SOURCE - La Vie - er - 19 mai 2011
Tandis que Benoît XVI rappelle son attachement à Vatican II, la commission Ecclesia Dei publie une instruction en faveur du missel de Jean XXIII. Décryptage.
Il y a de quoi être perplexe face aux signaux émis depuis le plus haut sommet de l’Église. Dans son homélie à l’occasion de la béatification de Jean Paul II, le 1er mai, le pape a exalté le concile Vatican II. « Je désire encore une fois exprimer ma gratitude à l’Esprit-Saint pour le grand don du concile Vatican II. » Comme si béatifier celui qui a excommunié Mgr Lefebvre et invité les religions à se retrouver à Assise en 1986 n’était pas un signe suffisamment clair que le pape ne cédera pas un pouce sur Vatican II.
Douze jours plus tard, autre son de cloche. La commission Ecclesia Dei du Vatican – en charge des catholiques attachés à la forme préconciliaire de la messe – a publié une instruction (intitulée Universae ecclesiae) qui précise l’application du motu proprio Summorum pontificum de 2007, mais qui va beaucoup plus loin en faveur des traditionalistes. Il y a quatre ans, le motu proprio avait libéralisé la messe selon le missel de Jean XXIII, renommée « forme extraordinaire de l’unique rite romain », en complément de la « forme ordinaire » – c’est-à-dire la messe en français qui suit le missel de Paul VI.
Ironie du sort pour les catholiques « critiques » – qui demandent que l’Église donne davantage de pouvoir aux laïcs –, Rome renforce la possibilité pour les fidèles de revendiquer la messe de leur choix, donnant à la base un pouvoir qu’elle n’avait jamais eu jusque-là ! En effet, là où Summorum pontificum parlait d’un « groupe stable de fidèles » d’une même paroisse, Universae ecclesiae nomme un groupe de personnes « issues de paroisses ou de diocèses différents », et évoque des groupes « numériquement moins importants », ce qui ouvre la porte aux requêtes de poignées de militants. Cette disposition ruine l’objection jusqu’ici volontiers opposée par les curés ou par les évêques à des demandes en provenance de catholiques qui n’étaient pas toujours issus d’une seule et unique paroisse.
Ce n’est pas tout. L’élargissement du périmètre de la messe à l’ancienne est général. Il concerne, par exemple, toutes les situations extraparoissiales : « Si un prêtre se présente occasionnellement avec quelques personnes dans une église ou un oratoire » pour célébrer selon la forme extraordinaire, « le curé, le recteur ou le prêtre responsable de l’église acceptera cette célébration ». Nouveauté, le triduum pascal pourra aussi être célébré à l’ancienne dans les paroisses et donner lieu à des répétitions (comme pour un spectacle). En clair, le traditionaliste, prêtre ou fidèle, ne doit plus être persona non grata.
Pourtant, Benoît XVI considère que la restauration de la messe ancienne n’est pas antinomique d’un solide attachement à la dynamique du Vatican II, comme le stipule l’Instruction : « Les fidèles qui demandent la célébration de la forme extraordinaire ne doivent jamais venir en aide ou appartenir à des groupes qui nient la validité ou la légitimité de la sainte messe ou des sacrements célébrés selon la forme ordinaire, ou qui s’opposent au pontife romain comme pasteur suprême de l’Église universelle. » Sont visés ici ceux, encore très nombreux, qui nient à la messe post-conciliaire toute espèce de vérité.
Si l’intégrisme est rejeté, on cherchera vainement dans ces nouvelles dispositions un rappel ferme de la vision encouragée par Benoît XVI dans sa lettre d’introduction au motu proprio de 2007, à savoir celle d’un « enrichissement réciproque » entre les deux rites, et donc entre les fidèles des deux sensibilités liturgiques. Le pape expliquait ainsi que les prêtres tradi ne peuvent exclure le nouveau rite Paul VI de leur horizon. Tout cela est absent du texte de 2011, alors que la fécondation mutuelle est justement ce qui manque sur le terrain. Pour la première fois, le 15 mai, le cardinal Brandmüller a célébré la messe selon la forme extraordinaire à Saint-Pierre de Rome. Tout un symbole.
Le pape renforce-t-il la posture ultraconservatrice qu’on lui prête si volontiers ? C’est aussi ce que laisse imaginer la révocation apparemment brutale de l’évêque australien de Toowoomba, William Morris, le 2 mai, signée de sa main. Le prélat a été déchu pour avoir publiquement évoqué la possibilité d’ordonner des femmes en 2006. Mais il ressort que cette révocation est surtout l’aboutissement d’un conflit commencé dès la nomination épiscopale de Mgr Morris, en 1993. L’évêque refusait les normes concernant la confession personnelle et préconisait les absolutions collectives. Son renvoi a été précédé d’une longue procédure de dialogue et d’une rencontre avec Benoît XVI. Ce qui tempère beaucoup la thèse de la brutalité avancée par ceux qui voient encore en Joseph Ratzinger un inquisiteur.
Le pape confirme sa main tendue au traditionalisme. Mais ses gestes – la béatification de Jean Paul II - et la réunion interreligieuse d’Assise, en octobre prochain – ont provoqué l’ire de la Fraternité Saint-Pie-X, rendant désormais la réconciliation avec celle-ci impossible. Selon nos informations, les négociations entre les parties sont en effet au point mort et, au Vatican, on considère qu’elles n’aboutiront jamais.
