SOURCE - DICI - 7 mai 2011
Dans le panégyrique de son prédécesseur, Benoît XVI affirme : « Il a ouvert au Christ la société, la culture, les systèmes politiques et économiques, en inversant avec une force de géant, force qui lui venait de Dieu, une tendance qui pouvait sembler irréversible ». L’inversion dont il est ici question est celle d’un rapport de force entre le christianisme, d’une part, le marxisme et l’idéologie du progrès, d’autre part. En effet, pour Benoît XVI, « cette charge d’espérance qui avait été cédée en quelque sorte au marxisme et à l’idéologie du progrès, il (Jean-Paul II) l’a légitimement revendiquée pour le christianisme, en lui restituant la physionomie authentique de l’espérance ». En d’autres termes, l’espérance qui avait été sécularisée au profit d’un messianisme politique, aurait été à nouveau mise au service du christianisme par Jean-Paul II qui lui aurait ainsi rendu sa physionomie authentique. S’agit-il vraiment de la vertu théologale d’espérance ? L’abbé Patrick de La Rocque dans son étude, parue ces jours-ci, Jean-Paul II, doutes sur une béatification (Clovis éd.) montre que l’espérance chez le pape polonais est centrée sur ce qu’il a lui-même « dénommé la dimension humaine de la Rédemption, cette espérance a pour objet l’édification de la civilisation de l’amour, pour moyen la prière considérée comme sentiment religieux – et par conséquent les religions prises dans leur pluralité et la liberté religieuse –, et pour motif l’espérance dans l’homme. »
A ce propos, il est particulièrement instructif de se reporter à la première encyclique du dernier pape canonisé. Dans E supremi apostolatus, saint Pie X expliquait sa devise « Instaurare omnia in Christo, restaurer toutes choses dans le Christ » (Ep. 1,10) : « Il s’agit de ramener les sociétés humaines, égarées loin de la sagesse du Christ, à l’obéissance de l’Eglise ; l’Eglise à son tour les soumettra au Christ, et le Christ à Dieu », car « tout restaurer dans le Christ et ramener les hommes à l’obéissance divine sont une seule et même chose ».
Là où saint Pie X voulait tout restaurer en Jésus-Christ (selon l’original grec : récapituler, mettre le Christ à la tête), Jean-Paul II ne souhaitait plus qu’ouvrir au Christ, en le proposant simplement à la société, à la culture, aux systèmes politiques et économiques, – et ce au nom d’une liberté religieuse paradoxalement conçue comme un dogme par un concile officiellement pastoral.
Pour tenter de justifier cette mutation – qui est une rupture –, on pourra présenter une objection pastorale, à savoir qu’avec des héritiers des révolutions de ces deux derniers siècles, il est chimérique de prétendre restaurer un rapport hiérarchique entre le Christ et la société, et qu’en conséquence il est plus efficace de se contenter d’exercer une simple influence. Saint Pie X qui n’ignorait pas les difficultés de l’apostolat d’aujourd’hui, n’envisageait pas pour autant de diminuer les exigences de la foi, mais il précisait dans la même encyclique : « pour que ce zèle à enseigner produise les fruits que l’on en espère et serve à former en tous le Christ, rien n’est plus efficace que la charité (…). En vain espérerait-on attirer les âmes à Dieu par un zèle emprunt d’amertume ; reprocher durement les erreurs et reprendre les vices avec âpreté cause très souvent plus de dommage que de profit. » Autrement dit, le souci pastoral au service des dogmes de foi, et non l’inverse.
(DICI n°234 du 07/05/11)
Dans le panégyrique de son prédécesseur, Benoît XVI affirme : « Il a ouvert au Christ la société, la culture, les systèmes politiques et économiques, en inversant avec une force de géant, force qui lui venait de Dieu, une tendance qui pouvait sembler irréversible ». L’inversion dont il est ici question est celle d’un rapport de force entre le christianisme, d’une part, le marxisme et l’idéologie du progrès, d’autre part. En effet, pour Benoît XVI, « cette charge d’espérance qui avait été cédée en quelque sorte au marxisme et à l’idéologie du progrès, il (Jean-Paul II) l’a légitimement revendiquée pour le christianisme, en lui restituant la physionomie authentique de l’espérance ». En d’autres termes, l’espérance qui avait été sécularisée au profit d’un messianisme politique, aurait été à nouveau mise au service du christianisme par Jean-Paul II qui lui aurait ainsi rendu sa physionomie authentique. S’agit-il vraiment de la vertu théologale d’espérance ? L’abbé Patrick de La Rocque dans son étude, parue ces jours-ci, Jean-Paul II, doutes sur une béatification (Clovis éd.) montre que l’espérance chez le pape polonais est centrée sur ce qu’il a lui-même « dénommé la dimension humaine de la Rédemption, cette espérance a pour objet l’édification de la civilisation de l’amour, pour moyen la prière considérée comme sentiment religieux – et par conséquent les religions prises dans leur pluralité et la liberté religieuse –, et pour motif l’espérance dans l’homme. »
A ce propos, il est particulièrement instructif de se reporter à la première encyclique du dernier pape canonisé. Dans E supremi apostolatus, saint Pie X expliquait sa devise « Instaurare omnia in Christo, restaurer toutes choses dans le Christ » (Ep. 1,10) : « Il s’agit de ramener les sociétés humaines, égarées loin de la sagesse du Christ, à l’obéissance de l’Eglise ; l’Eglise à son tour les soumettra au Christ, et le Christ à Dieu », car « tout restaurer dans le Christ et ramener les hommes à l’obéissance divine sont une seule et même chose ».
Là où saint Pie X voulait tout restaurer en Jésus-Christ (selon l’original grec : récapituler, mettre le Christ à la tête), Jean-Paul II ne souhaitait plus qu’ouvrir au Christ, en le proposant simplement à la société, à la culture, aux systèmes politiques et économiques, – et ce au nom d’une liberté religieuse paradoxalement conçue comme un dogme par un concile officiellement pastoral.
Pour tenter de justifier cette mutation – qui est une rupture –, on pourra présenter une objection pastorale, à savoir qu’avec des héritiers des révolutions de ces deux derniers siècles, il est chimérique de prétendre restaurer un rapport hiérarchique entre le Christ et la société, et qu’en conséquence il est plus efficace de se contenter d’exercer une simple influence. Saint Pie X qui n’ignorait pas les difficultés de l’apostolat d’aujourd’hui, n’envisageait pas pour autant de diminuer les exigences de la foi, mais il précisait dans la même encyclique : « pour que ce zèle à enseigner produise les fruits que l’on en espère et serve à former en tous le Christ, rien n’est plus efficace que la charité (…). En vain espérerait-on attirer les âmes à Dieu par un zèle emprunt d’amertume ; reprocher durement les erreurs et reprendre les vices avec âpreté cause très souvent plus de dommage que de profit. » Autrement dit, le souci pastoral au service des dogmes de foi, et non l’inverse.
(DICI n°234 du 07/05/11)