SOURCE - Riposte Catholique - 27 février 2015
On annonce que le 7 mars 2015 le pape François se rendra dans la paroisse romaine de Ognissanti (Toussaint). Un colloque sur la réforme liturgique est même prévu dans ce sillage, le 27 février 2015. Pour rappel, dans la paroisse d’Ognissanti, Paul VI avait prononcé une homélie significative dans l’histoire de la réforme liturgique. Lors du premier dimanche de Carême, Paul VI avait, en effet, célébré une messe qui devait marquer l’application du premier texte mettant en œuvre la réforme liturgique, l’instruction Inter Œcumenici. À l’occasion de cette messe, le pape Paul VI avait ainsi justifié une moindre utilisation du latin : « l’Église a estimé nécessaire cette mesure pour rendre intelligible sa prière. Le bien du peuple exige ce souci de rendre possible la participation active des fidèles au culte public de l’Église. L’Église a fait un sacrifice en ce qui concerne sa langue propre, le latin, qui est une langue sacrée, grave, belle, extrêmement expressive et élégante. Elle a fait le sacrifice de traditions séculaires, et, surtout, de l’unité de langue entre ses divers peuples, pour le bien d’une plus grande universalité, pour arriver à tous ».
On annonce que le 7 mars 2015 le pape François se rendra dans la paroisse romaine de Ognissanti (Toussaint). Un colloque sur la réforme liturgique est même prévu dans ce sillage, le 27 février 2015. Pour rappel, dans la paroisse d’Ognissanti, Paul VI avait prononcé une homélie significative dans l’histoire de la réforme liturgique. Lors du premier dimanche de Carême, Paul VI avait, en effet, célébré une messe qui devait marquer l’application du premier texte mettant en œuvre la réforme liturgique, l’instruction Inter Œcumenici. À l’occasion de cette messe, le pape Paul VI avait ainsi justifié une moindre utilisation du latin : « l’Église a estimé nécessaire cette mesure pour rendre intelligible sa prière. Le bien du peuple exige ce souci de rendre possible la participation active des fidèles au culte public de l’Église. L’Église a fait un sacrifice en ce qui concerne sa langue propre, le latin, qui est une langue sacrée, grave, belle, extrêmement expressive et élégante. Elle a fait le sacrifice de traditions séculaires, et, surtout, de l’unité de langue entre ses divers peuples, pour le bien d’une plus grande universalité, pour arriver à tous ».
Le problème est que les trophées que certains voudraient brandir ne sont pas aussi nets que cela… Rappelons que la messe célébrée par Paul VI était partiellement en italien, dans la mesure où l’offertoire et le canon avaient été dits en latin (aujourd’hui, un usage même limité du latin passerait pour certains comme un signe d’intégrisme…). Paul VI ne faisait que mettre en œuvre des réformes que l’on retrouvera le missel dit de 1965. La constitution Sacrosanctum concilium affirme que « l’usage de la langue latine, sauf droit particulier, sera conservé dans les rites latins » et que les exceptions à l’usage du latin concernent les lectures, les chants, les prières et les monitions. Quant à l’autel face au peuple, la constitution Sacrosanctum concilium reste muette sur la question. On peut enfin gloser à l’infini sur le fait de savoir si le texte ne contenait pas des arrière-pensées et si l’esprit était tout autre: en soi, dans une assemblée comprenant plus de 2000 évêques, il y avait forcément des sensibilités différentes…
Rappelons que même la minorité conciliaire était favorable à l’introduction du vernaculaire. Dans ces années fort troublées, les positions étaient loin d’être aussi tranchées. Le 6 juin 1965, un père conciliaire affirmera même: « faire en sorte que le prêtre s’approche des fidèles, communique avec eux, prie et chante avec eux, se tienne donc à l’ambon, dise en leur langue la prière de l’oraison, les lectures de l’Épître et de l’Évangile ; que le prêtre chante dans les divines mélodies traditionnelles leKyrie, le Gloria et le Credo avec les fidèles. Autant d’heureuses réformes qui font retrouver à cette partie de la messe son véritable but. » Qui est ce père conciliaire ? Le cardinal Suenens ? Non. Le cardinal Lercaro ? Non plus. Les propos ont été affirmés par… Mgr Marcel Lefebvre, qui s’exprime dans un article publié par la revue Itinéraires. La minorité conciliaire n’était pas opposée en soi à une introduction du vernaculaire dans la liturgie. Autre question: en 1965, un prélat affirmera que le missel de 1965 constituait une « restauration finale »; il n’est donc pas question d’aller plus loin. Qui est l’auteur de ces propos ? Mgr Lefebvre ? Non. Le cardinal Siri ? Non plus. Réponse: Mgr Bunigni qui, pourtant, participera à la réforme liturgique la plus radicale de l’histoire de l’Église (DC 1965, c. 316 et 318). La réforme liturgique a aussi été – pardon: a surtout été – un processus marqué par l’improvisation permanente où les initiatives pratiques ont imposé une surenchère avec comme résultat évident qu’à la fin des années 1960 on se retrouve avec des messes entièrement vernacularisées. Cela ne manque pas de piquant quand on sait qu’en 1962 Jean XXIII n’envisageait comme réforme liturgique que la suppression du… dernier évangile. (Au passage, c’est le même Jean XXIII qui débarqua Mgr Bunigni de la commission pré-conciliaire qui devait aborder les questions liturgiques…)
