SOURCE - Anne le Pape - Présent - 14 octobre 2016
La fondation d’un Institut
L’abbé Philippe Laguérie, supérieur de l’Institut du Bon Pasteur, évoque pour Présent les dix ans de sa création et en envisage les dix ans à venir.
— Depuis la naissance de l’IBP il y a dix ans, que s’est-il passé dans cette jeune communauté ?
— La fondation en a été assez facile : avec quatre confrères, les abbés Christophe Hery, Paul Aulagnier, Guillaume de Tanoüarn et Henri Forestier, nous sommes allés deux fois à Rome, et l’Institut du Bon Pasteur a été reconnu lors de notre deuxième visite, le 8 septembre 2006. La maison mère, la paroisse Saint-Eloi, à Bordeaux, a été régularisée très vite, début 2007.
— Saint-Eloi est toujours la maison mère ?
— Effectivement, et l’unique paroisse personnelle de l’lnstitut… en attendant des petites sœurs, qui ne sont pas encore nées. Très rapidement aussi, nous avons fondé le séminaire, grâce à la générosité de l’abbé Aulagnier, qui nous a trouvé un bail emphytéotique à la maison de Courtalain, où nous avons acheté depuis une ancienne maison de retraite (cf. Présent du 21 février 2015). Ainsi, dès l’année 2006-2007, nous avons pu accueillir une petite dizaine de séminaristes.
— De qui dépend l’IBP ? Quelles sont vos relations avec Rome ? N’y avez-vous pas une maison ?
— Nous dépendons directement de Rome, de la commission Ecclesia Dei. Mon supérieur hiérarchique est le cardinal Muller, puisque la Commission a été rattachée il y a quelques années à la congrégation pour la doctrine de la foi.
Nous avons effectivement ouvert une maison à Rome, notamment parce que nous avions des séminaristes qui avaient déjà suivi deux ou trois ans d’études qu’ils devaient poursuivre au sein des facultés romaines.
— Quelle impression cela fait-il, Monsieur l’abbé, d’être supérieur d’une congrégation de droit pontifical ?
— Je n’en tire aucune vanité, je suis très surpris, mais je me console en me disant que si je pense avoir quelques qualités, je ne suis pas sûr d’avoir eu celles prévues pour ce rôle. Et précisément, c’est pour moi une grande paix que de savoir que Dieu m’a utilisé à une position qui n’était pas du tout mon fait : c’était donc le sien ! Ce qui est très réconfortant au point de vue surnaturel.
— De quelle nature sont vos relations avec les évêques français ?
— Ils sont tous très polis, très aimables, et assurent ne rien avoir contre l’IBP. Ils essaient de nous pousser à célébrer quelquefois la nouvelle messe, ce qui est contraire à nos statuts et à notre décret d’érection, donc impossible chez nous, et ceci définitivement. On ne changera pas l’ADN du Bon Pasteur…
— Mais l’accueil ?
— Lorsque nous sommes installés quelque part, tout se passe bien, mais quant à s’installer, c’est autre chose ! Nous sommes pour l’instant présents en France à Bordeaux, à Courtalain (diocèse de Chartres), au centre Saint-Paul à Paris (le cardinal Vingt-Trois donne les pouvoirs à tous nos prêtres parisiens), à Marseille, à Rolleboise dans les Yvelines, et nous desservons un certain nombre d’églises à Montmirail (diocèse du Mans), à Manou (diocèse de Chartres), aux Chapelles-Bourbon, dans le diocèse de Meaux.
— Les relations avec les évêques étrangers sont-elles plus faciles ?
— De toute évidence ! Nous avons nos implantations étrangères en Amérique du Sud et en Pologne. Dans ce dernier pays, cela n’a pas été si facile, car l’Eglise y est puissante et tout y est extrêmement cadré. Mais on peut dire que cela prend vigoureusement forme. Nous y avons trois prêtres, avec le soutien de l’évêque.
