SOURCE - FSSPX Actualités - 20 juin 2017
On entend parfois dire que le diable n’existe pas vraiment, laissant penser que la croyance au démon serait optionnelle, voire en débat dans l’Eglise. Satan ne serait qu’une manière de parler du mystère du Mal à l’œuvre dans nos vies, un symbole qui conviendrait à une culture et à une époque dépassées. Qu’en est-il vraiment ?
Il est triste et scandaleux de lire certains propos qui paraissent mettre en cause la foi de l’Eglise fondée par Jésus-Christ : ainsi dans un entretien accordé au journal espagnol El Mundo, le 31 mai 2017, le R.P. Arturo Sosa, Général des jésuites - celui qu’on appelle traditionnellement le «pape noir» étant donné l’importance de sa fonction - s’est risqué à aborder le thème du mal.
A la question du journaliste qui demande : « (si) la question du mal trouve son explication à partir d’un processus psychologique purement humain, ou au contraire (si) elle est fondée sur l’existence d’une entité supérieure », le Père Sosa fait une réponse stupéfiante qui mérite d’être rapportée in extenso :
«De mon point de vue, le mal fait partie du mystère de la liberté. Si l'être humain est libre, il y a la possibilité de choisir entre le bien et le mal. Les chrétiens croient que nous sommes faits à l'image et à la ressemblance de Dieu, Dieu est donc libre, mais Dieu choisit toujours de faire le bien, car il est le Bien parfait. Nous autres, nous avons recours à des symboles, comme le diable, pour exprimer l’idée de mal. Les conditionnements sociaux aussi expliquent le recours à ce symbole, parce qu’il existe des personnes qui évoluent dans un tel environnement qu’il est très difficile pour elles de faire autrement.»
Autrement dit, le mal se retrouve réduit à une dimension purement psychologique et à une forme a priori, qui serait plutôt objet de l’histoire des mentalités.
Une réponse en forme de désaveu est venue d’outre-Atlantique ; elle émane d’un fils de saint François. Mgr Charles Chaput, capucin, est à la tête de l’archevêché de Philadelphie. Dans un billet d’humeur daté du 5 juin, quelques jours après la parution retentissante de l’entretien d’El Mundo, le prélat aborde la question du mal à travers une analyse de la pensée de Leszek Kołakowski (1927-2009), un philosophe catholique polonais spécialisé dans la critique du marxisme : « le diable et le mal sont des constantes à l’œuvre dans l'histoire humaine et dans les luttes de toute âme humaine », affirme-t-il.
Puis l’archevêque se fait plus incisif : « notez que Kołakowski - contrairement à certains de nos dirigeants catholiques qui pourraient être mieux avisés - n'utilisait pas le mot ‘diable’ comme symbole de l'obscurité dans nos propres cœurs, ou comme une métaphore pour les mauvaises choses qui se produisent dans le monde. » Difficile de ne pas voir ici une pique à l’égard du Général des jésuites.
La remarque finale qu’apporte Mgr Chaput ne manque pas d’intérêt non plus : « le diable, plus que quiconque, apprécie cette ironie : le fait que nous ne pouvons pas pleinement comprendre la mission de Jésus sans faire référence à lui. Et il exploite cela à son plein avantage. Il sait que le renvoyer, lui le diable, au mythe, nous mènera inévitablement à offrir le même traitement à Dieu. » On ne saurait être plus clair : nier l’existence du démon aboutira tôt ou tard à une profession d’athéisme.
Le Père Sosa est réputé proche du pape actuel. Pour autant François ne partage pas - loin s’en faut - la position du jésuite sur le mystère du mal. Dans un ouvrage regroupant les interventions de celui qui était encore le cardinal Bergoglio, « Seul l’amour nous sauvera », on trouve une claire affirmation de l’existence du diable : «Attention: nous ne luttons pas contre des pouvoirs humains, mais contre la puissance des ténèbres. Comme il l'a fait avec Jésus, Satan cherchera à nous séduire, à nous égarer, à nous offrir des “alternatives viables”».
Plus récemment , le 30 octobre 2014, dans une homélie prononcée lors de la messe du matin à Sainte-Marthe, le Saint-Père fut explicite : « dire que l’on a voulu nous faire croire que le diable était un mythe, une figure, une idée, l’idée du mal. Le diable existe et nous devons lutter contre lui ».
En cela, le pape est fidèle à l'enseignement de l'Eglise.
