SOURCE - chemere.org - mars 2005
Seize questions au prieur de la Fraternité Saint-Vincent-Ferrier (1)
1. Comment est née la Fraternité Saint-Vincent-Ferrier ?
La Fraternité est née d’un appel du Christ à une consécration dans la radicalité des conseils évangéliques, et d’un choc : la rencontre avec l'une des grandes misères de notre monde contemporain, l'ignorance religieuse.
Embrasser la Croix que le monde fuit et nous consacrer à la prédication de la Vérité évangélique dans une société marquée par le relativisme : tel a été notre projet de vie, concrétisé en septembre 1979 par la fondation du Couvent Saint-Thomas-d'Aquin à Chémeré-le-Roi, en Mayenne. Actuellement nous sommes quinze religieux, dont huit prêtres et un diacre.
Embrasser la Croix que le monde fuit et nous consacrer à la prédication de la Vérité évangélique dans une société marquée par le relativisme : tel a été notre projet de vie, concrétisé en septembre 1979 par la fondation du Couvent Saint-Thomas-d'Aquin à Chémeré-le-Roi, en Mayenne. Actuellement nous sommes quinze religieux, dont huit prêtres et un diacre.
2. Pourquoi une fondation nouvelle ?
Nous avons
voulu vivre le charisme de cette vie apostolique avec les moyens éprouvés que
nous lègue la tradition. Notre projet ayant mûri en contexte de crise, nous
n'avons pas frappé à la porte de l’Ordre des Prêcheurs. La vague des
remises en cause – crise liturgique, sécularisation, doutes sur la doctrine
de saint Thomas d'Aquin, déviations doctrinales – déferlait sur l’Eglise
et atteignait aussi les provinces dominicaines… Une large enquête fut confirmée
par ce qu’un Père, qui devait ensuite accéder à de hautes charges dans l’Eglise,
m’écrivait en 1977 : « Aucune des options possibles n’offre une vie
dominicaine parfaite. La vocation dominicaine devrait être assez forte pour
pouvoir la vivre malgré certaines misères actuelles ; tout comme on devient prêtre
aujourd’hui souvent malgré les séminaires, mais parce qu’on cherche
le sacerdoce ». Nous avons donc tenté de vivre le charisme de saint Dominique
dans une fondation nouvelle. Nous avions conscience du statut non canonique de
notre entreprise. Dans l’attente d’une régularisation, nous n’avons
prononcé que des voeux privés. Partie prenante de la réaction «
traditionaliste », nous avons rédigé des travaux sur la crise dans l'Eglise,
notamment sur la liberté religieuse. Dès 1980, nous avons multiplié les
contacts avec évêques et théologiens. Il nous paraissait capital
d'approfondir les questions en débat, et de travailler à l'unité dans la vérité.
3. Quel a été l'aboutissement de ce travail ?
Après
des recherches approfondies, nous avons été conduits en 1987 à un changement
de position sur la liberté religieuse. Nous nous étions trompés sur un point
de notre critique. Le magistère n’a pas promulgué quelque chose de contradictoire
avec les enseignements antérieurs, comme nous le pensions auparavant et
comme continuent à l'affirmer des opposants des deux bords. La Déclaration du
Concile sur ce sujet est « faible, équivoque, dangereuse, mais non pas
erronée en son enseignement principal ». On peut, sans dissidence et sans
néo-modernisme, être en communion avec le Magistère authentique de l'Église.
Le Catéchisme de l'Église Catholique, des encycliques de Veritatis splendor
à Ecclesia de Eucharistia confirment une continuité substantielle.
Cela n'exclut pas la possibilité de points de désaccord. Une part du
discours et de la pastorale actuels en matière d’oecuménisme, de dialogue
interreligieux, de rapports avec la société civile, de collégialité, de
liturgie, contribue à la crise d’identité que traverse le catholicisme. Les
fidèles ont « le droit et même le devoir » (canon 212 § 2) d’attirer
l’attention, dans un esprit constructif, sur les aspects négatifs. Nous
l’avons fait respectueusement — par des mémoires au Saint-Siège ou des
articles — à propos d’Assise, des repentances, du statut de la messe
traditionnelle. Nous sommes conscients qu’il revient à l’autorité un rôle
décisif pour dénouer la crise. Des éclaircissements dogmatiques, précisant
ceux des textes qui ont donné lieu aux interprétations erronées, nous
paraissent notamment nécessaires.
