SOURCE - Abbé Dubroeucq, fsspx - Aux Sources du Carmel (Bulletin du Tiers-Ordre séculier pour les pays de langue française) - février 2014
Un des effets les plus merveilleux de la grâce sanctifiante est de faire de notre âme un sanctuaire vivant, selon ces paroles de l’Apôtre : « Ne savez-vous pas que vous êtes les temples de Dieu, et que l’Esprit de Dieu habite en vous ? » [1 Cor. 3, 17]. C’est une des vérités les plus touchantes du christianisme, les plus génératrices de piété, les plus riches en semences de sainteté.
Un des effets les plus merveilleux de la grâce sanctifiante est de faire de notre âme un sanctuaire vivant, selon ces paroles de l’Apôtre : « Ne savez-vous pas que vous êtes les temples de Dieu, et que l’Esprit de Dieu habite en vous ? » [1 Cor. 3, 17]. C’est une des vérités les plus touchantes du christianisme, les plus génératrices de piété, les plus riches en semences de sainteté.
Elle était très familière aux premiers chrétiens. Saint Paul y fait appel pour mettre en garde les Corinthiens contre ceux qui travaillent à détruire son œuvre : « Ne savez-vous pas que vous êtes le temple de Dieu et que l’Esprit-Saint habite en vous? Si quelqu’un détruit le temple de Dieu, Dieu le détruira, car le temple de Dieu est saint, et c’est ce que vous êtes.» [1 Cor., 3, 16]. Contre l’impureté : « Ne savez-vous pas que votre corps est le temple du Saint-Esprit qui est en vous, que vous avez reçu de Dieu, et que vous n’êtes plus à vous-mêmes ? Glorifiez donc et portez Dieu dans votre corps. » [1 Cor., 6, 19]. Comme une église consacrée appartient à Dieu et ne peut plus servir aux usages profanes, ainsi en est-il du baptisé. Pour saint Jean, ceux qui ont le privilège d’avoir la foi au Christ et la charité, demeurent en Dieu et Lui en eux. Cette présence est alors permanente : « Nous ferons en lui notre demeure. »
Les Pères de l’Église n’ont pas manqué de transmettre avec fidélité une si magnifique et si féconde doctrine. Ainsi saint Ignace d’Antioche (†107), dans son Épître aux Éphésiens : « Faisons donc toutes nos actions avec la pensée qu’Il habite en nous, nous serons ainsi ses temples, et lui-même sera notre Dieu résidant en nous. C’est bien ce qu’Il est en réalité et ce qu’Il apparaîtra clairement à nos yeux par le juste amour que nous lui porterons. » [Rouët de Journel, Textes ascétiques des Pères de l’Église, Herder, Fribourg, 1947, n°14, p.5]. Saint Augustin, parlant de l’effusion du Saint-Esprit qui eut lieu le jour de la Pentecôte, s’exprime de la sorte: « L’Esprit-Saint vint donc en ce jour à ses fidèles, non plus par une simple opération ou une grâce de visite, mais par la présence même de sa majesté. » [St Aug., sermo 185, de Temp.].
La liturgie fait de nombreuses allusions à l’habitation du Saint-Esprit en nous, dans les offices de la Pentecôte ; dans la collecte du mercredi de l’octave, elle « demande que l’Esprit-Saint, arrivant en nous, fasse de nous, en y demeurant, le temple de sa gloire. » Cette vérité est également exprimée dans le premier exorcisme du baptême : « Je t’exorcise, esprit immonde…, afin que tu t’éloignes de cette créature que Notre-Seigneur daigne appeler dans son saint temple pour en faire le temple du Dieu vivant où puisse habiter le Saint-Esprit. »
Enfin l’enseignement officiel de l’Église nous est donné par le pape Léon XIII dans son encyclique Divinum illud du 9 mai 1897 : « Dieu, par sa grâce, réside dans l’âme du juste ainsi qu’en un temple, d’une façon très intime et spéciale. De là ce lien d’amour qui unit l’âme à Dieu plus étroitement qu’un ami ne peut l’être à l’égard de son meilleur ami, et cette jouissance pleine et suave qu’elle goûte en sa présence. Cette union admirable, appelée inhabitation, qui ne diffère de celle des bienheureux habitants du ciel que par la condition ou l’état, est produite très réellement par la présence de toute la Trinité : “ Nous viendrons en lui et nous ferons en lui notre demeure (Jn, 24, 23) ”. » [P. Cattin, Sources de la vie spirituelle, Édit. St Paul, Fribourg, 1958, t. 1, p. 14-15].
