SOURCE - AFP - 8 mai 2018
Longtemps restée en autarcie dans un parc de Liévin (Pas-de-Calais), la communauté traditionaliste de Riaumont a dû sortir du bois, secouée par plusieurs enquêtes pour agressions sexuelles et maltraitance en nombre visant d'anciens responsables.
Cette communauté, qui lutte contre "les idéologies anti-chrétiennes et anti-morales", ne faisait guère parler d'elle jusqu'à la révélation début mai de plusieurs enquêtes de grande ampleur en cours pour agressions sexuelles et maltraitance. Plus de 200 témoins et victimes ont été auditionnés par la police dans plusieurs pays depuis 2013, pour des faits remontant aux années 1990 et 2000 selon Le Point.
L'ancien prieur a été mis en examen pour détention d'images pédopornographiques, selon l'évêque d'Arras Mgr Jean-Paul Jaeger qui assure à l'AFP n'avoir aucune "responsabilité quelconque" sur la communauté. D'après Le Point, cet ancien supérieur vit désormais dans une autre communauté traditionaliste dans le sud de la France.
"Tant qu'il n'y a pas de vague, on n'essaie pas d'entrer dans la vie privée d'une institution comme cela", a confié à l'AFP Jean-Pierre Kucheida, élu conseiller municipal en 1971 puis maire socialiste de 1981 à 2013 de Liévin, dans l'ex-bassin minier. Pourtant, pour lui, "l'Etat a la possibilité de contrôler ce genre d'établissement".
Les religieux actuels, peu diserts, se sentent meurtris par ces révélations. "Je dénonce et condamne tout acte contre les enfants mais il y a le secret de l'instruction", a déclaré à l'AFP le père Jean-Paul Argouarc'h, fustigeant "la presse qui amalgame". "C'est crucifiant pour notre communauté".
En 2001, le parquet de Béthune avait ouvert une enquête pour déterminer les circonstances exactes de la mort d'un adolescent de 14 ans, retrouvé pendu dans l'institut. Un non-lieu avait finalement été prononcé.
- "Spiritualité scoute et bénédictine" -
Depuis la route qui longe les enceintes du parc, entouré des maisons pavillonnaires de Liévin, on n'aperçoit qu'un mirador, d'où flotte un drapeau bleu-blanc-rouge à travers les arbres.
A l'intérieur des sept hectares de parc, parsemé de statues de la Vierge, ont été construits depuis les années 1960 un village d'enfants, une école hors contrat et un mémorial national des scouts morts pour la France, entre autres. Une messe dominicale ouverte à tous est célébrée dans une chapelle austère de pierres sombres, en latin, dans la forme extraordinaire du rite romain.
Fondée par le père Albert Revet, la communauté de Sainte-Croix de Riaumont enseigne "la spiritualité scoute et bénédictine". Dans le village d'enfants, les religieux y accueillent une trentaine de garçons uniquement, "les plus déshérités". On y prône le "rejet absolu de toute médiocrité, compromission et bavardages stériles".
"C'est une communauté, à une époque fortement marquée à droite voire à l'extrême droite, qui s'est imposée à nous, qui n'a jamais posé de problème particulier", se souvient M. Kucheida. Un ordre religieux de droit pontifical qui relève de la commission romaine Ecclesia Dei et échappe à la juridiction des évêques.
- "Presque militaire" -
"Ils ont une vision du scoutisme qu'ils veulent presque militaire, qui n'est pas la nôtre", décrit le vicaire général du diocèse d'Arras Vincent Blin. Ancien curé de la paroisse de Liévin, il les rencontrait "ponctuellement" pour des célébrations.
Jusqu'aux années 1980, les enfants fréquentaient l'école communale. Mais depuis 1989, "face à la dégradation de l’école publique" selon eux, les religieux dispensent eux-mêmes les cours de travail manuel et les matières fondamentales aux collégiens, de la 6e à la 3e. Les examens sont corrigés par correspondance.
"Certains leur reprochaient les conditions de ces enfants, trop dures, on les voyait passer dans la rue en culottes courtes en plein hiver, soumis à des règles extrêmement dures à l'intérieur", se souvient M. Kucheida.
En 1982, le financement de l'Etat au titre des "enfants placés par la direction départementale des affaires sanitaires et sociales (DDASS)" cesse "sans préavis", selon la communauté de Riaumont. Elle affirme sur son site avoir été "longtemps reconnue et encouragée par les services sociaux". Les fonds proviennent désormais à 17% des pensions versées par les parents et à 83% des dons.