SOURCE - Présent n°6732 - 6 décembre 2008
FSSPX a pris, cette année, du fait du jubilé, une particulière ampleur. Pouvez-vous nous en préciser la réalité, et la portée ?
— Ce fut sans conteste le rassemblement le plus nombreux jamais organisé par la Fraternité Saint-Pie X, un pèlerinage plus important numériquement que celui de l’Année sainte 2000 à Rome ou que celui de Fatima en 2005. Voici quelques chiffres éloquents : 150 prêtres, près de 120 séminaristes et 80 religieux, sans compter les soeurs du Rafflay, celles du Trévoux, les Dominicaines de Brignoles et de Fanjeaux, 18 000 pèlerins – et même 20 000 à la messe du dimanche du Christ-Roi – dont 200 malades, tous venus du monde entier. On pouvait ainsi voir une centaine de Mexicains qui se sont ensuite rendus à Ars, à Paray-le-Monial, à la rue du Bac.
— Il a été fait état d’une bonne collaboration, d’une bonne entente avec les autorités religieuses du sanctuaire : possibilité de célébrer la messe à la basilique souterraine, participation commune à certaines «manifestations» du pèlerinage, etc. Qu’en est-il exactement ?
— Comme les années précédentes, les pèlerins de la Tradition ont eu accès aux sanctuaires, et l’abbé de Cacqueray en a chaleureusement remercié l’évêque de Tarbes et Lourdes, Mgr Perrier, lors de la cérémonie de clôture. Malheureusement il a dû dire aussi combien tous avaient profondément regretté que Mgr Fellay ne puisse célébrer publiquement la messe du Christ-Roi. Le samedi soir, à la procession aux flambeaux, nous avons trouvé les gardians qui faisaient eux aussi leur pèlerinage. Ces cavaliers brandissant leurs torches du haut de leurs montures et ces femmes en costume provençal ne déparaient point aux côtés des soutanes et des habits religieux traditionnels. En revanche, ce qui ne fut guère traditionnel c’était au micro, parmi des Pater en latin, certains Je vous salue Marie interprétés en version charismatique, sur un ton langoureux… Là, nos pèlerins ont su montrer avec force qu’ils pouvaient réciter Pater et Ave dans un latin très vivant !
— La Fraternité avait rassemblé ses principaux représentants, des quatre coins de la planète, et notamment ses quatre évêques. Le fait est suffisamment rare pour être souligné. Ce pèlerinage marque-t-il donc une étape particulière dans la vie de votre communauté ?
— Le fait que les quatre évêques soient présents à Lourdes n’a rien d’exceptionnel. En effet, ils sont fréquemment réunis. On pouvait les voir non seulement à Rome en 2000 et à Fatima en 2005, mais aussi à Ecône pour les dernières ordinations, en juin. Ils entendaient rendre grâces à Notre Dame à l’occasion de cette année jubilaire qui coïncidait avec les 20 ans de leur consécration par Mgr Lefebvre. Comme l’a souligné Mgr Fellay dans son sermon du dimanche, nous ne pouvons pas ne pas reconnaître la protection particulière de Marie sur la Fraternité dans la crise qui secoue l’Eglise. C’est pourquoi il a tenu, en tant que supérieur général, à renouveler la consécration au Coeur Douloureux et Immaculé de Marie qui avait été faite par son prédécesseur, l’abbé Schmidberger, en 1984.
— Mgr Fellay a lancé un nouveau bouquet spirituel de chapelets. Quel en est le but exact ?
— Le but de ce bouquet est de réunir, d’ici à Noël, un million de chapelets récités par tous les fidèles attachés à la Tradition pour obtenir que, par l’intercession de Notre Dame, soit levé le décret d’excommunication qui frappe les évêques de la Fraternité depuis 1988. La précédente croisade du Rosaire avait pour intention d’obtenir la liberté de la Messe de toujours, partout et pour tous. Pendant 40 ans, la Fraternité Saint-Pie X et quelques communautés religieuses amies ont soutenu, contre vents et marées, que cette messe ne pouvait pas être abolie ; aujourd’hui la reconnaissance officielle de sa nonabrogation prouve qu’on ne s’adresse pas en vain à la Sainte Vierge. Et puisque le Motu Proprio Summorum pontificum reconnaît que la messe traditionnelle n’a jamais été abrogée, on peut maintenant prier pour que les évêques sacrés par Mgr Lefebvre à seule fin d’ordonner des prêtres qui célèbrent cette messe – alors réputée supprimée et même interdite –, on peut et on doit prier pour que ces évêques ne portent plus l’opprobre qui était injustement attaché à la messe tridentine.
