Mgr Jean-Pierre Grallet, archevêque de Strasbourg, présente aux prêtres d’Alsace le Motu Proprio dans son bulletin diocésain L’Église en Alsace de septembre 2007. Il rappelle tout d’abord « ce que veut le pape » : « Il ne souhaite en aucune manière remettre en cause la légitimité de Vatican II, de même qu’il lui tient à cœur de souligner que l’Église n’a pas connu de rupture dans sa tradition au cours du Concile. Cette affirmation constitue d’ailleurs à elle seule la négation la plus vive du courant intégriste, qui dénonce une telle interruption ». Puis, il indique la « pratique actuelle du diocèse » : Association de fidèles Saint Arbogast dans le cadre juridique d’une paroisse personnelle. Mgr Grallet trouve cette pratique suffisante puisqu’elle devançait les dispositions de Summorum Pontificum, et il tient à souligner « le fait qu’en l’église Saint-Joseph de Strasbourg, les prêtres de la paroisse traditionnelle célèbrent, non seulement selon la forme traditionnelle du Missel de Jean XXIII, mais aussi selon la forme actuelle du Missel de Paul VI. De cette manière, il apparaît clairement que la messe dite de Saint Pie V n’a pas vocation à disqualifier la messe issue de la réforme liturgique, mais qu’elle peut être reconnue comme une forme extraordinaire de ce qui reste bien l’expression ordinaire de la lex orandi de l’Église ». - Les Strasbourgeois peuvent donc se féliciter d’avoir ainsi bénéficié des largesses du Motu Proprio avant le Motu Proprio !
Quelques prêtres, voire quelques fidèles seront peut-être tentés de demander un peu plus encore, c’est pourquoi l’archevêque de Strasbourg se voit contraint d’étudier « ce qui est susceptible de changer dans notre diocèse à la suite du Motu proprio », et de préciser : « Peut-être que certains d’entre vous (prêtres) utiliseront la faculté qui leur est désormais concédée de célébrer en privé la messe de 1962 (article 2). Je demande que cela soit fait de telle sorte que cela ne trouble pas la grande majorité des fidèles, et que cette célébration ne se substitue donc pas aux messes de semaine actuellement organisées dans les paroisses.
« Pour ce qui est des demandes qui émaneraient de groupes paroissiaux stables (article 5), je souligne la responsabilité propre des curés canoniquement désignés. Il n’appartient ni aux prêtres coopérateurs, ni aux vicaires, ni à un groupe de fidèles, de se substituer à leur autorité en la matière. Je veillerai, comme le Motu proprio le rappelle, à ce que cette disposition s’applique pour le bien des fidèles, et en ‘favorisant l’unité de toute l’Église’.
« Dans sa lettre d’accompagnement du Motu Proprio, le Pape prévoit que les demandes seront assez rares, d’autant qu’elles exigeront, de la part des prêtres et des fidèles, une connaissance approfondie du rite. Sera-ce le cas ? C’est vraiment souhaitable. La mise en application de ce Motu Proprio soulèvera bien des questions concrètes, souvent difficiles à résoudre (disposition des lieux, emploi du temps des prêtres, questions du peuple chrétien, etc.). Il faudra beaucoup de bon sens pastoral pour éviter que ne surgissent incompréhension et désaccords.
« Par conséquent, je demande aux fidèles attachés à la forme liturgique ancienne de la pratiquer, comme cela était déjà prévu dans notre diocèse, dans les deux lieux de cultes dévolus à la paroisse traditionnelle, à Strasbourg et à Colmar ».
En clair, à Strasbourg comme dans la plupart des diocèses de France, motu proprio rimera avec statu quo : pas de nouvelles églises pour la messe tridentine, ce qui existe déjà est largement suffisant et il est inutile de faire appel à des communautés Ecclesia Dei.
Au Canada, deux journaux anglophones et un quotidien francophone ont ouvert leurs colonnes à la mise en application du Motu Proprio.
« Les prêtres de Montréal disent qu’ils ne sont pas pressés de retourner au latin pour la messe » – publié par The Gazette du 25 septembre (Montréal)
« Le décret du pape ne correspond pas à la réalité, on n’en a même pas parlé », déclare un curé.
