SOURCE - Abbé Paul Aulagnier - La Revue Item - 27 juin 2013
J’ai annoncé hier ma participation sur Internet au Congrès de « Sacra Liturgia 2013″ qui se tient ces jours à Rome sous la haute présidence de Mgr Rey. Là voilà:
«Rome nous demande de vivre des richesses de la messe « ancienne » romaine et même de savoir les transmettre, mais sans pour autant « déprécier » les richesses de la nouvelle messe. C’est un désir qui semble se généraliser aujourd’hui. On pourrait le résumer ainsi : vous avez le droit de l’ancienne messe, acceptez en échange la nouvelle messe et ses richesses. Donnant-donnant !
Plusieurs représentants de la hiérarchie parlent dans ce sens. C’est ainsi que Mgr Rey déclarait, dans son récent entretien publié dans La Nef, annonçant la tenue du colloque à Rome fin juin de Sacra Liturgia 2013 qu’il préside, vouloir célébrer à cette occasion les deux formes de l’unique rite romain : « Les divisions entre les adeptes de la « forme extraordinaire » du rite romain et ceux de la « forme ordinaire » n’ont plus de raison d’être… les deux formes de l’unique rite romain ont chacune une place légitime dans la vie de l’Église, et l’on ne peut refuser l’une ou l’autre ». Il vient de reprendre cette idée, dans son homélie d’ouverture du 25 juin 2013 : « Il (Benoît XVI) nous a démontré qu’il ne doit y avoir aucune opposition entre les formes anciennes et nouvelles du rite romain – qui ont toutes les deux leur place dans l’Eglise de la nouvelle évangélisation ».
Toutes ces personnalités se fondent sur l’enseignement de Benoît XVI, celui exprimé dans son Motu Proprio (MP) Summorum Pontificum. En effet, Mgr Rey se justifie en disant : « Benoît XVI a, d’une certaine façon, résolu cette question et nous nous mettons à son école : à Sacra Liturgia 2013, nous célèbrerons les deux formes liturgiques avec notamment les cardinaux Canizares et Brandmülle, comme Benoît XVI l’a dit très clairement » dans son Motu Proprio.
La messe « nouvelle » ne poserait donc plus de « problèmes » théologiques ni pastoraux. Il faudrait l’accepter purement et simplement, sans plus demander corrections, réforme, encore moins abrogation. Il faudrait s’en tenir dorénavant inclus à l’article 1§1 du Motu Proprio Summonrum Pontificum :
« Le Missel romain promulgué par Paul VI est l’expression ordinaire de la « lex orandi » de l’Église catholique de rite latin. Le Missel romain promulgué par S. Pie V et réédité par le bienheureux Jean XXIII doit être considéré comme l’expression extraordinaire de la même « lex orandi » de l’Église et être honoré en raison de son usage vénérable et antique. Ces deux expressions de la « lex orandi » de l’Église n’induisent aucune division de la « lex credendi » de l’Église ; ce sont en effet deux mises en œuvre de l’unique rite romain.
Il est donc permis de célébrer le Sacrifice de la Messe suivant l’édition type du Missel romain promulgué par le bienheureux Jean XXIII en 1962 et jamais abrogé, en tant que forme extraordinaire de la Liturgie de l’Église ».
Que faut-il penser de tout cela ? Le MP Summorum Pontificum exprime-t-il vraiment un jugement définitif de Benoît XVI ? N’est-il pas plutôt l’œuvre d’un compromis qui a fait l’objet de longues discussions ? De ces discussions, il en parle par deux fois dans sa lettre d’accompagnement transmettant aux évêques ce document : tout au début : « Ce document est le fruit de longues réflexions, de multiples consultations et de la prière » et un peu plus loin, il écrit : « …au cours des discussions sur ce Motu Proprio… ».
Ces consultations, ces discussions ont-elles abouti à un compromis, à ce compromis, celui de l’article 1§1 ? Des pressions se sont-elles exercées sur Benoît XVI pour l’obtenir ?
Ce sont ces questions que je voudrais aborder ici.
