SOURCE - Abbé Brice Meissonnier, fssp - Sedes Sapientiae - mars 2007
Le mardi 2 janvier dernier, en la fête du Saint Nom de Jésus, l’abbé Franck Quoëx était rappelé à Dieu, terrassé par un cancer implacable. Ce prêtre de 39 ans seulement, incardiné dans l’archidiocèse de Vaduz (principauté du Liechtenstein), était d’abord, pour ceux qui eurent l’honneur de l’approcher et de le connaître, un prêtre d’une grande délicatesse et d’une grande courtoisie, élégant et discret, fidèle en amitié et d’une politesse exquise. Mais l’abbé Quoëx était surtout, et c’est en cela qu’il va cruellement manquer à la science ecclésiastique, un grand scientifique, un liturgiste incomparable, spécialiste incontesté de la liturgie romaine, de son histoire et de son cérémonial, un professeur recherché et aujourd’hui regretté. Toute la courte vie de l’abbé Franck Quoëx aura été centrée sur la liturgie.
Né le 21 juin 1967, à Bonneville en Haute-Savoie, d’une ancienne famille savoyarde, il aimait à se définir comme savoyard plutôt que français, signe de sa double culture, mêlant le meilleur de la France et de l’Italie.
Le mardi 2 janvier dernier, en la fête du Saint Nom de Jésus, l’abbé Franck Quoëx était rappelé à Dieu, terrassé par un cancer implacable. Ce prêtre de 39 ans seulement, incardiné dans l’archidiocèse de Vaduz (principauté du Liechtenstein), était d’abord, pour ceux qui eurent l’honneur de l’approcher et de le connaître, un prêtre d’une grande délicatesse et d’une grande courtoisie, élégant et discret, fidèle en amitié et d’une politesse exquise. Mais l’abbé Quoëx était surtout, et c’est en cela qu’il va cruellement manquer à la science ecclésiastique, un grand scientifique, un liturgiste incomparable, spécialiste incontesté de la liturgie romaine, de son histoire et de son cérémonial, un professeur recherché et aujourd’hui regretté. Toute la courte vie de l’abbé Franck Quoëx aura été centrée sur la liturgie.
Né le 21 juin 1967, à Bonneville en Haute-Savoie, d’une ancienne famille savoyarde, il aimait à se définir comme savoyard plutôt que français, signe de sa double culture, mêlant le meilleur de la France et de l’Italie.
En 1986, il entre au séminaire international Saint-Pie X à Ecône. Mais, en 1989, il rejoint le jeune Institut du Christ-Roi Souverain Prêtre, d’abord à Moissac, puis à Gricigliano. Il sera de cet institut l’emblématique cérémoniaire et professeur de liturgie.
Le 21 juin 1992, il est ordonné prêtre, dans et pour le rit tridentin, par le cardinal Pallazzini. Il commence alors des études de théologie à l’université pontificale de l’Angelicum à Rome, tout en assurant un ministère pastoral dans la Ville éternelle, ville plus que toute autre chère à son coeur, ville qui sera la passion de toute sa vie, ville où il aurait tant voulu mourir ! Car l’abbé Quoëx était foncièrement et viscéralement romain, dans ce que cette acception a de plus noble. Ce qui faisait dire à ses amis qu’il était « le plus romain des prêtres français ».
Le souvenir et les amitiés qu’il a laissés dans la capitale de la chrétienté sont à l’image de l’amour et de la passion qu’il portait à Rome.
En mai 2001, il soutient brillamment, dans la prestigieuse université romaine, sa thèse de doctorat, avec pour sujet : Les actes extérieurs du culte dans l’histoire du salut, selon saint Thomas d’Aquin. Ce thème original et riche lui permettra de développer ses talents de théologien et d’historien du culte.
L’alliance de ces deux facettes caractérisera toujours sa démarche intellectuelle, faisant ainsi de lui l’élève des grands liturgistes de la fin du XIXe et du XXe siècles. Parmi eux, citons le père Pierre-Marie Gy, o. p., qui, malgré leurs divergences sur le fond, avait loué à de nombreuses reprises et publiquement l’intelligence, l’érudition et la remarquable qualité des travaux liturgiques de l’abbé Quoëx. Les deux hommes s’estimaient grandement, et restèrent en contact fréquent jusqu’au décès du dominicain.