Le pape Benoît XVI a bien pu donner sa bénédiction à un usage plus étendu de la messe traditionnelle en latin dans les églises catholiques du monde entier, sa décision ne fait pas pour autant travailler les prêtres de Montréal sur le latin.
« Je n’ai pas eu une seule personne à me demander ou même à faire allusion au fait que nous devrions avoir une messe en latin », dit John Walsh, le curé de l’église St. Jean de Brébeuf à La Salle.
En fait, la décision du pape, cet été, de promouvoir l’ancienne messe en latin n’a pas même été évoquée dans les discussions que J. Walsh a eu avec ses confrères. « J’ai parlé à des prêtres, mais personne n’a amené ce sujet dans la conversation, » a-t-il précisé. « Cela ne signifie rien pour mes amis prêtres. » J. Walsh déclare qu’il a célébré la messe en latin pour la dernière fois dans une église de Dorval en 1968. Mais quand il a demandé à des paroissiens si c’était cette messe qu’ils voulaient, ils ont répondu : « Jamais plus, merci beaucoup ».
J. Walsh affirme que la décision de l’Eglise catholique, en juillet dernier, d’autoriser un plus large usage de la messe traditionnelle était une tentative du Vatican d’envoyer un rameau d’olivier aux disciples de Mgr Lefebvre, qui s’était séparé de Rome à cause de l’introduction de la nouvelle messe et d’autres réformes dans l’Eglise. Le Vatican l’avait excommunié en 1988 après qu’il ait consacré quatre évêques.
Les prêtres du coin disent qu’ils ne s’attendent pas à être submergés de demandes pour l’ancienne liturgie parce que les catholiques traditionalistes qui veulent avoir la messe en latin peuvent y assister dans quelques églises de Montréal, en particulier à l’église St. Joseph dans le quartier de la Petite Italie.
La messe traditionnelle a été largement marginalisée à la suite des réformes de Vatican II, concile qui a eu lieu entre 1962 et 1965. Les langues vernaculaires ont remplacé le latin et les prêtres se sont tenus face à l’assemblée au lieu de lui tourner le dos.
Avant le décret du pape en juillet dernier, les prêtres ne pouvaient célébrer la messe tridentine qu’avec la permission de leur évêque. Mais depuis ce mois-ci, les prêtres n’ont plus besoin de la permission de l’évêque et peuvent célébrer la messe tridentine si « un groupe stable de fidèles » le demandent, a décrété Benoît XVI.
Mais John Walsh dit que la majorité de ceux qui vont à la messe aujourd’hui ne veulent pas d’une messe dite en latin.
Nous utilisons la langue du peuple, ainsi nous pouvons exprimer notre foi et la comprendre, affirme-t-il. « Les gens sont très heureux de pouvoir comprendre le mystère de l’eucharistie dans leur propre langue. »
« Cela met la messe sur un autre plan » - paru dans The Record du 29 septembre 2007, journal de Kitchener, Ontario.
par Mirko Petricevik
Les fidèles de Kitchener disent que la messe en latin est comme la redécouverte d’un trésor.
Pour une petite assemblée de catholiques à Kitchener, dimanche dernier, célébrer (sic) la messe était leur manière habituelle d’entrer dans un mystère divin. Pour d’autres, il leur aurait semblé qu’ils remontaient le temps. Beaucoup de femmes dans les bancs avaient couvert leur tête d’une mantille. Le prêtre accomplit la plus grande partie de la liturgie en tournant le dos à l’assemblée. Et le son qui s’élevait vers les voûtes n’était plus un bruit familier dans les églises depuis 40 ans.
Les 50 fidèles réunis à l’église catholique romaine de Sainte-Anne assistaient à la grand messe chantée en latin.
Pour le moment, c’est la seule messe hebdomadaire tridentine célébrée dans la région de Waterloo. A la suite de l’annonce faite par le pape Benoît XVI cet été, il pourrait y en avoir bientôt plus.
