Il me semble que cette expression d'Eglise conciliaire peut
s'employer dans au moins trois sens différents.
1° Le premier sens est strictement chronologique et historique. L'Eglise
conciliaire, ou post-conciliaire, est l'Eglise des années ou des décennies qui
ont suivi l'événement conciliaire dont il est difficile de nier qu'il revêt une
importance capitale. Il y a incontestablement à ce titre une Eglise conciliaire
comme il y a une Eglise médiévale.
En ce sens, tous nous appartenons sans aucun doute à l'Eglise conciliaire.
2° Le deuxième sens est davantage sociologique et renvoie plutôt aux éléments
qui, dans l'Eglise de l'époque considérée, entretiennent le plus fort rapport
de conformité à cet événement conciliaire.
L'Eglise conciliaire est alors l'Eglise en tant qu'elle correspond aux
tendances identifiées comme conciliaires.
Il me semble que ce deuxième sens est lui aussi parfaitement justifié dans la
mesure où il existe bel et bien des tendances, des pratiques, voire des
mouvements organisés qui portent la marque du bouleversement consécutif au
dernier Concile.
En ce sens, sont éminemment conciliaires le pontificat actuel ou le cardinal
Kasper ; les traditionalistes quant à eux relèvent de l'Eglise conciliaire dans
la mesure où ils entretiennent avec elle, sous des modalités diverses, un
rapport d'opposition qui les rend, d'une manière originale, typiques de leur
époque.
3° Le troisième sens est en quelque sorte théologique, il touche à la nature de
l'Eglise, et il est certainement beaucoup plus difficilement acceptable :
l'Eglise conciliaire serait l'Eglise nouvelle issue du dernier Concile, qui
romprait à des titres divers avec l'Eglise catholique.
Ce troisième sens peut faire l'objet d'une interprétation progressiste et d'une
interprétation traditionaliste : dans le premier cas, l'Eglise conciliaire est
une sorte d'horizon d'attente, un projet à réaliser en "faisant
Eglise", dans le second, l'Eglise conciliaire est un monstre qui tend dans
les faits à se substituer à l'unique Eglise fondée par Jésus-Christ.
Il s'agit, dans un cas, de fonder une nouvelle Eglise, dans l'autre, de refuser
à l'Eglise réelle sa qualité.
Dans les deux cas, on tend à supprimer l'Eglise.
C'est à cause de la troisième acception que l'usage de l'expression est devenu
périlleux et risque de conduire à des malentendus et à des contresens.
Mais il me semble également que ce n'est pas nécessairement à la lumière de ce
troisième sens qu'il faut lire tous les usages qui ont pu en être fait de
manière légitime pour refuser l'attitude d'une part considérable des membres de
l'Eglise.
Peregrinus