SOURCE - Peregrinus - Le Forum Catholique - 30 juillet 2015
Dans les très intéressants Mémoires de l'abbé Hervé Le Sage, chanoine régulier prémontré avant la Révolution, puis chanoine de la cathédrale de Saint-Brieuc de la réorganisation concordataire à sa mort en 1832, publiés en 2012 aux Presses Universitaires de Rennes, on peut lire un texte figurant en annexe, que Samuel Gicquel date de 1821, sur l'usage du fichu en Bretagne au début du XIXe siècle, qui permet de constater que certains débats récurrents mais secondaires que l'on peut trouver dans le milieu traditionaliste sont bien loin d'être nouveaux.
Dans les très intéressants Mémoires de l'abbé Hervé Le Sage, chanoine régulier prémontré avant la Révolution, puis chanoine de la cathédrale de Saint-Brieuc de la réorganisation concordataire à sa mort en 1832, publiés en 2012 aux Presses Universitaires de Rennes, on peut lire un texte figurant en annexe, que Samuel Gicquel date de 1821, sur l'usage du fichu en Bretagne au début du XIXe siècle, qui permet de constater que certains débats récurrents mais secondaires que l'on peut trouver dans le milieu traditionaliste sont bien loin d'être nouveaux.
Quand on voit attaquer comme abus et surtout comme scandale et désordre certains usages des peuples que personne n'avait encore songé à censurer, ne serait-on pas en droit d'exiger que le réformateur commençât par prouver, d'une manière péremptoire au jugement des esprits sages, que ce qui allume son zèle est réellement condamnable, et au degré qu'il prétend ? [...]
Ce moyen de contrainte [la force] ne peut s'appliquer aux changements réclamés au nom de la religion ; il n'entre point dans la mission qu'ont reçue ses ministres. Elle se borne au devoir et au droit d'instruire, d'exhorter, de corriger, de reprendre par les seules armes de la parole. Encore faut-il qu'ils le fassent en toute charité, patience et doctrine. Les mœurs et les coutumes régnantes parmi le troupeau doivent rester étrangères à leurs sollicitudes quand elles ne blessent pas évidemment ou la pureté de la croyance ou la règle des devoirs et la sainte sévérité des lois du christianisme.
[...]
Sans y [dans les paroisses du diocèse avoisinant la Basse-Bretagne] être aussi généralement inconnu que dans les campagnes du Finistère et du Morbihan, l'usage du fichu n'y est pas habituel parmi le sexe des campagnes. Il va en ville et même à l'église sans cette pièce de vêtement ou de parure. [...] Les anciens pasteurs [d'avant la Révolution] n'y voyaient rien de choquant pour la modestie [...].
Mais ces hommes ont passé et d'autres d'un esprit différent sont arrivés brusquement à leurs places. La Révolution fit un vide immense dans le clergé, et dès que l'Eglise de France commença à respirer après une longue et cruelle persécution, le premier soin des évêques fut de travailler à former des ministres pour remplacer ceux qui avaient péri sous le glaive ou dans les cachots, ou que l'âge et les infirmités poussaient journellement dans la tombe. Tout se fit à la hâte, parce que le besoin était pressant et s'accroissait sans cesse d'une manière alarmante. Les études furent précipitées, imparfaites, bornées à ce qu'on nomma le strict nécessaire [...].
Tel fut le malheur des temps qu'il serait injuste et cruel de leur reprocher puisqu'il ne fut point leur ouvrage. S'il était permis de le leur rappeler, ce ne serait que dans la vue de les rendre plus circonspects et moins confiants dans leur propre sagesse. Si on leur a dit, ou qu'ils se soient figurés eux-mêmes, que tous les anciens prêtres étaient des hommes relâchés dans leurs principes et dans leurs mœurs, ils n'ont dû ni le croire ni se l'imaginer sans les avoir connus. Qu'ils se désabusent : ils ne se porteront pas si aisément à suivre tous les mouvements de leur zèle et à remuer imprudemment les bornes que leurs devanciers avaient respectées avec la parfaite maturité d'une longue expérience et en parfaite connaissance de cause.
Les instigateurs, fauteurs et adhérents de la guerre des mouchoirs ont réussi tout au plus à mettre quelques paroisses en trouble et en rumeur. Mais en est-il une seule où tout ce vacarme ait eu une issue dont ils puissent s'applaudir ?
Mémoires du chanoine Le Sage. Le diocèse de Saint-Brieuc de la fin de l'Ancien Régime à la monarchie de Juillet, texte présenté et annoté par Samuel GICQUEL, Presses Universitaires de Rennes, Rennes, 2012, pp. 165-169