Nous voici parvenus au mois de St Joseph, lequel reproduit dans son silence une part du mystère de Marie. De même que Notre-Dame unit la beauté de la virginité et celle de la maternité, Il unit en lui la beauté de la chasteté et celle de la paternité, « spirituelle » mais réelle, dans laquelle il est « l’ombre du Père » et le gérant de la paternité divine.
Cela nous introduit à quelques
considérations sur cette vertu devenue si rare, dont il est le modèle le plus
accompli et dont il est bien délicat de parler : la pureté. Nous vivons
dans un monde charnel, sans âme, environnés et imprégnés malgré nous d’une
ambiance sale et vulgaire ; et cette
difficulté d’en parler montre bien qu’elle touche une part de nous-même très
fragile, sensible et délicate dont le seul fait d’en parler risque de réveiller
ce qui a bien du mal à dormir. Et nos pauvres enfants, trop tôt habitués à
cette ambiance malsaine que secrète le monde, perdent bien vite leur fraicheur
et leur innocence. Trop tôt ils ne sont plus surpris par la vulgarité et
l’impureté, dans le langage, les images, les lectures sur lesquelles les
parents ne veillent pas toujours avec assez d’attention.
Nous évoquions le mois dernier la
figure d’Alessandro Serenelli. Devenu sage il rédigea ce testament :
« Je suis âgé de presque 80
ans, et ma journée va bientôt se terminer. Si je jette un regard sur mon passé,
je reconnais que dans ma première jeunesse j'ai pris un mauvais chemin :
celui du mal qui m'a conduit à la ruine ; j'ai été influencé par la
presse, les spectacles et les mauvais exemples que la plupart des jeunes
suivent sans réfléchir, mais je ne m'en souciais pas. J'avais auprès de moi des
personnes croyantes et pratiquantes, mais je ne faisais pas attention à elles,
aveuglé par une force brutale qui me poussait sur une route mauvaise. » (Alessandro
Serenelli, testament autographe, 5 mai 1961)
Le 28 avril 1947, à l'occasion de
la béatification de Maria Goretti, le pape Pie XII ne pouvait se retenir de
crier son angoisse en évoquant ce qui avait conduit Alessandro au crime :
« Grâce à Dieu, elles sont
encore nombreuses, plus nombreuses qu'on ne le suppose et qu'on ne le dit parce
qu'elles n'étalent pas leur sérieux et leur vertu comme les autres étalent leur
légèreté et leurs désordres, ces jeunes filles qui, éduquées par des parents
chrétiens, passent sereines et joyeuses mais modestes dans les rues de nos
cités ou les sentiers de nos campagnes pour se rendre là où les appellent les
devoirs familiaux, professionnels, scolaires, charitables ; elles savent faire
aimer leur grâce souriante mais en même temps respecter leur inflexible
dignité.
Elles sont nombreuses, sans aucun
doute (la cérémonie solennelle d'hier Nous en a donné une vision splendide)
mais elles seraient plus nombreuses encore s'il y avait de la part des parents
plus de bonté avertie et affectueuse, de la part des enfants plus de docilité
confiante.
Pour ne pas parler des
catastrophes qui précipitent tant de malheureux dans le fond de l'abîme, des
drames qui se terminent par une mort sans espérance, des décadences
progressives qui vont jusqu'à l'humainement irréparable, combien d'égarements,
de transactions, de capitulations ! Vertiges d'un instant que la légende fait
peut-être d'abord vaciller mais dont le souvenir ressuscite plus tard, comme
des bulles d'air à la surface d'une eau stagnante, avec des remords cuisants
dont l'amertume, même après le repentir et le pardon, ne s'adoucit jamais
complètement ici-bas.[…]
« Malheur au monde à cause
de ses scandales » (Mt 18,7).
Malheur à ceux qui corrompent
d'une façon consciente et volontaire par le roman, le journal, la revue, le
théâtre, le film, la mode inconvenante.
