Modification de la prière pour les juifs du Vendredi Saint dans le Missel romain de 1962 |
23/2/2008 - FSSPX - dici.org |
Résumé : Une note de la secrétairerie d’Etat du Saint-Siège, publiée en première page de L’Osservatore Romano du 5 février 2008, fait savoir que Benoît XVI a décidé de modifier la prière pour les juifs du Vendredi Saint dans le Missel romain de 1962... Une note de la secrétairerie d’Etat du Saint-Siège, publiée en première page de L’Osservatore Romano du 5 février 2008, fait savoir que Benoît XVI a décidé de modifier la prière pour les juifs du Vendredi Saint dans le Missel romain de 1962. Dans la nouvelle version, la demande à Dieu de « soustraire ce peuple de ses ténèbres » et de « l’aveuglement » a disparu. La prière réformée est ainsi formulée : « afin que Dieu et notre Seigneur illumine » le cœur des juifs et afin qu’ils connaissent Jésus-Christ, sauveur de tous les hommes. Elle demande également à Dieu de permettre « que tout Israël soit sauvé en faisant entrer la foule des peuples dans (son) Eglise ». Ce texte devra être utilisé à compter de cette année, dans toutes les célébrations de la liturgie du Vendredi Saint avec le Missel Romain, précise la note datée du 4 février 2008, s’adressant ainsi aux célébrants déclarés idoines par le Motu Proprio Summorum Pontificum du 7 juillet 2007. Lors de la publication de ce Motu Proprio libéralisant l’usage des livres liturgiques d’avant la réforme introduite par Vatican II, plusieurs voix s’étaient élevées dans le monde juif exprimant une certaine inquiétude de voir réintroduit dans le rite romain l’ancienne prière pour les juifs, même réformée par Jean XXIII qui avait fait retirer l’adjectif « perfide » et le substantif « perfidie ». Les grands rabbins d’Israël avaient même écrit à Benoît XVI pour lui demander de modifier encore la prière du Vendredi Saint. Des prélats, engagés dans le dialogue judéo-catholique, avaient entrepris les mêmes démarches auprès du Souverain Pontife et de son entourage. Cette modification a cependant provoqué le mécontentement du grand rabbin de Rome, Riccardo Di Segni, qui, dès le lendemain 6 février, a déclaré dans un entretien accordé au Corriere della Sera que le maintien de la formule demandant « de façon explicite » la conversion des juifs « remettait en question des décennies de progrès » dans le dialogue entre les deux religions. Cette prière, a-t-il insisté, « constitue un obstacle à la poursuite du dialogue entre juifs et chrétiens ». L’Assemblée des rabbins italiens, dans un communiqué paru le même jour, signé de son président Giuseppe Laras, a demandé « une pause de réflexion dans le dialogue avec les catholiques afin de comprendre vraiment quelles sont leurs intentions ». Elle souligne que le nouveau texte de la prière substitue à l’expression sur "l’aveuglement des juifs" une autre « conceptuellement équivalente » en dépit d’une formulation « apparemment moins forte », puisqu’elle demande maintenant que « Dieu les éclaire ». Surtout, déplorent-ils, « le fait le plus grave est qu’a été introduit un appel aux fidèles à prier pour que les juifs reconnaissent finalement ‘Jésus Christ sauveur’ ». « Le pape est certes libre de décider ce qu’il juge le mieux pour son Eglise et ses fidèles, mais il n’en reste pas moins que l’adoption d’une telle formule liturgique contredit nettement et dangereusement au moins quarante ans d’un dialogue souvent difficile et tourmenté entre judaïsme et catholicisme, qui semble ainsi n’avoir donné aucun résultat concret », déplorent les rabbins italiens, estimant que cette prière traduit « une idée du dialogue ayant pour finalité la conversion des juifs au catholicisme, ce qui est pour nous évidemment inacceptable ». En réponse à cette réaction, le 7 février, le cardinal Walter Kasper a affirmé : « Nous pensons raisonnablement que cette prière ne peut devenir un obstacle au dialogue, parce qu’elle reflète la foi de l’Eglise et du reste, les juifs eux aussi ont dans leurs textes liturgiques des prières qui ne nous plaisent pas à nous, chrétiens. Cela doit être accepté et respecté dans la diversité ». A propos de la conversion des juifs demandée dans la prière modifiée, le président de la Commission pontificale pour les relations avec le judaïsme, a expliqué qu’il s’agissait d’une référence à un texte de l’apôtre Paul qui « exprime l’espérance eschatologique - c’est-à-dire en référence aux temps derniers, à la fin de l’histoire - que le peuple d’Israël entre aussi dans l’Eglise quand tous les autres peuples