Cette
attitude n’a pas été considérée par le Saint-Siège comme un obstacle à
notre reconnaissance. Malgré notre petit nombre, la Commission Pontificale Ecclesia
Dei nous a érigés, deux mois après notre demande, en Institut de droit
pontifical. Dans une audience privée, le Pape nous a félicités de notre étude
sur la liberté religieuse qui, tout en montrant la continuité avec le magistère
antérieur, affirmait les limites de la Déclaration et les droits du Christ-Roi.
Nos Constitutions ont été approuvées définitivement dans un délai très
bref, en avril 1995.
4. Et les dominicains ?
Les
autorités de l'Ordre des Prêcheurs (dont nous ne dépendons pas canoniquement)
ont plutôt mal pris notre reconnaissance par la hiérarchie. Un dialogue a été
noué pour étudier la possibilité d'entrer dans la Famille dominicaine.
Cette formule reconnaîtrait notre parenté, sans nuire à l'autonomie juridique
et au charisme spécifique. Il faudra du temps pour que les choses aboutissent,
en particulier pour que notre spécificité liturgique soit ressentie comme légitime.
Nous avons déjà reçu d’un Maître de l’Ordre la participation aux biens
spirituels de l’Ordre. Les contacts sont nombreux avec des pères de diverses
provinces. Ce sont des dominicains qui prêchent habituellement nos retraites de
communauté. Des Pères nous ont dit retrouver dans notre Couvent la vie
qu’ils avaient connue avant la crise.
5. Pourquoi votre Institut est-il sous le patronage de saint Vincent Ferrier ?
Parce
que c'est une sorte « d'apôtre des temps difficiles ». Dans un temps où
s'accumulent les catastrophes — guerres, peste et Grand Schisme —, saint
Vincent (1350-1419) fait rayonner les facettes de la grâce de saint Dominique :
aspects intellectuel, spirituel et apostolique. C'est de lui qu'est cette
sentence d'une vérité brûlante en nos temps de misère liturgique : « La
Sainte Messe est l'acte le plus haut de la contemplation »2.
Sa prédication des perspectives eschatologiques, sa conception de la chrétienté,
son énergie sont une leçon pour la modernité occidentale, qui glisse dans le
suicide de civilisation par matérialisme et désespoir.
6. Quelle est la spiritualité de votre communauté ?
Le
coeur de cette vocation dominicaine est contemplatif. La finalité est «
la prédication et le salut des âmes ». Ce n'est pas uniquement une vocation
d'intellectuel. Les moniales, les frères convers, les missionnaires, les
artistes sont de véritables dominicains ! Tous abordent les choses sous l'angle
de la lumière de la vérité. Sainte Catherine de Sienne, dans son magnifique Dialogue
– qui est comme la charte de la spiritualité dominicaine –, dit que
l'aspect spécifique de la charité cultivé par Dominique, c'est le « salut
des âmes par la lumière de la science »3.
Outre
l'étude de la vérité sacrée, la vie dominicaine comprend les observances
conventuelles et la célébration solennelle de la liturgie. L'idée
de Dominique était d'amener par ces moyens les religieux à être pénétrés
du dépôt révélé et à le communiquer par une « prédication découlant de
l’abondance de la contemplation ».
Dans
cette atmosphère de joie caractéristique du « Patriarche apostolique », nous
nous efforçons de vivre un approfondissement marial de la spiritualité
dominicaine : « Contempler et communiquer aux autres la vérité contemplée...
par Marie ».
7. D'où vient cette note mariale spécifique ?
D’une
nécessité pour les temps actuels : celle de la présence de la Vierge Marie,
dont saint Louis-Marie de Montfort et saint Maximilien Kolbe ont perçu
l'importance pour les âmes en quête de salut dans le désarroi du monde
moderne. II nous a semblé très important d'expliciter cette note
mariale présente dans la vocation dominicaine : que toute notre vie soit dans
l'ambiance mariale, que notre prédication manifeste le rôle de Marie dans l'économie
du salut.
L'instrument
pédagogique qui rend cela possible, c'est le saint Rosaire. C’est saint
Dominique qui en a reçu de Marie l’intuition primordiale. Dès les origines,
le Rosaire a été non seulement une méthode de prière, mais aussi une formule
d'apostolat. Le père Vayssière, un grand contemplatif dominicain qui fut
longtemps gardien de la Sainte-Baume en Provence, disait que le Rosaire est «
un enchaînement d’amour de Marie à la Trinité »4. Nous mettons en oeuvre cette pédagogie,
qui conduit de Marie à la Trinité, notamment dans les « retraites du Rosaire
».
