SOURCE - Abbé Aulagnier, ibp - Regards sur la Vie - 26 février 2010
Les bénédictins de l’Immaculée fondés par le Père Jehan (OSB) en Italie, – il fut le premier disciple de Dom Gérard, à Bédouin -, viennent de publier sur leur site, avec quelque retard, un résumé de l’entretien qu’ils ont eu, le mardi 11 août 2009, avec Mgr Pozzo, le nouveau secrétaire de la Commission Ecclesia Dei. Ils ont abordé essentiellement deux sujets : le Motu Proprio de Benoît XVI Summorum Pontificum, et son interprétation concernant l’usage de la « forme ordinaire et extraordinaire de la messe romaine »; puis le Concile Vatican II et son interprétation. Nous étions à quelques semaines du début des discussions théologiques entre Rome et la FSSPX.
Je veux ici commenter seulement la première partie du texte relative à l’interprétation du Motu Proprio Summorum Pontificum, laissant la deuxième partie –le Concile – pour une autre fois. (Voir le texte dans LNDC du 24 février)
Ce commentaire de Mgr Pozzo est important.
Mgr Pozzo en effet est le nouveau secrétaire de la Commission Ecclesia Dei. Cette commission est chargée de l’application du Motu Proprio de Benoît XVI. C’est la mission de cette commission. C’est dit expressément dans l’ultime article, l’article 12, du document pontifical: « Cette commission (Ecclesia Dei ), outre les facultés dont elle jouit déjà, exercera l’autorité du Saint-Siège, en veillant à l’observance et à l’application de ces dispositions ( du Motu Proprio) ». Il se doit de donner la juste interprétation du document. Il représente « l’autorité du Saint Siège ».
On sait que la législation liturgique prévue par le Motu Proprio, publié le 7 juillet 2007, est nouvelle. C’est en effet en 12 nouvelles normes que Benoît XVI précisa le nouveau cadre juridique de l’application de la Réforme liturgique issue du Concile Vatican II. C’est clairement dit dans le texte de Benoît XVI. Cette législation annule toutes les dispositions antérieures de ces prédécesseurs : « Tout ce que j’ai établi par la présente Lettre apostolique en forme de Motu Proprio, j’ordonne que cela ait une valeur pleine et stable et soit observé à compter du 14 septembre de cette année (2007), en la fête de l’Exaltation de la Sainte-Croix, nonobstant toutes choses contraires ».
Pour toutes ces raisons, le texte du Père Jéhan résumant la pensée de Mgr Pozzo sur le Motu Proprio est capital.
L’analyse du texte.
Que nous dit-il ?
« Mgr Pozzo a tenu à dire que selon la lettre accompagnant le motu proprio Summorum Pontificum, le rite romain existe dans deux formes et qu’aucun prêtre “ne peut refuser en principe de célébrer selon l’une ou l’autre forme”. Concrètement, cela implique, pour lui, que si un prêtre, célébrant normalement selon la forme extraordinaire, se trouvait dans une situation de nécessité pastorale dans laquelle l’autorité compétente exige une célébration selon la forme ordinaire, il devrait accepter de le faire ».
C’est une claire reconnaissance du bi-ritualisme, de sa nécessité juridique, de sa nécessité pastorale.
Ce bi-ritualisme est clairement exprimé non seulement dans la lettre d’accompagnement du Motu Proprio aux Evêques, comme le laisse entendre Mgr Pozzo, mais dans la Motu Proprio lui-même. C’est l’article 1 : « Le Missel romain promulgué par Paul VI est l’expression ordinaire de la lex orandi de l’Eglise catholique de rite latin. Le Missel romain promulgué par Saint Pie V et réédité par le bienheureux Jean XXIII doit être considéré comme expression extraordinaire de la même lex orandi de l’Eglise et être honoré en raison de son usage vénérable et antique. Ces deux expressions de la lex orandi de l’Eglise n’induisent aucune division de la lex credendi de l’Eglise : ce sont en effet deux mises en œuvre de l’unique rite romain ».
Il est vrai aussi que la lettre d’accompagnement que Benoît XVI adressait aux Evêques justifie doctrinalement, juridiquement, pastoralement ce bi-ritualisme post-conciliaire. La raison principale – c’est clairement affirmé – est que le rite « antique « , celui de saint Pie V, n’a jamais été aboli. « Ce Missel n’a jamais été juridiquement abrogé, et que par conséquent, en principe, il est toujours resté autorisé ». Vu son antiquité, il faut le sauvegarder : « Ce qui était sacré pour les générations précédentes reste grand et sacré pour nous, et ne peut à l’improviste se retrouver totalement interdit, voire considéré comme néfaste. Il est bon pour nous tous de conserver les richesses qui ont grandi dans la foi et dans la prière de l’Eglise, et de leur donner leur juste place ». (p.23-24)
Toutefois, poursuit le pape : « Evidemment, pour vivre la plaine communion, les prêtres des communautés qui adhèrent à l’usage ancien ne peuvent pas non plus, par principe, exclure la célébration selon les nouveaux livres. L’exclusion totale du nouveau rite ne serait pas cohérente avec la reconnaissance de sa valeur et de sa sainteté ». (p. 24).
Mgr Pozzo, reconnaissant la nécessité actuelle du bi-ritualisme, son droit, sa raison doctrinale et pastorale, est bien dans la ligne du Motu Proprio. Il interprète bien le texte et la pensée du législateur Benoît XVI. Qui pourrait dire le contraire.
Il peut donc légitimement conclure : « Un prêtre célébrant habituellement la messe dans sa forme « extraordinaire » ne pourrait refuser cependant, si les circonstances pastorales l’exigeaient et si les autorités légitimes le demandait, de célébrer la messe dans sa forme ordinaire » – ou plus simplement « la messe de Paul VI ».
Quelques remarques.
Tout cela nous inspire quelques réflexions :
Reconnaissons, tout d’abord, que cette ligne rappelant formellement le droit de l’antique messe est nouvelle dans l’Eglise.
Ce n’était pas la pensée et la législation qui étaient exprimées, par exemple, dans la lettre de Jean-Paul II : Quattuor abhinc annos de 1984, ni dans le Motu Proprio du même pape Ecclesia Dei. Certes, la lettre de 1984 prévoyait bien le retour, – un certain retour -, de la messe « tridentine » dans l’Eglise, plus clairement affirmé encore dans Ecclesia Dei Adflicta, mais elle ne faisait que « concéder » ce rite antique aux prêtres et aux groupes de fidèles la demandant. Le pape Jean-Paul II ne faisait que conférer aux Evêques l’autorisation – un indult – de « concéder » cette messe de Saint Pie V, encore fallaient-ils que les « demandeurs » ne « mettent pas en doute la légitimité et la rectitude doctrinale du missel romain promulgué en 1970 par le Pontife romain Paul VI ». Le « droit » à la messe « antique » n’était pas reconnu pour autant. On ne parlait que de « concession », que d’« indult ». Le législateur ne le voulait que « temporaire » pour obtenir « une certaine paix ecclésiale ». C’était clairement dit par le Cardinal Re, à l’époque, Substitut de la Secrétairerie d’Etat pour les affaires générales, dans une lettre à M de Saventhem, président honoraire d’Una Voce Internationale : « Les diverses dispositions prises depuis 1984 avaient pour but de faciliter la vie ecclésiale d’un certain nombre de fidèles sans pérenniser pour autant les formes liturgiques antérieures. La loi générale demeure l’usage du rite rénové depuis le Concile, alors que l’usage du rite antérieur relève actuellement de privilèges qui doivent garder le caractère d’exception…Le premier devoir de tous les fidèles est d’accueillir et d’approfondir les richesses de sens que comporte la liturgie en vigueur dans un esprit de foi et d’obéissance au Magistère en évitant toute tension dommageable à la Communion ecclésiale ».