Le missel de 1965 correspond encore une édition du missel romain traditionnel (la réforme de 1969 sera plus radicale au point de constituer de facto un nouveau missel, et non une simple édition corrigée du missel romain traditionnel), même s’il va plus loin que la réforme de 1962 (simplification des prières au bas de l’autel, prières dites à voix haute, etc.), tout en continuant à s’inscrire dans l’optique de Sacrosanctum concilium (maintien du latin et absence de création de nouvelles prières). Il faudra attendre 1967 pour que Rome autorise la lecture du canon en vernaculaire et la simplification de certains gestes (diminution des signes de croix): un prélude avant la réforme (radicale) de 1969… Mais la question est si complexe que même des communautés refusant le missel de 1969 utiliseront le missel romain traditionnel dans ses dernières adaptations, à l’instar de la Fraternité Saint-Pie X (FSSPX). Cette dernière, par prudence, ne reviendra à l’édition de 1962 qu’en 1974. Écône avait donc commencé par l’utilisation d’un missel comportant des prières au bas de l’autel simplifiées (psaume Judica me limité à son antienne) ou omettant le dernier évangile. On ne peut pas soupçonner la FSSPX d’être à l’avant-garde de la réforme liturgique…
Autre argument qui ressort de certains promoteurs de cette réforme liturgique qui doivent d’exprimer dans le colloque qui se tiendra aujourd’hui : « un des objectifs principaux de la réforme liturgique était la participation pleine, active et consciente à la liturgie, pour que les fidèles sortent de l’attitude de spectateurs muets et étrangers. En ce sens, le changement a été historique et a marqué un tournant ». On peut d’abord rappeler que le concept de « participation active » n’est nullement imputable à Vatican II. Dans son Motu proprio Tra le sollecitudini de 1903, Saint-Pie X demandait une « participation active aux mystères et à la prière officielle et solennelle de l’Eglise ». On peut souligner que cette « participation pleine, active et consciente » n’a pas besoin de réforme liturgique ou de réécriture du missel: le développement des messes dialoguées avant le concile visait déjà à une participation des fidèles. Le mouvement liturgique cherchait déjà à développer une culture liturgique chez les fidèles. Mais le concept de « participation active » mérite d’être creusé pour ne pas se limiter à un concept superficiel qui se cantonne à un pur activisme. En soi, la participation est avant tout spirituelle: on s’unit intérieurement à la liturgie. La présence de Mgr Piero Marini, président du Conseil pontifical pour les congrès eucharistiques internationaux, qui fera un exposé sur « la langue parlée, instrument de communion dans le dialogue de l’assemblée liturgique », donne un aperçu sur la tonalité du colloque du 27 février: certainement pas celle de « la réforme de la réforme »…
Cinquante ans après les faits, il serait juste de les restituer à leur juste mesure et de ne pas lire les évènements d’alors à la lumière des évènements suivants. La réforme liturgique a aussi été marquée par une improvisation et un processus de fuite en avant, et pas seulement par des textes dont on aurait tort de penser qu’ils suffisent, en eux-mêmes, à endiguer les maux… Mais au-delà des polémiques, de tel souci visant à justifier tel geste, il faut s’interroger sur le fait que les baptisés, massivement, ne pratiquent plus. Pire: ils n’adhèrent pas toujours aux vérités de la foi et à celles qui en découlent, en partie parce que le verbiage liturgique ne les porte guère à entretenir cette foi. L’éloignement massif des fidèles est significatif pour une réforme qui affichait pourtant sa volonté de ne pas les éloigner de la liturgie… Cinquante après, il serait temps de se poser les vraies questions, non de célébrer l’autosatisfaction ou de se cantonner à un « bilan globalement positif » de ce qui a été l’une des plus grandes catastrophes spirituelles des temps modernes…