Jusque dans les années 70, la messe tridentine était depuis des siècles la norme pour la célébration de l’Eglise catholique romaine. Mais après Vatican II – plusieurs sessions d’évêques, entre 1962 et 1965, qui décidèrent un aggiornamento de la liturgie –, une nouvelle messe célébrée en vernaculaire devint la norme partout dans le monde. En pratique, la messe tridentine ne pouvait être célébrée qu’avec la bénédiction de l’évêque responsable du territoire ou diocèse, où elle devait avoir lieu. Quand la nouvelle messe a été instituée, il y a près de 40 ans, le changement a été reçu comme un soulagement par certains, mais comme une immense perte par d’autres. Pour beaucoup de catholiques traditionnels, la célébration en latin, avec son décorum, était plus solennelle et plus digne. Des traditionalistes ont défié le Vatican et ont continué à célébrer l’ancienne messe, sans l’approbation des évêque diocésains. Bien que les relations semblent se réchauffer, ces groupes ne sont pas encore entièrement réconciliés. Cependant, pour beaucoup de catholiques, l’ancienne messe comportait des obstacles, comme le latin et le fait que le prêtre célébrait la plus grande partie de la liturgie en tournant le dos aux paroissiens.
Dans le diocèse d’Hamilton, qui comprend les paroisses de la région de Waterloo, une messe tridentine est régulièrement célébrée depuis les années 80, mais en des lieux différents au cours des ans.
La tradition incomprise
« L’orientation du prêtre pendant la messe tridentine est souvent mal comprise », dit l’abbé Howard Venette qui a célébré dimanche dernier à l’église Sainte-Anne.
« Les églises sont souvent bâties comme des vaisseaux », a-t-il expliqué lors de l’entretien qu’il nous a accordé, « Comme prêtre, ou comme capitaine si vous voulez, le célébrant conduit les fidèles vers Dieu ».
« Nous sommes tous tournés vers Dieu avec le prêtre comme médiateur et pasteur. Pas simplement dos au peuple ».
« De même, déclare l’abbé Venette, le latin convient parce que c’est la langue de la messe depuis de nombreux siècles. Le latin élève aussi la messe, ajoute-t-il. Cela élève la messe au-dessus de l’ordinaire, de l’expérience quotidienne et terre à terre des choses. Cela met la messe sur un autre plan ».
Dans la messe il s’agit « du mystère de la présence du Seigneur. Il est hautement symbolique que la langue soit elle-même mystérieuse ; elle vous amène ainsi à une compréhension du mystère », affirme-t-il.
L’abbé Venette, le curé de l’Oratoire Reine des Anges à St. Catharines, appartient à la Fraternité Saint-Pierre, dont les membres sont voués à la conservation et à la célébration de la messe tridentine.
Depuis que Benoît XVI a annoncé que l’approbation de l’évêque du lieu ne serait plus nécessaire à partir du 14 septembre, la Fraternité a été invitée dans plus de 15 diocèses en Amérique du Nord.
Alors que les paroissiens sortaient de Sainte-Anne dimanche dernier, Virginia Miller bavardait avec les autres fidèles. Elle nous a déclaré qu’elle assistait à la messe tridentine des environs depuis à peu près une dizaine d’années. Elle trouve que c’est la messe la plus pleine de révérence. D’autres paroissiens opinaient du chef. « C’est aussi la messe avec laquelle beaucoup de gens ont grandi », dit-elle. « On a l’impression de revenir chez soi. Mais la messe tridentine n’est pas une question de nostalgie », dit Ray Novokowsky, un autre fidèle qui aide à l’organisation de la messe hebdomadaire. « C’est une redécouverte, déclare-t-il, la redécouverte d’un trésor ».
« Catholiques et... voilées » - dans La Presse du 24 septembre 2007 (Montréal)
par Mario Girard
La plupart des femmes portaient une mantille blanche ou noire. Une affiche à l’entrée de l’église est d’ailleurs consacrée au code vestimentaire.
La scène est dépaysante. Plusieurs dizaines de fidèles récitent et chantent des prières en latin devant un prêtre entouré d’enfants de choeur. Entre des coups de clochettes et des balancements d’encensoir, on plonge son nez dans un missel.
Autre détail qui surprend : toutes les femmes ont la tête couverte d’un voile de dentelle. On se croirait dans les années 60. Pourtant, on est bien à Montréal, en 2007, dans une église catholique.