Vous le voyez : la législation de l’Eglise, du Concile Vatican II jusqu’à l’élection de Benoît XVI, ne conférait nullement un droit à l’ancienne messe. Le missel de saint Pie V était supprimé. On n’osait pas le dire « abrogé ». Nous étions en 1994, le 17 janvier 1994.
Toutefois, en cette matière liturgique, les choses bougeaient puisqu’en 1998, le 24 octobre 1998, le cardinal Ratzinger, le futur Benoît XVI, s’élevait là contre et reconnaissait, s’appuyant sur l’autorité du cardinal Newman que « l’Eglise dans son histoire, n’avait jamais aboli ou défendu des formes liturgiques orthodoxes, ce qui serait tout à fait étranger à l’esprit de l’Eglise ». L’affirmation était nouvelle et tout à fait opposée à celle de Mgr Re.
Quoi qu’il en soit en 1994, la loi générale en liturgie demeurait l’usage du rite rénové depuis le Concile. C’était l’affirmation de Mgr Re.
On connaît la réponse merveilleuse de M de Saventhem : « Il insiste sur l’affirmation : « sans pérenniser pour autant les formes liturgiques antérieures ».
« Même ecclésiologiquement, cette clause parait indéfendable. La « liturgie classique » du rite romain de la messe est déjà doué de pérennité intrinsèque en tant que monument incomparable de la foi. Son usage universel et multiséculaire bien avant la Constitution Apostolique « Quo Primum » lui confère en outre la pérennité canonique de la « consuetudo immemorabilis ». Par conséquent, la « pérennisation » dont parle votre lettre n’est aujourd’hui ni à octroyer ni à ôter à la liturgie classique – elle est simplement à reconnaître et à faire respecter dans les dispositions réglant son emploi à côté des rites réformés ».
Voilà qui est bien dit.
Voilà ce qui fut fait très heureusement par le cardinal Ratzinger une fois élu pape. Le Motu Proprio de Benoît XVI, en 2007, est très clair : « Il est permis de célébrer le sacrifice de la Messe suivant l’édition type du Missel romain promulgué par le Bienheureux Jean XXIII en 1952 et jamais abrogée, en tant que forme extraordinaire de la liturgie de l’Eglise » (p. 9. Art I § 2).
Cependant, tout en reconnaissant le droit de l’ancienne messe, de la « liturgie classique » du rite romain, et tout en confessant son droit, le pape Benoît XVI demande clairement le respect et la reconnaissance de ce qu’il appelle « la forme ordinaire (messe de Paul VI) du rite romain ». La messe dite de saint Pie V et la messe de Paul VI sont, pour lui, deux expressions du seul et même rite romain, « deux mises en œuvre de l’unique rite romain ».
Nous voilà avec un bi-ritualisme déclaré de droit !
C’est l’objet de l’article 1 que nous avons cité plus haut.
Il affirme dans sa lettre aux Evêques, « qu’il n’y a aucune contradiction entre l’une et l’autre édition du Missale Romanum ». Il y a seulement, « croissance » et « progrès » mais « nullement rupture ». Et c’est pourquoi il dit que les prêtres des communautés qui adhèrent à l’usage ancien ne peuvent pas non plus, par principe, exclure la célébration selon les nouveaux livres » (p. 24). Le bi-ritualisme est de droit.
Ce n’est pas que le bi-ritualisme, dans l’Eglise latine fasse problème. L’Eglise latine a toujours eu de nombreux rites divers : le rite dominicain, le rite lyonnais…Mais c’est la coexistence « pacifique » de ces deux « expressions », « l’ordinaire » et « l’extraordinaire » du missel romain qui fait problème.
Pour certains et pour moi, il ne peut s’agir du même et unique missel romain. Mgr Gamber, ce grand « liturge », est formel.
Voilà un nouveau problème soulevé !
Problème que le père Jehan a du présenter à Mgr Pozzo lui laissant entendre les difficultés que certains éprouvaient et éprouvent encore pour célébrer la « nouvelle messe » non encore « réformée » comme le souhaite pourtant clairement Benoît XVI dans la lettre d’accompagnement où il parle d’une plus grande « sacralité » de la célébration de la messe de Paul VI. Le père Jéhan a du présenter à Mgr Pozzo l’argument du droit propre et exclusif à la messe tridentine que réclament certaines nouvelles communautés de droit pontifical. Ils affirment que leurs constitutions fondatrices, leurs statuts canoniques, reconnus par Rome, leur accordent ce droit.
C’était l’argument que présentait déjà en 1999 le père de Blignière, supérieur des pères de Cheméré, dans le n° 68 de sa revue « Sedes Sapientiae ». C’est aussi ce que pense le père Jehan concernant les constitutions du monastère du Barroux. C’est ce que demande et pense aussi M l’abbé Philippe Laguérie pour l’IBP. Le père Jehan se fonde sur l’autorité de Mgr Stankiewicz, doyen du tribunal de la Rote. Mgr Pozzo écouta et s’intéressa à son argumentation : « Mgr Pozzo a cependant écouté l’opinion que Mgr Stankiewicz, doyen du tribunal de la Rote, avait exprimée au père Jehan après avoir lu attentivement les constitutions du Barroux, et selon laquelle un moine-prêtre du Barroux n’a pas le droit de célébrer selon le Novus Ordo Missae, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur du monastère. Ainsi l’obligation de célébrer selon l’ancien rite serait un droit-devoir particulier qui s’applique aux moines du Barroux, et cela est vrai où qu’ils se trouvent ».
Je veux bien croire que c’est l’interprétation que donne Mgr Stankiewicz des constitutions du monastère du Barroux. Mais Dom Gérard, ne se montra pas si catégorique en cette affaire…C’est pourtant lui le vrai législateur du Barroux, lui qui peut en donner la juste interprétation puisqu’il les a écrites.
Les justes critiques de la messe de Paul VI.
Pour comprendre ici cette instance, cette demande de l’exclusivité du rite saint Pie V, il faut connaître la résistance opiniâtre qu’ont menée pendant près de quarante ans, des personnes éminentes de l’Eglise refusant la nouvelle messe, en raison de son caractère équivoque. Mgr Lefebvre parlait de « messe bâtarde ». Il faut se souvenir du cardinal Ottaviani et du cardinal Baggi présentant au Souverain Pontife Paul VI une lettre de supplique demandant l’ « abrogation » de la nouvelle messe ou du moins que ne soit pas enlevée, aux fidèles « la possibilité de continuer à recourir à l’intègre et fécond Missel romain de saint Pie V… si profondément vénéré et aimé du monde catholique tout entier ». Ils en précisaient la raison. « Ce nouvel ORDO MISSAE….s’éloigne de façon impressionnante, dans l’ensemble comme dans le détail, de la théologie catholique de la Sainte Messe, telle qu’elle a été formulée à la XXIIème session du Concile de Trente, lequel, en fixant définitivement les « canons » du rite, éleva une barrière infranchissable contre toute hérésie qui pourrait porter atteinte à l’intégrité du Mystère ». Ils présentaient au Souverain Pontife de nombreuses critiques – le Bref Examen Critique – que l’on peut résumer dans la scandaleuse définition de la messe donnée en l’article 7, tellement éloignée de la doctrine catholique .Elle dut être modifiée avant la publication définitive de la Constitution Missale Romanum et de la nouvelle messe – sans la moindre modification sur le rite lui-même…. De plus, l’expression narratio institutionis que l’on trouve dans l’Institutio generalis pour exprimer l’action sacerdotale accomplie lors du Canon romain n’est pas moins troublante. La messe n’est en rien une narration, ni une simple commémoration du sacrifice de la Croix, mais bel et bien le sacrifice de la Croix perpétué sous mode sacramentaire, non sanglant. Les formules de la Consécration sont dites par le prêtre d’une manière « intimative » et non « récitative ». C’étaient les raisons, parmi bien d’autres, d’un père Calmel, d’un abbé Dulac d’un Mgr Lefebvre, d’un Mgr de Castro Mayer, d’un Jean Madiran, d’une Melle Luce Quenette . C’étaient les raisons de leur « non possumus », de principe, ne voulant en rien, ni les uns ni les autres, mettre le doigt dans l’engrenage de cette réforme liturgique « équivoque ».