— De sources diverses et recoupées, on sait que le texte établissant le retrait du décret d’excommunication est rédigé, et n’attend plus que la signature du Pape. Lancer ce bouquet spirituel n’apparaît-il pas dès lors comme une sorte de coup médiatique ?
— De sources tout aussi diverses et recoupées, on sait qu’il y a sur le bureau du Pape depuis un certain temps un document donnant des consignes pour l’application pratique du Motu Proprio dans les diocèses. L’attitude fort peu coopérative des évêques doit rendre la publication de ce texte non seulement nécessaire, mais urgente. Et il ne paraît toujours pas. Le Motu Proprio lui-même a été, pendant un an, comme l’Arlésienne dont tous parlaient et que personne ne voyait… Vous me permettrez donc d’être prudent à l’égard de ces sources qui parfois alimentent des tuyaux percés ! Ce bouquet spirituel ne s’appuie pas sur une quelconque médiatisation, mais plus simplement et plus efficacement sur la médiation de la Sainte Vierge. Car nous comptons plus sur elle que sur les médias officiels.
— Au-delà de la prière, le Pape n’attend-il pas pour apposer sa signature un acte plus précis, voire une simple acceptation des autorités de la Fraternité de ce document annonçant le retrait des excommunications ? Car on sait que la Fraternité a souvent manifesté qu’elle n’attachait pas de réalité à ces excommunications…
— Il est vrai que nous considérons que ce décret d’excommunication – porté automatiquement après les sacres de 1988 – n’est pas un décret canoniquement valide. Mais pour n’être pas valide, il n’en est pas moins efficace. Nous ne méconnaissons pas sa capacité à diaboliser tout ce qui se rapporte à la Tradition. Pour neutraliser un opposant à l’œcuménisme d’Assise ou à la liberté religieuse laïciste, il suffit de dire : «Lefebvriste !», et la cause est entendue, c’est-à-dire que l’opposant n’est même plus écouté ! A ce titre, nous accepterons avec reconnaissance ce décret que nous demandons dans nos prières, tout comme Mgr Fellay a dit sa vive gratitude au Pape pour le Motu Proprio.
— Ou alors la Fraternité craint-elle que la disposition actuelle prévue par le document romain ne la laisse pas assez libre, trouvant qu’un simple retrait ne serait pas assez précis et normaliserait sa situation sans garanties suffisantes. Ferait-elle, en quelque sorte, une analogie avec la signature de Mgr Lefebvre donnée puis reprise en 1988 ?
— La situation de 2008 n’est pas celle de 1988 ; il n’y avait pas alors de décret d’excommunication ! Gardons-nous de comparer et plus encore d’anticiper. Il n’est pas inutile de rappeler que, depuis l’an 2000, la Fraternité suit une feuille de route qui lui est imposée par la situation concrète. Par loyauté ou par honnêteté intellectuelle, nous ne pouvons envisager un statut canonique en éludant tous les problèmes doctrinaux posés par le concile Vatican II. Actuellement nous prions pour obtenir ce deuxième préalable à la levée du décret d’excommunication, après le premier qui était celui de la liberté de la messe traditionnelle – préalable acquis de droit, mais certainement pas de fait, à cause du peu d’empressement des évêques. Ces préalables précèdent des discussions théologiques où seront traitées les questions doctrinales, et alors seulement on pourra envisager un statut canonique reposant sur une base doctrinale solide. Pour l’heure, les questions de liberté et de garanties suffisantes ne sont pas à l’ordre du jour.
— Cette position ne risque-t-elle pas d’engendrer chez les fidèles une certaine lassitude ?
— Lassitude ? Oui, si l’on veut en rester au plan humain, trop humain. Mais si l’on consent à s’élever au point de vue surnaturel, cette lassitude sera vite supplantée par la persévérance. L’amour de l’Eglise doit «surplomber le chétif moi», comme disait Thibon. Il faut accepter beaucoup de sacrifices au service de cet idéal, à commencer par celui de sa réputation auprès des «bien-pensants». Sans cet indispensable détachement, le moi devient collant, et l’existence poisseuse. Ce n’est qu’avec cette liberté d’âme qu’on peut entreprendre de grandes choses. En novembre, nous avons pu, grâce à la générosité des fidèles, ouvrir deux églises : l’une à Rouen, l’autre au Mexique. Ce n’est pas lassant, c’est édifiant. Je sais bien qu’il y a toujours à Amiens – et ailleurs – des églises vides qui restent fermées à ceux qui voudraient y célébrer la messe pour laquelle elles ont été construites… Ce n’est pas lassant, ce n’est qu’une question de patience. L’abbé le Roux citait Charette dans son sermon à Lourdes : «Sommes la jeunesse du monde, Messieurs !»