La thèse de doctorat, dont l’abbé Quoëx préparait la publication aux éditions Ad Solem, fut à l’époque remarquée par le cardinal Ratzinger, à qui elle avait été envoyée. Durant ces dernières années, l’abbé Quoëx reprit son sujet de thèse pour plusieurs articles importants dans diverses revues, comme la Revue thomiste (« Saint Thomas d’Aquin mystagogue : l’expositio missæ de la Somme de théologie ») ou Sedes Sapientiæ, à laquelle il confia cinq grands articles et des recensions (cf. bibliographie).
A partir de 2001, il est de plus en plus sollicité, pour des colloques, pour diverses recherches scientifiques, ou tout simplement pour son enseignement. Il était jusqu’à sa maladie professeur de liturgie au séminaire international Saint-Pierre de Wigratzbad, et au couvent Saint-Thomas d’Aquin de Chémeréle-Roi. Il venait aussi d’être nommé, quelques jours avant son décès, professeur à l’université pontificale Sainte-Croix à Rome, pour la rentrée 2007.
Le professeur Bruno Neveu (+), de l’Institut, président de l’Ecole pratique des Hautes Etudes, l’encourage à passer le diplôme de la prestigieuse institution qu’il dirige, ce qui requiert l’étude d’un sujet jamais exploité. L’abbé Quoëx choisit de faire le catalogue raisonné des manuscrits liturgiques de la Bibliothèque capitulaire de Verceil (Italie). Ce travail d’une folle érudition, qu’il prépare sous la direction du professeur Jean-Loup Lemaître, permet, pour la première fois, une classification et une étude de ces sources liturgiques inestimables et très précieuses pour l’histoire du culte. L’Ecole publiera prochainement le résultat de ce long labeur.
L’abbé Quoëx se spécialise dans l’histoire de la liturgie romaine durant le haut Moyen Age, et en particulier dans la transplantation et l’adaptation de cette liturgie dans l’espace franc. Dans ce domaine, il écrit des articles d’histoire de la liturgie, notamment pour la revue Ævum (université du Sacré-Coeur de Milan). Il participe aussi à plusieurs colloques et séminaires d’étude, comme le séminaire de musicologie médiévale de la Fondation Ars antica à Gênes, le troisième colloque international d’études du chant grégorien à Subiaco, etc. Son autre thème de prédilection est la liturgie papale. En 2005, il reçoit les félicitations du pape Benoît XVI, à qui il a fait parvenir une étude importante sur ce sujet.
Notre ami collabore aussi à plusieurs reprises avec le CNRS, dans le cadre du groupe de travail « Morphogenèse de l’espace ecclésial et religieux au Moyen Age ». Il préparait, toujours sous l’égide du CNRS, un travail à la fois remarquable et considérable : l’étude des diaires manuscrits des maîtres des cérémonies pontificales de l’époque moderne, dont la rédaction s’échelonne de la Renaissance au XIXe siècle, une étude inédite et fondamentale pour l’histoire de la liturgie papale. Ces diaires réglementent également des événements en lien avec le concept de souveraineté temporelle des papes, s’avérant d’une importance particulière pour la connaissance de la cérémonialité baroque en général. L’objectif était de montrer l’influence du cérémonial politico-religieux du pontife romain sur celui des cours européennes catholiques des XVIe et XVIIe siècles. L’abbé Quoëx proposait une étude systématique (catalogation, classification, édition des textes) de ces diaires, en commençant par celui de Paride de Grassi (cérémoniaire de Jules II vers 1520), jusqu’aux contemporains de l’avènement d’Urbain VIII (1623). Hélas ! cette contribution capitale à l’histoire de la liturgie restera inachevée.
Mais l’abbé Quoëx n’était pas qu’un pur intellectuel. Il fut aussi un grand praticien de la liturgie, un incomparable cérémoniaire. C’est peut-être d’ailleurs cette image qu’il laissera au « grand public ». Artisan de la restauration des rites pontificaux, dont il maîtrisait mieux que quiconque la pratique, il sut aussi former et inspirer toute une génération de disciples, qui aujourd’hui dirigent les cérémonies dans la plupart de nos instituts traditionnels. Son immense culture ne faisait jamais défaut, et il savait, non seulement expliquer les arcanes des rites liturgiques, mais aussi communiquer l’amour des cérémonies de l’Eglise.