C’est ce qu’exprimait merveilleusement M de Saventhem toujours dans sa réponse à Mgr Re contestant son expression « les richesses de sens » de la nouvelle messe. Aujourd’hui, Benoît XVI parle de « valeur » et de « sainteté ». (Lettre d’accompagnement au MP. P. 24). Il lui répondait : « Permettez moi, Excellence de formuler une ultime demande de clarification, relative au dernier alinéa de votre lettre. Qu’entendez vous par les « richesse de sens » que comporte d’après vous, la liturgie en vigueur ? Au sein de notre mouvement, beaucoup se sont livrés à la recherche de telles richesses, au rythme de la promulgation successive des livres liturgiques réformés. Ils ont fait état des résultats de leurs travaux dans un nombre impressionnant de livres, de monographies, d’études et de commentaires, dont nul ne peut contester le sérieux. S’ils ont pu noter une augmentation quantitative – oraisons, lectures, préfaces et même prières eucharistiques – des textes désormais mis à la disposition de ceux qui organisent les célébrations, ils ont en même temps dû constater une baisse généralisée dans leur contenu théologique, menant à la « banalisation » de nos fonctions liturgiques au détriment de leur sacralité et donc de leur identité catholique. Parallèlement, il y a eu un rapprochement continu aux services religieux de diverses communautés non catholiques. En d’autres mots : la liturgie catholique romaine a dû payer les frais de l’ « option œcuménique » ! Et au lieu d’un enrichissement de la tradition liturgique de l’Eglise catholique, on a vu le gaspillage de son patrimoine le plus précieux. N’est-il pas du « premier devoir » de tout catholique fidèle d’œuvrer à la sauvegarde de cet unique trésor, instrument principal de l’évangélisation, confié à l’Eglise par Notre Seigneur pour le salut de toutes les âmes ? »
C’est pour exprimer ce « premier devoir » essentiel que nos anciens, jadis, et nous-mêmes, aujourd’hui, voulons rester attachés à la messe de toujours en invoquant ce droit exclusif inhérent à nos constitutions approuvées et reconnues par Rome.
Pour moi, cependant, c’est le plus faible des arguments. La force de notre position – notre non possumus historique – reste et restera l’analyse intrinsèque de la nouvelle messe de Paul VI. Notre droit ne se fonde pas d’abord sur un texte juridique, fut-il des constitutions même approuvées par Rome. Notre droit se fonde d’abord sur la foi, sur le dogme. Le droit ne vient qu’après. Il n’est qu’une conséquence du bien, du vrai sur lequel il légifère. J’ai personnellement horreur du « positivisme juridique », en tout domaine. Ce n’est pas parce que l’avortement est interdit par la loi que je suis contre l’avortement. Je suis contre l’avortement parce que l’avortement est, en soi, un mal, un crime que le droit doit interdire. Je suis opposé à la nouvelle messe parce que la nouvelle messe n’est pas bonne. Elle a même eu des effets catastrophiques pour l’Eglise et ses fidèles. Elle a contribué à la diminution de la pratique religieuse.
Devant cette attitude et sa justification comment a réagi Mgr Pozzo ?
« Mgr Pozzo a dit qu’il connaissait Mgr Stankiewicz. Pour sa part, il ajouta que, même si la lettre pontificale accompagnant Summorum Pontificum précise que les prêtres célébrant l’ancien rite ne peuvent pas refuser par principe la célébration du nouveau, cela laisse ouverte néanmoins la possibilité d’un droit propre pour certaines sociétés dont les membres célébreraient selon l’ancien rite exclusivement ».
Cette dernière affirmation est nouvelle, terriblement nouvelle. Nous nous en réjouissons. Mais est-elle totalement « crédible » ? Que vaut « ce droit propre » ?
Elle est nouvelle.
Qu’on se rappelle les difficultés rencontrées par les prêtres de la Fraternité saint Pierre en 1999 et 2000. Qu’on se rappelle la législation que l’on appela la législation Médina. Elle est totalement en contradiction avec ce dernier jugement de Mgr Pozzo. Qu’on se rappelle les trois questions posées à la Congrégation du culte divin et de la discipline des sacrements présidée, à cette époque, par le cardinal Medina. Qu’on se rappelle les réponses romaines. Ces réponses donnaient la jurisprudence romaine, jurisprudence reconnue, à l’époque, par toutes les autorités romaines.
Trois questions furent posées en effet à Rome concernant la célébration de la Nouvelle Messe par les prêtres des communautés sacerdotales ou religieuses dépendant de la commission Ecclesia Dei Adflicta, désirant donc garder exclusivement la messe de saint Pie V.
1. Ces prêtres peuvent-ils célébrer la Nouvelle Messe?
2. Les autorités de ces sociétés de quelque dignité qu’elles soient peuvent-elles interdire à leurs prêtres de célébrer la Nouvelle Messe?
3. Peuvent-ils aussi concélébrer dans le nouveau rite?
Le 3 juillet 1999, Rome donnait les réponses dans un texte de la Congrégation du culte divin qui a pour titre « Réponse officielle » :
« Des questions relatives au pouvoir et aux empêchements liés à l’Indult concédé par l’autorité légitime permettant d’utiliser le Missel romain de 1962 sont parvenues à cette Congrégation. Le Conseil Pontifical de l’Interprétation des Textes ayant répondu à ces questions, la Commission Pontificale « Ecclesia Dei » a examiné ces réponses selon son devoir et les a approuvées. Nous en communiquons les textes sous forme de réponses aux questions
posées.
1.Un prêtre, membre d’une communauté qui jouit du pouvoir de célébrer la Messe selon le rite en vigueur avant le renouvellement liturgique du Concile Vatican II, voulait savoir si le Missel romain promulgué par le Souverain Pontife Paul VI pouvait être librement utilisé lorsqu’il célèbre le Sacrifice Eucharistique pour le bien des fidèles, ne serait-ce qu’occasionnellement, dans une paroisse où est célébrée la Messe selon le Missel de Paul VI.
