SOURCE - Abbé Henry Wuillod - Le Rocher n° 69 - février 2011
1er novembre 2010
Notre cher abbé Mörgeli donne l’exemple aux jeunes, il reste plein de vie et de projets, et c’est lui qui nous a stimulés pour que quelque chose se fasse en cette journée des 40 ans de la Fraternité au lieu même où elle fut fondée, c’est-à-dire comme tout le monde le sait, à Fribourg.
Une messe solennelle est donc célébrée où se retrouvent nos deux jubilaires de cette année : les abbés Mörgeli et Weber, qui re-fêtent leur 25 ans de sacerdoce. Un apéritif nous retient encore à la chapelle Notre-Dame Gardienne de la foi, où l’abbé Mörgeli nous rappelle la pensée de Mgr Tissier de Mallerais (1) :
« la Fraternité Saint Pie X a été conçue à Rome, est née à Fribourg… et a grandi à Ecône » !
La capitale du bord de la Sarine reste donc un lieu hautement historique pour l’Eglise.
Suite à cela, une petite dizaine de soutanes se dirige vers un bon petit restaurant du centre ville, où l’entrée est remarquée et remarquable, car en face de la porte siège une bonne partie de la curie épiscopale. De courtoises salutations se font et on peut admirer nos abbés hésitants devant l’évêque Mgr Farine. Faut-il baiser l’anneau ? Et ce, avec génuflexion ou non ? Ou alors ne rien faire ? Oui, on a tous fait un peu autrement les uns les autres… mais sans incident diplomatique !
Notre table était bien animée et cela a dû agréablement impressionner un couple voisin qui paya une nouvelle bouteille avant de s’éclipser… mais ce n’en était pas fini des surprises, car la Providence voulait bien être de la partie en ce beau jour de fête. Une personne pour le moins généreuse régla la facture de tout le repas, que Dieu la bénisse.
Comment hésiter à porter la soutane après ça, mais si cela peut encourager certains clercs, tant mieux !
C’était donc le moment de rendre grâce à la bonne Madone de Bourguillon, celle qui garde la foi, qui la protège avec zèle et l’entoure de ses bras protecteurs. Le petit sanctuaire reçoit toujours de la visite et nous ne pouvons qu’encourager nos fidèles à y passer lorsque l’occasion se présente.
Il nous reste à aller encore à la première maison de la Fraternité à la rue de la Vignettaz et nous en profitons pour photographier nos deux jubilaires. Belle journée, et Deo gratias.
2 novembre 2010
Mon jour des morts se déroule en Valais, où avant de célébrer les trois messes, nous déménageons une familière qui va porter secours à notre école de Wangs. J’imagine que l’expression "familière" ne vous l’est pas trop ! En fait, il s’agit de personnes laïques – hommes ou femmes – qui se proposent de vivre dans nos communautés, apportant leur savoir-faire et leurs capacités. Dans bien des prieurés, ce sont de telles personnes qui "tiennent la baraque", et sans qui on verrait nos abbés manger froid, habillés drôlement, et nageant dans des brumes de poussière, car… les abbés, s’ils sont de ce monde, bien souvent ne le sont plus. Bref, que les personnes intéressées s’adressent directement à moi, surtout si elles répondent à certains critères de discrétion, d’efficacité et de bonhomie.
Je reviens à ce jour du 2 novembre, car l’abbé Maret a prévu de réunir tous les membres de l’école Fleurs de Mai, pour serrer les liens et donner une nouvelle impulsion suite au tragique décès d’un des enseignants de l’école. Ce fut nécessaire et donc bien de le faire, montrant bien la puissance de notre sainte religion, qui arrive toujours à tirer un plus grand bien de tout ce qui arrive.
10 novembre 2010
Bien des confrères viennent entourer l’abbé Mörgeli pour l’enterrement de sa maman à Dübendorf/ZH. Un prêtre qui accompagne sa mère en sa dernière demeure est une scène impressionnante ; lui reste seul car c’est le lien de nature le plus fort qui le rattachait à la terre qui vient de disparaître. D’où l’importance pour nous, sa famille spirituelle, d’être présents et d’entourer notre confrère dans le deuil. Ainsi plus de quinze prêtres, sans compter des frères et des religieuses ainsi que bon nombre de fidèles, vinrent soutenir notre cher abbé par leurs prières. Il est beau de voir concrètement ce lien de la charité qui existe dans notre chère famille de la Tradition. Mais nous voulons aussi souligner l’aimable souplesse du curé local qui permit sans aucun problème que la messe d’ensevelissement puisse se dérouler dans l’église paroissiale. Ce n’est pas souvent que cela arrive, c’est pourquoi nous nous plaisons à le souligner et surtout à en rendre grâces à Dieu.