Historien, théologien, praticien de la liturgie, mais aussi esthète, il était convaincu que « la parfaite beauté de la liturgie permet d’entrevoir la suprême beauté de Dieu », comme il l’écrivait. D’un goût infaillible, il ne confondait pas le beau et le clinquant, le raffiné et le pompeux, le sobre et l’indigent. Tout dans la liturgie doit participer à nous faire entrevoir « la suprême beauté de Dieu ». D’où le soin tout particulier qu’il apportait à retrouver les formes les plus nobles, les plus élégantes et les plus abouties de la paramentique. Inlassablement, à travers les tableaux, les fresques et les gravures, il se mit en quête de l’esthétique parfaite, sa préférence allant à la période de la Réforme catholique à Rome. Il fut le premier à faire réaliser, avec l’aide du célèbre paramentiste de Vérone, Piero Montelli, des ornements, des aubes, des surplis s’inspirant de cette période qui était à ses yeux celle de l’apogée de la liturgie catholique.
Son goût de la perfection le poussait encore à dessiner lui-même ses chandeliers, ses autels, les faisant réaliser par les meilleurs artisans italiens, avec l’aide d’un ami esthète, l’héraldiste romain Maurizio Bettoja.
Ne voulant pas garder pour lui seul le fruit de ses recherches, et voulant participer à sa manière au renouveau liturgique, l’abbé Quoëx avait projeté de fonder une Société pour l’étude et la promotion des traditions et des arts liturgiques (SEPTAL).
L’idée, originale et passionnante, était de rassembler ainsi des spécialistes de la peinture, de la sculpture, de l’architecture, de la musique, de l’héraldique, de la paramentique et de l’orfèvrerie religieuses, des liturgistes, des esthètes, des philosophes, des historiens de l’art, des théologiens du culte, des biblistes, des patrologues, le tout dans une optique délibérément tridentine.
Désireux d’unir la formation et la recherche, il envisageait la publication de Cahiers, pour transmettre le fruit de tous ces travaux. En excellent pédagogue, il souhaitait que les articles réunis soient scientifiques, précis, inédits, sans toutefois être abscons. Là aussi, sa mort prématurée l’aura empêché de mener à bien cet ambitieux projet, mais ne peut-il espérer que son idée aboutisse un jour ?
En 2005, il avait déjà fondé avec quelques amis et disciples, reprenant une idée du professeur Bruno Neveu, la Société Barbier de Montault, qui a pour objet de faire connaître la personne, l’oeuvre et l’esprit de Mgr Xavier Barbier de Montault (1830-1901). Ce prélat romain, archéologue, liturgiste, canoniste et héraldiste, fut à son époque un modèle atypique d’exceptionnelle érudition ecclésiastique. Dans une France fortement imprégnée de néo-gallicanisme, Mgr Barbier de Montault fut le propagateur inlassable de l’esprit, de la liturgie et des coutumes romaines. Il laissa une oeuvre colossale, livres et articles, se distinguant donc par un goût et une spiritualité profondément romaines. Une partie, encore inédite, pourra désormais être publiée. L’abbé Quoëx, premier président de la Société, était un disciple exemplaire de celui que le bienheureux Pie IX appelait « le plus liturgiste des archéologues et le plus archéologue des liturgistes ».
Le 21 juin 1992, il est ordonné prêtre, dans et pour le rit tridentin, par le cardinal Pallazzini. Il commence alors des études de théologie à l’université pontificale de l’Angelicum à Rome, tout en assurant un ministère pastoral dans la Ville éternelle, ville plus que toute autre chère à son coeur, ville qui sera la passion de toute sa vie, ville où il aurait tant voulu mourir ! Car l’abbé Quoëx était foncièrement et viscéralement romain, dans ce que cette acception a de plus noble. Ce qui faisait dire à ses amis qu’il était « le plus romain des prêtres français ».
Le souvenir et les amitiés qu’il a laissés dans la capitale de la chrétienté sont à l’image de l’amour et de la passion qu’il portait à Rome.