Malheur à ces jeunes gens légers
qui portent comme une blessure fine et légère l'infection morale dans un coeur
encore vierge.
Malheur à ces pères et mères qui,
par manque d'énergie et de prudence, cèdent aux caprices de leurs fils et
filles, renoncent à l'autorité paternelle et maternelle qui est sur le front de
l'homme et de la femme comme le miroir de la majesté divine.
Mais malheur aussi à tant de
chrétiens qui ne le sont que de nom, qui pourraient voir derrière eux se lever
des légions de personnes intègres et droites, prêtes à combattre par tous les
moyens le scandale.
La justice légale punit, et c'est
son devoir, le meurtrier d'un enfant. Mais ceux qui ont armé son bras, qui
l'ont encouragé, qui avec indifférence ou encore avec un sourire indulgent
l'ont laissé faire, quelle justice, quelle législation humaine osera ou pourra
les frapper comme ils le méritent ? Et cependant, les vrais, les grands
coupables, les voilà ! Sur eux, corrupteurs volontaires et complices inertes,
pèse la justice de Dieu ! »
Pourquoi insister sur cela ?
Parce que je pourrais faire un livre entier et épais sur les misères des âmes
d’enfants salies avant qu’ils aient eu la possibilité de se défendre contre ce
qui sollicite leur sensualité. Récemment, par exemple, j’ai fait confiance à la
publicité faite autour du livre Ainsi, Dieu choisit la France. Je m’étais dit
qu’il pourrait être intéressant pour nos élèves, et j’ai donc commencé sa
lecture. Je me suis arrêté au quart du chapitre sur Clovis, devant la
succession d’allusions salaces qui n’ajoutent rien au récit, bien au contraire !
Cette complaisance dans les bas-étages disqualifie l’ouvrage. J’en ai assez de
cette vulgarité envahissante, qui devient une mode même chez les meilleurs et à
propos de tout. L’exposé de cet auteur est peut-être excellent, mais n’a
vraiment pas besoin de ces éléments vulgaires qui, sans aucun doute, sont
totalement imaginés et introduits pour ajouter un peu de piquant.
Voici un autre exemple : il y
a quelques semaines, un contrôle des « téléphones » portables – dont
tout le monde sait qu’ils servent à tout, même parfois à téléphoner – a eu lieu
auprès des élèves dans une de nos écoles: films pornographiques, chansons
sataniques, etc. Et les parents, bien sûr, sont tombés des nues : pourtant,
nous surveillons nos enfants, nous les avons avertis, jamais nous n’aurions
imaginé cela, etc.
Je sais bien que la plupart des
parents veillent avec amour sur les enfants qu’ils doivent conduire dans les
voies de la vertu, mais… il en est quand même trop qui sont bien négligents. Et
il est aussi bien dommage que tant de parents soient si naïfs : lectures,
vidéos, films, internet, Facebook et autres réseaux sociaux, etc. Les enfants
naviguent dans ce monde virtuel sans aucun contrôle des parents et avec une
aisance stupéfiante, dans laquelle ils dépassent largement les adultes, et
leurs âmes se salissent, sans que les parents s’en inquiètent ! Et, par
leur inconscience, les parents deviennent complices des péchés de leurs
enfants. Il est aussi vraiment regrettable que parents et enseignants ne
parlent pas toujours le même langage, car il est évident que l’enfant ira
naturellement au plus facile, au plus séduisant…et, sans peut-être en avoir une
claire conscience, au plus salissant !
Il est admis que la prudence
requiert que les élèves soient munis d’un téléphone portable durant les trajets
en train ou autocar entre leur domicile et l’école (nul besoin d’un smartphone
pour cela !). Mais il leur est prescrit de déposer ce téléphone dès leur
arrivée à l’école. Dans nos écoles, les professeurs veillent à choisir les
lectures ou les textes à étudier, et à purger ceux qui sont imposés par la
soi-disant éducation soi-disant nationale ! Cela n’empêche pas tout, mais
préserve en partie les esprits d’être salis, envahis par la saleté et le vice
omniprésents dans les œuvres imposées.
