20 août 2012

[SPO] La réforme liturgique de Benoît XVI

SOURCE - SPO - 20 août 2012

On ne présente plus l’abbé Paul Aulagnier, figure historique de la mouvance traditionaliste et auteur de plusieurs ouvrages touchant aux questions soulevées par ce milieu. Son dernier ouvrage, La réforme liturgique de Benoît XVI, état des lieux, vient de paraître aux éditions Godefroy de Bouillon, dans un format de poche qui le rend facilement transportable et en fait un ouvrage de propagande au meilleur sens du terme (124 pages, 12€).
 
Dans ce livre, l’auteur part de la publication historique du motu proprio Summorum Pontificum et tente, à partir de là, de tirer des conclusions sur ce qu’il appelle la réforme liturgique de Benoît XVI. La parfaite connaissance qu’il a du sujet, connaissance aussi bien pratique qu’historique, rend cette analyse importante à lire et à connaître. Il rappelle plusieurs éléments importants des événements qui ont concerné le retour lent de la messe traditionnelle au sein de l’Église.
 
Ainsi, par exemple, l’abbé Aulagnier souligne qu’en 1986 une commission d’enquête cardinalice, instituée par le pape Jean-Paul II, s’était montrée favorable au retour du missel tridentin et que le pape lui-même n’y était pas hostile. Mais des épiscopats auraient empêché toute décision dans ce sens et il fallut donc attendre 2007 pour que cette reconnaissance surgisse publiquement, sous un autre pontificat.
 
L’abbé Aulagnier décortique tous les textes importants sur le sujet et tente de montrer que « Benoît XVI estime que le rite romain de l’avenir devrait être un seul rite, célébré en latin ou en langue populaire, mais basée entièrement dans la tradition du rite ancien ». D’où l’importance qu’il attache depuis des années à la libre utilisation du missel tridentin. Cette position fut, en gros, celle qu’exposa le cardinal Ratzinger aux Journées liturgiques de Fontgombault.
 
Est-elle encore celle du pape Benoît XVI ?
 
Les textes du motu proprio Summorum Pontificum et de la Lettre aux évêques l’accompagnant ne sont pas aussi clairs. Certes, on peut imaginer que le pape a subi des pressions – et de fait les épiscopats français et allemands, par exemple, se sont mobilisés avant la publication du motu proprio – et qu’il a atténué son véritable dessein au point de contredire sur certains points – c’est l’abbé Aulagnier qui le note – la pensée de Mgr Gamber que le même cardinal Ratzinger présentait comme référence.
 
Mais plus que les textes du Pontife, c’est la praxis de ce même Pontife qui semble plus mesurée. Certes il y a une certaine pédagogie de l’exemple mise en œuvre très doucement, très lentement, par Benoît XVI. Mais, en dehors du motu proprio, il n’a pas été mis en œuvre par l’autorité suprême de décisions pratiques en vue de la réforme de la réforme.
 
Certes, effet du motu proprio oblige – et c’est déjà énorme – les messes traditionnelles se multiplient de par le monde, mais aucune réforme du missel de Paul VI n’a été réellement entreprise, à part les corrections dans le monde anglo-saxon des traductions liturgiques, œuvre décidée avant l’arrivée de Benoît XVI.

L’abbé Aulagnier termine son livre en citant la conférence parisienne de Mgr Schneider sur les cinq plaies de la liturgie. Certes cette conférence donne beaucoup d’espoir, dans la mesure même où elle situe bien un certain nombre de problèmes. Mais Mgr Schneider n’est pas le pape et il n’a pas reçu de mission pour corriger la liturgie nouvelle. C’est pourquoi on ne peut que comprendre l’abbé Aulagnier quand il dit qu’il est difficile de traiter de la même façon les deux missels, car ce serait considérer le problème résolu alors qu’il demeure entier et qu’il reste attaché à la messe traditionnelle. Le sous-titre de son ouvrage est donc juste. Nous en sommes encore à l’état des lieux.