8 août 2008


Interview de Mgr Tissier de Mallerais: "Je suis, personnellement, ébahi, du ton de certaines réponses" (Abbé Aulagnier)
8 août 2008 - Item n°179 - la.revue.item
Dans sa lettre d’information religieuse du 5 août 2008, (Aletheia, n° 129),  Yves  Chiron donne la traduction française d’une interview de Mgr Tissier de Mallerais à la revue « The Angelus », revue de  la FSSPX aux Etats-Unis.
Comme Yves Chiron le dit à juste titre, il est important de la faire connaître aussi aux fidèles catholiques de France.
Je suis, personnellement, ébahi, du ton de certaines réponses de l’interview et de certaines affirmations de l’évêque.
Le ton est dur, sec et cassant. Je ne reconnais plus le séminariste Bernard Tisser de Mallerais que j’ai connu à Fribourg. Il était modeste, pondéré et mesuré. On le trouvait même plutôt « silencieux » et peu loquace. Attentif, il écoutait plus qu’il n’intervenait dans un débat. Nul doute qu’il n’est plus le même. Comment peut-on changer à ce point de caractère ? Cela ne me parait pas normal ! Pense-t-il devoir adopter ce ton pour se dresser contre la barbarie ? Serait-ce alors surnaturel ? J’ai du mal à le croire. Il s’est durci ? Sans aucun doute dans son caractère. Lorsque j’étais au séminaire d’Ecône, j’avais coutume de dire à certains de mes élèves « aussi très durs », « trop durs » : « Faites attention, la dureté n’est pas une bonne chose. Ni un signe de solidité. Voyez ! Plus un pont est rigide plus facilement il casse. La souplesse est signe de force. La dureté, signe de faiblesse ».
Certaines des affirmations de « notre évêque » me paraissent inconvenantes. Yves Chiron dans ses premières réflexions, en retient, à juste titre, quelques unes.
Tout d’abord, son jugement sur le Pape Benoît XVI est manifestement outrancier : «le modernisme, comme c’est le cas avec Benoît XVI, dit-il, un vrai moderniste, avec la théorie complète du modernisme mis à jour ! C’est si grave que je ne peux pas exprimer mon horreur. Je me tais. Mgr Lefebvre, donc, crierait : « Hérétiques, vous pervertissez la Foi ! ».
Voyons ! Comment osez écrire cela ? Il vous suffit de lire le discours de Benoît XVI prononcé pour l’ouverture de « l’Année paulinienne » que je vous donne dans « la Paroisse saint Michel » pour voir que ce jugement est excessif. Il n’est pas juste.
Voyez également le discours de Benoît XVI aux évêques et séminaristes en Australie, le 18 juillet dernier. Je vous l’ai donné dans Item, n° 178.
Tout ce qui est excessif est sans valeur !
Oser même affirmer que ce serait le jugement de Mgr Lefebvre. Qu’il le «hurlerait » !. Tout de même ! Je ne le crois pas. Mgr Lefebvre ne parlait jamais comme cela de l’autorité ecclésiastique, surtout pas du pape. Voyez sa déclaration du 21 novembre 1974, pourtant particulièrement sévère. Il n’attaque pas de plein fouet l’autorité du Pontife suprême (voir la note 1). Il est bien plus habile et déférent malgré son intransigeance doctrinale. C’est du reste ce qu’il me faisait remarquer lorsque j’organisais, avec M l’abbé Coache et Monsieur François Brigneau,  la défense de la mémoire de nos martyrs, lors de la commémoration du bi centenaire de la Révolution française. Il m’avait fait remarquer qu’il n’agissait pas de la sorte.  Il n’attaquait jamais directement, d’une manière frontale,  l’autorité. Il défendait un bien, une tradition. C’est tout différent. Il devait avoir trop grande vénération de l’autorité pour agir autrement. « Notre » évêque devrait bien se souvenir de cette disposition de Mgr Lefebvre.
Qu’il se souvienne aussi, je ne peux imaginer autrement, des conseils que M l’abbé Luc Lefebvre a du lui donner. C’était son directeur spirituel.
Enfin, réduire aussi la restauration de l’Eglise,  presque,  au seul travail apostolique de la Fraternité sacerdotale saint Pie X me parait particulièrement « étroit ». Et réduire même cet apostolat aux seuls prieurés, aux écoles, aux seules familles  est vraiment par trop réducteur. .Que fait-il de l’apostolat de la « plume », des revues, des livres, de l’usage d’Internet, de  la Radio et si l’on pouvait de  la Télévision … Si encore tout cet apostolat augmentait en des proportions suffisantes…Mais c’est loin d’être le cas.  .
Et que pensez du rôle qu’il attribue à la femme et à la jeune fille : « Pour les jeunes filles, des livres de cuisine, de couture, et pour aménager la maison »? Exprime-t-il vraiment la pensée de l’Eglise. Pie XII a une autre pensée sur le rôle de la femme. Ce pape développe certes leur rôle d’épouse et de mères, de mères aux foyers, d’éducatrices, mais aussi leur rôle dans  le monde  politique, social. Il les encourage même à sortir de la famille pour s’engager dans des grandes causes nationales.
Enfin critiquer l’attitude des « communautés « Ecclesia Dei » comme il le fait, avec un certain mépris « … la Fraternité saint Pierre et tous les autres », « les pauvres »,  est bien navrant. Contrairement à ce qu’il dit, nous ne nous sommes pas engagés à être des « chiens mués ». Je peux lui montrer la « convention » signée entre Mgr Aumônier et l’Institut du Bon Pasteur. Qu’il regarde quelque fois sur Item…
Et lui-même a-t-il toujours manifesté le meilleur des jugements et la meilleure clairvoyance et dans sa direction du séminaire d’Ecône, et dans ces contactes avec Rome en mai 1988 et dans son jugement sur l’opportunité de procéder aux sacres « sauveurs » ? Quant aux sacres, il s’en fait le chaud défenseur. Je m’en réjouis. Mais ce ne fut pas le cas le 28 mai ou 30 mai 1988…Un peu d’humilité serait appréciable.
« Ne cherchez pas de «  réconciliation », mais combattez ! » nous dit Mgr Tissier de Mallerais. Certes ! Mais tout en combattant, Mgr Lefebvre ne cherchait-il pas une « réconciliation », une « normalisation »,  « une régularisation ». J’en veux pour preuve la lettre remise par lui au cardinal Gagnon à l’issue de la visite apostolique en décembre 1987. Ce fut, sans cesse, sa grande préoccupation  Ces deux attitudes ne sont pas incompatibles. Voilà ce que j’ai appris auprès de Mgr Lefèvre. Etait-il libéral ? Certains, à l’époque, l’ont pensé. Ont-ils aujourd’hui le pouvoir ? Ou sont-ils proches du pouvoir ?
Enfin dire que le Motu Proprio de Benoît XVI, tout en le louangeant, est  « un miracle inattendu », c’est n’avoir rien lu des ouvrages que le cardinal Ratzinger nous a donnés sur la liturgie, avant son élection à la papauté. Il était évident que sur le trône de Pierre, il rappellerait le droit de cette messe de saint Pie V et la redonnerait à l’Eglise. Il suffisait de lire ces livres. Mais faut-il encore les lire ! Ou avoir trois sous de « jugeote ».
Cette interview, émouvante sous certains points, manque de mesure.
Je suis confus de dire tout cela…Mais l’amour que je porte à Mgr Lefebvre et à son œuvre  m’y pousse et m’y contraint.
Voici le texte de Mgr Tissier de Mallerais publié dans The Angelus et dont la traduction française est paru dans Aletheia, n° 129...