Pourquoi les parents ne
prendraient-ils pas les mêmes précautions quand les enfants sont chez
eux ? Si la maison dispose d’un téléphone, les enfants n’ont pas besoin de
conserver leur portable (et encore moins s’il s’agit d’un smartphone !),
et peuvent le remettre à leurs parents jusqu’au prochain voyage ! Si la
maison dispose d’un ordinateur, les enfants n’ont pas besoin d’en avoir un
personnel ! Et si les parents aiment leurs enfants, ils se soucient de
leur travail, de leurs études, de leurs lectures, et même de leurs amitiés, de
leurs jeux et de leurs distractions, pour les préserver du mal et du
danger !
Nous n’empêcherons jamais un
enfant qui le veut de commettre des fautes, mais nous pouvons au moins tout
faire pour protéger sa faiblesse. De même que l’Eglise fait un devoir grave aux
parents de confier leurs enfants à des écoles catholiques, c’est un devoir
encore plus grave de veiller sur les activités, les études, les distractions et
les fréquentations de leurs enfants afin que toute leur vie demeure catholique,
et de favoriser ainsi la préservation de leurs âmes en état de grâce. Je suis
vieux jeu, direz-vous, bégueule et déconnecté des réalités du monde… je n’en
suis pas si sûr, mais est-il donc démodé d’être simplement chrétien, et de
vouloir éviter tout ce qui peut nous éloigner de Dieu ?
L’abbé Berto avait écrit sur ce
sujet un article précieux dans Itinéraires en novembre 1973 : Toute éducation
doit être virginale ! le monde n’était pas aussi avancé dans la liberté du vice
qu’il l’est aujourd’hui ! Je ne peux le citer ici mais il sera bon de s’y
reporter. Que dirait-il aujourd’hui, où tout est mixte, charnel, sensuel… où
nous visons assiégés d’images sensuelles et de musiques charnelles, où tout ce
qui est honnêtement naturel est galvaudé, sali, ridiculisé…? Et trop de parents
laissent leurs enfants livrés au péché du monde, avec cette fine réponse :
« Il ne faut pas être coincés… on ne peut pas tout refuser… il faut bien
faire un peu comme tout le monde, etc.… », sauf que le monde a perdu son
âme, et je pleure « sur l’innocence qu’on pourrit », et je
pleure sur ces parents qui ne sont plus en état de grâce parce que, par
négligence, ils ont laissé leurs enfants perdre cette grâce.
Avons-nous déjà oublié la jeune
Amélia, âgée de 19 ans, dont la Vierge a dit aux enfants de Fatima qu’elle
était au purgatoire jusqu’à la fin du monde ?
St Joseph, priez pour nous, et
protégez nos enfants.
St Joseph, patron et protecteur
des familles, veillez sur les parents chrétiens, afin qu’ils sachent aimer
leurs enfants au point d’être sévères avec eux, et qu’ils sachent les rendre
heureux en famille, sans écran petit ou grand, afin qu’ils n’aillent pas chercher
ailleurs des bonheurs qui n’en sont pas.
ANNEXE 1
TESTAMENT D’ALESSANDRO SERENELLI
« Je suis âgé de presque 80
ans, et ma journée va bientôt se terminer. Si je jette un regard sur mon passé,
je reconnais que dans ma première jeunesse j'ai pris un mauvais chemin :
celui du mal qui m'a conduit à la ruine ; j'ai été influencé par la
presse, les spectacles et les mauvais exemples que la plupart des jeunes
suivent sans réfléchir, mais je ne m'en souciais pas. J'avais auprès de moi des
personnes croyantes et pratiquantes, mais je ne faisais pas attention à elles,
aveuglé par une force brutale qui me poussait sur une route mauvaise. À vingt
ans j'ai commis un crime passionnel, dont le seul souvenir me fait encore
frémir aujourd'hui.