y entreront ». Le prélat allemand s’est voulu rassurant en précisant : « Je veux dire que cela exprime une espérance finale et non la proposition de partir en mission parmi eux (les juifs) », et en ajoutant : « Je dois dire que je ne comprends pas pourquoi les juifs ne peuvent accepter que nous jouissions de notre liberté dans la formulation de nos prières ». « Des choses très mauvaises ont été faites, lorsqu’on voulait contraindre les juifs à la conversion. Nous comprenons le mauvais souvenir de faits pour lesquels nous avons demandé pardon. Mais nous n’avons que plus de difficulté à comprendre comment on ne peut accepter le témoignage de notre foi quand celle-ci est exprimée dans le plein respect de la foi d’autrui », a-t-il déclaré. Le même jour, au micro de Radio Vatican, le cardinal Kasper a tenu à apporter les précisions suivantes : « Si cette prière parle de la ‘conversion’ des Juifs, cela ne veut pas dire que nous ayons l’intention de faire ‘mission’ : en effet, le pape cite la Lettre de saint Paul aux Romains, au chapitre 11 : Paul dit que ‘nous espérons que quand la plénitude des nations sera entrée dans l’Eglise, Israël tout entier aussi sera sauvé’. C’est une espérance eschatologique. Cela ne veut pas dire que maintenant nous allons partir en mission : nous devons rendre témoignage de notre foi, c’est clair. Mais je veux dire ceci : par le passé, souvent, le langage était fait de mépris, comme l’a dit Jules Isaac, un Juif très connu. Mais aujourd’hui, il y a le respect, dans la diversité qui existe entre nous. Maintenant il y a du respect, et plus le mépris. « Un dialogue, a-t-il ajouté, suppose toujours que l’on respecte la position de l’autre. Nous respectons l’identité des Juifs, ils doivent respecter la nôtre, que nous ne pouvons pas cacher. Le dialogue se fonde justement sur cette diversité : sur ce que nous avons en commun et sur les différences. Et je ne vois pas cela comme un obstacle mais plutôt comme un défi pour un vrai dialogue théologique ». Le 14 février, dans L’Osservatore Romano, Mgr Gianfranco Ravasi, président du Conseil pontifical pour la culture, est revenu sur le sujet pour de nouveau rassurer les juifs : « Nous le répétons : ceci est la vision chrétienne et c’est l’espérance de l’Eglise qui prie. Ce n’est pas une proposition d’adhésion théorique ni une stratégie missionnaire de conversion ». « C’est l’attitude caractéristique de l’invocation priante dans laquelle on espère - pour les personnes que l’on considère comme proches, chères et importantes - une réalité qu’on tient pour précieuse et salvatrice ». « Bien sûr, cela doit toujours se produire dans le respect de la liberté et des différents parcours que l’autre adopte », a ajouté Mgr Ravasi. « Mais c’est une expression d’affection que de souhaiter à son frère ce que l’on considère comme un horizon de lumière et de vie ». Pour le prélat romain, « c’est dans cette perspective que l’oraison en question, dans sa limite d’usage et dans sa spécificité, peut et doit confirmer notre lien et notre dialogue » avec les juifs. Et de citer la prière du Vendredi Saint selon la liturgie du Missel de Paul VI : l’espérance commune et ultime est que « les juifs à qui Dieu a parlé en premier (…) progressent dans l’amour de son Nom et la fidélité de son Alliance ». - NDLR : Doit-on voir dans cette référence au Missel de Paul VI une volonté de « fécondation » de la liturgie traditionnelle par la liturgie conciliaire, selon le souhait du Motu Proprio, dans la perspective d’une réforme de la réforme ? (Sources : AFP/Zenit/Apic/Imedia/Radio Vatican/L’Osservatore Romano/Corriere della Sera ) Notre commentaire : A la suite de pressions étrangères à l’Eglise catholique, le pape s’est cru obligé de changer la très vénérable Oraison pour les Juifs qui est partie intégrante de la liturgie du Vendredi Saint. Cette prière est une des plus anciennes ; elle remonte aux environs du IIIe siècle, et a donc été récitée, à travers toute l’histoire de l’Eglise, comme la pleine expression de la foi catholique. Il faut noter que les commentaires du cardinal Kasper – que l’on peut penser autorisés – donnent à cette amputation une allure de véritable transformation, exprimant une nouvelle théologie des rapports avec le peuple juif. Elle s’inscrit dans le bouleversement liturgique qui est la marque caractéristique du concile et des réformes qui en ont découlé. Bien que la nécessité d’accepter le Messie pour être sauvé ait été conservée, on ne peut que déplorer profondément ce changement . |