Propos recueillis par Olivier Figueras
• DICI est l’organe de communication de la maison générale de la Fraternité Saint-Pie-X.
— Ce fut sans conteste le rassemblement le plus nombreux jamais organisé par la Fraternité Saint-Pie X, un pèlerinage plus important numériquement que celui de l’Année sainte 2000 à Rome ou que celui de Fatima en 2005. Voici quelques chiffres éloquents : 150 prêtres, près de 120 séminaristes et 80 religieux, sans compter les soeurs du Rafflay, celles du Trévoux, les Dominicaines de Brignoles et de Fanjeaux, 18 000 pèlerins – et même 20 000 à la messe du dimanche du Christ-Roi – dont 200 malades, tous venus du monde entier. On pouvait ainsi voir une centaine de Mexicains qui se sont ensuite rendus à Ars, à Paray-le-Monial, à la rue du Bac.
— Il a été fait état d’une bonne collaboration, d’une bonne entente avec les autorités religieuses du sanctuaire : possibilité de célébrer la messe à la basilique souterraine, participation commune à certaines «manifestations» du pèlerinage, etc. Qu’en est-il exactement ?
— Comme les années précédentes, les pèlerins de la Tradition ont eu accès aux sanctuaires, et l’abbé de Cacqueray en a chaleureusement remercié l’évêque de Tarbes et Lourdes, Mgr Perrier, lors de la cérémonie de clôture. Malheureusement il a dû dire aussi combien tous avaient profondément regretté que Mgr Fellay ne puisse célébrer publiquement la messe du Christ-Roi. Le samedi soir, à la procession aux flambeaux, nous avons trouvé les gardians qui faisaient eux aussi leur pèlerinage. Ces cavaliers brandissant leurs torches du haut de leurs montures et ces femmes en costume provençal ne déparaient point aux côtés des soutanes et des habits religieux traditionnels. En revanche, ce qui ne fut guère traditionnel c’était au micro, parmi des Pater en latin, certains Je vous salue Marie interprétés en version charismatique, sur un ton langoureux… Là, nos pèlerins ont su montrer avec force qu’ils pouvaient réciter Pater et Ave dans un latin très vivant !
— La Fraternité avait rassemblé ses principaux représentants, des quatre coins de la planète, et notamment ses quatre évêques. Le fait est suffisamment rare pour être souligné. Ce pèlerinage marque-t-il donc une étape particulière dans la vie de votre communauté ?
— Le fait que les quatre évêques soient présents à Lourdes n’a rien d’exceptionnel. En effet, ils sont fréquemment réunis. On pouvait les voir non seulement à Rome en 2000 et à Fatima en 2005, mais aussi à Ecône pour les dernières ordinations, en juin. Ils entendaient rendre grâces à Notre Dame à l’occasion de cette année jubilaire qui coïncidait avec les 20 ans de leur consécration par Mgr Lefebvre. Comme l’a souligné Mgr Fellay dans son sermon du dimanche, nous ne pouvons pas ne pas reconnaître la protection particulière de Marie sur la Fraternité dans la crise qui secoue l’Eglise. C’est pourquoi il a tenu, en tant que supérieur général, à renouveler la consécration au Coeur Douloureux et Immaculé de Marie qui avait été faite par son prédécesseur, l’abbé Schmidberger, en 1984.
— Mgr Fellay a lancé un nouveau bouquet spirituel de chapelets. Quel en est le but exact ?
— Le but de ce bouquet est de réunir, d’ici à Noël, un million de chapelets récités par tous les fidèles attachés à la Tradition pour obtenir que, par l’intercession de Notre Dame, soit levé le décret d’excommunication qui frappe les évêques de la Fraternité depuis 1988. La précédente croisade du Rosaire avait pour intention d’obtenir la liberté de la Messe de toujours, partout et pour tous. Pendant 40 ans, la Fraternité Saint-Pie X et quelques communautés religieuses amies ont soutenu, contre vents et marées, que cette messe ne pouvait pas être abolie ; aujourd’hui la reconnaissance officielle de sa nonabrogation prouve qu’on ne s’adresse pas en vain à la Sainte Vierge. Et puisque le Motu Proprio Summorum pontificum reconnaît que la messe traditionnelle n’a jamais été abrogée, on peut maintenant prier pour que les évêques sacrés par Mgr Lefebvre à seule fin d’ordonner des prêtres qui célèbrent cette messe – alors réputée supprimée et même interdite –, on peut et on doit prier pour que ces évêques ne portent plus l’opprobre qui était injustement attaché à la messe tridentine.
— De sources diverses et recoupées, on sait que le texte établissant le retrait du décret d’excommunication est rédigé, et n’attend plus que la signature du Pape. Lancer ce bouquet spirituel n’apparaît-il pas dès lors comme une sorte de coup médiatique ?