8. Comment expliquez-vous aux retraitants le rôle de la Sainte Vierge dans la rédemption ?
Dostoïevski
a eu cette sentence étonnante : « La beauté sauvera le monde » 5.
Sa pensée doit être entendue sur le plan spirituel : c'est le Christ qui sauve
les âmes, mais c'est Marie qui les amène au Christ. Aller à Dieu par Marie
est plus facile, parce que la Vierge est le condensé maximum de la beauté
divine dans la création, et que la beauté est attirante. Marie est certes une
pure créature, elle est notre soeur. Mais elle est aussi « la Femme revêtue
du soleil » de la Trinité (cf. Ap 12, 1). Bernanos dit qu’elle est « plus
jeune que la race dont elle est issue, et bien que Mère par la grâce, Mère
des grâces, la cadette du genre humain »6,
car elle est d’avant le péché dont la Rédemption du Christ la préserve.
C’est pourquoi elle nous amène au mystère de Dieu avec une douceur et une
profondeur inégalables. La retraite du Rosaire a pour but précisément de nous
concentrer sur ce rôle salvifique de la Sainte Vierge.
En
nos temps troublés où le démon est déchaîné, il est réconfortant de
contempler cette créature transparente qui, selon le mot magnifique du cardinal
dominicain Cajetan — célèbre commentateur de saint Thomas d’Aquin au XVIe siècle.
—, « touche aux confins de la divinité
»7.
Il est bon de nous laisser enfanter par elle à la grâce et à la gloire. Saint
Louis-Marie Grignon de Montfort l’exprime dans son fameux Traité de la
vraie dévotion à Marie : « Le Saint-Esprit, par l'entremise de la Sainte
Vierge, réduit à l'acte sa fécondité, en produisant en elle et par elle Jésus-Christ
et ses membres »8.
Cette attention au rôle de Marie est une note spirituelle propre de notre
Fraternité, reconnue par le Saint-Siège dans notre décret d'érection.
9. Avez-vous d'autres caractéristiques spécifiques ?
La
différence avec l'Ordre des Prêcheurs n'est pas dans la finalité, mais dans
les moyens. D’après saint Thomas, cela légitime la différence des Instituts
religieux. Un exemple est donné par l’Ordre des Chartreux et la Fraternité
des Moines de Bethléem et de l’Assomption, à qui les Chartreux ont reconnu
la « paternité de saint Bruno ». Pour nous, nous tâchons de vivre le
charisme de saint Dominique :
- dans une vie contemplative structurée par les moyens traditionnels de la vie religieuse (clôture, silence, port de l’habit, observances monastiques) ;
- par une étude de la pensée de saint Thomas d’Aquin, pour sa valeur de vérité et non uniquement d’un point de vue historique ;
- avec, pour la Messe et l’Office, une liturgie propre tirée de la tradition dominicaine (livres liturgiques en vigueur jusqu'à la réforme postconciliaire).
Ces
trois « points saillants » sont reconnus dans notre décret d’érection.
Nous
tenons à la sagesse des anciens qui nous ont précédés. II y a là un défi
lancé à notre médiocrité. Dans la poursuite de la sainteté, nous sommes
invités à un esprit de docilité vis-à-vis des moyens de la vie religieuse légués
par la tradition. Cette piété filiale n'empêche pas l'ouverture et
l'adaptation. Elle ouvre le coeur à la joie du sacrifice, et nous aide à
devenir « amoureux de la beauté spirituelle »9.
Concrètement, une vie régulière et une liturgie qui viennent du Moyen-Age ne
sont pas incompatibles avec les outils techniques de la modernité, comme
Internet et le TGV, ni avec l’intérêt pour les sciences modernes ou les
questions d’actualité brûlante !
10. Pouvez-vous nous dire un mot du rit dominicain ?
C ‘est une des formes traditionnelles
du rit latin. Elle était en vigueur depuis longtemps lorsque saint Pie V (qui
était dominicain) unifia en 1570 les variantes en usage dans les diocèses. Il
voulut que les rits qui avaient plus de deux siècles d'ancienneté puissent se
maintenir. C'est ainsi que certains diocèses (Lyon, Tolède, Milan) et certains
ordres religieux (Chartreux, Carmes, Dominicains) ont gardé leur rit propre.
