10 septembre 2008

Les dangers d’une étape et d’un espoir
10 septembre 2008 - Austremoine - christus.imperat
« Rome revient à sa Tradition » : c’est un peu ce que chacun a comme espoir au fond du cœur et ce que tous croient observer plus ou moins à travers le pontificat de Benoît XVI. L’Eglise, comme souvent cette image a été donnée, semble être ce gros navire qui change tout doucement de cap. Son orientation se modifie lentement, comme un cargo qui changerait de route, et c’est notre espoir.

Pour autant chacun conviendra que la direction de l’Eglise n’est pas redevenue celle qui a été la sienne pendant deux millénaires, et si même certains signes forts comme le Motu Proprio réhabilitant la messe tridentine nous montrent clairement le retour progressif de la tradition liturgique dans la vie de l’Eglise, il apparait clairement que l’axe doctrinal demeure globalement inchangé.

Certes, et ce n’est pas rien, nous pouvons observer une volonté de clarifier la doctrine du concile Vatican II, notamment dans la rectification du « pro multis » et dans l’explication de la doctrine du salut. Ces points montrent une vraie volonté, mais ne peuvent porter les fruits escomptés s’ils restent en juxtaposition avec la doctrine prônée par le Concile.

Même si elles sont appliquées avec moins de virulence et d’extravagance, les erreurs du Concile que constituent l’œcuménisme, la liberté religieuse et la collégialité sont toujours régnant dans l’intelligence des autorités romaines.

Au fil du temps, si la tradition doctrinale ne reconquiert pas le siège de Pierre, nous allons arriver à une situation paradoxale qui, si elle perdure, va accentuer un peu plus la crise de l’Église. D’un côté la liturgie traditionnelle aura regagné d’une façon générale la majorité des autels de la Chrétienté, car ce mouvement est inéluctable, de l’autre les faux principes institués par le concile Vatican II règneront encore sur la plupart des esprits.
Cette situation, si elle se présente, marquera le paroxysme de la crise de l’église. Les esprits ayant été habitués par quarante années de libéralisme à concilier l’inconciliable, ne verront pas de problème à accepter la messe tridentine, expression de la foi catholique telle qu’elle est exposée par deux mille années de Magistère et l’enseignement du concile Vatican II qui promeut l’œcuménisme et la liberté religieuse, révolution sans conteste de l’enseignement romain. Il y a là un danger considérable.

C’est pourquoi certains prêtres, nombreux sans doute, en célébrant la messe tridentine, retrouveront et reviendront à la doctrine catholique. C’est inévitable, et les premiers témoignages le montrent. Mais malheureusement aussi, il faut bien constater les dégâts du libéralisme, qui, présent depuis déjà des décennies, avaient gagnés les esprits. Souvenons-nous que lorsque le Concile a commencé, la majorité du clergé était déjà acquis aux idées nouvelles, alors que pourtant la nouvelle messe n’existait pas. De même pendant le Concile. Ce qui montre que dans les esprits, le rite traditionnel peut, à cause des intelligences ravagées par le libéralisme et le relativisme, côtoyer la doctrine d’inspiration néo-protestante de Vatican II.

Benoît XVI s’inscrit entièrement dans cette démarche, par le développement de l’herméneutique de la continuité. Sa démarche intellectuelle n’est autre que de concilier l’enseignement traditionnel de l’Eglise avec celui de Vatican II. Intellectuellement cela ne posera pas de problème majeur à nos contemporains qui acceptent sans sourciller déjà qu’il puisse exister plusieurs vérités, et qu’une vérité qu’ils considèrent objective ne s’oppose pas à une autre vérité qu’ils vont également considérer comme objective, alors que l’une et l’autre sont contradictoires. Appliqué au dogme, cette destruction de la pensée fait que pour le moderniste, l’enseignement de l’Eglise peut évoluer sans contradiction. Et c’est toute la démarche du pape Benoît XVI dans son « herméneutique de la continuité ».

C’est bien ce que dénonçait le saint pape Pie X dans son encyclique « Pascendi Dominici Gregis » :
« Evoluer et changer, non seulement le dogme le peut, il le doit : c'est ce que les modernistes affirment hautement et qui d'ailleurs découle manifestement de leurs principes. Les formules religieuses, en effet, pour être véritablement religieuses, non de simples spéculations théologiques, doivent être vivantes, et de la vie même du sentiment religieux ; ceci est une doctrine capitale dans leur système, et déduite du principe de l'immanence vitale. »
C’est pourquoi, arrivée à ce stade, la crise peut se figer durablement, car ayant retrouvé la liturgie tridentine, cette liturgie qui parle aux âmes et qui permet aux hommes de se rapprocher de leur créateur, l’Église va sans doute retrouver quelques forces, d’autant plus que la célébration de l’ancienne messe aura également un impact plus ou moins rectificatif de la théologie. Mais malgré tout perdureront les erreurs du Concile et leurs funestes conséquences qui empêcheront à l’Eglise de retrouver son élan missionnaire et donc son engouement à sauver les âmes : ce pourquoi elle a été créée par Notre-Seigneur.