En mai 2001, il soutient brillamment, dans la prestigieuse université romaine, sa thèse de doctorat, avec pour sujet : Les actes extérieurs du culte dans l’histoire du salut, selon saint Thomas d’Aquin. Ce thème original et riche lui permettra de développer ses talents de théologien et d’historien du culte.
L’alliance de ces deux facettes caractérisera toujours sa démarche intellectuelle, faisant ainsi de lui l’élève des grands liturgistes de la fin du XIXe et du XXe siècles. Parmi eux, citons le père Pierre-Marie Gy, o. p., qui, malgré leurs divergences sur le fond, avait loué à de nombreuses reprises et publiquement l’intelligence, l’érudition et la remarquable qualité des travaux liturgiques de l’abbé Quoëx. Les deux hommes s’estimaient grandement, et restèrent en contact fréquent jusqu’au décès du dominicain.
La thèse de doctorat, dont l’abbé Quoëx préparait la publication aux éditions Ad Solem, fut à l’époque remarquée par le cardinal Ratzinger, à qui elle avait été envoyée. Durant ces dernières années, l’abbé Quoëx reprit son sujet de thèse pour plusieurs articles importants dans diverses revues, comme la Revue thomiste (« Saint Thomas d’Aquin mystagogue : l’expositio missæ de la Somme de théologie ») ou Sedes Sapientiæ, à laquelle il confia cinq grands articles et des recensions (cf. bibliographie).
A partir de 2001, il est de plus en plus sollicité, pour des colloques, pour diverses recherches scientifiques, ou tout simplement pour son enseignement. Il était jusqu’à sa maladie professeur de liturgie au séminaire international Saint-Pierre de Wigratzbad, et au couvent Saint-Thomas d’Aquin de Chémeréle-Roi. Il venait aussi d’être nommé, quelques jours avant son décès, professeur à l’université pontificale Sainte-Croix à Rome, pour la rentrée 2007.
Le professeur Bruno Neveu (+), de l’Institut, président de l’Ecole pratique des Hautes Etudes, l’encourage à passer le diplôme de la prestigieuse institution qu’il dirige, ce qui requiert l’étude d’un sujet jamais exploité. L’abbé Quoëx choisit de faire le catalogue raisonné des manuscrits liturgiques de la Bibliothèque capitulaire de Verceil (Italie). Ce travail d’une folle érudition, qu’il prépare sous la direction du professeur Jean-Loup Lemaître, permet, pour la première fois, une classification et une étude de ces sources liturgiques inestimables et très précieuses pour l’histoire du culte. L’Ecole publiera prochainement le résultat de ce long labeur.
L’abbé Quoëx se spécialise dans l’histoire de la liturgie romaine durant le haut Moyen Age, et en particulier dans la transplantation et l’adaptation de cette liturgie dans l’espace franc. Dans ce domaine, il écrit des articles d’histoire de la liturgie, notamment pour la revue Ævum (université du Sacré-Coeur de Milan). Il participe aussi à plusieurs colloques et séminaires d’étude, comme le séminaire de musicologie médiévale de la Fondation Ars antica à Gênes, le troisième colloque international d’études du chant grégorien à Subiaco, etc. Son autre thème de prédilection est la liturgie papale. En 2005, il reçoit les félicitations du pape Benoît XVI, à qui il a fait parvenir une étude importante sur ce sujet.
Notre ami collabore aussi à plusieurs reprises avec le CNRS, dans le cadre du groupe de travail « Morphogenèse de l’espace ecclésial et religieux au Moyen Age ». Il préparait, toujours sous l’égide du CNRS, un travail à la fois remarquable et considérable : l’étude des diaires manuscrits des maîtres des cérémonies pontificales de l’époque moderne, dont la rédaction s’échelonne de la Renaissance au XIXe siècle, une étude inédite et fondamentale pour l’histoire de la liturgie papale. Ces diaires réglementent également des événements en lien avec le concept de souveraineté temporelle des papes, s’avérant d’une importance particulière pour la connaissance de la cérémonialité baroque en général. L’objectif était de montrer l’influence du cérémonial politico-religieux du pontife romain sur celui des cours européennes catholiques des XVIe et XVIIe siècles. L’abbé Quoëx proposait une étude systématique (catalogation, classification, édition des textes) de ces diaires, en commençant par celui de Paride de Grassi (cérémoniaire de Jules II vers 1520), jusqu’aux contemporains de l’avènement d’Urbain VIII (1623). Hélas ! cette contribution capitale à l’histoire de la liturgie restera inachevée.