[Note de QIEN: suit le texte de la lettre 'Aletheia' n°129]

[Note 1]
La déclaration de Mgr Lefebvre
- 21 novembre 1974 -
Nous adhérons de tout cœur, de toute notre âme à la Rome catholique, gardienne de la foi catholique et des traditions nécessaires au maintien de cette foi, à la Rome éternelle, maîtresse de sagesse et de vérité.
Nous refusons par contre et avons toujours refusé de suivre la Rome de tendance néo-moderniste et néo-protestante qui s'est manifestée clairement dans le concile Vatican II et après le concile dans toutes les réformes qui en sont issues.
Toutes ces réformes, en effet, ont contribué et contribuent encore à la démolition de l'Église, à la ruine du Sacerdoce, à l'anéantissement du Sacrifice et des Sacrements, à la disparition de la vie religieuse, à un enseignement naturaliste et teilhardien dans les Universités, les Séminaires, la catéchèse, enseignement issu du libéralisme et du protestantisme condamnés maintes fois par le magistère solennel de l'Église.
Aucune autorité, même la plus élevée dans la hiérarchie, ne peut nous contraindre à abandonner ou à diminuer notre foi catholique clairement exprimée et professée par le magistère de l'Église depuis dix-neuf siècles.
 « S'il arrivait, dit saint Paul, que NOUS-MÊME ou un Ange venu du ciel vous enseigne autre chose que ce que je vous ai enseigné, qu'il soit anathème. » (Gal. 1, 8.)
N'est-ce pas ce que nous répète le Saint-Père aujourd'hui? Et si une certaine contradiction se manifestait dans ses paroles et ses actes ainsi que dans les actes des dicastères, alors nous choisissons ce qui a toujours été enseigné et nous faisons la sourde oreille aux nouveautés destructrices de l'Église.
On ne peut modifier profondément la « lex orandi » sans modifier la « lex credendi ». A messe nouvelle correspond catéchisme nouveau, sacerdoce nouveau, séminaires nouveaux, universités nouvelles, Église charismatique, pentecôtiste, toutes choses opposées à l'orthodoxie et au magistère de toujours.
Cette Réforme étant issue du libéralisme, du modernisme, est tout entière empoisonnée ; elle sort de l'hérésie et aboutit à l'hérésie, même si tous ses actes ne sont pas formellement hérétiques. Il est donc impossible à tout catholique conscient et fidèle d'adopter cette Réforme et de s'y soumettre de quelque manière que ce soit.
La seule attitude de fidélité à l'Église et à la doctrine catholique, pour notre salut, est le refus catégorique d'acceptation de la Réforme.
C'est pourquoi sans aucune rébellion, aucune amertume, aucun ressentiment nous poursuivons notre oeuvre de formation sacerdotale sous l'étoile du magistère de toujours, persuadés que nous ne pouvons rendre un service plus grand à la Sainte Église Catholique, au Souverain Pontife et aux générations futures.
C'est pourquoi nous nous en tenons fermement à tout ce qui a été cru et pratiqué dans la foi, les mœurs, le culte, l'enseignement du catéchisme, la formation du prêtre, l'institution de l'Église, par l'Église de toujours et codifié dans les livres parus avant l'influence moderniste du concile en attendant que la vraie lumière de la Tradition dissipe les ténèbres qui obscurcissent le ciel de la Rome éternelle.
Ce faisant, avec la grâce de Dieu, le secours de la Vierge Marie, de saint Joseph, de saint Pie X, nous sommes convaincus de demeurer fidèles à l'Église Catholique et Romaine, à tous les successeurs de Pierre, et d'être les « fideles dispensatores mysteriorum Domini Nostri Jesu Christi in Spiritu Sancto ». Amen.
Mgr Marcel Lefebvre