C’est un peu comme face à une maladie incurable. Dans un premier temps on administre le médicament qui va permettre de freiner les symptômes, afin d’éviter le pire. Mais rapidement il faut s’attaquer au virus, à la cause de cette maladie, au risque que celle-ci ne s’installe durablement, et que les symptômes ayant été contrôlés, on en oublie le risque de la maladie qui continue de progresser.

Il est important d’affronter rapidement l’aspect doctrinal, c’est la condition sine qua non à la fin de la crise de l’Eglise. Car si le retour de la messe tridentine était dans un premier temps nécessaire, il est impératif d’examiner les causes théologiques d’une telle déroute.

C’est pourquoi Mgr Fellay, supérieur général de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X réclame ces discussions doctrinales, leur but n’étant pas de démontrer qui a raison ou tord, mais tout simplement de redonner à l’Eglise l’éclat qu’elle a perdue depuis 40 ans, non pour l’Eglise elle-même, car elle n’est pas sa propre fin, mais pour qu’elle puisse de nouveau apporter l’Évangile au Monde, amener les cœurs et les intelligences à Notre Seigneur et, ainsi, sauver le plus grand nombre d’âmes possible.

Aujourd’hui la FSSPX représente la mauvaise conscience des autorités romaines. Elle dérange. Pourtant qu’est-ce qu’une société cinq cent prêtres ? Cette Fraternité est si petite ! Pourquoi Rome ne la traiterait pas dans le cadre de l’œcuménisme, comme des « frères séparés » ? Il est clair que la FSSPX est le sujet d’une attention toute particulière, et plus le temps avance, plus l’échec des réformes conciliaires est patente, plus la Tradition avance, plus les excommunications deviennent intenables pour ceux-là mêmes qui les ont prononcées. Tant que ces sanctions demeureront, elles rappelleront aux autorités romaines qu’elles ont renoncé à cette Tradition nécessaire à l’épanouissement de l’Eglise.

D’où l’importance de réclamer le retrait du décret d’excommunication pesant sur les quatre évêques de la FSSPX, afin de pouvoir enfin entamer une confrontation théologique dans un climat de confiance qui serve le bien de toute la Sainte Eglise.

Mais si la FSSPX a un rôle essentiel à jouer pour amorcer et nourrir cet affrontement théologique, il est important que les instituts « Ecclesia Dei » y participent. Qu’ils aient refusé de suivre Mgr Lefebvre dans les sacres est une chose, mais qu’ils observent trop souvent le silence en attendant des jours meilleurs leur empêche de remplir pleinement leur mission sacerdotale et donc évangélisatrice.

La visite du pape en France en est une inquiétante démonstration : les instituts « Ecclesia Dei » refusent de célébrer la nouvelle messe, il n’y a pour s’en persuader qu’à se rappeler la grave crise qu’a engendré la présence de prêtres bi-ritualiste au sein de la Fraternité Saint-Pierre ainsi que le souhait des évêques de voir les prêtres de cette Fraternité concélébrer avec eux une fois l’année.

Dans les faits quotidiens, on peut dire qu’ils ont refusé les réformes issues du Concile, notamment le Novus Ordo. Mais comment peuvent-ils, à l’occasion de la visite du pape, encourager et emmener leurs fidèles à la messe célébrée par le Souverain Pontife selon le nouveau rite, rite qu’ils refusent de célébrer ? Soit ce rite ne pose pas problème de conscience et on ne comprend pas pourquoi ils refuseraient de concélébrer au moins une fois l’an avec leur évêque, soit il pose de graves questions théologiques, et dans ce cas ils le refusent pour eux-mêmes mais aussi pour leurs fidèles.

C’est pourquoi il est important que ces communautés, elles-aussi, réclament et participent à cette confrontation doctrinale, qu’elles ne participent pas cette situation qui verrait la liturgie traditionnelle aux mains des tenants de la nouvelle théologie. Qu’elles continuent de se taire montrera qu’elles ont, à l’instar des autorités romaines, accepté et avalisé la théologie de Vatican II avec tout ce que cela implique. Qu’elles souhaitent le retour de la Tradition, alors elles ont l’impérieux devoir de sortir de la réserve dans laquelle elles se maintiennent. Tout ceux qui souhaitent le retour de la Tradition dans l’Eglise, tant liturgique que doctrinale, doivent ensemble réclamer et alimenter cette nécessaire confrontation.

Les lignes visibles du combat qui se livre dans l’Eglise vont dans les années qui viennent se déplacer. Si elles furent aux yeux du grand nombre « pour » ou « contre » la « messe en latin », elles seront désormais sur le champ de la vision et du contenu théologique du deuxième concile du Vatican.

C’est pourquoi il est nécessaire, afin d’obtenir au plus vite cette confrontation et de lui donner une plus grande visibilité, que le statut canonique de la FSSPX ne soit réglé qu’après les discussions doctrinales. Cela pousse les autorités romaines à enfin poser le débat de la doctrine, mais également de marquer d’une façon visible les différences.

Le combat sera moins visible, plus subtil et plus âpre, et plus long sans doute. C’est le prix des âmes.

Austremoine