Marie Goretti, qui est
aujourd'hui une sainte, a été le bon ange que la Providence avait mis devant
mes pas. Dans mon cœur j'ai encore l'impression de ses paroles de reproche et
de pardon. Elle a prié pour moi, intercédé pour moi, son assassin.
Trente ans de prison ont suivi.
Si je n'avais pas été mineur, j'aurais été condamné à vie. J'ai accepté la
sentence méritée ; j'ai expié ma faute avec résignation. Marie a été
vraiment ma lumière, ma Protectrice ; avec son aide j'ai acquis un bon
comportement et j'ai cherché à vivre de façon honnête lorsque la société m'a
accepté à nouveau parmi ses membres. Avec une charité séraphique, les fils de
saint François, les frères mineurs capucins des Marches, m'ont accueilli parmi
eux non comme un serviteur, mais comme un frère. C'est avec eux que je vis
depuis 1936.
Et maintenant j'attends avec
sérénité le moment où je serai admis à la vision de Dieu, où j'embrasserai de
nouveau ceux qui me sont chers, où je serai près de mon ange gardien et de sa
chère maman, Assunta.
Puissent ceux qui liront ma
lettre en tirer l'heureuse leçon de fuir dès l'enfance le mal et de suivre le
bien. Qu'ils pensent que la religion avec ses préceptes n'est pas une chose
dont on puisse se passer, mais qu'elle est le vrai réconfort, la seule voie
sûre dans toutes les circonstances, même les plus douloureuses de la vie.
Paix et bien ! »
(Alessandro Serenelli, testament
autographe, 5 mai 1961)
ANNEXE 2
HYMNE de St CASIMIR A LA VIERGE
MARIE
Chaque jour, ô mon âme, rends tes
hommages à Marie,
solennise ses fêtes et célèbre
ses vertus éclatantes ;
Contemple et admire son
élévation ; proclame son bonheur et comme Mère et comme Vierge ;
Honore-là afin qu’elle te délivre
du poids de tes péchés ;
invoque-là afin de ne pas être
entraîné par le torrent des passions ;
Je le sais, personne ne peut
honorer dignement Marie ;
il est insensé pourtant celui qui
se tait sur ses louanges ;
Tous les hommes doivent l’exalter
et l’aimer spécialement,
et jamais nous ne devons cesser
de la vénérer et de la prier ;
O Marie, l’honneur et la gloire
de toutes les femmes,
vous que Dieu a élevée au-dessus
de toutes les créatures ;
O Vierge miséricordieuse, exaucez
les vœux de ceux qui ne cessent de vous louer ;
Purifiez les coupables et
rendez-les dignes de tous les biens célestes ;
Salut, ô Vierge sainte, vous par
qui les portes du ciel ont été ouvertes à des misérables,
vous que les ruses de l’ancien
serpent n’ont jamais séduite ;
Vous, la réparatrice, la
consolatrice des âmes au désespoir,
préservez-nous des maux qui
fondront sur les méchants ;
Demandez pour moi que je jouisse
d’une paix éternelle,
et que je n’aie pas le malheur
d’être en proie aux flammes de l’étang de feu ;
Demandez que je sois chaste et
modeste, doux, bon, sobre, pieux,
prudent, droit et ennemi du
mensonge ;
Obtenez-moi la mansuétude et
l’amour de la concorde et de la pureté ;
rendez-moi ferme et constant dans
la voie du bien.
Saint Casimir (1458-1484)
Prince de Pologne et Grand-duc de
Lituanie qui préféra rester célibataire
plutôt que de se marier pour se
consacrer à l'adoration du Saint Sacrement,
à l'amour de la Vierge Marie et
au renoncement.
Le 11 juin 1948 le Pape Pie XII
nomma saint Casimir patron spécial de toute la jeunesse.
Saint patron de la Lituanie, de
la Pologne et de toute la jeunesse pour son modèle de pureté.
