Dans son vol de retour de Fatima,
le pape François, interrogé par la presse sur la question de la FSSPX, a
déclaré qu’il avait de « bons rapports » avec son supérieur, Mgr
Fellay. Le pape François a ainsi reconnu la possibilité d’une régularisation de
l’institut. L’opposition à une telle perspective doit être pesée à sa juste
valeur.
Et en effet, les réactions n'ont
pas tardé. Alors que l'annonce de la reconnaissance canonique de la Fraternité
Saint-Pie X se fait toujours plus proche, au point que des dates ont été
lancées dans certains milieux romains dits autorisés, plusieurs prêtres, doyens
du district de France accompagnés des responsables de communautés religieuses
proches de la FSSPX avaient manifesté leur opposition au document romain sur
les mariages au sein de la FSSPX (cf. M&V N°940). La lettre a été
complaisamment relayée par des sites Internet qui roulent pour la « résistance
». Sous ce terme, veuillez entendre les opposants à un accord avec Rome, dont
beaucoup ont déjà rompu avec la FSSPX.
La lettre a donné lieu à des
sanctions de la part de l'abbé Bouchacourt, lequel a notamment relevé l'abbé de
La Rocque de sa charge de curé de Saint-Nicolas-du-Chardonnet. Cette décision a
suscité l'ire de bien des paroissiens. Civitas a théâtralisé son désaccord. Une
soixantaine de personnes parmi lesquelles Alain Escada ont quitté publiquement
l'église lorsque l'abbé Bouchacourt a confirmé, en chaire, l'annonce de la
destitution du curé de Saint-Nicolas le 14 mai 2017 pour nommer l'abbé Denis
Puga curé par intérim.
L'attitude d'insubordination de
ces sept prêtres français doit cependant être ramenée à de justes proportions.
Au niveau international aucun des quarante membres du chapitre général - le
chapitre qui élit le supérieur général de la FSSPX - n'a apporté son soutien à
la missive. Mieux : la plupart l'ont même condamnée, directement ou
indirectement. La maison générale de la FSSPX déplore ce tumulte. D'autre part,
le « coup » est un classique lorsqu'une perspective de régularisation se
dessine au sein de la Fraternité. Certains cherchent à faire pencher le
balancier, quitte à souffler sur les braises ou à en susciter. Déjà, en 2009,
Mgr Williamson avait joué les trouble-fête, imaginant sans doute que sa sortie
révisionniste, devant la télévision suédoise pourrait enrailler définitivement
le processus permettant de reconnaître la Fraternité. Cette fois, des prieurs
français ont profité de la publication de la concession romaine sur les
mariages de la Fraternité pour faire pression sur leurs supérieurs français et
sur la hiérarchie internationale de la Fraternité.
France, fille aînée de la
polémique ?
Si dans le reste du monde, les
divergences avaient semblé déboucher sur des séparations internes dès 2012, il
semble que dans le district de France de la FSSPX- le plus important - la
résistance à Mgr Fellay se maintient tant à l'extérieur qu'à l'intérieur de la
communauté. En effet, à l'étranger le phénomène « résistant » est clairement
en-dehors des structures officielles de la Fraternité, comme c'est le cas aux
Etats-Unis d'Amérique, un district en forte progression. Dans certains pays,
c'est une situation inconnue. Ainsi, le district d'Allemagne n'est pas touché
par le phénomène. Mais pour la France, c'est plus compliqué.
Pour quelle raison notre pays
fait-il exception ? Il y a quelques années, le supérieur du district de France,
l'abbé Régis de Cacqueray, avait veillé à placer dans les principaux prieurés
des figures partageant ses réticences à l'égard d'une amélioration canonique.
Nommé en 2014 pour le remplacer, l'abbé Christian Bouchacourt, soucieux de
ménager les deux tendances au sein de la Fraternité, avait évité de bouleverser
la carte établie par son prédécesseur. Il joua surtout la confiance envers tous
les prêtres. Pourtant, les plus décidés d'entre eux, sans avoir eu cure de son
pari, l'ont forcé à trancher dans le vif. La Lettre de défiance envers Rome
avait été communiquée directement aux fidèles de la FSSPX, le bulletin
paroissial de Saint-Nicolas du Chardonnet l'ayant même publiée... Ce n'est pas
tant son contenu que la manière dont elle a été diffusée qui semble avoir
suscité l'ire du District de France. L'abbé Bouchacourt n'a été informé de la
diffusion de la lettre que le vendredi 5 mai au soir, alors qu'elle devait être
lue le dimanche 7 mai. Bref, une mise au pied du mur que l'intéressé n'a guère
apprécié. La rapidité de la sanction à l'égard de l'abbé de La Rocque a surpris
certains. Mais elle n'a pas étonné les observateurs, habitués aux décisions
expéditives de Mgr Fellay. Un bon connaisseur du dossier nous affirmait le
ras-le-bol des autorités de la FSSPX de voir le mensuel de Saint-Nicolas-du-Chardonnet
servir de canal à la dissidence. Il soulignait aussi les drôles d'accointance
entre certaines personnalités proches de la FSSPX et des sites maintenant une
hostilité non dissimulée contre Rome. Il craignait que la Fraternité soit embarquée
dans des polémiques inutiles.