« Dieu veut toujours parfaire ce qu’il a commencé. Se donner, se rendre présent, s’unir, n’est pas de sa part un vain geste, sans effet. S’il se donne, s’il se rend présent, s’il s’unit à l’âme, il tend à lui révéler de quelque façon sa présence, à lui faire sentir son amour, à la faire jouir de lui, à entrer avec elle dans une vie de tendresse à deux, dans une plus affectueuse et plus intense familiarité, à lui fournir comme un avant-goût de l’intimité céleste. Il tend à se manifester à elle, selon la promesse de Notre-Seigneur rapportée par saint Jean (Jn, 14, 21) : “ Si quelqu’un m’aime, mon Père l’aimera, et moi je l’aimerai, et je me manifesterai à lui. ” » [Mgr Cuttaz, Le juste, chez l’auteur, Annecy, 1955, p. 154-155].
C’est là une vérité chère à la doctrine mystique du Carmel, cette certitude que Dieu est présent au plus intime de notre âme comme objet de connaissance et d’amour ; pour le trouver, il faut se recueillir, rentrer « au-dedans », dans le royaume intérieur. C’est « au plus intime de notre âme » qu’il faut le chercher et l’y découvrir. « Pour aller à sa recherche, nous dit sainte Thérèse de Jésus, elle n’a qu’à entrer en solitude, regarder au-dedans d’elle-même, et ne pas s’éloigner d’un hôte si excellent. » [Chemin de la perfection, ch. 28, in Thérèse d’Avila. Œuvres complètes, Paris, Cerf, 2010, p.802]. Mais aussi, « l’âme à laquelle Dieu se communique davantage est celle qui est la plus riche d’amour, en d’autres termes, celle dont la volonté est plus conforme à La volonté de Dieu. Et celle dont la volonté est entièrement conforme, entièrement semblable à la volonté de Dieu, est totalement unie à Dieu et surnaturellement transformée en lui. » [Saint Jean de la Croix, Montée du Carmel, Livre 2, ch. 5, 4, in Jean de la Croix. Œuvres complètes, Paris, Cerf, 1997, p.646]. Je citerai encore la bienheureuse Élisabeth de la Trinité tout imprégnée de cette dévotion dont elle cherchait à faire participer sa sœur Guite, mère de famille : « Notre vie est dans les Cieux…Oh ! ma Guite, ce Ciel, cette maison de notre Père, il est au « centre de notre âme ! Comme tu le verras dans saint Jean de la Croix, lorsque nous sommes en notre centre le plus profond nous sommes en Dieu. N’est-ce pas que c’est simple, que c’est consolant ? A travers tout, parmi les sollicitudes maternelles,…tu peux te retirer en cette solitude pour te livrer à l’Esprit Saint afin qu’Il te transforme en Dieu..» [Élisabeth de la Trinité. Œuvres complètes, Paris, Cerf, 1996, L. 239, p. 613].
Quelles conséquences pratiques découlent de cette doctrine ? Cette présence divine par la grâce impose tous les devoirs qu’exige la présence eucharistique, essentiellement deux : le respect et l’intimité. C’est en les rendant à Dieu qu’on Le glorifie. Puisque Dieu habite en notre âme, il faut en sortir toutes les idoles, tout ce qu’on préfère à Dieu : c’est le travail de purification qu’il nous est demandé d’accomplir constamment, par la vertu de pénitence. A cet effort de purification doit s’ajouter un effort d’intimité : si Dieu vit avec nous, ne faut-il pas vivre avec lui ? S’il demeure en nous, ne faut-il pas demeurer en Lui?
La fête de la Nativité de Notre-Seigneur vient de nous rappeler cette naissance de Dieu en notre âme par la grâce. A la suite de nos saints du Carmel et avec la Vierge immaculée, vivons nous aussi dans le recueillement auquel nous invite la présence de l’Hôte divin.
Je vous bénis
Abbé L.-P. Dubrœucq +