Réponse : Oui avec précision pour mémoire : La raison consiste en ce que, vu que l’usage du Missel pré-conciliaire n’est concédé que par Indult, demeure le droit liturgique en faveur du rite romain commun, selon lequel le Missel en vigueur est celui promulgué par le Concile Vatican II. Bien plus, le prêtre cité plus haut doit célébrer selon le Missel d’après le Concile, si la célébration a lieu dans une communauté qui utilise le rite romain d’aujourd’hui, afin qu’il ne survienne pas un certain étonnement et un certain malaise chez les fidèles et pour que lui-même, disponible, soit une aide pour ses confrères prêtres qui réclament ce service de charité pastorale. Dans les communautés accoutumées au Missel d’aujourd’hui, l’usage du Missel précédent entraînerait quelques difficultés (exemples : différences dans le calendrier liturgique, désaccord des textes liturgiques pour la liturgie de la Parole, différences dans les gestes catholiques, dans la façon de recevoir la Sainte Communion, dans les rôles des servants, etc.).
2. Les supérieurs – de quelque dignité qu’ils soient – des communautés qui bénéficieraient de l’Indult permettant d’utiliser le Missel Romain de 1962 pour la célébration du Sacrifice Eucharistique peuvent-ils interdire aux prêtres de leurs instituts l’usage du Missel romain d’après le Concile, alors que ceux-ci célèbrent pour le bien des fidèles, même si occasionnellement, dans une communauté où le Missel romain est utilisé ?
Réponse : Non, parce que l’usage du Missel romain de 1962 est accordé par l’Indult pour l’intérêt des fidèles qui sont attachés par un lien particulier au rite romain d’avant le Concile Vatican II, et un usage de ce genre ne peut pas être imposé aux communautés célébrant la Sainte Eucharistie selon le Missel et les réformes du Concile Vatican II, communautés envers lesquelles, d’ailleurs, les Supérieurs de tels Ordres n’ont aucune autorité.
3. Un prêtre, membre d’un Ordre qui bénéficie de l’Indult, peut-il, sans inconvénient concélébrer une Messe dite selon le rite romain d’aujourd’hui ?
Réponse: Oui, parce que l’Indult accordé aux prêtres n’enlève pas le droit commun liturgique de célébrer le rite romain selon le Missel Romain en vigueur. C’est pourquoi un Supérieur ou un Ordinaire ne peut ni ne doit lui interdire la concélébration. Au contraire, il est louable que ce prêtre précité concélèbre librement, surtout lors de la Messe du Jeudi-Saint que préside l’Evêque diocésain. Bien « qu’il soit toujours donné la possibilité à ce prêtre de célébrer la Messe seul, mais pas en même temps et dans la même église, ni le Jeudi-Saint » (cf. Conc. Vat. II Const. De Sacra Liturgia Sacrosanctum Concilium, n.57, § 2,2). Le signe de communion, mis en relief par la concélébration, est si fort à la Messe Chrismale qu’on ne doit jamais renoncer à concélébrer, sauf raison grave (cf. ibidem, n.57, § 1, Ia).
Pour la Congrégation du Culte Divin et de la Discipline des
Sacrements, le 3 juillet 1999.
Georgius A Card Medina Estavez, praefectus
Franciscus Pius Tamburrino, Archiepiscopus a Sacratis
Voici les réponses romaines à ces trois questions particulièrement « épineuses » et toujours d’actualité. Ces réponses sont fondées sur l’affirmation que la nouvelle messe est « le droit commun en matière liturgique » et que le droit particulier ne peut se dresser contre, ne peut s’y opposer. De plus, la messe ancienne n’est qu’une concession, qu’un « indult » donné à ces communautés Eclesia Dei.
La position de Mgr Pozzo est donc bien nouvelle
Il faut en effet reconnaître que les choses ont changé en ce domaine grâce au Motu Proprio de Benoît XVI. Il reconnaît le droit à égalité entre « la forme extraordinaire et la forme ordinaire du missel romain ». On ne pourrait plus dire aujourd’hui que le « droit commun liturgique » est la messe nouvelle.
La position de Mgr Pozzo est nouvelle. Mais est-elle crédible ?
Toutefois la lettre d’accompagnement du Motu Proprio de Benoît XVI rappelle que « pour vivre la pleine communion, les prêtres des communautés qui adhèrent à l’usage ancien ne peuvent pas non plus, par principe, exclure la célébration selon les nouveaux livres. L’exclusion totale du nouveau rite ne serait pas cohérente avec la reconnaissance de sa valeur et de sa sainteté ». (p.24)
Ainsi cette exclusivité du rite liturgique de saint Pie V fondée sur les constitutions des communautés Ecclesia Dei, est-elle simplement possible ? Les paroles du pape semble dire le contraire.
Cette exclusivité me semble toujours rester un « droit particulier » face au droit commun en matière liturgique qui inclut, de droit, certes la forme extraordinaire – ce qui est nouveau – mais aussi la forme ordinaire du rite romain. On ne pourrait donc de soi l’exclure.
C’est pourquoi je resterais prudent. L’opinion de Mgr Pozzo que le père Jéhan résume bien, peut-elle faire à elle seule jurisprudence ?
Et même plus, n’y a –t-il pas une certaine contradiction dans cette opinion de Mgr Pozzo : « Même si la lettre pontificale accompagnant Summorum Pontificum précise que les prêtres célébrant l’ancien rite ne peuvent pas refuser par principe la célébration du nouveau, cela laisse ouverte néanmoins la possibilité d’un droit propre pour certaines sociétés dont les membres célébreraient selon l’ancien rite exclusivement ».
Nos amis des communautés Ecclesia Dei l’ont cru en 1999. Ils se sont trompés. Rome en a jugé autrement. Rome disait déjà en 1999, qu’aucun prêtre “ne peut refuser en principe de célébrer selon l’une ou l’autre forme”. Concrètement, cela implique, pour lui, que si un prêtre, célébrant normalement selon la forme extraordinaire, se trouvait dans une situation de nécessité pastorale dans laquelle l’autorité compétente exige une célébration selon la forme ordinaire, il devrait accepter de le faire ». On l’a vu plus haut. Ce fut toujours la position du Vatican. Ce le fut lorsque l’ancienne messe était considérée comme un simple indult, propre à certaines communautés. C’est encore affirmé alors que l’ancienne messe est considérée non plus comme un indult mais comme un droit.
Aussi j’attendrai les événements et le règlement des « conflits » en cette matière pour voir et pour conclure à l’instar de Mgr Pozzo : « Même si la lettre pontificale accompagnant Summorum Pontificum précise que les prêtres célébrant l’ancien rite ne peuvent pas refuser par principe la célébration du nouveau, cela laisse ouverte néanmoins la possibilité d’un droit propre pour certaines sociétés dont les membres célébreraient selon l’ancien rite exclusivement ».
Je n’en suis pas si sûr que lui. Que veut dire, du reste, cette expression : « cela laisse ouverte la possibilité d’un droit propre ». Cette expression « cela laisse ouverte la possibilité… » me paraît une expression bien faible, bien incertaine, pour ne pas dire équivoque. Si c’est simplement « possible » ce n’est pas absolument « certain ». Ce qui est possible n’est pas toujours certain. Si la chose était si claire et si sûre, l’expression aurait du être différente.
Comme disent les anglais : « Wait and see ».
Et de toute façon, n’oublions pas que le droit est fondé sur la foi et non l’inverse.
Gardons cette mâle assurance dont parlait Dom Guéranger à ses moines : « Il est dans le trésor de la Révélation des points essentiels, dont tout chrétien, par le fait même de son titre de chrétien, a la connaissance nécessaire et la garde obligée… Les vrais fidèles sont les hommes qui puisent dans leur baptême (en période d’hérésie) l’inspiration d’une ligne de conduite ; non les pusillanimes qui, sous le prétexte spécieux de la soumission aux pouvoirs établis, attendent, pour courir à l’ennemi ou s’opposer à ses entreprises, un programme qui n’est pas nécessaire et qu’on ne doit point leur donner ».