Mais l’abbé Quoëx n’était pas qu’un pur intellectuel. Il fut aussi un grand praticien de la liturgie, un incomparable cérémoniaire. C’est peut-être d’ailleurs cette image qu’il laissera au « grand public ». Artisan de la restauration des rites pontificaux, dont il maîtrisait mieux que quiconque la pratique, il sut aussi former et inspirer toute une génération de disciples, qui aujourd’hui dirigent les cérémonies dans la plupart de nos instituts traditionnels. Son immense culture ne faisait jamais défaut, et il savait, non seulement expliquer les arcanes des rites liturgiques, mais aussi communiquer l’amour des cérémonies de l’Eglise.
Historien, théologien, praticien de la liturgie, mais aussi esthète, il était convaincu que « la parfaite beauté de la liturgie permet d’entrevoir la suprême beauté de Dieu », comme il l’écrivait. D’un goût infaillible, il ne confondait pas le beau et le clinquant, le raffiné et le pompeux, le sobre et l’indigent. Tout dans la liturgie doit participer à nous faire entrevoir « la suprême beauté de Dieu ». D’où le soin tout particulier qu’il apportait à retrouver les formes les plus nobles, les plus élégantes et les plus abouties de la paramentique. Inlassablement, à travers les tableaux, les fresques et les gravures, il se mit en quête de l’esthétique parfaite, sa préférence allant à la période de la Réforme catholique à Rome. Il fut le premier à faire réaliser, avec l’aide du célèbre paramentiste de Vérone, Piero Montelli, des ornements, des aubes, des surplis s’inspirant de cette période qui était à ses yeux celle de l’apogée de la liturgie catholique.
Son goût de la perfection le poussait encore à dessiner lui-même ses chandeliers, ses autels, les faisant réaliser par les meilleurs artisans italiens, avec l’aide d’un ami esthète, l’héraldiste romain Maurizio Bettoja.
Ne voulant pas garder pour lui seul le fruit de ses recherches, et voulant participer à sa manière au renouveau liturgique, l’abbé Quoëx avait projeté de fonder une Société pour l’étude et la promotion des traditions et des arts liturgiques (SEPTAL).
L’idée, originale et passionnante, était de rassembler ainsi des spécialistes de la peinture, de la sculpture, de l’architecture, de la musique, de l’héraldique, de la paramentique et de l’orfèvrerie religieuses, des liturgistes, des esthètes, des philosophes, des historiens de l’art, des théologiens du culte, des biblistes, des patrologues, le tout dans une optique délibérément tridentine.
Désireux d’unir la formation et la recherche, il envisageait la publication de Cahiers, pour transmettre le fruit de tous ces travaux. En excellent pédagogue, il souhaitait que les articles réunis soient scientifiques, précis, inédits, sans toutefois être abscons. Là aussi, sa mort prématurée l’aura empêché de mener à bien cet ambitieux projet, mais ne peut-il espérer que son idée aboutisse un jour ?
En 2005, il avait déjà fondé avec quelques amis et disciples, reprenant une idée du professeur Bruno Neveu, la Société Barbier de Montault, qui a pour objet de faire connaître la personne, l’oeuvre et l’esprit de Mgr Xavier Barbier de Montault (1830-1901). Ce prélat romain, archéologue, liturgiste, canoniste et héraldiste, fut à son époque un modèle atypique d’exceptionnelle érudition ecclésiastique. Dans une France fortement imprégnée de néo-gallicanisme, Mgr Barbier de Montault fut le propagateur inlassable de l’esprit, de la liturgie et des coutumes romaines. Il laissa une oeuvre colossale, livres et articles, se distinguant donc par un goût et une spiritualité profondément romaines. Une partie, encore inédite, pourra désormais être publiée. L’abbé Quoëx, premier président de la Société, était un disciple exemplaire de celui que le bienheureux Pie IX appelait « le plus liturgiste des archéologues et le plus archéologue des liturgistes ».
