SOURCE - André Vimieux - Témoignage Chrétien - 5 août 1976
DANS NOS ARCHIVES - TC n°1674 - En 1976, aux yeux du Vatican, la Fraternité Saint-Pie-X n'existe plus juridiquement. En juin de cette année-là, Mgr Marcel Lefebvre a ordonné treize prêtres sans accord de sa hiérarchie. Le 22 juillet, Paul VI a alors suspendu l'évêque de ses droits à célébrer la messe et dissous son institut. Celui-ci, créé en 1970, avait pourtant été pendant cinq ans reconnu par le Saint-Siège. Si l'on n'en est pas encore à la rupture officielle (1988), la situation est déjà très tendue.
DANS NOS ARCHIVES - TC n°1674 - En 1976, aux yeux du Vatican, la Fraternité Saint-Pie-X n'existe plus juridiquement. En juin de cette année-là, Mgr Marcel Lefebvre a ordonné treize prêtres sans accord de sa hiérarchie. Le 22 juillet, Paul VI a alors suspendu l'évêque de ses droits à célébrer la messe et dissous son institut. Celui-ci, créé en 1970, avait pourtant été pendant cinq ans reconnu par le Saint-Siège. Si l'on n'en est pas encore à la rupture officielle (1988), la situation est déjà très tendue.
Cette fois, l'épiscopat français se met en branle. Devant
la rébellion de Mgr Lefebvre, un évêque français, ancien archevêque de
Dakar, puis de Tulle, ancien supérieur général des spiritains, les
désapprobations se multiplient. Déjà le cardinal Marty, archevêque de
Paris, avait protesté lors de la messe célébrée, dans la capitale, aux
arènes de Lutèce, par un jeune prêtre, tout frais promu du séminaire
intégriste d'Ecône.
Depuis que le Vatican a décidé de suspendre
Mgr Lefebvre « a divinis », c'est-à-dire de lui interdire de distribuer
les sacrements et de célébrer la messe, celui-ci refuse de s'incliner. On lui a prêté l'intention de dire une messe publique, selon le rite de Saint-Pie-V, à Lille, le 29 août 1976. Il serait prêt, dit-on, à y renoncer pour « éviter des complications ».
L'évêque
du lieu, Adrien Gand, qui se serait volontiers passé sans doute de
cette dissidence ouverte par un homme originaire du Nord – Mgr Lefebvre
est natif de Tourcoing – vient de réagir. Dans un entretien avec Luc
Verschave de La Voix du Nord, il affirme que l'attitude de Mgr Lefebvre lui « paraît grave parce qu'elle risque d'entrainer un phénomène sectaire ».
«
Par un étrange paradoxe, dit l'évêque de Lille, Mgr Lefebvre qui
reproche à l'Église actuelle son « protestantisme » se range parmi ceux
qui élèvent au-dessus de tout leur interprétation personnelle sans
référence au magistère. » Comme en écho l'évêque de Saint-Dié, Jean
Vilnet, constate « un fait historique troublant : après la
plupart des grands conciles, qui s'efforcent d'améliorer et de vivifier
le comportement de notre Église, des groupes obstinés dans ce qu'ils
estiment la vraie voie, la leur, se coupent de l'Église, fondant en quelque sorte leur Église à eux ».
Le
cardinal Renard, archevêque de Luçon, invite de son côté les fidèles à
rester « indéfectiblement unis au pape », thème repris également par la «
Semaine religieuse » du diocèse d'Aix et d'Arles.
Et,
enfin, de retour d'un voyage en URSS sur invitation de l'Église
orthodoxe, le président de la Conférence épiscopale française, Roger
Etchegaray, s'adresse « à tous les catholiques de France » pour exprimer
sa « profonde tristesse » « de voir un évêque discréditer
systématiquement le dernier concile ». Il faut « du tact, du temps... surtout une fidélité à toute épreuve » pour
faire passer dans la vie quotidienne du peuple de Dieu l'enseignement
et les décisions d'un Concile, déclare Mgr Etchegaray et, dit-il, « le
drame de Mgr Marcel Lefebvre doit interroger chacun de nous ».
«
Voici pour nous tous, poursuit-il, l'heure de nous demander devant Dieu
si nous n'avons rien tronqué ni altéré dans la mise en œuvre du
Concile. » Mais affirme-t-il, « dès qu'il s'agit de sauvegarder la foi,
l'unité de l'Église garantie par la communion avec le pape passe avant
tout le reste »
En somme, les évêques français paraissent redouter que le « schisme » – terme mentionné pour la première fois par l'Osservatore Romano – de Mgr Lefebvre ne prenne quelque ampleur. Pourtant, les traditionalistes eux-mêmes paraissent divisés. Les « silencieux de l'Église » de Pierre Debray ne suivent pas Mgr Lefebvre, le périodique L'Homme nouveau
reste muet sur ce sujet. N'est-ce pas, alors, en train de majorer un
mouvement somme toute limité à des cercles restreints ? La grande presse
et les médias audiovisuels, faute d'autres sujets, mènent grand bruit
sur les sanctions qui frappent Mgr Lefebvre.
Mais qui, hier,
parmi eux, parlait des menaces de réduction à l'état laïc qui pèsent en
Italie sur Don Franzoni, ex abbé bénédictin de Saint-Paul-hors-les-murs,
pour avoir, entre autres, aux dernières élections invité à soutenir des
listes communistes où figuraient des chrétiens?
Article publié jeudi 5 août 1976, dans le TC n°1674.