Les bénédictins de l’Immaculée fondés par le Père Jehan (OSB) en Italie, – il fut le premier disciple de Dom Gérard, à Bédouin -, viennent de publier sur leur site, avec quelque retard, un résumé de l’entretien qu’ils ont eu, le mardi 11 août 2009, avec Mgr Pozzo, le nouveau secrétaire de la Commission Ecclesia Dei. Ils ont abordé essentiellement deux sujets : le Motu Proprio de Benoît XVI Summorum Pontificum, et son interprétation concernant l’usage de la « forme ordinaire et extraordinaire de la messe romaine »; puis le Concile Vatican II et son interprétation. Nous étions à quelques semaines du début des discussions théologiques entre Rome et la FSSPX.
Je veux ici commenter seulement la première partie du texte relative à l’interprétation du Motu Proprio Summorum Pontificum, laissant la deuxième partie –le Concile – pour une autre fois. (Voir le texte dans LNDC du 24 février)
Ce commentaire de Mgr Pozzo est important.
Mgr Pozzo en effet est le nouveau secrétaire de la Commission Ecclesia Dei. Cette commission est chargée de l’application du Motu Proprio de Benoît XVI. C’est la mission de cette commission. C’est dit expressément dans l’ultime article, l’article 12, du document pontifical: « Cette commission (Ecclesia Dei ), outre les facultés dont elle jouit déjà, exercera l’autorité du Saint-Siège, en veillant à l’observance et à l’application de ces dispositions ( du Motu Proprio) ». Il se doit de donner la juste interprétation du document. Il représente « l’autorité du Saint Siège ».
On sait que la législation liturgique prévue par le Motu Proprio, publié le 7 juillet 2007, est nouvelle. C’est en effet en 12 nouvelles normes que Benoît XVI précisa le nouveau cadre juridique de l’application de la Réforme liturgique issue du Concile Vatican II. C’est clairement dit dans le texte de Benoît XVI. Cette législation annule toutes les dispositions antérieures de ces prédécesseurs : « Tout ce que j’ai établi par la présente Lettre apostolique en forme de Motu Proprio, j’ordonne que cela ait une valeur pleine et stable et soit observé à compter du 14 septembre de cette année (2007), en la fête de l’Exaltation de la Sainte-Croix, nonobstant toutes choses contraires ».
Pour toutes ces raisons, le texte du Père Jéhan résumant la pensée de Mgr Pozzo sur le Motu Proprio est capital.
L’analyse du texte.
Que nous dit-il ?
« Mgr Pozzo a tenu à dire que selon la lettre accompagnant le motu proprio Summorum Pontificum, le rite romain existe dans deux formes et qu’aucun prêtre “ne peut refuser en principe de célébrer selon l’une ou l’autre forme”. Concrètement, cela implique, pour lui, que si un prêtre, célébrant normalement selon la forme extraordinaire, se trouvait dans une situation de nécessité pastorale dans laquelle l’autorité compétente exige une célébration selon la forme ordinaire, il devrait accepter de le faire ».
C’est une claire reconnaissance du bi-ritualisme, de sa nécessité juridique, de sa nécessité pastorale.
Ce bi-ritualisme est clairement exprimé non seulement dans la lettre d’accompagnement du Motu Proprio aux Evêques, comme le laisse entendre Mgr Pozzo, mais dans la Motu Proprio lui-même. C’est l’article 1 : « Le Missel romain promulgué par Paul VI est l’expression ordinaire de la lex orandi de l’Eglise catholique de rite latin. Le Missel romain promulgué par Saint Pie V et réédité par le bienheureux Jean XXIII doit être considéré comme expression extraordinaire de la même lex orandi de l’Eglise et être honoré en raison de son usage vénérable et antique. Ces deux expressions de la lex orandi de l’Eglise n’induisent aucune division de la lex credendi de l’Eglise : ce sont en effet deux mises en œuvre de l’unique rite romain ».
Il est vrai aussi que la lettre d’accompagnement que Benoît XVI adressait aux Evêques justifie doctrinalement, juridiquement, pastoralement ce bi-ritualisme post-conciliaire. La raison principale – c’est clairement affirmé – est que le rite « antique « , celui de saint Pie V, n’a jamais été aboli. « Ce Missel n’a jamais été juridiquement abrogé, et que par conséquent, en principe, il est toujours resté autorisé ». Vu son antiquité, il faut le sauvegarder : « Ce qui était sacré pour les générations précédentes reste grand et sacré pour nous, et ne peut à l’improviste se retrouver totalement interdit, voire considéré comme néfaste. Il est bon pour nous tous de conserver les richesses qui ont grandi dans la foi et dans la prière de l’Eglise, et de leur donner leur juste place ». (p.23-24)
Toutefois, poursuit le pape : « Evidemment, pour vivre la plaine communion, les prêtres des communautés qui adhèrent à l’usage ancien ne peuvent pas non plus, par principe, exclure la célébration selon les nouveaux livres. L’exclusion totale du nouveau rite ne serait pas cohérente avec la reconnaissance de sa valeur et de sa sainteté ». (p. 24).
Mgr Pozzo, reconnaissant la nécessité actuelle du bi-ritualisme, son droit, sa raison doctrinale et pastorale, est bien dans la ligne du Motu Proprio. Il interprète bien le texte et la pensée du législateur Benoît XVI. Qui pourrait dire le contraire.
Il peut donc légitimement conclure : « Un prêtre célébrant habituellement la messe dans sa forme « extraordinaire » ne pourrait refuser cependant, si les circonstances pastorales l’exigeaient et si les autorités légitimes le demandait, de célébrer la messe dans sa forme ordinaire » – ou plus simplement « la messe de Paul VI ».
Quelques remarques.
Tout cela nous inspire quelques réflexions :
Reconnaissons, tout d’abord, que cette ligne rappelant formellement le droit de l’antique messe est nouvelle dans l’Eglise.
Ce n’était pas la pensée et la législation qui étaient exprimées, par exemple, dans la lettre de Jean-Paul II : Quattuor abhinc annos de 1984, ni dans le Motu Proprio du même pape Ecclesia Dei. Certes, la lettre de 1984 prévoyait bien le retour, – un certain retour -, de la messe « tridentine » dans l’Eglise, plus clairement affirmé encore dans Ecclesia Dei Adflicta, mais elle ne faisait que « concéder » ce rite antique aux prêtres et aux groupes de fidèles la demandant. Le pape Jean-Paul II ne faisait que conférer aux Evêques l’autorisation – un indult – de « concéder » cette messe de Saint Pie V, encore fallaient-ils que les « demandeurs » ne « mettent pas en doute la légitimité et la rectitude doctrinale du missel romain promulgué en 1970 par le Pontife romain Paul VI ». Le « droit » à la messe « antique » n’était pas reconnu pour autant. On ne parlait que de « concession », que d’« indult ». Le législateur ne le voulait que « temporaire » pour obtenir « une certaine paix ecclésiale ». C’était clairement dit par le Cardinal Re, à l’époque, Substitut de la Secrétairerie d’Etat pour les affaires générales, dans une lettre à M de Saventhem, président honoraire d’Una Voce Internationale : « Les diverses dispositions prises depuis 1984 avaient pour but de faciliter la vie ecclésiale d’un certain nombre de fidèles sans pérenniser pour autant les formes liturgiques antérieures. La loi générale demeure l’usage du rite rénové depuis le Concile, alors que l’usage du rite antérieur relève actuellement de privilèges qui doivent garder le caractère d’exception…Le premier devoir de tous les fidèles est d’accueillir et d’approfondir les richesses de sens que comporte la liturgie en vigueur dans un esprit de foi et d’obéissance au Magistère en évitant toute tension dommageable à la Communion ecclésiale ».