Les saints Evangiles sont, en effet, remplis de références au fait que le diable existe proprement et personnellement. Jésus affronte le prince des Ténèbres à de multiples reprises en pratiquant des exorcismes sur des énergumènes. Il le rencontre personnellement au désert avant de le repousser fortement : "Retire-toi, Satan, car il est écrit : Tu adoreras le Seigneur ton Dieu, et tu ne serviras que lui seul" (Mt 4,10). Il en parle dans son enseignement, soit pour décrire l'action de Satan dans le monde, soit pour annoncer que la "puissance des enfers" ne saurait prévaloir sur l'Eglise qu'il va fonder (Mt 16,19).
De même saint Paul, dans ses épîtres, distingue bien entre les péchés des hommes et son inspirateur, Satan et les autres esprits mauvais répandus dans le monde afin de perdre les âmes. Il exhorte à se revêtir des "armes de Dieu, afin de pouvoir tenir ferme contre les ruses du diable" (Ep. 6,11). Le grand Apôtre est lui-même mis à l'épreuve, afin que la grandeur des révélations qui lui ont été faites ne l'enorgueillisse pas : "il m'a été donné un aiguillon dans ma chair, un ange de Satan, pour me souffleter" (2 Co. 12,7).
De son côté, saint Jean rapporte les paroles du Christ qui sont sans ambiguïtés : "C'est maintenant que le prince de ce monde va être jeté dehors" (Jn 12,31). Dans le livre de l'Apocalypse, il présente la victoire de l'Agneau immolé au terme du formidable combat qui est mené contre Satan, ses anges et ses suppôts : "Et il fut précipité, le grand dragon, le serpent ancien, celui qui est appelé le diable et Satan, le séducteur de toute la terre, et ses anges furent précipités avec lui" (Ap. 12,9).
Avec l’Ecriture sainte, toute la Tradition est unanime à affirmer l'existence de Satan et des esprits mauvais.
Les Pères de l'Eglise les démasquent dans leur lutte contre les erreurs de la gnose et contre les hérésies semées par le prince du mensonge. Citons Tertullien, saint Irénée, Origène, saint Basile, saint Grégoire de Nazianze, saint Jean Chrysostome, saint Eusèbe de Verceil, saint Ambroise, saint Augustin, saint Léon le Grand...
Le diable est une créature de Dieu, initialement excellente et même éclatante, mais qui n'a pas su rester dans la vérité où elle avait été établie : "Le diable a été meurtrier dès le commencement, et il ne se tient pas dans la vérité, parce qu'il n'y a pas de vérité en lui. Lorsqu'il profère le mensonge, il parle de son propre fonds ; car il est menteur et le père du mensonge" (Jn 8, 44). Satan s'est dressé contre le Seigneur, de sorte que le mal n’était pas dans sa nature, mais dans un acte libre et contingent de sa volonté, un acte de pure malice et de révolte, prétendant se substituer à Dieu.
Lorsque le dualisme manichéen ressurgira au temps des Cathares et des Albigeois, le quatrième concile œcuménique du Latran, en 1215, enseignera solennellement que "le diable et les autres démons ont été créés par Dieu naturellement bons, mais ce sont eux qui, d’eux-mêmes, se sont rendus mauvais ; quant à l’homme, il a péché à l’instigation du diable".
L’existence de Satan est donc bien une affirmation constante de la foi de l’Eglise. C’est une vérité qui ne fait pas débat, car elle fait partie intégrante de son enseignement le plus solennel. Elle a été affirmée par de multiples conciles sous la forme de professions de foi.
Par le Christ et le saint baptême, le chrétien est libéré de la domination du diable (concile de Florence, 1442). Par la justification de la grâce, il échappe à la "puissance du diable et de la mort" (concile de Trente, 1547), mais s'il pèche à nouveau, il est à nouveau livré "au pouvoir du démon", sauf à recourir au sacrement de pénitence (concile de Trente, 1551). Telle est la foi de l’Eglise, et la raison du rappel, chaque année dans la liturgie de Pâques, des promesses du baptême. Pour entrer dans la vie éternelle, il faut renoncer à Satan, professer la foi en la Très Sainte Trinité et adhérer au Christ Sauveur.
Puissent ces rappels de la foi de l'Eglise éclairer le Général des jésuites et l'aider à s'y soumettre. Le diable, de même que les dogmes, c'est-à-dire les vérités révélées par Dieu, ne sont pas de simples symboles. Sauf à tomber dans "l'égout collecteur de toutes les hérésies", que saint Pie X a condamné sous le nom de modernisme.
"La plus grande ruse du démon est d faire croire qu'il n'existe pas !" (Charles Baudelaire)
En cette année du centenaire des apparitions à Fatima, le Général jésuite et ses consors négateurs du diable feront bien de se rappeler la vision du 13 juillet 1917 : la bonne Vierge ne craignit point de montrer aux trois jeunes enfants l'enfer "préparé pour le diable et pour ses anges" (Mt 21, 41)