Fervent admirateur de la poétesse italienne Cristina Campo (1923-1977), l’abbé Quoëx traduisit et présenta en 2006, pour les éditions Ad Solem, son recueil de poèmes liturgiques : « Entre deux mondes ». Avec elle, il partageait une conception plutôt « orientale » de la liturgie, vue comme célébration et contemplation des mystères divins. De même, il appréciait sa vision doctrinale de la liturgie : « Le combat de Cristina, s’il est mû par son amour de la beauté, ne se réduit pas à la seule dimension esthétique ou, plus exactement, il sous-tend le beau comme splendeur du vrai. Il suppose la foi et l’amoureux ravissement de tout l’être en Jésus-Christ. La liturgie est la beauté suprême, l’archétype de la poésie, parce qu’elle est théophanie du Verbe fait chair, rayonnement du divin Poète. C’est pourquoi ce combat peut et doit devenir doctrinal, mû non seulement par amour de ce qui est menacé, mais aussi par amour pour ce peuple de Dieu avide de ce sacré et de ces gestes sublimes dont on veut le priver » (1).
Enfin, comment ne pas souligner que l’abbé Quoëx était avant tout un prêtre, un pasteur d’âmes, un directeur spirituel ? Le souvenir qu’il a laissé dans ses divers lieux d’apostolat, Rome, Strasbourg, et, depuis 2004, Genève, Lausanne et Neuchâtel, nous prouve que sa mission sacerdotale était bien ce qui lui importait le plus. Il sut toucher les âmes par son intelligence, sa culture, certes, mais aussi et surtout par sa bonté courtoise et sa délicate charité. Et c’est en prêtre qu’il est mort, le 2 janvier 2007, à l’hôpital d’Aubonne, en Suisse. Laissons la parole aux amis qui l’ont veillé jour et nuit pendant un mois, jusqu’à son dernier soupir :
Notre cher abbé Quoëx est mort, oserais-je dire, comme un saint ! Après quelques mois de maladie implacable et une agonie qui aura duré plus d’un mois, de grandes souffrances, et toujours une grande générosité intérieure, des petits mots délicats, des plaintes détournées et à peine formulées, s’excusant d’être à charge. […] Toujours il a bu la prière comme une eau d’une grande saveur, tandis que tout le corps semblait brûlure. Il aimait particulièrement la prière de Jésus. Combien de fois nous aura-t-il demandé, sur le petit matin, après une nuit de souffrance : « Aidez-moi à me lever, je veux dire la messe... » ? Il fallait alors lui expliquer qu’il ne pourrait pas se lever, et que la messe, il la disait avec le Christ des douleurs, avant de la dire bientôt dans le ciel, cette belle liturgie du ciel dont il nous avait si bien parlé un jeudi saint... Il s’est éteint doucement ce matin, fête du Saint Nom de Jésus, tandis qu’une très proche le veillait.
Celle-ci, après avoir chanté l’hymne Jesu dulcis memoria et récité les laudes dans cette chambre d’hôpital, après lui avoir lu aussi un poème de Cristina Campo (Non si può nascere ma / si può morire / innocenti), s’est approchée, le soutenant, et lui a dit : « C’est la fête du Saint Nom de Jésus. Vous allez la célébrer là-haut, la liturgie du ciel est plus belle que celle que vous avez décrite. Allez-y, monsieur l’abbé, allez-y, la porte du ciel est grande ouverte ». Il a alors pris le souffle à deux reprises, et y est allé...
L’abbé Franck Quoëx avait trente-neuf ans et quinze ans de sacerdoce.
RIP
Brice MEISSONNIER
L’abbé Brice Meissonnier, 37 ans, est prêtre de la Fraternité Saint-Pierre. Ordonné en 1996 à Fontgombault, il a été successivement en ministère à Versailles et à Périgueux. Il est co-fondateur et secrétaire général de la Société Barbier de Montault et chapelain de l’ordre du Saint-Sépulcre. Il est l’exécuteur testamentaire de l’abbé Franck Quoëx.
1. Cristina Campo, Entre deux mondes. Poèmes liturgiques, traduction et présentation de Franck Quoëx, Genève, Ad Solem, 2006, p. 16. Cf. infra, p. 107, le compte rendu de cet ouvrage par Isabelle Solari.