Remarquons que ces religieux disaient toujours la messe dans le rit de leur
Ordre, même dans le ministère paroissial. Le rit dominicain est assez proche
à la messe lue, de la messe romaine traditionnelle. Il en diffère toutefois
pour les prières préparatoires, le rit de l'offertoire en une seule présentation
des oblats, l'écartement des bras après la consécration, le baiser de paix,
la communion du prêtre. Les usages dominicains sont dans l'ensemble plus
anciens que ceux de la messe romaine. C'est un rit très beau dans sa sobriété.
La messe solennelle est splendide. Elle diffère notablement de la messe
romaine, surtout par le rôle accru du diacre et du sous-diacre (avec des
lavabos après certaines de leurs fonctions), les amples mouvements symétriques
des ministres, le remplissage du calice à la banquette. L'ensemble fait partie
des trésors de l'Église d'Occident.
11. Comment se déroule une journée dans votre couvent ?
Nous
avons la Messe quotidienne (chantée les jours de fête) ; les offices divins de
laudes, sexte, vêpres (chantées les jours de fête) et complies (chantées
tous les jours) ; le silence dans les « lieux réguliers » ; le chapitre des
coulpes une fois par semaine ; les jeûnes de l'avent et du carême ; deux
demi-heures d'oraison silencieuse.
Les
étudiants ont quatre ou cinq heures consacrées à l'étude (Écriture sainte,
philosophie, théologie, liturgie, droit canonique, histoire, …). Les frères
convers étudient la doctrine catholique, selon ce qui est nécessaire à leur
vocation. Le reste de la journée est consacré à la préparation des divers
apostolats, à la rédaction d’une revue trimestrielle et aux « obédiences
», c’est-à-dire les tâches pratiques nécessaires à la vie commune, selon
des « spécialités » variées : jardin, cuisine, bricolage, arts, accueil...
Sans oublier les temps de vie fraternelle, les deux récréations quotidiennes,
le sport et les promenades.
12. Quel est votre programme d’étude ?
La
formation des novices est répartie sur deux ans : compléments catéchétiques,
étude des Constitutions de la Fraternité, spiritualité, Ecriture sainte,
latin, chant grégorien – le « chant propre de la liturgie romaine » 10.
Pour l'art chrétien et la culture générale, nous bénéficions d'intervenants
de qualité.
Les
frères convers (qui ne se destinent pas au sacerdoce) complètent leur
formation technique ou artistique (chant, orgue, reliure, menuiserie...) et les
frères étudiants abordent la philosophie, avec l’IPC (Faculté libre de
Philosophie). L'accent est mis sur l'étude des textes du Docteur commun,
notamment ses Commentaires d’Aristote, le caractère « architectonique » de
sa sagesse, son originalité par rapport aux divers systèmes philosophiques.
Le
cycle de théologie est suivi au couvent sous forme des sessions de dogme et de
morale données par des professeurs extérieurs.
Certains
pères acquièrent des diplômes universitaires : à la Sorbonne pour la
philosophie, à l'Université catholique d'Angers ou à l’Université de
Fribourg en Suisse pour la théologie. Cela nous permet de constater deux
choses. Premièrement, saint Thomas donne une formation féconde, qui manque à
beaucoup d'universitaires actuels. Deuxièmement, cette formation thomiste
habilite à discerner les erreurs et à saisir les éléments de vérité de la
culture moderne. Elle permet une ouverture paisible de l'esprit, sans
crispation... et sans complexe.
Tout
cela dans la visée apostolique de l’étude voulue par saint Dominique : «
Notre étude doit tendre par principe, avec ardeur et de toutes nos forces, à
nous rendre capables d'être utiles à l'âme du prochain ».
13. Comment se traduit cette dimension apostolique de votre vie ?
Notre
existence est marquée par l'alternance de la vie conventuelle et des sorties
apostoliques. Celles-ci sont plus ou moins fréquentes et prolongées, selon les
nécessités, et selon le tempérament de chacun des frères. Dans la vie
dominicaine, que Catherine de Sienne qualifiait de « religion toute large,
toute joyeuse et toute parfumée »11,
il y a place pour un large éventail au sein d'une même angoisse pour le salut
des pécheurs et d'un même enthousiasme apostolique.
Les frères étudiants sont associés à l’apostolat dès la profession. Chacun est prêcheur à sa façon. Tel frère convers, à qui Dieu a donné un talent artistique, prêchera par la beauté qui attire à la vérité. N'oublions pas que Fra Angelico, le patron des artistes, est dominicain ! Ceux qui restent au couvent soutiennent la parole de ceux qui sortent par la prière. L'apostolat est le fait de tout le couvent, l'orientation pour le salut des âmes marque la tonalité de nos travaux conventuels et de notre contemplation.
