
Quelle conclusion donner à ce bilan ?
Tout d’abord un appel respectueux aux autorités pour leur dire que la question n’est pas réglée. Il y a aujourd’hui en France une proportion importante de fidèles qui souhaite bénéficier de ces trésors liturgiques et qui, si elle ne trouve pas une oreille paternelle attentive, se tournera vers des communautés en marge de la vie ecclésiale. Ensuite c’est un appel aux fidèles: «Si vous êtes attaché à la messe traditionnelle, vous n’êtes pas seul dans votre diocèse, vous pouvez vous réunir et effectuer une demande auprès de l’évêque.» C’est en ce sens qu’Oremus peut apporter une aide en mettant les gens en rapport entre eux et en leur disant que, malgré tout, dans la moitié des diocèses de France, des évêques ont été sensibles à leur appel et ont œuvré pour la paix, donc que quelque chose est possible.

Cependant cette rentrée apporte également son lot de bonnes nouvelles : à Rennes, Bordeaux, Toulouse, Angers, Agen, les évêques diocésains viennent d’autoriser l’installation de prêtres de l’Institut du Christ-Roi et de la Fraternité Saint Pierre. Certes, des célébrations existaient déjà dans ces diocèses mais par des prêtres diocésains détachés à cette tâche, ou des prêtres âgés ; la cohésion des communautés de fidèles se trouvera donc renforcée par l’arrivée d’un prêtre partageant leur spiritualité, appuyé sur une communauté sacerdotale. Ils pourront ainsi développer les activités normales de toute communauté chrétienne et ainsi se considérer comme faisant réellement partie de l’église diocésaine. Cela ne peut que contribuer à l’unité de ces diocèses et il faut en remercier leurs pasteurs. 14 ans après le motu proprio est toujours d’actualité afin qu’unis, les catholiques de France puissent, dans leur diversité, participer à la nouvelle Evangélisation.
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