— De sources tout aussi diverses et recoupées, on sait qu’il y a sur le bureau du Pape depuis un certain temps un document donnant des consignes pour l’application pratique du Motu Proprio dans les diocèses. L’attitude fort peu coopérative des évêques doit rendre la publication de ce texte non seulement nécessaire, mais urgente. Et il ne paraît toujours pas. Le Motu Proprio lui-même a été, pendant un an, comme l’Arlésienne dont tous parlaient et que personne ne voyait… Vous me permettrez donc d’être prudent à l’égard de ces sources qui parfois alimentent des tuyaux percés ! Ce bouquet spirituel ne s’appuie pas sur une quelconque médiatisation, mais plus simplement et plus efficacement sur la médiation de la Sainte Vierge. Car nous comptons plus sur elle que sur les médias officiels.
— Au-delà de la prière, le Pape n’attend-il pas pour apposer sa signature un acte plus précis, voire une simple acceptation des autorités de la Fraternité de ce document annonçant le retrait des excommunications ? Car on sait que la Fraternité a souvent manifesté qu’elle n’attachait pas de réalité à ces excommunications…
— Il est vrai que nous considérons que ce décret d’excommunication – porté automatiquement après les sacres de 1988 – n’est pas un décret canoniquement valide. Mais pour n’être pas valide, il n’en est pas moins efficace. Nous ne méconnaissons pas sa capacité à diaboliser tout ce qui se rapporte à la Tradition. Pour neutraliser un opposant à l’œcuménisme d’Assise ou à la liberté religieuse laïciste, il suffit de dire : «Lefebvriste !», et la cause est entendue, c’est-à-dire que l’opposant n’est même plus écouté ! A ce titre, nous accepterons avec reconnaissance ce décret que nous demandons dans nos prières, tout comme Mgr Fellay a dit sa vive gratitude au Pape pour le Motu Proprio.
— Ou alors la Fraternité craint-elle que la disposition actuelle prévue par le document romain ne la laisse pas assez libre, trouvant qu’un simple retrait ne serait pas assez précis et normaliserait sa situation sans garanties suffisantes. Ferait-elle, en quelque sorte, une analogie avec la signature de Mgr Lefebvre donnée puis reprise en 1988 ?
— La situation de 2008 n’est pas celle de 1988 ; il n’y avait pas alors de décret d’excommunication ! Gardons-nous de comparer et plus encore d’anticiper. Il n’est pas inutile de rappeler que, depuis l’an 2000, la Fraternité suit une feuille de route qui lui est imposée par la situation concrète. Par loyauté ou par honnêteté intellectuelle, nous ne pouvons envisager un statut canonique en éludant tous les problèmes doctrinaux posés par le concile Vatican II. Actuellement nous prions pour obtenir ce deuxième préalable à la levée du décret d’excommunication, après le premier qui était celui de la liberté de la messe traditionnelle – préalable acquis de droit, mais certainement pas de fait, à cause du peu d’empressement des évêques. Ces préalables précèdent des discussions théologiques où seront traitées les questions doctrinales, et alors seulement on pourra envisager un statut canonique reposant sur une base doctrinale solide. Pour l’heure, les questions de liberté et de garanties suffisantes ne sont pas à l’ordre du jour.
— Cette position ne risque-t-elle pas d’engendrer chez les fidèles une certaine lassitude ?
— Lassitude ? Oui, si l’on veut en rester au plan humain, trop humain. Mais si l’on consent à s’élever au point de vue surnaturel, cette lassitude sera vite supplantée par la persévérance. L’amour de l’Eglise doit «surplomber le chétif moi», comme disait Thibon. Il faut accepter beaucoup de sacrifices au service de cet idéal, à commencer par celui de sa réputation auprès des «bien-pensants». Sans cet indispensable détachement, le moi devient collant, et l’existence poisseuse. Ce n’est qu’avec cette liberté d’âme qu’on peut entreprendre de grandes choses. En novembre, nous avons pu, grâce à la générosité des fidèles, ouvrir deux églises : l’une à Rouen, l’autre au Mexique. Ce n’est pas lassant, c’est édifiant. Je sais bien qu’il y a toujours à Amiens – et ailleurs – des églises vides qui restent fermées à ceux qui voudraient y célébrer la messe pour laquelle elles ont été construites… Ce n’est pas lassant, ce n’est qu’une question de patience. L’abbé le Roux citait Charette dans son sermon à Lourdes : «Sommes la jeunesse du monde, Messieurs !»
Propos recueillis par Olivier Figueras
• DICI est l’organe de communication de la maison générale de la Fraternité Saint-Pie-X.