Vous le voyez : la législation de l’Eglise, du Concile Vatican II jusqu’à l’élection de Benoît XVI, ne conférait nullement un droit à l’ancienne messe. Le missel de saint Pie V était supprimé. On n’osait pas le dire « abrogé ». Nous étions en 1994, le 17 janvier 1994.
Toutefois, en cette matière liturgique, les choses bougeaient puisqu’en 1998, le 24 octobre 1998, le cardinal Ratzinger, le futur Benoît XVI, s’élevait là contre et reconnaissait, s’appuyant sur l’autorité du cardinal Newman que « l’Eglise dans son histoire, n’avait jamais aboli ou défendu des formes liturgiques orthodoxes, ce qui serait tout à fait étranger à l’esprit de l’Eglise ». L’affirmation était nouvelle et tout à fait opposée à celle de Mgr Re.
Quoi qu’il en soit en 1994, la loi générale en liturgie demeurait l’usage du rite rénové depuis le Concile. C’était l’affirmation de Mgr Re.
On connaît la réponse merveilleuse de M de Saventhem : « Il insiste sur l’affirmation : « sans pérenniser pour autant les formes liturgiques antérieures ».
« Même ecclésiologiquement, cette clause parait indéfendable. La « liturgie classique » du rite romain de la messe est déjà doué de pérennité intrinsèque en tant que monument incomparable de la foi. Son usage universel et multiséculaire bien avant la Constitution Apostolique « Quo Primum » lui confère en outre la pérennité canonique de la « consuetudo immemorabilis ». Par conséquent, la « pérennisation » dont parle votre lettre n’est aujourd’hui ni à octroyer ni à ôter à la liturgie classique – elle est simplement à reconnaître et à faire respecter dans les dispositions réglant son emploi à côté des rites réformés ».
Voilà qui est bien dit.
Voilà ce qui fut fait très heureusement par le cardinal Ratzinger une fois élu pape. Le Motu Proprio de Benoît XVI, en 2007, est très clair : « Il est permis de célébrer le sacrifice de la Messe suivant l’édition type du Missel romain promulgué par le Bienheureux Jean XXIII en 1952 et jamais abrogée, en tant que forme extraordinaire de la liturgie de l’Eglise » (p. 9. Art I § 2).
Cependant, tout en reconnaissant le droit de l’ancienne messe, de la « liturgie classique » du rite romain, et tout en confessant son droit, le pape Benoît XVI demande clairement le respect et la reconnaissance de ce qu’il appelle « la forme ordinaire (messe de Paul VI) du rite romain ». La messe dite de saint Pie V et la messe de Paul VI sont, pour lui, deux expressions du seul et même rite romain, « deux mises en œuvre de l’unique rite romain ».
Nous voilà avec un bi-ritualisme déclaré de droit !
C’est l’objet de l’article 1 que nous avons cité plus haut.
Il affirme dans sa lettre aux Evêques, « qu’il n’y a aucune contradiction entre l’une et l’autre édition du Missale Romanum ». Il y a seulement, « croissance » et « progrès » mais « nullement rupture ». Et c’est pourquoi il dit que les prêtres des communautés qui adhèrent à l’usage ancien ne peuvent pas non plus, par principe, exclure la célébration selon les nouveaux livres » (p. 24). Le bi-ritualisme est de droit.
Ce n’est pas que le bi-ritualisme, dans l’Eglise latine fasse problème. L’Eglise latine a toujours eu de nombreux rites divers : le rite dominicain, le rite lyonnais…Mais c’est la coexistence « pacifique » de ces deux « expressions », « l’ordinaire » et « l’extraordinaire » du missel romain qui fait problème.
Pour certains et pour moi, il ne peut s’agir du même et unique missel romain. Mgr Gamber, ce grand « liturge », est formel.
Voilà un nouveau problème soulevé !
Problème que le père Jehan a du présenter à Mgr Pozzo lui laissant entendre les difficultés que certains éprouvaient et éprouvent encore pour célébrer la « nouvelle messe » non encore « réformée » comme le souhaite pourtant clairement Benoît XVI dans la lettre d’accompagnement où il parle d’une plus grande « sacralité » de la célébration de la messe de Paul VI. Le père Jéhan a du présenter à Mgr Pozzo l’argument du droit propre et exclusif à la messe tridentine que réclament certaines nouvelles communautés de droit pontifical. Ils affirment que leurs constitutions fondatrices, leurs statuts canoniques, reconnus par Rome, leur accordent ce droit.
C’était l’argument que présentait déjà en 1999 le père de Blignière, supérieur des pères de Cheméré, dans le n° 68 de sa revue « Sedes Sapientiae ». C’est aussi ce que pense le père Jehan concernant les constitutions du monastère du Barroux. C’est ce que demande et pense aussi M l’abbé Philippe Laguérie pour l’IBP. Le père Jehan se fonde sur l’autorité de Mgr Stankiewicz, doyen du tribunal de la Rote. Mgr Pozzo écouta et s’intéressa à son argumentation : « Mgr Pozzo a cependant écouté l’opinion que Mgr Stankiewicz, doyen du tribunal de la Rote, avait exprimée au père Jehan après avoir lu attentivement les constitutions du Barroux, et selon laquelle un moine-prêtre du Barroux n’a pas le droit de célébrer selon le Novus Ordo Missae, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur du monastère. Ainsi l’obligation de célébrer selon l’ancien rite serait un droit-devoir particulier qui s’applique aux moines du Barroux, et cela est vrai où qu’ils se trouvent ».
Je veux bien croire que c’est l’interprétation que donne Mgr Stankiewicz des constitutions du monastère du Barroux. Mais Dom Gérard, ne se montra pas si catégorique en cette affaire…C’est pourtant lui le vrai législateur du Barroux, lui qui peut en donner la juste interprétation puisqu’il les a écrites.
Les justes critiques de la messe de Paul VI.
Pour comprendre ici cette instance, cette demande de l’exclusivité du rite saint Pie V, il faut connaître la résistance opiniâtre qu’ont menée pendant près de quarante ans, des personnes éminentes de l’Eglise refusant la nouvelle messe, en raison de son caractère équivoque. Mgr Lefebvre parlait de « messe bâtarde ». Il faut se souvenir du cardinal Ottaviani et du cardinal Baggi présentant au Souverain Pontife Paul VI une lettre de supplique demandant l’ « abrogation » de la nouvelle messe ou du moins que ne soit pas enlevée, aux fidèles « la possibilité de continuer à recourir à l’intègre et fécond Missel romain de saint Pie V… si profondément vénéré et aimé du monde catholique tout entier ». Ils en précisaient la raison. « Ce nouvel ORDO MISSAE….s’éloigne de façon impressionnante, dans l’ensemble comme dans le détail, de la théologie catholique de la Sainte Messe, telle qu’elle a été formulée à la XXIIème session du Concile de Trente, lequel, en fixant définitivement les « canons » du rite, éleva une barrière infranchissable contre toute hérésie qui pourrait porter atteinte à l’intégrité du Mystère ». Ils présentaient au Souverain Pontife de nombreuses critiques – le Bref Examen Critique – que l’on peut résumer dans la scandaleuse définition de la messe donnée en l’article 7, tellement éloignée de la doctrine catholique .Elle dut être modifiée avant la publication définitive de la Constitution Missale Romanum et de la nouvelle messe – sans la moindre modification sur le rite lui-même…. De plus, l’expression narratio institutionis que l’on trouve dans l’Institutio generalis pour exprimer l’action sacerdotale accomplie lors du Canon romain n’est pas moins troublante. La messe n’est en rien une narration, ni une simple commémoration du sacrifice de la Croix, mais bel et bien le sacrifice de la Croix perpétué sous mode sacramentaire, non sanglant. Les formules de la Consécration sont dites par le prêtre d’une manière « intimative » et non « récitative ». C’étaient les raisons, parmi bien d’autres, d’un père Calmel, d’un abbé Dulac d’un Mgr Lefebvre, d’un Mgr de Castro Mayer, d’un Jean Madiran, d’une Melle Luce Quenette . C’étaient les raisons de leur « non possumus », de principe, ne voulant en rien, ni les uns ni les autres, mettre le doigt dans l’engrenage de cette réforme liturgique « équivoque ».
