Lettre ouverte d’un paroissien de Niafles (Mayenne) à son évêque monseigneur Maillard |
30 mai 2007 - Présent - publié sur le FC |
Lettre ouverte d’un paroissien de Niafles (Mayenne) à son évêque monseigneur Maillard publiée dans Présent daté du mercredi 30 mai, n°6345 Le dimanche de Pentecôte, mes quatre garçons étaient sur la route de Chartres. J’étais heureux pour eux. Ils ont évité ainsi un des moments les plus douloureux qui puissent se vivre dans la vie d’un chrétien. Mes deux derniers qui servent le dimanche n’ont pas eu à faire le triste office qui suit. Après une messe magnifique, véritable préfiguration d’une vision du Ciel où les servants de messe, comme des anges tout tendus vers Dieu, suivaient l’action du prêtre et prévenaient tous ses besoins pour le sacrifice « in persona Christi » comme la servante de l’Evangile regarde les mains de sa maîtresse, messe qui nous offrait une parfaite harmonie liturgique, a suivi une cérémonie qui nous a bien ramenés sur terre. Notre prêtre qui avait consommé la sainte réserve et retiré le voile du tabernacle resta tourné vers l’autel, et tous ces petits anges emportèrent les vases sacrés, les canons d’autel, le conopée, éteignirent les cierges un à un, retirèrent le missel, replièrent la nappe d’autel, reprirent les fleurs et tout fut sombre dans le chœur. Nous étions comme à trois heures de l’après-midi il y a plus de 2000 ans un certain Vendredi… C’est vous, Monseigneur, qui avez voulu ce décalage du calendrier. Vous avez ordonné la fermeture d’une église, le jour commémorant la naissance de l’Eglise. Notre défunt curé, l’abbé Chéhère, mort à 94 ans, dans sa paroisse, a maintenu allumée durant 40 ans, la lumière du sanctuaire, et vous ne nous avez laissé que deux mois ce jeune prêtre qu’il avait appelé à son aide et que nous aimons. Deux petits mois concédés par vous le jour de l’enterrement de notre curé « pour une période de réflexion ». Vous nous aviez parlé aussi d’une concertation. Quelques fidèles avaient pris rendez-vous pour se faire les porte-parole de notre communauté. Vous avez finalement annulé ce rendez-vous l’avant-veille car vous aviez pris la décision de nous réunir ce soir-là, mercredi 23 mai, en une salle municipale à Craon. Nous voulions penser encore que nous allions nous parler, enfin. Les propos rapportés par le maire de Niafles dans Ouest-France, les propos que vous auriez tenus à Lourdes et que nous ne voulions pas croire avant de les avoir entendus de nos propres oreilles, nous furent bien confirmés ce soir-là, puisque c’est votre propre bouche qui les prononça. Votre décision de normalisation – c’est-à-dire de fermer l’église Saint-Martin de Niafles – était prise et vous veniez pour l’annoncer. Vous nous concédiez une messe « en latin » le dimanche à 9 h, à près de 40 km de Niafles. Et bien sûr pas question de messe traditionnelle, catégoriquement. Ah, vous faites bien partie de ces évêques « à l’écoute » mais qui n’entendent toujours que d’une oreille ! La Providence m’a permis de voyager en train avec vous le lendemain matin car je travaille à Paris et j’avais fait le déplacement. J’ai pu ainsi m’entretenir avec vous quelques minutes. Vous avez bien voulu m’entendre (ou n’avez pu faire autrement…) et ce fut sans hostilité. C’est donc votre clergé (ou du moins ceux qui ont emporté votre décision) qui nous déteste tant. Je vous posai la question : « Pourquoi votre clergé nous déteste tant ? » Par votre réponse vous me le confirmiez : « C’est une histoire vieille de quarante ans. » Je vous ai répondu qu’il n’était pas de notre rôle de tirer quelque conclusion que ce soit de quarante ans de pastorale mais que, pour notre part, ces quarante ans de persécution nous avaient aguerris. Nous sommes entraînés comme les athlètes du stade et, si vous ne savez pas vous imposer un peu face à ce clergé dans le vent de l’histoire ancienne, sachez que c’est routine pour nous. J’ai cherché à vous faire comprendre qu’il fallait changer de décision car elle ne pouvait apporter la paix, une paix que vous ne pouviez que souhaiter, dans votre diocèse. Vous ne disiez rien. Samedi matin, j’ai cherché à vous rencontrer, vous n’y étiez pas. Je vous ai fait donc remettre une lettre avec en copie nos différents courriers : une lettre au nonce apostolique datée du 17 et deux autres postées ce jour, l’une adressée à Mgr Castrillón Hoyos et l’autre à Mgr Ricard, dans l’espoir exprimé de vous faire comprendre qu’il était encore temps pour vous de sortir honorablement de cette mauvaise affaire pour l’honneur de l’Eglise. Aujourd’hui, lundi de Pentecôte, cette église que vous vouliez fermer l’est bien, mais ce sont des fidèles qui s’y sont enfermés pour prévenir tout saccage dans le chœur, comme vous l’avez fait pratiquer chez ces malheureuses bénédictines de Craon, m’a-t-on dit. Comme par hasard, votre vicaire général est venu faire un petit tour à Saint-Martin, accompagné de quelqu’un pour des « travaux » dans l’église ! ? Cette prévention était donc bien justifiée et il n’y aura pas de bloc de béton au milieu du chœur et la table de communion sera toujours là pour le jour inéluctable où la messe sera de nouveau dite ici. Le sacrifice ne sera pas offert sur une table, mais les fidèles auront une table pour le repas eucharistique, c’est mieux comme ça et cela vous explique un peu mieux notre attachement au rite traditionnel qu’une quelconque question de « sensibilité » comme on ne l’entend que trop. L’abbé Chéhère a donné sa vie au service de l’Eglise et quarante ans pour que la lampe du sanctuaire reste allumée dans ce village de Niafles. Il ne tient qu’à vous, Monseigneur, de rallumer cette flamme, n’est-ce pas un rôle plus conforme à votre mission que de fermer des églises ? Veuillez croire, Monseigneur, à notre attachement à Jésus-Christ, à sa Sainte Eglise avec tout ce que cela comporte puisque c’est le sens de notre vie. Jacques Le Morvan |