SOURCE - Abbé Néri - Le Forum Catholique - 14 septembre 2017
Une époque formidable est un film français réalisé par Gérard Jugnot, sorti le 19 juin 1991. Il raconte la chute sociale d'un homme qui se retrouve au chômage, quitte son foyer plein de honte et se retrouve sans domicile fixe. Il rencontre des semblables qui lui permettent de survivre et de remonter la pente.
Une époque formidable est un film français réalisé par Gérard Jugnot, sorti le 19 juin 1991. Il raconte la chute sociale d'un homme qui se retrouve au chômage, quitte son foyer plein de honte et se retrouve sans domicile fixe. Il rencontre des semblables qui lui permettent de survivre et de remonter la pente.
Cependant a s'en tenir à cette simple synopsis du film on passerai à coté de l' amère ironie de cette mise scène. S'inspirant de la crue réalité sans toujours éviter les clichés on voit le protagoniste s'enfoncer dans la spirale de la misère avec son cortège d'horreurs : vol, envie, désespoir, prostitution, dureté, la mort même vue comme une véritable délivrance. Il trouve une issue incertaine dans l'amour humain... Mais dans ce portrait nul trace de la grâce !
On est dans un cadre post-chrétien, et le Paris où se situe la narration n'a changé qu'en pire en ce qui concerne la misère, il suffit de faire un petit tour du coté de la porte de la chapelle pour le voir. En fait, il s'agit d'un constat récurrent où la diminution progressive de la foi rends le problème plus âpre.
Ainsi par exemple, le 12 septembre 1943, une « bombe » éclatait dans l’Église de France sous la forme d’un livre intitulé : La France pays de mission ? Ses auteurs, Henri Godin et Yvan Daniel, étaient tous deux aumôniers de la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC). L’ouvrage marquera deux générations de prêtres et de laïcs chrétiens engagés et connaîtra plusieurs éditions dont celle de 1962 en format poche, en plein Concile Vatican II. L’ensemble totalisera 140 000 exemplaires. Le livre est publié à la demande du cardinal Suhard, l’archevêque de Paris de l’époque.
Il met l’accent sur le caractère inadapté du système paroissial pour de nouveaux types de chrétiens et préconise une pratique vécue sous d’autres formes communautaires.
Un siècle plus tôt, le même diagnostic était apparu dans trois documents remis à Mgr Sibour, l’archevêque de Paris, en 1849, au temps de la brève et deuxième République. Les auteurs y pointaient déjà la crise du système paroissial et présentaient des éléments de réforme.
Découverts par Yvan Daniel, ces trois documents ont été publiés en 1978 aux éditions Cana sous le titre La religion est perdue à Paris... : Lettres d’un vicaire parisien à son archevêque en date de 1849, suivies d’un Mémoire adressé au même.
En ce début du XXIe siècle, ces textes gardent toujours leur actualité de par les observations critiques et les questions de fond qu’ils posaient au christianisme dans des sociétés alors en voie de modernisation. Même s’ils restent encore enfermés dans un catholicisme traditionnel d’avant le Concile Vatican II, ils témoignent d’une vive aspiration à une pratique de la foi libérée des formules héritées des siècles passés.
La Concile étant passé par là, cette aspiration s'est vue promue et portée au sommets de l'Institution. En octobre 2012, à Rome, au cours de l’Assemblée générale du Synode consacrée à la nouvelle évangélisation, des voix se sont fait entendre pour reparler de ce « petit livre ».
C’est précisément de cette « analyse, lucide et passionnée », que s’est réclamé Benoît XVI, « soulignant le chemin ininterrompu de l’Église dans le monde contemporain ». C’est sur la base de la convergence de différents courants mûris au sein du catholicisme du XXe siècle que l’intuition de Jean XXIII de convoquer un concile voit le jour, l’aggiornamento étant son principal objectif.
S’appuyant sur les travaux du Synode, c’est au tour du pape François de renouer avec les constats et les orientations du livre de Godin et Daniel, à la fois dans ses gestes, ses paroles et ses écrits.
Ainsi, dans La Joie de l’Évangile, le premier chapitre est consacré à « la dynamique de la sortie » en cohérence avec l’Évangile. Le Christ emploie souvent le verbe sortir : « Le semeur sorti pour semer » – « Allons ailleurs dans les bourgs voisins, pour que j’y proclame aussi l’Évangile car c’est pour cela que je suis sorti du Père et que je suis venu dans le monde. »
L’Église en sortie est une Église aux portes ouvertes, en constante sortie vers les périphéries de son propre territoire ou vers de nouveaux milieux socioculturels.
Le cardinal Suhard, lui aussi, a employé ce même thème : « Constatons un fait. L’ensemble de nos populations ne pense plus chrétien. Il y a entre elles et la communauté chrétienne un abîme qui fait que pour les atteindre, il faut sortir de chez nous, aller chez eux ! »
Au Synode, en octobre 2012, Mgr Patenôtre, évêque de la Mission de France, avait cité la phrase du cardinal Suhard : « Il ne s’agit pas d’obliger le monde d’entrer dans l’Église telle qu’elle est mais d’être capable d’accueillir le monde tel qu’il est. »
Le rêve du cardinal prendrai forme avec le pape François ? Voila ce qui permettrai de mieux comprendre l'adjectif « fabuleux » dont certains le gratifient. On est bien alors dans une époque formidable !