SOURCE - Anne Le Pape - Abbé Boucharcourt - Présent - 25 mars 2016
En cet anniversaire de la mort de Mgr Lefebvre, survenue le 25 mars 1991, M. l’abbé Christian Bouchacourt, Supérieur du District de France de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X, évoque pour Présentle fondateur de la Fraternité.
— Mgr Lefebvre s’est éteint il y a tout juste 25 ans, jour pour jour. Il a laissé une œuvre florissante, la Fraternité Saint-Pie X : combien de divisions?
— Près de 600 prêtres, 185 maisons réparties sur tous les continents, 113 frères 79 oblates, plus de 200 séminaristes – sans compter les écoles, nombreuses elles aussi.
— Ce qui est intéressant est l’influence de Mgr Lefebvre en dehors de la Fraternité. N’est-ce pas en grande partie grâce à lui que le rite traditionnel a à nouveau droit de cité de façon officielle dans l’Eglise?
— C’est évident ! Si la Providence n’avait pas suscité Mgr Lefebvre, le Concile une fois passé, la Tradition aurait disparu. La ténacité de deux évêques, Mgr Lefebvre et Mgr De Castro-Mayer, a permis que la messe soit sauvée. Tous ceux qui, aujourd’hui, peuvent célébrer dans le rite traditionnel, le peuvent grâce à notre fondateur, dont la devise, ne l’oubliez pas, était : « Nous avons cru en la charité. » En sauvant la messe, il a accompli la plus belle œuvre de charité qui soit.
— Quelle place occupe la figure de Mgr Lefebvre au Vatican ? Celle d’un pestiféré ou celle d’une personnalité marquante, estimable même si l’on n’apprécie pas toutes ses positions?
— Mgr Lefebvre fascine le Vatican. Il a été l’objet de la haine des modernistes, indéniablement, mais beaucoup reconnaissent qu’il fut un homme vertueux, prudent, avec une force d’âme extraordinaire. Il a tout sacrifié pour le combat de la foi. Tout cela lui vaut, aujourd’hui, un respect certain.
— L’abbé Puga, dans le dernier numéro du Chardonnet, évoque la visite du cardinal Oddi à Ecône, quelques mois après la mort de Mgr Lefebvre. Il se recueillit sur la tombe et termina sa prière en disant: «Merci, Monseigneur…»
— La Tradition tout entière peut lui dire merci. Il a été un héraut de la vérité et un héraut de la charité. Ce qui est remarquable chez lui est qu’il a toujours avancé au rythme de la Providence, dont il a guetté un signe pour sacrer des évêques. Il a donc attendu l’âge de 83 ans pour le faire. Je crois que, pour lui, ce signe fut la réunion d’Assise de 1986.
— Un autre fait n’a-t-il pas joué aussi : ayant signé un accord, il a constaté que le Vatican faisait traîner les choses en longueur?
— Effectivement, on a voulu jouer la montre et il s’en est rendu compte. Il a fait tout son possible pour obtenir ce qu’il demandait : des évêques. Puis il a dû franchir le pas…
— Pas de gaîté de cœur, je crois?
— La question l’a torturé, il a beaucoup prié, il a pris sa décision seul, même s’il a consulté, seul devant Dieu. Mais au terme de la cérémonie des sacres, la joie rayonnait dans ses yeux. On le voyait profondément heureux.
Un de mes confrères était allé le voir avant les sacres et lui avait demandé la différence qu’il y aurait entre ce qu’il voulait faire et les sacres de Mgr Ngo Dinh Thuc. Il attendait une grande démonstration théologique. Monseigneur lui a juste répondu : « Ce sera évident pour tous. » Et cela s’est révélé juste! Quant à moi, j’étais opposé aux sacres. Mais quand c’est arrivé, il n’y avait plus pour moi l’ombre d’un problème.
— L’abbé Puga précise aussi que Mgr Lefebvre ne sut pas la condamnation qui le frappait pour racisme, lui le grand missionnaire en Afrique puisque, pour reprendre une expression d’un article du Choc du mois de l’époque, «La justice de Dieu le délivra de l’injustice des hommes.»
— L’abbé Puga, en taisant cette condamnation inique, s’est montré digne fils de Mgr Lefebvre.
— Monsieur l’abbé, Mgr Bergoglio (car il n’était pas encore élu pape à l’époque) a déclaré avoir lu deux fois la vie de Mgr Lefebvre. Puisque vous étiez en Argentine alors qu’il était archevêque de Buenos Aires, est-ce vous qui lui avez offert l’ouvrage?
— C’est bien à moi que Mgr Bergoglio a fait cette déclaration, car c’est aussi moi qui lui ai offert cet ouvrage, parmi d’autres livres. Quand j’ai un rendez-vous, je prends toujours un livre de ou sur Monseigneur et, si l’entretien se passe bien, je l’offre à mon interlocuteur. Or j’ai rencontré Mgr Bergoglio cinq ou six fois.
— Et les entretiens s’étant bien passé, vous lui avez donc offert plusieurs ouvrages?
— Oui ! Et chacun sait que le pape est un grand lecteur.
— Un mot encore?
— Je voudrais ajouter que la vie de Mgr Lefebvre montre le bien que peut faire un évêque quand il est fidèle. Si de nombreux évêques étaient alors restés fidèles à la Tradition, quel en aurait été le résultat ? Si l’Eglise arrive à se réapproprier cette Tradition avec la sainte messe, elle devra combattre, bien sûr, car l’Eglise est toujours et partout objet de contradiction, mais elle aura pour elle une force extraordinaire.