Les évêques d’Amérique du Sud sont très accueillants. Nous avons une maison canoniquement érigée à Sao Paulo, une très belle église à Brasilia, deux prêtres à Belém, au nord du Brésil, et quatre prêtres à Bogota.
Nous savons bien que ce qui fait les vocations, ce sont les prêtres, or il faut six ans pour former un prêtre. L’avenir est à nous…
— L’abbé de Tanoüarn, créateur du centre Saint-Paul à Paris depuis dix ans, songe à se retirer. L’IBP compte-t-il reprendre le centre ?
— Il est vrai que, lorsque l’affaire Sainte-Rita a démarré, l’idée de l’abbé était de fermer le centre Saint-Paul pour se replier à Sainte-Rita. Il m’a alors proposé de reprendre le centre, et j’étais partant, malgré mes nombreuses obligations (voyages internationaux, cours à Courtalain etc.). Là-dessus sont arrivés les événements que vous savez, dont Présent tient bien au courant ses lecteurs, et finalement, à ce jour, le ministère de l’abbé sur place se résume à une messe mensuelle devant Sainte-Rita. Il se replie donc pour l’instant sur le centre Saint-Paul, en attendant les suites de l’affaire.
— N’avez-vous pas un prêtre professeur dans une université romaine ?
— Mais si ! Nous avons deux prêtres docteurs en philosophie diplômés de La Sorbonne : le célèbre abbé de Tanoüarn, bien sûr, avec sa thèse sur Cajétan, et l’abbé Matthieu Raffray, qui a soutenu sa thèse il y a quelques mois. Très ami avec le recteur de l’Angélique, la plus importante université de Rome, le père Bonino, il s’est vu proposer un poste de professeur sitôt son doctorat obtenu. Nous avons donc deux prêtres sur place à Rome : l’abbé Raffray, supérieur, et un Italien très sympathique, Giorgio Lenzi, également secrétaire personnel du cardinal Castrillon Hoyos, ce qui nous permet relations et contacts sur place.
— Venons-en au pèlerinage du 25 octobre à Rome : peut-on s’y joindre ?
— Bien sûr ! Nous sommes catholiques, donc universels… Nous nous sommes agrégés au pèlerinage Summorum Pontificum. Les autorités du pèlerinage, en particulier mon ami l’abbé Barthe, nous y ont alloué un créneau, en quelque sorte. Nous organisons une procession avec des reliques de la Sainte Croix et une messe spécial anniversaire dans Saint-Pierre de Rome, en présence des cardinaux Castrillon Hoyos et Burke, et de Son Excellence Mgr Pozzo, secrétaire de la commission Ecclesia Dei.
— Vous avez d’impressionnants prélats dans vos soutiens !
— Je peux vous citer aussi le cardinal Muller, mon supérieur donc. Nous avons de très bons contacts avec le cardinal Sarah, et en France avec le cardinal Ricard, puis avec d’autres moins connus en Europe, comme ceux de Sao Paulo et Brasilia.
— Monsieur l’abbé, plein de courage pour les dix ans à venir ?
— Bien sûr ! Si on n’est pas courageux à dix ans ! Savez-vous que, dans les causes de canonisation (ne croyez pas que je veuille introduire la mienne !), la fondation d’un institut ou d’un ordre est tenue pour un miracle ? Car unir les volontés, les esprits, pour une cause aussi surnaturelle, est un petit tour de force – que fait le Bon Dieu ou qu’il ne fait pas…
— Donc tous les espoirs vous sont permis ?
— Je ne sais pas s’ils sont permis, mais je les ai !
----------
Propos recueillis par Anne Le Pape
Pour le 10e anniversaire de la fondation de l’Institut du Bon Pasteur, messe le 28 octobre 2016 en l’église Santi Luca e Martina, à Rome, à 18 h 30. Renseignements : domussancticlementis@gmail.com