SOURCE - Abbé Christian Bouchacourt, fsspx - Fideliter - mars-avril 2017
Avec les campagnes électorales successives, nous assistons aujourd'hui à un spectacle de désolation. Tandis que des affaires nauséabondes éclatent à chaque instant, que fusent les invectives, chaque candidat essaie d'éviter le naufrage électoral grâce à un « coup médiatique », au ralliement d'une personnalité, à un discours tonitruant. Pourtant, dans un monde compliqué, dangereux, angoissant, où règnent l'insécurité, le chômage, le délitement de la vie sociale, il serait urgent de tracer une voie claire, sage, possible et efficace.
Pourquoi ce chaos politique en un moment crucial ? C'est que le matérialisme a tout envahi, engloutissant le bien commun de la société « dans les eaux glacées du calcul égoïste ». La surabondance des biens matériels a rongé comme un acide les relations humaines, enfermant chacun dans son petit univers ou, tout au plus, dans son groupe, dans sa « bulle » personnelle : le spectacle massif et affligeant, dans les transports, de ces personnes coupées de leurs voisins par des écouteurs et pianotant frénétiquement sur leur téléphone sans regarder autour d'eux est une triste parabole de la société actuelle. Individualisme dont la source est clairement le protestantisme, primat de l'économique et « consommation » sont finalement les vraies valeurs contemporaines, au détriment de celles qui ont animé notre cher vieux pays durant de nombreux siècles.
Le bien commun temporel (dont le sommet est la vertu), objet propre et premier de l'action politique, est délaissé par les hommes politiques, aussi bien que par ceux qui les élisent, parce que le bien commun suprême, naturel d'abord, mais encore plus surnaturel, à savoir Dieu, est oublié, pire encore omis de façon systématique par la prétendue laïcité, voire combattu ouvertement. Un quotidien n'hésitait d'ailleurs pas à titrer récemment son éditorial (Libération du 23 mars) : « Il est temps de tuer Dieuet la patrie. » Le contenu ne déparait pas cette annonce : « notre combat contre Dieu », « notre mission première de créer un monde sécularisé », « éradiquer les références religieuses de toute notre législation ». Et l'éditorialiste concluait : « Nous devons trouver des moyens de tuer leur Dieu et de tuer leur amour pour leur patrie.»
Bien sûr, les politiques font semblant de ranimer le cadavre de la vie politique lors des joutes électorales. Mais cela ne signifie plus rien, car chacun n'a qu'un seul désir : être élu pour profiter de la place, ou élire celui qui fera avancer ses intérêts personnels.
Au milieu de tout cela, hélas !, l'Église « officielle » est muette, inexistante, alors que la religion est évoquée à tout bout de champ, mais pour l'attaquer, la diffamer. Les seuls moments où cette Église « officielle » s'exprime sont presque seulement ceux où elle hurle avec les loups. Personne, en particulier, ne prêche la doctrine sociale et politique de l'Église, qui serait si efficace pour notre société en crise.
D'où vient ce grand malheur naturel et surnaturel qui nous frappe et menace de nous anéantir ? D'un châtiment de Dieu ? Hélas ! ce serait un moindre mal. Quand Dieu châtie, sa correction est toujours accompagnée de miséricorde. Mais parfois, quand les hommes ont accumulé trop de péchés, quand ils ont trop abusé de sa miséricorde, quand ils se sont trop longuement détournés de lui, alors Dieu les abandonne pour un temps à eux-mêmes, à leur folie, à leur méchanceté, à leur aveuglement. Châtiment plus terrible que la foudre, le tonnerre, les tremblements de terre, les épidémies, les guerres.
Faut-il alors que nous baissions les bras ? Que nous désespérions ? Certainement pas ! Sans doute, nos moyens humains d'action sont fort limités, et nous ne pouvons prétendre changer d'un coup de baguette magique le cours politique et moral de nos sociétés. Mais nous pouvons travailler à préparer une renaissance chrétienne, en agissant pour Dieu et avec Dieu là où nous sommes, dans le cadre de notre devoir d'état, pour nous-mêmes (notre sanctification, tout simplement), pour nos familles, pour les sociétés (entreprises, associations, etc.) dont nous avons la charge et, dans la mesure des possibilités, pour la cité, dans la politique, en servant le bien commun et en travaillant, avec la grâce de Dieu, à reconstruire à petit bruit la chrétienté.
Abbé Christian Bouchacourt +, Supérieur du District de France de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X