Propos recueillis par Anne Le Pape
En cet anniversaire de la mort de Mgr Lefebvre, survenue le 25 mars 1991, M. l’abbé Christian Bouchacourt, Supérieur du District de France de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X, évoque pour Présentle fondateur de la Fraternité.
— Mgr Lefebvre s’est éteint il y a tout juste 25 ans, jour pour jour. Il a laissé une œuvre florissante, la Fraternité Saint-Pie X : combien de divisions?
— Près de 600 prêtres, 185 maisons réparties sur tous les continents, 113 frères 79 oblates, plus de 200 séminaristes – sans compter les écoles, nombreuses elles aussi.
— Ce qui est intéressant est l’influence de Mgr Lefebvre en dehors de la Fraternité. N’est-ce pas en grande partie grâce à lui que le rite traditionnel a à nouveau droit de cité de façon officielle dans l’Eglise?
— C’est évident ! Si la Providence n’avait pas suscité Mgr Lefebvre, le Concile une fois passé, la Tradition aurait disparu. La ténacité de deux évêques, Mgr Lefebvre et Mgr De Castro-Mayer, a permis que la messe soit sauvée. Tous ceux qui, aujourd’hui, peuvent célébrer dans le rite traditionnel, le peuvent grâce à notre fondateur, dont la devise, ne l’oubliez pas, était : « Nous avons cru en la charité. » En sauvant la messe, il a accompli la plus belle œuvre de charité qui soit.
— Quelle place occupe la figure de Mgr Lefebvre au Vatican ? Celle d’un pestiféré ou celle d’une personnalité marquante, estimable même si l’on n’apprécie pas toutes ses positions?
— Mgr Lefebvre fascine le Vatican. Il a été l’objet de la haine des modernistes, indéniablement, mais beaucoup reconnaissent qu’il fut un homme vertueux, prudent, avec une force d’âme extraordinaire. Il a tout sacrifié pour le combat de la foi. Tout cela lui vaut, aujourd’hui, un respect certain.
— L’abbé Puga, dans le dernier numéro du Chardonnet, évoque la visite du cardinal Oddi à Ecône, quelques mois après la mort de Mgr Lefebvre. Il se recueillit sur la tombe et termina sa prière en disant: «Merci, Monseigneur…»
— La Tradition tout entière peut lui dire merci. Il a été un héraut de la vérité et un héraut de la charité. Ce qui est remarquable chez lui est qu’il a toujours avancé au rythme de la Providence, dont il a guetté un signe pour sacrer des évêques. Il a donc attendu l’âge de 83 ans pour le faire. Je crois que, pour lui, ce signe fut la réunion d’Assise de 1986.
— Un autre fait n’a-t-il pas joué aussi : ayant signé un accord, il a constaté que le Vatican faisait traîner les choses en longueur?
— Effectivement, on a voulu jouer la montre et il s’en est rendu compte. Il a fait tout son possible pour obtenir ce qu’il demandait : des évêques. Puis il a dû franchir le pas…
— Pas de gaîté de cœur, je crois?
— La question l’a torturé, il a beaucoup prié, il a pris sa décision seul, même s’il a consulté, seul devant Dieu. Mais au terme de la cérémonie des sacres, la joie rayonnait dans ses yeux. On le voyait profondément heureux.
Un de mes confrères était allé le voir avant les sacres et lui avait demandé la différence qu’il y aurait entre ce qu’il voulait faire et les sacres de Mgr Ngo Dinh Thuc. Il attendait une grande démonstration théologique. Monseigneur lui a juste répondu : « Ce sera évident pour tous. » Et cela s’est révélé juste! Quant à moi, j’étais opposé aux sacres. Mais quand c’est arrivé, il n’y avait plus pour moi l’ombre d’un problème.
— L’abbé Puga précise aussi que Mgr Lefebvre ne sut pas la condamnation qui le frappait pour racisme, lui le grand missionnaire en Afrique puisque, pour reprendre une expression d’un article du Choc du mois de l’époque, «La justice de Dieu le délivra de l’injustice des hommes.»
— L’abbé Puga, en taisant cette condamnation inique, s’est montré digne fils de Mgr Lefebvre.
— Monsieur l’abbé, Mgr Bergoglio (car il n’était pas encore élu pape à l’époque) a déclaré avoir lu deux fois la vie de Mgr Lefebvre. Puisque vous étiez en Argentine alors qu’il était archevêque de Buenos Aires, est-ce vous qui lui avez offert l’ouvrage?
— C’est bien à moi que Mgr Bergoglio a fait cette déclaration, car c’est aussi moi qui lui ai offert cet ouvrage, parmi d’autres livres. Quand j’ai un rendez-vous, je prends toujours un livre de ou sur Monseigneur et, si l’entretien se passe bien, je l’offre à mon interlocuteur. Or j’ai rencontré Mgr Bergoglio cinq ou six fois.
— Et les entretiens s’étant bien passé, vous lui avez donc offert plusieurs ouvrages?
— Oui ! Et chacun sait que le pape est un grand lecteur.
— Un mot encore?
— Je voudrais ajouter que la vie de Mgr Lefebvre montre le bien que peut faire un évêque quand il est fidèle. Si de nombreux évêques étaient alors restés fidèles à la Tradition, quel en aurait été le résultat ? Si l’Eglise arrive à se réapproprier cette Tradition avec la sainte messe, elle devra combattre, bien sûr, car l’Eglise est toujours et partout objet de contradiction, mais elle aura pour elle une force extraordinaire.
Propos recueillis par Anne Le Pape