12 au 14 novembre 2010
L’Italie du Nord en novembre est soit magnifique soit pénible. Oui, pénible lorsqu’il pleut, car c’est à verse et sous un brouillard bas. Mais lorsque le soleil se remet à luire, quelle splendeur ! Dans le Piémont et la Lombardie se trouve toute une série d’édifices impressionnants qui remontent tous aux XVe et XVIe siècles. On les appelle les Sacrimonti, c’est-à-dire des séries de chapelles construites sur un mont qui racontent comme un catéchisme en trois dimensions, à travers des fresques, des statues et des peintures, des épisodes de la vie du Christ ou de l’Ancien Testament. Ce sont des lieux de prière et de méditation, on peut même préciser qu’il y est facile de contempler, tant les scènes y sont parlantes, tant de tels lieux retirent du monde, et tant de saints y sont passés.
C’est donc à Varallo que nous découvrons un des neuf Sacrimonti, et qui est un des plus anciens et importants de la série. Pour situer brièvement pour nous Suisses, c’est juste de l’autre côté du massif du Mont Rose. Le Mont sacré de Varallo est formé d’une basilique et de quarante-cinq chapelles décorées et peuplées de plus de huit cents statues. L’idée géniale est d’introduire le plus possible le spectateur dans la scène afin de l’y faire vivre. Ce n’est pas pour rien que de tels parcours réels et mystiques tout à la fois furent des plus efficaces au temps de la contre-réforme catholique contre les assauts protestants dans l’Italie du Nord. Enfin nous espérons bien pouvoir organiser un pèlerinage qui ferait un peu le tour de ces sacrimonti, et nous faire découvrir cette tradition qui nous est si proche.
13 novembre 2010
Le 13 novembre 1475, lors de la bataille de la Planta, la Vierge Marie a délivré la ville de Sion de l’armée savoyarde.
Pour marquer cet anniversaire, une journée mariale d’action de grâces a été organisée le samedi 13 novembre à l’église de la Sainte Famille à Sion (Photo ci-contre).
La matinée était plutôt une récollection, avec une conférence de l’abbé Hervé Gresland sur les joies de la Sainte Vierge (puisque le 13 novembre fut autrefois en Valais la fête des sept joies de la Sainte Vierge) et deux chapelets médités récités en commun.
Un remarquable buffet a ensuite réuni les participants. Deux conférences étaient programmées l’après-midi : une de l’abbé Arnaud Sélégny sur le laïcisme, pour répondre à la tentative de supprimer le crucifix des écoles du Valais ; la deuxième, de l’abbé Yannick Escher, était une évocation historique de la bataille de la Planta et de son contexte.
A 18 heures l’abbé Pierre-Marie Maret célébrait une messe solennelle, suivie d’une procession aux flambeaux dans le quartier avec des cantiques en l’honneur de la Sainte Vierge, dont la statue était portée sur un brancard.
Le bon Dieu a donné un temps idéalement doux pour cette procession. Celle-ci s’est achevée par un salut du Saint-Sacrement et une consécration de la communauté à la Sainte Vierge. Un buffet et un vin chaud étaient ensuite offerts à tous les fidèles, heureux d’avoir pu ainsi honorer leur céleste Mère.
29 novembre 2010
Il est des retournements qui sont particulièrement impressionnants. Ici à Wil nous avons vécu un tel événement avec notre frère Armin. Deux à trois semaines plus tôt de passage dans notre prieuré, nous passons rendre visite à notre pauvre frère, dont l’état a bien empiré. Nous le voyons dans une chaise roulante, diminué bien que conscient. La gravité de son état ne lui échappe pas, la tumeur au cerveau continue son ravage. A vrai dire, on ne lui donne plus que pour quelques jours… mais c’est compter sans la Providence ni la médecine. Voici qu’en ce jour de réunion de prêtres à Wil, notre frère vient nous dire bonjour en marchant, presque comme dans le meilleur des mondes.
Mais avec les prêtres nous traitons d’un sujet qui peut intéresser tous et qui mérite une spéciale attention. Il s’agit de bien réagir et bien répondre devant une invitation reçue afin d’assister aux vêpres traditionnelles dans la cathédrale de Fribourg. La route de l’unité ! Une réunion en charité ! Qu’est-ce qui peut nous empêcher de répondre par l’affirmative ? On peut imaginer nos fidèles se scandalisant, se troublant ou au moins s’étonnant de voir la Fraternité Saint-Pie X dans une cérémonie avec des conciliaires, avec la Fraternité Saint-Pierre dans un même choeur d’église… Aussi nous faut-il des arguments clairs et solides pour ne pas manquer à la prudence ni à la charité. Car une frange d’ecclésiastiques ne nous regarde plus comme des pestiférés mais comme « ayant quelque chose à apporter dans ce monde en pleine mutation ».
Sur les principes, nous n’avons rien à objecter, puisque le rit est catholique et traditionnel, et nous pouvons présumer que cette cérémonie se passe entre catholiques. Cela veut dire qu’en soi on pourrait participer. Aussi devons-nous passer aux circonstances actuelles, et là s’élève un problème majeur : celui qui provient de la position des évêques suisses. Ces derniers nous considèrent comme hors de l’Eglise, preuves en sont les multiples réponses épiscopales nous interdisant une église pour cette raison, ou encore l’interdiction de vendre à la Fraternité Saint-Pie X ainsi qu’aux musulmans un quelconque édifice religieux. Si on est mis sur le même pied que l’islam, on peut bien imaginer à quelle place on nous classe.