C’est ce qu’exprimait merveilleusement M de Saventhem toujours dans sa réponse à Mgr Re contestant son expression « les richesses de sens » de la nouvelle messe. Aujourd’hui, Benoît XVI parle de « valeur » et de « sainteté ». (Lettre d’accompagnement au MP. P. 24). Il lui répondait : « Permettez moi, Excellence de formuler une ultime demande de clarification, relative au dernier alinéa de votre lettre. Qu’entendez vous par les « richesse de sens » que comporte d’après vous, la liturgie en vigueur ? Au sein de notre mouvement, beaucoup se sont livrés à la recherche de telles richesses, au rythme de la promulgation successive des livres liturgiques réformés. Ils ont fait état des résultats de leurs travaux dans un nombre impressionnant de livres, de monographies, d’études et de commentaires, dont nul ne peut contester le sérieux. S’ils ont pu noter une augmentation quantitative – oraisons, lectures, préfaces et même prières eucharistiques – des textes désormais mis à la disposition de ceux qui organisent les célébrations, ils ont en même temps dû constater une baisse généralisée dans leur contenu théologique, menant à la « banalisation » de nos fonctions liturgiques au détriment de leur sacralité et donc de leur identité catholique. Parallèlement, il y a eu un rapprochement continu aux services religieux de diverses communautés non catholiques. En d’autres mots : la liturgie catholique romaine a dû payer les frais de l’ « option œcuménique » ! Et au lieu d’un enrichissement de la tradition liturgique de l’Eglise catholique, on a vu le gaspillage de son patrimoine le plus précieux. N’est-il pas du « premier devoir » de tout catholique fidèle d’œuvrer à la sauvegarde de cet unique trésor, instrument principal de l’évangélisation, confié à l’Eglise par Notre Seigneur pour le salut de toutes les âmes ? »
C’est pour exprimer ce « premier devoir » essentiel que nos anciens, jadis, et nous-mêmes, aujourd’hui, voulons rester attachés à la messe de toujours en invoquant ce droit exclusif inhérent à nos constitutions approuvées et reconnues par Rome.
Pour moi, cependant, c’est le plus faible des arguments. La force de notre position – notre non possumus historique – reste et restera l’analyse intrinsèque de la nouvelle messe de Paul VI. Notre droit ne se fonde pas d’abord sur un texte juridique, fut-il des constitutions même approuvées par Rome. Notre droit se fonde d’abord sur la foi, sur le dogme. Le droit ne vient qu’après. Il n’est qu’une conséquence du bien, du vrai sur lequel il légifère. J’ai personnellement horreur du « positivisme juridique », en tout domaine. Ce n’est pas parce que l’avortement est interdit par la loi que je suis contre l’avortement. Je suis contre l’avortement parce que l’avortement est, en soi, un mal, un crime que le droit doit interdire. Je suis opposé à la nouvelle messe parce que la nouvelle messe n’est pas bonne. Elle a même eu des effets catastrophiques pour l’Eglise et ses fidèles. Elle a contribué à la diminution de la pratique religieuse.
Devant cette attitude et sa justification comment a réagi Mgr Pozzo ?
« Mgr Pozzo a dit qu’il connaissait Mgr Stankiewicz. Pour sa part, il ajouta que, même si la lettre pontificale accompagnant Summorum Pontificum précise que les prêtres célébrant l’ancien rite ne peuvent pas refuser par principe la célébration du nouveau, cela laisse ouverte néanmoins la possibilité d’un droit propre pour certaines sociétés dont les membres célébreraient selon l’ancien rite exclusivement ».
Cette dernière affirmation est nouvelle, terriblement nouvelle. Nous nous en réjouissons. Mais est-elle totalement « crédible » ? Que vaut « ce droit propre » ?
Elle est nouvelle.
Qu’on se rappelle les difficultés rencontrées par les prêtres de la Fraternité saint Pierre en 1999 et 2000. Qu’on se rappelle la législation que l’on appela la législation Médina. Elle est totalement en contradiction avec ce dernier jugement de Mgr Pozzo. Qu’on se rappelle les trois questions posées à la Congrégation du culte divin et de la discipline des sacrements présidée, à cette époque, par le cardinal Medina. Qu’on se rappelle les réponses romaines. Ces réponses donnaient la jurisprudence romaine, jurisprudence reconnue, à l’époque, par toutes les autorités romaines.
Trois questions furent posées en effet à Rome concernant la célébration de la Nouvelle Messe par les prêtres des communautés sacerdotales ou religieuses dépendant de la commission Ecclesia Dei Adflicta, désirant donc garder exclusivement la messe de saint Pie V.
1. Ces prêtres peuvent-ils célébrer la Nouvelle Messe?
2. Les autorités de ces sociétés de quelque dignité qu’elles soient peuvent-elles interdire à leurs prêtres de célébrer la Nouvelle Messe?
3. Peuvent-ils aussi concélébrer dans le nouveau rite?
Le 3 juillet 1999, Rome donnait les réponses dans un texte de la Congrégation du culte divin qui a pour titre « Réponse officielle » :
« Des questions relatives au pouvoir et aux empêchements liés à l’Indult concédé par l’autorité légitime permettant d’utiliser le Missel romain de 1962 sont parvenues à cette Congrégation. Le Conseil Pontifical de l’Interprétation des Textes ayant répondu à ces questions, la Commission Pontificale « Ecclesia Dei » a examiné ces réponses selon son devoir et les a approuvées. Nous en communiquons les textes sous forme de réponses aux questions
posées.
1.Un prêtre, membre d’une communauté qui jouit du pouvoir de célébrer la Messe selon le rite en vigueur avant le renouvellement liturgique du Concile Vatican II, voulait savoir si le Missel romain promulgué par le Souverain Pontife Paul VI pouvait être librement utilisé lorsqu’il célèbre le Sacrifice Eucharistique pour le bien des fidèles, ne serait-ce qu’occasionnellement, dans une paroisse où est célébrée la Messe selon le Missel de Paul VI.
Réponse : Oui avec précision pour mémoire : La raison consiste en ce que, vu que l’usage du Missel pré-conciliaire n’est concédé que par Indult, demeure le droit liturgique en faveur du rite romain commun, selon lequel le Missel en vigueur est celui promulgué par le Concile Vatican II. Bien plus, le prêtre cité plus haut doit célébrer selon le Missel d’après le Concile, si la célébration a lieu dans une communauté qui utilise le rite romain d’aujourd’hui, afin qu’il ne survienne pas un certain étonnement et un certain malaise chez les fidèles et pour que lui-même, disponible, soit une aide pour ses confrères prêtres qui réclament ce service de charité pastorale. Dans les communautés accoutumées au Missel d’aujourd’hui, l’usage du Missel précédent entraînerait quelques difficultés (exemples : différences dans le calendrier liturgique, désaccord des textes liturgiques pour la liturgie de la Parole, différences dans les gestes catholiques, dans la façon de recevoir la Sainte Communion, dans les rôles des servants, etc.).