ANNEXE 3
Toute éducation doit être
virginale
par l’Abbé V.-A. BERTO
De même qu’on impose aujourd’hui
l’ « information sexuelle » dans les écoles, de même on y avait
imposé, il y. a quelques années, la « mixité » : celle-ci pour
amener celle-là. L’une et l’autre, c’est la même question, le même plan, la
même satanique révolution. Voici la doctrine que l’abbé Berto enseignait à ce
sujet en octobre 1968, à la veille de sa mort (cf. ITINÉRAIRES, numéro 132
d’avril 1969, pp. 171-174).
UNE FONCTION qui n’apparaît qu’à
l’adolescence, qui s’éteint d’elle-même avec la vieillesse, qui sera sans
emploi dans la vie éternelle, est-il concevable que des chrétiens, qui savent
n’être ici-bas que des voyageurs en route vers la Cité future, lui attachent
tant de prix ?
Tout l’Évangile est virginal.
Jésus, et Marie sa mère, ont vécu dans la virginité ; il l’a conseillée
aux siens, sans déprécier d’ailleurs le mariage, comme le plus haut état de
vie. Il a donné en quelques phrases la loi austère de toute chasteté, virginale
ou conjugale. La discrétion, la délicatesse, la réserve de l’Évangile en cette
matière sont infinies. Pur comme une flamme, saint Paul est bien plus cru dans
son langage. Il avait à faire à des gens à qui il fallait parler clair et mettre
les points sur les i. Le Verbe incarné n’a point cru qu’il dût condescendre à
parler longuement de la chair et a laissé à ses Apôtres le soin de se colleter
avec les péchés dont elle est la cause. Mais il a dit une parole qui éclaire
tout :
« Au ciel on ne se mariera
pas, les élus seront comme des anges de Dieu, erunt sicut angeli Dei. »
Ainsi, trente, quarante ou cent
ans d’activité sexuelle, et encore facultative, et encore avec de longues
suspensions, et encore biologiquement et moralement soumise à des lois
restrictives – puis une éternité, une éternité ! de vie angélique, où la
personne débarrassée de son engagement dans une espèce animale, s’épanouit sans
fin en des activités spirituelles de connaissance et d’amour, même après la
résurrection de la chair, « seminatur corpus animale, surget corpus
spirituale ». Notre vie terrestre, durât-elle des siècles, n’est que la
courte préface à un livre qui n’aura pas de dernière page. C’est donc sur cette
vie éternelle que doit se concentrer tout l’intérêt, toute la volonté du
chrétien :
« Que sert à l’homme de
gagner l’univers, s’il vient à perdre son âme ? »
Croire cela, et braquer et
hypnotiser le chrétien sur le sexe, quelle indécence, quelle sottise, quelle
absurdité, quel non-sens ! Et en éducation, quel crime ! Ces gens
qui n’ont à la bouche que « la dignité de la personne humaine », et
qui en même temps la ravalent au niveau de ce qui en elle est le moins digne de
la personne, quels tartuffes !
L’enfant est une personne
humaine ; tout l’Évangile nous dit qu’il faut l’élever dans la vue constante
de ce qu’il est en tant que personne, selon les finalités propres de la
personne en tant que personne, et non en tant qu’il n’est encore
qu’imparfaitement une personne, seulement une personne humaine assujettie, si
elle s’y ploie librement, à des fonctions qui ne tiennent en rien à l’essence
de la personne, qui lui sont même foncièrement étrangères, et qui ne lui sont
liées accidentellement et pour un peu de temps qu’à raison de ce qu’elle est
engagée dans une espèce. Grandeur et misère de l’homme ! Mais il faut bien
voir où se situent cette grandeur et cette misère : la grandeur c’est
d’être une vraie personne, la misère, de n’être qu’une personne humaine. La
résurrection de la chair corrigera ce paradoxe. Jusque-là, il s’en faut
accommoder et dire que le bien de la personne humaine en tant qu’humaine, c’est
le mariage, et que le mieux de la personne humaine en tant que personne, c’est
la virginité. Comme l’éducateur doit viser haut, toute éducation doit être
virginale.