Tout d’abord, je voudrais « discuter », dans une première partie, le jugement de Rome ainsi que celui de Mgr Rey. Ne doit-on plus « critiquer » le nouveau rite ? Est-il devenu idoine, au fil du temps, comme par enchantement ? Puis, dans une deuxième partie, je voudrais aborder la pensée liturgique de Benoît XVI telle qu’il l’a exprimée dans de nombreux ouvrages, mais aussi dans son Motu Proprio Summorum Pontificum qui nous a tant réjouis puisqu’il redonnait à l’Eglise l’usage libre de la messe « tridentine ». Mais qui nous a aussi « étonnés »puisqu’il exigeait de nous tous, dans « sa lettre d’accompagnement aux évêques », la « reconnaissance de (la) valeur et de (la) sainteté » de ce rite nouveau qu’il a si souvent pourtant « critiqué » lui-même. C’est bien lui qui a parlé le premier de la nécessaire« réforme de la réforme »…
Je n’invoquerai pas ici l’autorité de nos Maîtres parce qu’ils sont contestés par l’autorité ecclésiale – à tort certainement, mais contestés tout de même… Je ne parlerai donc pas de l’enseignement de Mgr Lefebvre, ni de Mgr de Castro Mayer, ni du R.P. Calmel, ni de M. l’abbé Dulac. Je ne parlerai pas non plus des autorités laïques comme celle de M. Louis Salleron ou de M. Jean Madiran qui nous ont laissé un enseignement tellement riche et explicite sur cette réforme liturgique issue du Concile Vatican II. Je passerai sous silence leur autorité et leur enseignement ne voulant pas faire œuvre « polémique ».
Je ne parlerai ici que des études de membres reconnus de la hiérarchie catholique. J’invoquerai essentiellement les études des cardinaux Ottaviani et Bacci, les nombreuses conférences, si peu connues, du cardinal Stickler, les nombreux livres ou articles du cardinal Ratzinger et de Mgr Gamber, liturgiste tellement recommandé par le cardinal Ratzinger. Je n’omettrai pas d’invoquer aussi l’autorité de Benoît XVI. Il y a beaucoup à dire sur son MP Summorum Pontificum.
Telles seront les autorités citées. Sur elles, avec elles, en utilisant leurs propres arguments, je pense pouvoir ne pas suivre totalement le jugement de Rome et continuer de « déprécier » le Novus Ordo Missae. Et dire mon non possumus à sa célébration. Car ces autorités ont, elles aussi, « déprécié » le nouveau rite. En ce sens, nous ne faisons que suivre leurs arguments et raisonnements, même si nous nous éloignons de leur position pratique. A Rome d’en prendre acte et de reconsidérer la question.
[Le texte intégral de l'exposé est consultable sur le site de l'abbé Aulagnier.]
«Rome nous demande de vivre des richesses de la messe « ancienne » romaine et même de savoir les transmettre, mais sans pour autant « déprécier » les richesses de la nouvelle messe. C’est un désir qui semble se généraliser aujourd’hui. On pourrait le résumer ainsi : vous avez le droit de l’ancienne messe, acceptez en échange la nouvelle messe et ses richesses. Donnant-donnant !
Plusieurs représentants de la hiérarchie parlent dans ce sens. C’est ainsi que Mgr Rey déclarait, dans son récent entretien publié dans La Nef, annonçant la tenue du colloque à Rome fin juin de Sacra Liturgia 2013 qu’il préside, vouloir célébrer à cette occasion les deux formes de l’unique rite romain : « Les divisions entre les adeptes de la « forme extraordinaire » du rite romain et ceux de la « forme ordinaire » n’ont plus de raison d’être… les deux formes de l’unique rite romain ont chacune une place légitime dans la vie de l’Église, et l’on ne peut refuser l’une ou l’autre ». Il vient de reprendre cette idée, dans son homélie d’ouverture du 25 juin 2013 : « Il (Benoît XVI) nous a démontré qu’il ne doit y avoir aucune opposition entre les formes anciennes et nouvelles du rite romain – qui ont toutes les deux leur place dans l’Eglise de la nouvelle évangélisation ».
Toutes ces personnalités se fondent sur l’enseignement de Benoît XVI, celui exprimé dans son Motu Proprio (MP) Summorum Pontificum. En effet, Mgr Rey se justifie en disant : « Benoît XVI a, d’une certaine façon, résolu cette question et nous nous mettons à son école : à Sacra Liturgia 2013, nous célèbrerons les deux formes liturgiques avec notamment les cardinaux Canizares et Brandmülle, comme Benoît XVI l’a dit très clairement » dans son Motu Proprio.
