SOURCE - Jean-Pierre Maugendre, président de Renaissance Catholique - L'Homme Nouveau (tribune libre) - 16 mai 2018
Dans une tribune parue dans L’Homme Nouveau n° 1661 du 14 avril dernier, un diocésain de Laval faisait part de son inquiétude face à la persécution dont est victime la congrégation des Petites Sœurs de Marie Mère du Rédempteur. Jean-Pierre Maugendre Président de Renaissance catholique, a souhaité réagir en rappelant le parallèle avec l’histoire récente des dominicaines du Saint-Nom de Jésus.
Dans une tribune parue dans L’Homme Nouveau n° 1661 du 14 avril dernier, un diocésain de Laval faisait part de son inquiétude face à la persécution dont est victime la congrégation des Petites Sœurs de Marie Mère du Rédempteur. Jean-Pierre Maugendre Président de Renaissance catholique, a souhaité réagir en rappelant le parallèle avec l’histoire récente des dominicaines du Saint-Nom de Jésus.
En date du 21 septembre 2017, la Congrégation pour les Instituts de vie consacrée et les Sociétés de vie apostolique a décidé de suspendre le gouvernement général des Petites Sœurs de Marie Mère du Rédempteur. La mère générale et la maîtresse des novices sont déplacées. Que reprochent les instances romaines à cette communauté de 37 religieuses, fondée en 1963 par sœur Marie de la Croix, dont le charisme propre est d’être à la fois centrée sur l’imitation de la Mère de Dieu (adoration, réparation, etc.) et attentive à la souffrance des plus démunis, en particulier les personnes âgées ? Cette communauté, dont le siège est à Laval, dirige quatre maisons : deux en Mayenne, deux dans la région toulousaine et plusieurs maisons de retraite (EHPAD).
Dans une lettre collective datée du 3 avril 2018 les sœurs identifient deux causes de leurs difficultés. Tout d’abord un conflit avec l’ordinaire du lieu, évêque de Laval, Mgr Scherrer à propos de la gestion de deux EHPAD en Mayenne. Mgr Scherrer exige une scission entre deux établissements, gérés par les sœurs, après une fusion très onéreuse qui s’est mal passée. Il n’est un secret pour personne que le diocèse de Laval, comme un grand nombre de diocèses en France, est financièrement aux abois, ne survivant que par la vente régulière de ses actifs : maisons religieuses, presbytères, etc. La situation est encore aggravée par la construction récente d’une fort dispendieuse Maison diocésaine. Cette scission permettrait sans doute au diocèse de récupérer un des deux établissements. Initiée par Mgr Scherrer, une visite canonique a eu lieu en novembre 2016. Les conclusions de la visite ont été communiquées aux sœurs en juin 2017. Manifestement il n’y avait pas urgence… Les sœurs dénoncent : « Ce rapport de visite tient plus du pré-jugement à charge que d’une énonciation objective de la situation… l’imprécision du document est d’ailleurs des plus éloquentes ». En fait, concluent les sœurs : « Notre style de vie est trop classique pour plaire, à l’heure où nombreux sont ceux qui sacrifient leur idéal et l’idéal religieux à l’esprit du monde ». Une commissaire apostolique, Sœur Geneviève Médevielle, issue de la communauté des Sœurs Auxiliatrices des Âmes du Purgatoire, est nommée en lieu et place de la supérieure générale Mère Marie de Saint-Michel. Les sœurs dénoncent l’absence de « connaissance du charisme spécifique de notre fondatrice » de la commissaire et logiquement « toute la congrégation refuse ces mesures ».
Un parallèle possible?
Ces mésaventures ne sont pas sans rappeler celles vécues par une autre communauté de religieuses, il y a un demi-siècle : les dominicaines du Saint-Nom de Jésus. Fondée en 1801 par l’abbé Vincent, prêtre du diocèse de Toulouse, cette congrégation, affiliée à l’ordre dominicain en 1885, est une communauté enseignante qui comptait en 1950 deux cents sœurs et quatorze écoles de Bordeaux à Grasse. En 1953, les constitutions sont modifiées dans le sens d’une plus grande pauvreté et simplicité mais aussi d’une plus grande disponibilité auprès des enfants. La supérieure générale, mère Hélène Jamet, assistée d’un dominicain, le Père Calmel, est l’âme de cette réforme.
En 1961, l’élection d’une nouvelle supérieure générale a lieu selon un processus un peu étonnant. En effet, alors que tout le monde s’attendait à ce que mère Marie-Angélique, supérieure sortante, fût réélue, le jour du vote, le délégué du Saint-Siège, Mgr Garrone, archevêque de Toulouse, annonça qu’il allait recueillir les bulletins, avant même que quiconque en ait pris connaissance, afin de les envoyer à Rome et de soumettre l’élection au Saint-Siège. Le 11 juillet, il communiquait que la nouvelle supérieure de la congrégation devenait mère Marie-Rose Tassy. C’est à elle que revint la mission de procéder à l’aggiornamento de la congrégation en application du décret conciliaire sur la vie religieuse Perfectæ Caritatis (28 octobre 1965). Une forte résistance à ces réformes se manifesta, cependant, dans la congrégation, ce dont témoignent les rapports préparatoires au chapitre de 1967 traitant du port de l’habit, de l’utilisation des téléviseurs, etc. Le chapitre de 1967 devait être celui de l’aggiornamento. Ce fut celui de l’élection de mère Anne-Marie Simoulin comme mère générale. Les grands axes de son généralat furent le refus de la carte scolaire, le maintien du catéchisme romain et la fidélité à la messe traditionnelle. Cependant la communauté était divisée. Un visiteur apostolique fut nommé, en 1972, qui souhaita « démocratiser » la direction de la congrégation. En 1973, mère Anne-Marie Simoulin autorisa le regroupement à Brignoles, dans le Var, de vingt-six sœurs qui, sentant l’impossibilité de retrouver l’unité perdue et craignant pour leur fidélité aux Constitutions, souhaitaient vivre paisiblement leurs observances traditionnelles. Elles furent rejointes par le Père Calmel.
En janvier 1974, la Sacrée Congrégation des religieux, en lien avec l’épiscopat français, nomma le Père Decabooter conseiller religieux et visiteur apostolique. Une de ses premières décisions fut de déposer mère Anne-Marie Simoulin et de nommer mère Marie-Rose Tassy administratrice ad nutum (de manière arbitraire).
En juillet 1975, mère Anne-Marie Simoulin s’installa à Fanjeaux avec vingt religieuses. Très rapidement les sœurs des communautés religieuses de Brignoles et de Fanjeaux furent relevées de leurs vœux [1]. À ce jour la situation est bien résumée par les chiffres de l’encadré ci-contre et se passe de commentaires.
Concernant l’histoire récente, et passionnante, de la congrégation du Saint-Nom de Jésus l’ouvrage indispensable est celui de mère Alice-Marie : Rupture ou Fidélité [2]. Ce n’est malheureusement pas la première fois, dans l’histoire récente de l’Église, que des communautés religieuses se voient dans l’obligation, afin de rester fidèles à leur vocation propre et à leur charisme originel, de résister aux volontés « d’aggiornamento » des instances romaines et de certains membres de l’épiscopat français. Sans doute une leçon à méditer pour les Petites Sœurs de Marie Mère du Rédempteur.
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1. Aujourd’hui proche de la Fraternité Saint-Pie X.
2. Mère Alice-Marie, Rupture ou Fidélité, Clovis, 384 p., 24 e.