Il y a de quoi être perplexe face aux signaux émis depuis le plus haut sommet de l’Église. Dans son homélie à l’occasion de la béatification de Jean Paul II, le 1er mai, le pape a exalté le concile Vatican II. « Je désire encore une fois exprimer ma gratitude à l’Esprit-Saint pour le grand don du concile Vatican II. » Comme si béatifier celui qui a excommunié Mgr Lefebvre et invité les religions à se retrouver à Assise en 1986 n’était pas un signe suffisamment clair que le pape ne cédera pas un pouce sur Vatican II.
Douze jours plus tard, autre son de cloche. La commission Ecclesia Dei du Vatican – en charge des catholiques attachés à la forme préconciliaire de la messe – a publié une instruction (intitulée Universae ecclesiae) qui précise l’application du motu proprio Summorum pontificum de 2007, mais qui va beaucoup plus loin en faveur des traditionalistes. Il y a quatre ans, le motu proprio avait libéralisé la messe selon le missel de Jean XXIII, renommée « forme extraordinaire de l’unique rite romain », en complément de la « forme ordinaire » – c’est-à-dire la messe en français qui suit le missel de Paul VI.
Ironie du sort pour les catholiques « critiques » – qui demandent que l’Église donne davantage de pouvoir aux laïcs –, Rome renforce la possibilité pour les fidèles de revendiquer la messe de leur choix, donnant à la base un pouvoir qu’elle n’avait jamais eu jusque-là ! En effet, là où Summorum pontificum parlait d’un « groupe stable de fidèles » d’une même paroisse, Universae ecclesiae nomme un groupe de personnes « issues de paroisses ou de diocèses différents », et évoque des groupes « numériquement moins importants », ce qui ouvre la porte aux requêtes de poignées de militants. Cette disposition ruine l’objection jusqu’ici volontiers opposée par les curés ou par les évêques à des demandes en provenance de catholiques qui n’étaient pas toujours issus d’une seule et unique paroisse.
Ce n’est pas tout. L’élargissement du périmètre de la messe à l’ancienne est général. Il concerne, par exemple, toutes les situations extraparoissiales : « Si un prêtre se présente occasionnellement avec quelques personnes dans une église ou un oratoire » pour célébrer selon la forme extraordinaire, « le curé, le recteur ou le prêtre responsable de l’église acceptera cette célébration ». Nouveauté, le triduum pascal pourra aussi être célébré à l’ancienne dans les paroisses et donner lieu à des répétitions (comme pour un spectacle). En clair, le traditionaliste, prêtre ou fidèle, ne doit plus être persona non grata.
Pourtant, Benoît XVI considère que la restauration de la messe ancienne n’est pas antinomique d’un solide attachement à la dynamique du Vatican II, comme le stipule l’Instruction : « Les fidèles qui demandent la célébration de la forme extraordinaire ne doivent jamais venir en aide ou appartenir à des groupes qui nient la validité ou la légitimité de la sainte messe ou des sacrements célébrés selon la forme ordinaire, ou qui s’opposent au pontife romain comme pasteur suprême de l’Église universelle. » Sont visés ici ceux, encore très nombreux, qui nient à la messe post-conciliaire toute espèce de vérité.
Si l’intégrisme est rejeté, on cherchera vainement dans ces nouvelles dispositions un rappel ferme de la vision encouragée par Benoît XVI dans sa lettre d’introduction au motu proprio de 2007, à savoir celle d’un « enrichissement réciproque » entre les deux rites, et donc entre les fidèles des deux sensibilités liturgiques. Le pape expliquait ainsi que les prêtres tradi ne peuvent exclure le nouveau rite Paul VI de leur horizon. Tout cela est absent du texte de 2011, alors que la fécondation mutuelle est justement ce qui manque sur le terrain. Pour la première fois, le 15 mai, le cardinal Brandmüller a célébré la messe selon la forme extraordinaire à Saint-Pierre de Rome. Tout un symbole.
Le pape renforce-t-il la posture ultraconservatrice qu’on lui prête si volontiers ? C’est aussi ce que laisse imaginer la révocation apparemment brutale de l’évêque australien de Toowoomba, William Morris, le 2 mai, signée de sa main. Le prélat a été déchu pour avoir publiquement évoqué la possibilité d’ordonner des femmes en 2006. Mais il ressort que cette révocation est surtout l’aboutissement d’un conflit commencé dès la nomination épiscopale de Mgr Morris, en 1993. L’évêque refusait les normes concernant la confession personnelle et préconisait les absolutions collectives. Son renvoi a été précédé d’une longue procédure de dialogue et d’une rencontre avec Benoît XVI. Ce qui tempère beaucoup la thèse de la brutalité avancée par ceux qui voient encore en Joseph Ratzinger un inquisiteur.
Le pape confirme sa main tendue au traditionalisme. Mais ses gestes – la béatification de Jean Paul II - et la réunion interreligieuse d’Assise, en octobre prochain – ont provoqué l’ire de la Fraternité Saint-Pie-X, rendant désormais la réconciliation avec celle-ci impossible. Selon nos informations, les négociations entre les parties sont en effet au point mort et, au Vatican, on considère qu’elles n’aboutiront jamais.