D’abord quant aux éducateurs.
L’Église tant qu’elle en a été maîtresse, a préférablement, sinon de façon
exclusive, confié l’éducation des enfants à des Instituts religieux. En dépit
des déclarations contraires, telle est encore sa préférence. Ces déclarations
du reste, ne sont pas sincères, elles ne sont que le camouflage d’une défaite
en victoire. Il n’y a plus de vocations et on fait ce qu’il faut pour qu’il y
en ait de moins en moins, alors on affecte de dire que les enfants sont mieux
élevés par des éducateurs mariés. Mensonge parmi tant d’autres.
Ensuite quant à l’enfant
lui-même : il faut l’attirer à la piété, à la connaissance et au goût des
choses divines qui seront sa joie éternelle. Qu’il « habite par avance
dans les cieux », que ses pensées soient, comme dit saint Paul, « de
tout ce qui est vrai, de tout ce qui est honorable, de tout ce qui est juste,
de tout ce qui est pur, de tout ce qui est aimable, de tout ce qui est de bon
renom » (Phil. 4-8). En temps opportun, lorsque depuis longtemps déjà
il est à Dieu dans son cœur, il prendra conscience sans trouble, sans secousse,
sans obsession, de sa masculinité ou de sa féminité ; cette partie de son
éducation et de lui-même – viendra s’insérer avec le concours de ses parents et
de ses éducateurs, dans un système déjà formé de valeurs chrétiennes, où le
sexe ne risque pas d’avoir plus que sa place, l’une des dernières en vérité, si
l’adolescent a déjà pris conscience de sa vraie dignité de personne, qui vient
toute de sa capacité de Dieu. Ainsi rien ne s’opposera en lui, ni à une
éventuelle vocation virginale, ni au mariage chrétiennement compris, lequel,
s’il comporte nécessairement un aspect charnel, le transcende continuellement.
La mixtité (et non mixité,
ces cuistres ne savent pas le français) est en train de ravager tout cela.
Ses promoteurs, si haut placés qu’ils soient, sont en état de damnation. Ils
jettent par milliers de malheureux enfants dans une occasion prochaine de
péché ; on n’empêchera pas des garçons de quinze ans juxtaposés à longueur
de classe à des filles du même âge, de chercher à savoir ce que cachent – bien
mal au surplus – ces jupes et ces corsages, ni ces filles, émoustillées par les
curiosités masculines, de ressentir le désir spécifiquement féminin d’être
vues, touchées, caressées. Tout le climat de l’école en est vicié, précocement
sexualisé et érotisé. Et quand ces garçons et ces filles seraient tous sans
exception des héros et des héroïnes, qui résisteraient à toutes ces occasions
et tentations (mais qui le croira ?), a-t-on le droit de les y
précipiter, de les y maintenir ? « Et moi je vous dis que quiconque
regarde une femme avec convoitise a déjà commis la fornication avec elle dans
son cœur. » Et réciproquement ! Seigneur Jésus, qui avez dit aussi
que nous devons devenir comme de petits enfants inconscients de leur sexe si
nous voulons devenir comme des anges dans votre royaume, que ferez-vous dans
votre justice de ces atroces corrupteurs, dont vous avez dit encore :
« Celui qui scandalise un de
ces petits qui croient en moi, mieux vaudrait pour lui qu’il fût jeté au
profond de la mer avec une meule au cou ? » Nous pleurons sur
l’innocence qu’on pourrit, sur les vocations qu’on ruine, nous combattons selon
nos forces, mais aussi nous prenons date, et nous en appelons solennellement à
votre tribunal au Jour de votre colère : « Ad tuum, Domine Iesu,
tribunal appello. »
Itinéraires N° 177, novembre
1973.