SOURCE - cath.ch - 23 mars 2016
“Il est très clair que le pape François veut nous laisser vivre et survivre.” C’est à travers cette affirmation forte, que Mgr Bernard Fellay, supérieur général de la Fraternité saint Pie X (FSSPX), justifie sa politique de rapprochement avec Rome.
“Il est très clair que le pape François veut nous laisser vivre et survivre.” C’est à travers cette affirmation forte, que Mgr Bernard Fellay, supérieur général de la Fraternité saint Pie X (FSSPX), justifie sa politique de rapprochement avec Rome.
Depuis quelques semaines, des
bruits divers circulent à propos d’une éventuelle
reconnaissance canonique de la Fraternité par Rome. Dans un long
entretien au site internet DICI, paru le 22 mars 2016, Mgr
Bernard Fellay donne son analyse de l’attitude actuelle du Vatican à l’égard de
la FSSPX.
“Je pense que l’on avance vraiment”
Selon Mgr Fellay, depuis l’an
2000, les rapports avec Rome n’ont jamais été rompus, même s’ils ont connu une
fréquence et une intensité variables. En 2009, après la levée, par le pape
Benoît XVI, des excommunications frappant les évêques lefebvristes, il y a eu
une période plus intense de deux ans de discussions doctrinales. Ensuite, une
proposition de double solution, avec une déclaration doctrinale et un statut
canonique, a été faite. Mais cette démarche n’a pas abouti.
Depuis des discussions ont repris
sous une forme plus souple, donc “pas tout à fait officielle, mais plus
qu’officieuse puisque ce sont des évêques qui ont été envoyés par Rome.
J’estime que cela en vaut la peine”, relève le prélat traditionaliste. En
juillet 2015 enfin une nouvelle invitation à réfléchir pour voir comment
arriver à une régularisation canonique a été lancée. “Est-ce que l’on
avance vraiment? Je pense que oui, mais c’est très certainement lent”.
“Etre acceptés tels que nous sommes”
Mgr Fellay affirme ensuite
vouloir absolument éviter toute compromission. “Evidemment cela nous rend
rigides, […] ce qui rend la chose plus difficile, mais il n’y a pas pour nous
de solution facile.”Pour le Supérieur de la FSSPX, la question de fond est
désormais la suivante “quelle amplitude, quelle liberté, nous seraient
données […], dans le cas d’une régularisation ? […] à savoir précisément
que nous soyons acceptés tels que nous sommes.”
Mgr Fellay saisit l’occasion pour
défendre les visites de plusieurs délégués de Rome dans divers établissements
de la FSSPX. “Evidemment, par un certain nombre de personnes chez nous,
elles ont été perçues avec passablement de méfiance: ‘que viennent faire ces
évêques chez nous ?’ Eh bien ! ce n’était pas ma perspective.
L’invitation est venue de Rome, peut-être suite à une idée que je leur avais
donnée, et qui était celle-ci : ‘vous ne nous connaissez pas; nous
discutons ici dans un bureau à Rome, venez nous voir sur place; vous ne nous
connaîtrez vraiment que si vous nous voyez’.”
Une bienveillance paradoxale des papes envers la FSSPX
Pour le supérieur de la FSSPX, la
bienveillance des papes Benoît XVI et François a quelque chose de paradoxal. “Le
paradoxe d’une volonté d’avancer vers on peut presque dire ‘Vatican III’, dans
le pire sens qu’on puisse donner à cette expression, et d’autre part la volonté
de dire à la Fraternité : ‘vous êtes les bienvenus’. C’est vraiment un
paradoxe, presque une volonté d’associer les contraires.”
Chez Benoît XVI, Mgr Fellay
relève “son côté conservateur, son amour pour l’ancienne liturgie, son
respect pour la discipline antérieure dans l’Eglise”.
“Chez le pape François, on ne
voit pas cet attachement ni à la liturgie, ni à la discipline ancienne, on
pourrait même dire: bien au contraire.[…] Une des explications est la
perspective du pape François sur tout ce qui est marginalisé, ce qu’il appelle
les ‘périphéries existentielles’. Je ne serais pas étonné qu’il nous considère
comme une de ces périphéries auxquelles il donne manifestement sa préférence.”
Mgr Fellay voit aussi chez le pape
François une accusation assez constante contre l’Eglise établie, […]
qui est un reproche fait à l’Eglise d’être auto-satisfaite, une Eglise qui ne
cherche plus la brebis égarée.[…] On voit très bien que lorsqu’il dit
‘pauvreté’, il inclut aussi la pauvreté spirituelle, des âmes qui sont dans le
péché, qu’il faudrait en sortir, qu’il faudrait reconduire vers le Bon Dieu”.
“Et dans cette perspective-là, il voit dans la Fraternité une société très
active, – surtout quand on la compare à la situation de l’establishment.” Selon
le prélat, le pape François aurait lu deux fois la biographie de Mgr Lefebvre
écrite par Mgr Tissier de Mallerais. “Je pense que cela lui a plu”.
“La Divine Providence se
débrouille pour mettre de bonnes pensées chez un pape qui, sur beaucoup de
points, nous effraye énormément. […] Cette manière est très surprenante, car il
est très clair que le pape François veut nous laisser vivre et survivre.”
Vatican II: un concile à géométrie variable
Mgr Fellay revient longuement
aussi sur l’acceptation du Concile Vatican II. Selon lui les questions
classiques sur lesquelles on achoppe, qu’il s’agisse de la liberté religieuse,
de la collégialité, de l’œcuménisme, de la nouvelle messe, ou même des nouveaux
rites des sacrements, sont des questions ouvertes. “Jusqu’ici on a toujours
insisté pour dire: vous devez accepter le Concile.” Or “les
documents du Concile sont totalement inégaux, et leur acceptation se fait selon
un critère gradué, selon un barème d’obligation. […] Ceux qui, d’une manière
totalement erronée, prétendent que ce concile est infaillible, ceux-là obligent
à une soumission totale à tout le Concile. Alors si ‘accepter le Concile’ veut
dire cela, nous disons que nous n’acceptons pas le Concile. Parce que,
précisément, nous nions sa valeur infaillible.”
Intégration = désintégration
Mgr Fellay plaide aussi pour la
levée de la méfiance mutuelle. “Cette méfiance, il est certain que nous
l’avons. Et je pense que l’on peut aussi dire qu’il est certain que Rome l’a
par rapport à nous. […] Il faut arriver à une confiance minimale, à un climat
de sérénité, pour éliminer ces accusations a priori. […] Cela demande aussi des
actes où se manifeste une bonne volonté qui ne soit pas celle de nous détruire.
Or c’est toujours un peu cette idée-là qui est chez nous, […] répandue d’une
manière assez courante: ‘s’ils nous veulent, c’est pour nous étouffer, et
éventuellement nous détruire, nous absorber totalement, nous désintégrer’. Ce
n’est pas une intégration, c’est une désintégration! Evidemment, tant que cette
idée règne, on ne peut s’attendre à rien.”, conclut le prélat
traditionaliste. (cath.ch-apic/dici/mp)