2. Les supérieurs – de quelque dignité qu’ils soient – des communautés qui bénéficieraient de l’Indult permettant d’utiliser le Missel Romain de 1962 pour la célébration du Sacrifice Eucharistique peuvent-ils interdire aux prêtres de leurs instituts l’usage du Missel romain d’après le Concile, alors que ceux-ci célèbrent pour le bien des fidèles, même si occasionnellement, dans une communauté où le Missel romain est utilisé ?
Réponse : Non, parce que l’usage du Missel romain de 1962 est accordé par l’Indult pour l’intérêt des fidèles qui sont attachés par un lien particulier au rite romain d’avant le Concile Vatican II, et un usage de ce genre ne peut pas être imposé aux communautés célébrant la Sainte Eucharistie selon le Missel et les réformes du Concile Vatican II, communautés envers lesquelles, d’ailleurs, les Supérieurs de tels Ordres n’ont aucune autorité.
3. Un prêtre, membre d’un Ordre qui bénéficie de l’Indult, peut-il, sans inconvénient concélébrer une Messe dite selon le rite romain d’aujourd’hui ?
Réponse: Oui, parce que l’Indult accordé aux prêtres n’enlève pas le droit commun liturgique de célébrer le rite romain selon le Missel Romain en vigueur. C’est pourquoi un Supérieur ou un Ordinaire ne peut ni ne doit lui interdire la concélébration. Au contraire, il est louable que ce prêtre précité concélèbre librement, surtout lors de la Messe du Jeudi-Saint que préside l’Evêque diocésain. Bien « qu’il soit toujours donné la possibilité à ce prêtre de célébrer la Messe seul, mais pas en même temps et dans la même église, ni le Jeudi-Saint » (cf. Conc. Vat. II Const. De Sacra Liturgia Sacrosanctum Concilium, n.57, § 2,2). Le signe de communion, mis en relief par la concélébration, est si fort à la Messe Chrismale qu’on ne doit jamais renoncer à concélébrer, sauf raison grave (cf. ibidem, n.57, § 1, Ia).
Pour la Congrégation du Culte Divin et de la Discipline des
Sacrements, le 3 juillet 1999.
Georgius A Card Medina Estavez, praefectus
Franciscus Pius Tamburrino, Archiepiscopus a Sacratis
Voici les réponses romaines à ces trois questions particulièrement « épineuses » et toujours d’actualité. Ces réponses sont fondées sur l’affirmation que la nouvelle messe est « le droit commun en matière liturgique » et que le droit particulier ne peut se dresser contre, ne peut s’y opposer. De plus, la messe ancienne n’est qu’une concession, qu’un « indult » donné à ces communautés Eclesia Dei.
La position de Mgr Pozzo est donc bien nouvelle
Il faut en effet reconnaître que les choses ont changé en ce domaine grâce au Motu Proprio de Benoît XVI. Il reconnaît le droit à égalité entre « la forme extraordinaire et la forme ordinaire du missel romain ». On ne pourrait plus dire aujourd’hui que le « droit commun liturgique » est la messe nouvelle.
La position de Mgr Pozzo est nouvelle. Mais est-elle crédible ?
Toutefois la lettre d’accompagnement du Motu Proprio de Benoît XVI rappelle que « pour vivre la pleine communion, les prêtres des communautés qui adhèrent à l’usage ancien ne peuvent pas non plus, par principe, exclure la célébration selon les nouveaux livres. L’exclusion totale du nouveau rite ne serait pas cohérente avec la reconnaissance de sa valeur et de sa sainteté ». (p.24)
Ainsi cette exclusivité du rite liturgique de saint Pie V fondée sur les constitutions des communautés Ecclesia Dei, est-elle simplement possible ? Les paroles du pape semble dire le contraire.
Cette exclusivité me semble toujours rester un « droit particulier » face au droit commun en matière liturgique qui inclut, de droit, certes la forme extraordinaire – ce qui est nouveau – mais aussi la forme ordinaire du rite romain. On ne pourrait donc de soi l’exclure.
C’est pourquoi je resterais prudent. L’opinion de Mgr Pozzo que le père Jéhan résume bien, peut-elle faire à elle seule jurisprudence ?
Et même plus, n’y a –t-il pas une certaine contradiction dans cette opinion de Mgr Pozzo : « Même si la lettre pontificale accompagnant Summorum Pontificum précise que les prêtres célébrant l’ancien rite ne peuvent pas refuser par principe la célébration du nouveau, cela laisse ouverte néanmoins la possibilité d’un droit propre pour certaines sociétés dont les membres célébreraient selon l’ancien rite exclusivement ».
Nos amis des communautés Ecclesia Dei l’ont cru en 1999. Ils se sont trompés. Rome en a jugé autrement. Rome disait déjà en 1999, qu’aucun prêtre “ne peut refuser en principe de célébrer selon l’une ou l’autre forme”. Concrètement, cela implique, pour lui, que si un prêtre, célébrant normalement selon la forme extraordinaire, se trouvait dans une situation de nécessité pastorale dans laquelle l’autorité compétente exige une célébration selon la forme ordinaire, il devrait accepter de le faire ». On l’a vu plus haut. Ce fut toujours la position du Vatican. Ce le fut lorsque l’ancienne messe était considérée comme un simple indult, propre à certaines communautés. C’est encore affirmé alors que l’ancienne messe est considérée non plus comme un indult mais comme un droit.
Aussi j’attendrai les événements et le règlement des « conflits » en cette matière pour voir et pour conclure à l’instar de Mgr Pozzo : « Même si la lettre pontificale accompagnant Summorum Pontificum précise que les prêtres célébrant l’ancien rite ne peuvent pas refuser par principe la célébration du nouveau, cela laisse ouverte néanmoins la possibilité d’un droit propre pour certaines sociétés dont les membres célébreraient selon l’ancien rite exclusivement ».
Je n’en suis pas si sûr que lui. Que veut dire, du reste, cette expression : « cela laisse ouverte la possibilité d’un droit propre ». Cette expression « cela laisse ouverte la possibilité… » me paraît une expression bien faible, bien incertaine, pour ne pas dire équivoque. Si c’est simplement « possible » ce n’est pas absolument « certain ». Ce qui est possible n’est pas toujours certain. Si la chose était si claire et si sûre, l’expression aurait du être différente.
Comme disent les anglais : « Wait and see ».
Et de toute façon, n’oublions pas que le droit est fondé sur la foi et non l’inverse.
Gardons cette mâle assurance dont parlait Dom Guéranger à ses moines : « Il est dans le trésor de la Révélation des points essentiels, dont tout chrétien, par le fait même de son titre de chrétien, a la connaissance nécessaire et la garde obligée… Les vrais fidèles sont les hommes qui puisent dans leur baptême (en période d’hérésie) l’inspiration d’une ligne de conduite ; non les pusillanimes qui, sous le prétexte spécieux de la soumission aux pouvoirs établis, attendent, pour courir à l’ennemi ou s’opposer à ses entreprises, un programme qui n’est pas nécessaire et qu’on ne doit point leur donner ».