Pendant 38 ans, des réfractaires, prêtres et laïcs, ont gardé vivante une messe interdite depuis 1969 par la hiérarchie ecclésiastique.
Les réfractaires ont soutenu deux contestations, soit séparées soit conjointes, mais qu’il importe de distinguer pour ne pas confondre, si l’on veut comprendre où nous allons.
Quand Paul VI promulgue sa messe nouvelle, le 3 avril 1969, il n’apparaît pas clairement, tout d’abord, si elle est destinée à cohabiter avec la messe traditionnelle ou bien à la supprimer. Cela restera une question discutée, et incertaine, jusqu’en novembre.
Si bien que la contestation qui a été chronologiquement la première est celle qui critique publiquement la structure, les formules et l’esprit de la messe nouvelle. Ce fut principalement le Bref examen présenté à Paul VI par les cardinaux Ottaviani et Bacci, estimant que cette messe « s‘éloigne de façon impressionnante, dans l’ensemble comme dans le détail, de la théologie catholique » ; et ce fut la Déclaration du P. Calmel, assurant que ce nouveau missel, tel qu’il était rédigé, allait ouvrir les portes à une liturgie évolutive, dont la prolifération permanente deviendrait très rapidement incontrôlable.
Cette première contestation fut en outre accompagnée, suivie, développée par plusieurs travaux et ouvrages de laïcs, dont le livre de Louis Salleron intitulé La nouvelle messe.
Le 12 novembre 1969, une ordonnance de l‘épiscopat français, devançant et aggravant les décisions pontificales, rendait obligatoire, et obligatoirement en langue française, à partir du 1er janvier 1970, la messe nouvelle de Paul VI.
Une telle obligation impliquait donc l’interdiction non seulement de la messe traditionnelle, mais de tout latin liturgique.
Les réfractaires y répondirent par une seconde contestation, déclarant qu’un tel interdit était illégitime, juridiquement et moralement inexistant.
A partir de 1978, l’hostilité destructrice commença imperceptiblement à diminuer. La volonté d’interdire devenait peu à peu moins unanime dans la hiérarchie ecclésiastique. Ici ou là, la messe « ancienne » bénéficiait de quelques tolérances, voire de quelques autorisations. Mais c‘était le régime de l’autorisation préalable. Même largement accordée, ce qui fut rarement le cas, l’autorisation n‘était qu’une dérogation particulière ; elle impliquait le maintien en vigueur de l’interdiction.
C’est pourquoi cette seconde contestation a été prolongée et réitérée jusqu’au 7 juillet 2007.
Contester l’interdit relevait du sens commun. La coutume a force de loi. Elle ne peut être corrigée que dans ses exagérations, dérives ou pollutions éventuelles. Elle ne peut être supprimée que si elle est entièrement ou globalement mauvaise : hypothèse insoutenable pour la messe célébrée pendant des siècles et des siècles par les saints, par les papes, par les docteurs, par les confesseurs. Pourtant la volonté personnelle de Paul VI a bien été de la supprimer. Il serait à la fois imprudent et injuste de vouloir le dissimuler. Dans son allocution consistoriale du 24 mai 1976, il avait clairement précisé que la messe traditionnelle n‘était plus permise qu’« aux prêtres âgés ou malades célébrant sans assistance de fidèles », et que le nouveau missel avait été « promulgué pour prendre la place de l’ancien » ; à quoi il exigeait « une prompte soumission au nom de l’autorité suprême qui nous vient du Christ ». C'était un abus de pouvoir. Cette interdiction a vécu. Reste l’autre contestation, portant sur la nouvelle messe en elle-même. A demain.
JEAN MADIRAN
Article extrait du n° 6405 de Présent, du Jeudi 23 août 2007, p.1