Les frères étudiants sont associés à l’apostolat dès la profession. Chacun est prêcheur à sa façon. Tel frère convers, à qui Dieu a donné un talent artistique, prêchera par la beauté qui attire à la vérité. N'oublions pas que Fra Angelico, le patron des artistes, est dominicain ! Ceux qui restent au couvent soutiennent la parole de ceux qui sortent par la prière. L'apostolat est le fait de tout le couvent, l'orientation pour le salut des âmes marque la tonalité de nos travaux conventuels et de notre contemplation.
14. Quels sont les axes principaux de votre apostolat ?
1. L'approfondissement de la vie chrétienne
par les Retraites du Rosaire, ouvertes
à tous à partir de dix-huit ans, ou prêchées à des communautés
religieuses. Ces retraites constituent, dans la ligne de notre note mariale,
l’un de nos apostolats spécifiques. Il y a aussi des récollections et des pèlerinages,
comme ceux de la Pentecôte à Chartres ou les camps d'été en France et à l'étranger
(jusqu'en Europe de l'Est et au Moyen-Orient). Nous insistons spécialement sur
les richesses de la vie de la grâce.
2. La formation doctrinale :
aider les chrétiens à avoir une culture religieuse au niveau de leur culture
profane, notamment par notre revue Sedes Sapientiæ. Trimestrielle, elle
traite de façon abordable de philosophie et de théologie, mais aussi
d’actualité religieuse, d’art chrétien, de liturgie, de spiritualité.
Nous publions aussi la collection « Classiques spirituels », assurons l’aumônerie
de collèges, animons des cafés-caté dans le Quartier latin. Enfin nous aidons
l’Association Scoutisme et Résurrection (ASR) et le Rassemblement des Jeunes
Catholiques (RJC), et nous participons aux JMJ (Juventutem pour 2005).
3. Une aide à la famille, première
cellule de la vie chrétienne : catéchèse pour enfants et adultes ; sessions
de fiancés ; accompagnement de foyers (Domus Christiani) ; camps canoë
(garçons de 16-17 ans) ; camps-vélo (garçons de 12-15 ans) ; aumôneries
scoutes (notamment Europa-Scouts). Nous n’oublions pas les célibataires
suivis dans le Cercle des Célibataires Chrétiens.
15. Pouvez-vous nous parler de l’histoire et de l’esprit de votre revue ?
Sedes
Sapientiæ est une revue de culture générale
catholique. Elle a eu des débuts très modestes, sous la forme d’un petit
bulletin ronéotypé qui contenait un article de spiritualité, un texte
d’initiation thomiste, et les nouvelles de notre communauté. A l’été
1987, elle prend sa forme actuelle imprimée, de format modeste, comptant 64 à
112 pages par livraison. L’éditorial de ce numéro 21, la « Lettre à un ami
», souligne trois caractères de la publication : – primat de
l’intelligence, pour l’approfondissement doctrinal de la foi ; – rigueur
contre l’erreur, selon la fonction du sage dessinée par l’Aquinate au début
de la Somme contre les Gentils 12 ;
– « l’esprit catholique qui est un esprit d’analogie et d’intégration
»13,
selon les belles paroles de l’abbé Victor-Alain Berto.
Au
début essentiellement réalisée par les frères, Sedes Sapientiæ a vu
le nombre et la qualité des contributions extérieures grandir, jusqu’à représenter
aujourd’hui plus des deux tiers : universitaires, chercheurs, spécialistes de
l’art, philosophes, chroniqueurs, historiens, religieux et théologiens, sans
compter quelques cardinaux ou évêques.
L’esprit
dans lequel veut travailler la revue est celui de saint Thomas d’Aquin :
souligner l’harmonie de la foi et de la raison, cultiver la piété filiale
envers l’être historique de l’Eglise, adhérer au Magistère vivant, sans
dissentiment qui s’érige en magistère parallèle, sans « la complaisance
d’esprit, qui tend à faire de l’autorité, dans des matières de soi
soumises à la raison et à la conscience, la règle de la vérité »14.