Tous les dimanches, l’abbé Dominique Boulet se rend à l’église Saint-Joseph, rue Dante, pour y dire la messe en latin. Membre de la Fraternité Saint-Pie X, le prêtre défend depuis une vingtaine d’années le rite latin, qui vient de recevoir l’approbation du pape Benoît XVI.
« Le 7 juillet dernier, Benoît XVI a publié un motu proprio qui redonne tous ses droits à la messe traditionnelle en latin, explique l’abbé Boulet, assis derrière un bureau, dans une soutane noire qu’il ne quitte jamais. Depuis le 14 septembre, cette décision est officiellement en vigueur », ajoute-t-il.
Grâce aux trois prêtres de la Fraternité Saint-Pie X du Québec, des messes en latin sont actuellement célébrées à Shawinigan, à Ottawa et à Montréal. La Presse y a assisté à l’église Saint-Joseph. On y a appris que des gens viennent d’aussi loin que Saint-Jérôme ou Cornwall, en Ontario, pour renouer avec des rituels que les moins de 40 ans ne connaissent pas.
« Ça, c’est une vraie messe », lance un paroissien avec une satisfaction non dissimulée.
« Dans le rite latin, c’est la seule messe qui traduise véritablement la foi catholique, nous explique Pierre Messier, un autre fidèle. C’est clair que le Novus ordo est déficient. »
Le Novus ordo, c’est ce qui est né du concile Vatican II, qui s’est déroulé entre 1962 et 1965, et qui a fait entrer l’Église catholique dans la modernité. « Le catholicisme a procédé à une capitulation, reprend M. Messier. Il n’aurait pas dû. Ceux qui ont fait Vatican II avaient des problèmes. »
Alors que les catholiques du Québec tentaient de redéfinir leurs rites religieux dans des messes à gogo, d’autres fidèles s’obstinaient à vouloir préserver les célébrations latines. Devant l’insistance de l’archevêché de Montréal, qui voulait définitivement mettre un frein à cette pratique, certains avaient même occupé une église au milieu des années 70 pour exprimer leur attachement au traditionalisme. Léo Laberge faisait partie de ceux-là.
« Nous avons passé 15 jours d’affilée dans l’église Sainte-Yvette en soutien à l’abbé Normandin, qui défendait cela, raconte M. Laberge. J’ai toujours cru en cela. Nos églises sont vides, alors qu’on construit des mosquées à Montréal. Peut-être que, s’il y avait plus de messes comme celles-là, on aurait plus de pratiquants. »
Des femmes catholiques voilées
Parmi les personnes qui assistaient à la messe d’hier, il y avait plusieurs femmes. La plupart portaient une mantille blanche ou noire. Une affiche, à l’entrée de l’église, est d’ailleurs consacrée au code vestimentaire.
« Nous rappelons la tradition bimillénaire qui requiert que les femmes aient la tête couverte », peut-on lire dans ce texte sur la « Modestie chrétienne ». Plus haut, on invite les femmes à porter des « jupes qui tombent huit pouces en-dessous des genoux ».
« Où est le problème? demande Pierre Messier. Ces femmes ne portent le voile que pendant la messe. Les musulmanes, elles, le portent 24 heures par jour. L’islam ne fait pas la différence entre le civil et le religieux. »
Venue avec son mari, Michèle Guy s’étonne de notre question. « Ah oui? Il y a un débat sur le port du voile ? Moi je ne vois aucun mal à cela. Ce qui compte, pour nous, c’est de retrouver ce que nous avions perdu. »
Aux nombreux rituels de la messe traditionnelle en latin sont greffées certaines valeurs. L’abbé Boulet les défend avec aplomb. Le sexe avant le mariage? « C’est non », tranche-t-il. L’homosexualité? « C’est clair, c’est contre nature. » L’alcool et la drogue? « Si c’est un petit verre, ça peut aller. Si c’est un vice, c’est non. » La contraception? « Non, nous suivons l’enseignement de l’Église et cela n’a pas changé. »
Mais quand on lui demande s’il se conformerait à une décision « révolutionnaire » du Vatican, comme par exemple la reconnaissance du mariage entre conjoints de même sexe, l’abbé Boulet devient hésitant. « On suit l’enseignement... Et de toute façon je ne peux pas croire que l’Église accepterait une chose pareille. »