La messe « nouvelle » ne poserait donc plus de « problèmes » théologiques ni pastoraux. Il faudrait l’accepter purement et simplement, sans plus demander corrections, réforme, encore moins abrogation. Il faudrait s’en tenir dorénavant inclus à l’article 1§1 du Motu Proprio Summonrum Pontificum :
« Le Missel romain promulgué par Paul VI est l’expression ordinaire de la « lex orandi » de l’Église catholique de rite latin. Le Missel romain promulgué par S. Pie V et réédité par le bienheureux Jean XXIII doit être considéré comme l’expression extraordinaire de la même « lex orandi » de l’Église et être honoré en raison de son usage vénérable et antique. Ces deux expressions de la « lex orandi » de l’Église n’induisent aucune division de la « lex credendi » de l’Église ; ce sont en effet deux mises en œuvre de l’unique rite romain.
Il est donc permis de célébrer le Sacrifice de la Messe suivant l’édition type du Missel romain promulgué par le bienheureux Jean XXIII en 1962 et jamais abrogé, en tant que forme extraordinaire de la Liturgie de l’Église ».
Que faut-il penser de tout cela ? Le MP Summorum Pontificum exprime-t-il vraiment un jugement définitif de Benoît XVI ? N’est-il pas plutôt l’œuvre d’un compromis qui a fait l’objet de longues discussions ? De ces discussions, il en parle par deux fois dans sa lettre d’accompagnement transmettant aux évêques ce document : tout au début : « Ce document est le fruit de longues réflexions, de multiples consultations et de la prière » et un peu plus loin, il écrit : « …au cours des discussions sur ce Motu Proprio… ».
Ces consultations, ces discussions ont-elles abouti à un compromis, à ce compromis, celui de l’article 1§1 ? Des pressions se sont-elles exercées sur Benoît XVI pour l’obtenir ?
Ce sont ces questions que je voudrais aborder ici.
Tout d’abord, je voudrais « discuter », dans une première partie, le jugement de Rome ainsi que celui de Mgr Rey. Ne doit-on plus « critiquer » le nouveau rite ? Est-il devenu idoine, au fil du temps, comme par enchantement ? Puis, dans une deuxième partie, je voudrais aborder la pensée liturgique de Benoît XVI telle qu’il l’a exprimée dans de nombreux ouvrages, mais aussi dans son Motu Proprio Summorum Pontificum qui nous a tant réjouis puisqu’il redonnait à l’Eglise l’usage libre de la messe « tridentine ». Mais qui nous a aussi « étonnés »puisqu’il exigeait de nous tous, dans « sa lettre d’accompagnement aux évêques », la « reconnaissance de (la) valeur et de (la) sainteté » de ce rite nouveau qu’il a si souvent pourtant « critiqué » lui-même. C’est bien lui qui a parlé le premier de la nécessaire« réforme de la réforme »…
Je n’invoquerai pas ici l’autorité de nos Maîtres parce qu’ils sont contestés par l’autorité ecclésiale – à tort certainement, mais contestés tout de même… Je ne parlerai donc pas de l’enseignement de Mgr Lefebvre, ni de Mgr de Castro Mayer, ni du R.P. Calmel, ni de M. l’abbé Dulac. Je ne parlerai pas non plus des autorités laïques comme celle de M. Louis Salleron ou de M. Jean Madiran qui nous ont laissé un enseignement tellement riche et explicite sur cette réforme liturgique issue du Concile Vatican II. Je passerai sous silence leur autorité et leur enseignement ne voulant pas faire œuvre « polémique ».
Je ne parlerai ici que des études de membres reconnus de la hiérarchie catholique. J’invoquerai essentiellement les études des cardinaux Ottaviani et Bacci, les nombreuses conférences, si peu connues, du cardinal Stickler, les nombreux livres ou articles du cardinal Ratzinger et de Mgr Gamber, liturgiste tellement recommandé par le cardinal Ratzinger. Je n’omettrai pas d’invoquer aussi l’autorité de Benoît XVI. Il y a beaucoup à dire sur son MP Summorum Pontificum.
Telles seront les autorités citées. Sur elles, avec elles, en utilisant leurs propres arguments, je pense pouvoir ne pas suivre totalement le jugement de Rome et continuer de « déprécier » le Novus Ordo Missae. Et dire mon non possumus à sa célébration. Car ces autorités ont, elles aussi, « déprécié » le nouveau rite. En ce sens, nous ne faisons que suivre leurs arguments et raisonnements, même si nous nous éloignons de leur position pratique. A Rome d’en prendre acte et de reconsidérer la question.
[Le texte intégral de l'exposé est consultable sur le site de l'abbé Aulagnier.]