Aussi une invitation, au moins officiellement, nous situe dans le cadre de l’oecuménisme, ce que nous ne pouvons pas tolérer parce que nous sommes dans l’Eglise et que nous détestons justement ce faux oecuménisme. Que ce passera-t-il si un prêtre ou même un évêque affirme que pour lui nous sommes dans l’Eglise ? Serons-nous alors obligés d’accepter une telle invitation ? Cela va dépendre de leur compréhension de l’Eglise… Car Vatican II dit que l’Eglise catholique subsiste dans l’Eglise du Christ, et nous avec la Tradition catholique nous disons que l’Eglise catholique est l’Eglise du Christ.
Pour beaucoup maintenant, nous sommes dans l’Eglise du Christ, même si nous ne sommes pas dans l’Eglise catholique, ce que nous ne pouvons naturellement pas accepter. Il y a toute l’ecclésiologie que nous subissons depuis quarante ans derrière ce principe.
Je tenais à vous faire part de telles explications, car notre attitude de défense n’est pas toujours bien interprétée. Or vous pouvez le constater, c’est une volonté d’obéir à des principes qui nous guident dans cette voie délicate. Car si nous n’écoutions que nos sentiments… chanter les vêpres dans une antique et vénérable cathédrale… il est évident qu’on accourrait pour le faire.
4 décembre 2010
C’est encore à Sion que l’on se retrouve pour la manifestation "Oui à l’Enfant", car encore une fois, la ville au coude du Rhône a refusé catégoriquement. On a pourtant essayé, accompagné d’un avocat nous avons rencontré le président et son second. Après avoir lancé le slogan « Martigny, ville ouverte », ils nous ont gentiment refusé, mais en nous précisant que si nous étions plus oecuméniques, on pourrait alors peut-être envisager une telle rencontre.
Nous avions l’impression de rêver, la radicale ville de Martigny mettant comme condition de s’oecuméniser ; c’est tout de même assez risible que les promoteurs de la séparation Eglise-Etat soit à même de s’ingérer dans les affaires religieuses. Enfin ce qui est sûr, c’est qu’ils ne veulent en faire avec nous, qu’ils se rassurent c’est réciproque ! Alors nous sommes de nouveau sur la place de la Planta, acquise sans aucun problème en 5 jours.
Là par un froid vif mais sous un si beau ciel, nous avons prié pour les victimes de l’avortement. Et pour la première fois, les jeunes pouvaient distribuer un nouveau dépliant considérant la vie dans le sein d’une mère sous les aspects de merveille de la création mais aussi sous les aspects de la foi. Notre Seigneur Jésus Christ fut aussi pareil lorsque, Verbe de Dieu, il s’est choisi un corps mortel pour venir nous sauver. Cette réalité est souvent un peu éclipsée par les défenseurs de la vie et pourtant c’est en soi notre meilleur argument. Que Dieu bénisse les bonnes âmes qui nous rejoignent régulièrement pour ce combat.
13 décembre 2010
Nous avons des sites extraordinaires dans notre pays et les bords du Rhin sont loin de contredire cette affirmation.
Ainsi lorsque l’abbé Schreiber me propose de visiter Schaffhouse et Stein am Rhein, c’est avec grand plaisir que la direction de la frontière nord est prise.
Ce que je trouve intéressant de vous narrer, c’est l’île de Werd (2) dans le Rhin, car ce fut dans ce lieu que saint Othmar mourut.
Celui-ci fut le successeur de saint Gall et le constructeur de l’abbaye de St-Gall qui par la jalousie des puissants de l’époque, fut condamné injustement du crime d’adultère et relégué dans ce lopin de terre.
Il reste là une communauté de franciscains et surtout une belle et antique chapelle qui possède une relique de notre saint.
Il est beau et impressionnant de se remémorer de telles histoires sur les lieux du drame et ce même Rhin qui coule là avec une indolence particulière, ne dit rien du mystère qui s’est déroulé entre Dieu et son saint.
Ainsi de Bâle à Constance, on trouve de tels lieux riches de profondes racines qui remontent le cours du temps.
Abbé Henry Wuillod
Notes
(1) Sermon à Ecône, le 29 juin 2010 (cf. Le Rocher no 67, pp. 10-11).
(2) Werd qu’on retrouve souvent en Suisse allemande (Schönenwerd, Werthenstein) qui signifie en vieux-allemand des endroits abrités et élevés situés dans des lacs, des fleuves, sur des promontoires.
(2) Werd qu’on retrouve souvent en Suisse allemande (Schönenwerd, Werthenstein) qui signifie en vieux-allemand des endroits abrités et élevés situés dans des lacs, des fleuves, sur des promontoires.