SOURCE - Vincent Pellegrini - 25 aout 2009
Dans un livre publié en 2004 en anglais (et en 2006 en français par la maison d’édition “Ad solem”) et consacré à l’orientation de la prière liturgique*, celui qui était alors le cardinal Joseph Ratzinger écrivait en préface:
“Pour le catholique pratiquant ordinaire, les changements les plus patents de la réforme liturgique du second concile du Vatican semblent tenir en deux points: la disparition du latin, et le fait d’avoir tourné les autels vers le peuple. Ceux qui liront les documents de référence seront surpris de constater qu’en vérité ni l’un ni l’autre ne se trouve dans les décrets du concile. (…) Il n’y a rien dans le document conciliaire qui concerne le fait de tourner les autels vers le peuple; ce point n’apparaît que dans les instructions post-conciliaires.”
Le cardinal Ratzinger cite ensuite les textes (directives) disant qu’il est “préférable” et “souhaitable” de célébrer vers le peuple, mais ajoute que “cela n’implique aucune obligation” et que ce “n’est qu’une simple suggestion” comme l’a précisé le 25 septembre 2000 la Congrégation pour le culte divin. Joseph Ratzinger ajoute (la préface du livre a été signée en 2003):
“L’orientation physique, dit la Congrégation, doit être distinguée de l’orientation spirituelle. Même s’il célèbre vers le peuple, le prêtre devrait toujours être orienté vers Dieu par Jésus-Christ. Rites, signes, symboles et paroles jamais ne pourront épuiser la réalité intérieure du mystère du salut. Voilà pourquoi la Congrégation met en garde contre toute position unilatérale et rigide dans ce débat.”
“Cet ouvrage récapitule un débat, qui, en dépit des apparences, n’a jamais été conclu, pas même après le deuxième concile du Vatican. Le liturgiste d’Innsbruck Josef Andreas Jungmann, l’un des architectes de la Constitution conciliaire sur la sainte Liturgie, s’est résolument opposé, dès le tout début, au slogan polémique selon lequel auparavant le prêtre célébrait en tournant le dos au peuple; il souligne avec force que le point à considérer n’est pas que le prêtre se détournait des fidèles, mais au contraire qu’il se tournait dans la même direction qu’eux. La liturgie de la Parole revêt le caractère de la proclamation et du dialogue: adresses et répons lui appartiennent à juste titre. Mais dans la liturgie de l’Eucharistie, le prêtre conduit l’assemblée en prière en direction du Seigneur vers qui il se tourne avec elle. C’est pourquoi, dit Jungmann, la direction commune du prêtre et du peuple est si intrinsèquement adaptée à l’acte liturgique. Louis Boyer (qui fut comme Jungmann l’un des liturgistes artisans du Concile) et Klaus Gamber ont l’un et l’autre, chacun à sa manière, traité de cette même question. En dépit de leur grande renommée, il ne leur fut d’abord pas possible de faire entendre leur voix, si forte et insistante était la tendance à communaliser la célébration liturgique, qui poussait à considérer dès lors le face à face du prêtre et des fidèles comme une absolue nécessité. Ces derniers temps, l’atmosphère s’est peu à peu apaisée…”
J’ai parlé aussi sur ce blog le 21 août de Mgr Slattery, évêque de Tulsa (Etats-Unis) qui célèbre désormais la messe dans sa cathédrale tourné vers le Seigneur. Voici ce qu’il dit notamment dans un long texte auquel renvoie un lien hypertexte de mon article du 21 août:
“Depuis les temps anciens, la position du prêtre et du peuple reflétait cette idée de la Messe, puisque le peuple priait, était debout ou à genou à l’endroit qui, visiblement, correspond au Corps de Notre Seigneur, tandis que le prêtre à l’autel se tenait à la tête comme Tête. Nous formions tout le corps du Christ – Tête et membres – à la fois sacramentellement par le baptême et visiblement par notre situation et notre attitude. De manière tout aussi importante, chacun – célébrant ou assemblée – regardait dans la même direction puisqu’ils étaient un seul dans le Christ pour l’offrande au Père du sacrifice du Christ, unique, non répétable et acceptable. Quand nous étudions les plus anciennes pratiques liturgiques de l’Église, nous découvrons que le prêtre et le peuple faisaient face à la même direction, généralement l’Est, dans l’attente du retour du Christ puisqu’Il reviendra “de l’Orient”. À la Messe, l’Église veille en attendant ce retour. Cette position unique est dite ad orientem, ce qui signifie simplement “tourné vers l’Est”. Prêtre et peuple célébrant la Messe ad orientem fut la norme liturgique pendant près de dix-huit siècles. Il devait y avoir de solides raisons pour que l’Église ait maintenu pendant si longtemps cette norme. Et il y en avait ! (…) Bien avant son élection comme successeur de saint Pierre, le pape Benoît XVI nous a vivement conseillé de faire appel à l’ancienne pratique liturgique de l’Église afin de retrouver un culte plus authentiquement catholique. C’est pour cette raison que j’ai rétabli la vénérable disposition ad orientem quand je célèbre la Messe à la cathédrale. Ce changement ne doit pas être mal interprété, comme : “l’évêque tourne le dos aux fidèles”, ou comme un manque d’égards envers les fidèles voire une hostilité qui seraient miens. De telles interprétations montrent que l’on n’a pas compris qu’en faisant face à la même direction, la position du célébrant et celle de l’assemblée rendent explicite le fait que nous cheminons tous ensemble vers Dieu. Le prêtre et le peuple sont ensemble dans ce pèlerinage. Ce serait aussi une idée erronée que de considérer cette retrouvaille d’une ancienne tradition comme un pur retour en arrière. Le pape Benoît XVI répète constamment qu’il est important de célébrer la Messe ad orientem, mais son intention n’est pas d’encourager les célébrants à devenir des “antiquaires de la liturgie”. Tout au contraire, Sa Sainteté veut que nous redécouvrions ce qui sous-tend cette ancienne tradition et l’a rendu pérenne pendant tant de siècles, à savoir que l’Église comprend que la célébration de la Messe est d’abord et essentiellement le culte que le Christ offre à son Père. »