19 septembre 2008

« Nul n’est de trop dans l’Eglise » (de France ?)
19 septembre 2008 - Jean Madiran - present.fr - mise en ligne: leforumcatholique.org
Benoît XVI a dit à Lourdes, le 14 septembre :

« Nul n’est de trop dans l’Eglise. Chacun, sans exception, doit pouvoir s’y sentir chez lui, et jamais rejeté. »

C’est aux évêques qu’il l’a dit. C’est eux en effet, c’est eux surtout qui y pourraient quelque chose. Dieu leur « confie cette mission de Pasteurs ».

Ces sentences peuvent paraître un peu générales si on les prend isolément. Il faut les lire dans leur contexte : Benoît XVI parle aux évêques de France, il leur commente son motu proprio du 07.07.07. Ce sont donc bien les militants de la messe traditionnelle qu’il demande aux évêques de ne pas rejeter.

Cela fait d’ailleurs trente ans maintenant qu’en substance, sous une forme ou sous une autre, le Souverain Pontife, Benoît XVI après Jean-Paul II, adresse aux évêques une telle demande.

On dira sans doute, on le dit déjà, que si les militants de la messe traditionnelle ont pu être « rejetés », du moins ils ne le sont plus, il n’y a plus de problème, la page se tourne d’elle-même avec la génération dynamique de ceux qui n’ont pas connu les querelles et tumultes des années soixante-dix et quatre-vingt, les dérives conciliaires et la messe interdite, ils n’en ont rien à faire, à l‘époque ils n‘étaient même pas nés.

Mais pardon ! Pas si vite. Ils ne sont pas tous nés orphelins, je suppose, ces jeunes prêtres, ces jeunes pères (et mères) de famille qui prennent actuellement la relève dans l’Eglise militante. S’ils sont ce qu’ils sont, pour la plupart d’entre eux, c’est parce que leurs parents et grands-parents les ont protégés de la révolution d’Octobre dans l’Eglise. Ils savent comment et ils savent pourquoi. Ils n’ignorent pas à quelles persécutions ont été soumises leurs familles parce qu’elles refusaient l’abominable interdiction de la messe traditionnelle. Pas toutes. Il y a celles qui, n’ayant pas voulu militer contre l’interdiction, ont toutefois préservé leurs foyers de la catéchèse pernicieuse ou vide des diocèses et des écoles catholiques non confessionnelles : elles ont maintenu d’elles-mêmes l’indispensable petit catéchisme pour enfants baptisés, elles ont eu (et ont toujours) le long mérite de rester activement réfractaires à la suppression épiscopale de tous les catéchismes antérieurs au Concile. La plupart des jeunes prêtres et des jeunes laïcs qui s’activent pour la messe ou pour le catéchisme n’ignorent point ce que cette fidélité à la messe ou au catéchisme a coûté à leurs familles, et ils s’aperçoivent peu à peu qu’eux-mêmes, souvent, ne sont guère mieux estimés ni mieux traités par la hiérarchie diocésaine.

Ils ne se sentent pas pour autant animés d’un esprit revanchard. Mais il serait tellement naturel qu’ils le soient ! La preuve : l‘épiscopat, le clergé redoutent et d’avance dénoncent leur esprit de revanche ; ils n’imaginent pas qu’il puisse en être autrement après les quarante années d’injustices, de mensonges, de calomnies qu’ils ont fait subir aux familles traditionnelles. Pour le moment, en tout cas, la plupart des persécuteurs préfèrent continuer, au moins, croient-ils, par précaution.

Non, nous n’avons pas rêvé, nous ne rêvons pas. Et ce « nous » n’est pas en l’occurrence un pluriel de majesté. L’espace d‘à peu près deux générations, nous avons, nous autres, subi le processus bien systématisé : d’abord marginalisés, ensuite méprisés, enfin, à l’intérieur de nos paroisses, de nos métiers, de nos syndicats, de la vie associative catholique, relégués à perpétuité. Dans le catholicisme français issu de la Seconde Guerre mondiale, la relégation sociologique du traditionnel au profit de la modernité a été un constant procédé de gouvernement, et elle l’est encore beaucoup trop. Nous avons assumé le prix de cette relégation. Nous n’en voulons pas aux évêques persécuteurs. Chez les plus âgés d’entre nous, l‘âge, précisément, vient au secours des défaillances de la vertu : nous ne crions pas vengeance. Mais nous portons témoignage de ce que nous avons vécu, et qui persiste.

Et nous disons à nos évêques : alors ?

JEAN MADIRAN

Article extrait du n° 6677 de Présent, du Vendredi 19 septembre 2008
http://www.present.fr/article-7071-6677.html