Sedes
Sapientiæ n’hésite pas à aborder
des sujets brûlants dans l’Eglise et la cité, faisant notamment régulièrement
le point sur la situation de la mouvance Ecclesia Dei. La revue
s’efforce constamment de concilier la rigueur et la clarté sur les enjeux
avec le respect des personnes dans la controverse. Elle s’attache surtout à
donner la formation de fond aujourd’hui plus indispensable que jamais. Notre
public est loin de se réduire au milieu traditionaliste, et atteint des
personnes très diverses : étudiants, éducateurs, parents, prêtres, séminaristes,
communautés religieuses, professionnels, bibliothèques. Des lecteurs nous
disent que la revue est en passe de devenir dans certains milieux un instrument
de référence. En tout cas, un haut dignitaire de l’Eglise nous encourageait
récemment en nous écrivant : « Votre engagement à diffuser l’enseignement
de l’Eglise est un précieux service rendu à la foi ».
16. Quels types de vocations trouve-t-on dans la vie dominicaine ?
On
a dit à juste titre qu'il avait fallu trois saints pour manifester la richesse
de la grâce de Dominique. Catherine de Sienne la contemplative, Pierre de Vérone
l'apôtre et Thomas d'Aquin le savant : trois rayons sortant de « la grâce
unique de notre Père »15.
Catherine de Sienne n'est pas une intellectuelle, et réduire la vie dominicaine
à l’étude est contraire à la vérité historique.
Dans la vie d'un couvent, il y a les pères, qui étudient et qui prêchent,
chacun selon les modalités qui conviennent à ses aptitudes : homélies,
retraites, articles, cours, conférences, confessions, directions spirituelles,
aumôneries d’écoles, scoutisme, accompagnements de pèlerinage, etc. Les étudiants
qui se préparent à la prêtrise ou au diaconat. Et les frères convers, qui
ont la même profession religieuse que les pères. C’est grâce à eux que le
couvent est cette « maison de la contemplation » qu'a voulue saint Dominique,
et non une résidence de gens affairés ou de remueurs d'idées. Les pères et
les étudiants ont un besoin vital de la présence de ces frères au scapulaire
noir. Ils participent à l'office choral, s’investissent dans un art ou une
technique utile à l’apostolat, collaborent à l’apostolat (catéchisme,
accompagnement de camps de jeunes), et le rendent possible par leurs travaux.
Cette complémentarité a été voulue dès les origines. La diversité
des dons au service de la prédication nourrit l'affection que la Règle de
saint Augustin nous recommande : « Vivez unanimes dans la maison, ayant une
seule âme et un seul coeur ». Les frères convers rappellent que la fécondité
de l'apostolat découle de la vie cachée en Dieu et du sacrifice de la croix.
Fr. Louis-Marie de Blignières
mars
2005
1 Cet entretien est paru dans le numéro 91 de Sedes Sapientiæ (mars 2005) et en version abrégé dans L' homme nouveau, n° 1337 du 2 janvier 2005.
2 « Missa est actus altius contemplationis quod possit esse », Quadragesimale, sermo 39, Sabbato post Oculi, Sancti Vincentii Ferrerii Opera, studio Caspari Erhard, Augustæ Vindelicorum, MDCCXXIX, p. 124 D.
3 Dialogue, ch. 158, trad. Hurtaud, t. 2, Paris, Téqui, 1976, p. 273.
4 Marcelle Dalloni, Le Père Vayssière, biographie et textes spirituels, Paris, Alsatia, 1957, p. 166.
5 L’Idiot, IIIe partie, ch. 5, Paris, Hachette, 1972, t. 2, p. 100 ; cité par Jean-Paul II, Lettre aux artistes du 4 avril 1999, in La Documentation catholique, n° 2204, p. 458, note 25.
6 Journal d’un curé de campagne, Paris, Plon, 1936, p. 259.
7 Thomas de Vio Cajetan, Commentaire sur la Somme de théologie de saint Thomas d’Aquin, in IIam IIæ, q. 103, a. 4.
8 Traité de la vraie dévotion à Marie, n° 21.
9 Règle de saint Augustin.
10 Concile Vatican II, Constitution Sacrosanctum Concilium sur la liturgie, n° 116.
11 Dialogue, ch. 158, op. cit., p. 275.
12 Somme contre les Gentils, I, 1.
13 Pour la sainte Eglise romaine, Paris, éd. du Cèdre, 1976, p. 24.
14 Abbé V.-A. Berto, Principes de la direction spirituelle, Paris, éd. du Cèdre, 1951, renvoyant à la Somme de théologie, II II, q. 104, a. 5, ad 2.