Fallait-il permettre d'utiliser plus largement le Missel romain de 1962 pour l'Eucharistie, les livres liturgiques pour la célébration des autres sacrements et le bréviaire pour la prière quotidienne selon la liturgie romaine, dite de saint Pie V ? Sujet épineux, attitude incertaine, choix différé, jusqu'à la publication récente du Motu proprio de Benoît XVI intitulé Summorum pontificum par lequel il libéralise l'usage de la liturgie romaine d'avant 1970. Pour bien se faire comprendre, le Pape a accompagné la Lettre apostolique, écrite de sa propre initiative, d'un message plus personnel et argumenté, qu'il adresse à tous les évêques. L'intention de promouvoir une réconciliation interne à l'Église est louable. À la demande de Jean-Paul II, le cardinal Joseph Ratzinger a plusieurs fois tenté de renouer les liens distendus avec la mouvance lefebvriste. En vain ! L'épisode de 1988 en est devenu la preuve la plus flagrante et a conduit Jean-Paul II à publier le Motu proprio Ecclesia Dei. Par ce texte, le défunt Pape permettait déjà la célébration de la messe suivant le Missel de Saint-Pie V, sans renoncer à la réforme liturgique voulue par le Concile Vatican II. Cela n'a pas suffi. Benoît XVI vient donc d'accomplir un pas supplémentaire en accordant le statut de forme extraordinaire du rite romain à la célébration selon le Missel de 1962, qui n'a jamais été abrogé juridiquement mais qui, de fait, est tombé en désuétude dans l'immense majorité des Églises locales. Aucun changement ne lui a été apporté par les instances romaines depuis 40 ans. Benoît XVI lui-même fait le constat qu'une évolution minimale s'avère nécessaire : intégration des nouveaux saints et de nouvelles préfaces, prise en compte de la rénovation du calendrier liturgique et de la répartition des lectures bibliques. Le chantier demeure ouvert.
La cohabitation de deux formes, ordinaire et extraordinaire, du rite romain ne sera pas sans conséquence, surtout en France, en Allemagne et aux États-Unis où les fidèles attachés à l'ancien Missel sont les plus nombreux mais minoritaires.
Pour atteindre la réconciliation interne, toutes les parties doivent participer à un même élan spirituel et pastoral. Les premières réactions, surtout parmi les lefebvristes (1), laissent apparaître des résistances encore fortes vis-à-vis du Concile Vatican II. L'évolution liturgique proposée par Benoît XVI ne suffira pas à les faire tomber à moins que n'intervienne un miracle ou une réelle conversion.
P. Vincent Cabanac assomptionniste, rédacteur en chef
(1) Voir la lettre de Mgr Fellay à ses fidèles, DC 2007, n. 2385, p. 708. Pour aller plus loin, voir bibliographie p. 748. |