Les deux ans de l’IBP : un bilan |
4 septembre 2008 - terredechretiente |
Les deux ans de l’IBP : un bilan Il y a deux ans, le cardinal Dario Castrillon Hoyos créait ad experimentum au nom de la commission Ecclesia Dei l’Institut bordelais du Bon Pasteur (IBP), dirigé par l’abbé Philippe Laguérie. Les médias s’étaient emparés de la nouvelle. France Info, les télévisions d’information, les quotidiens nationaux avaient relayé médiatiquement la nouvelle. Après des mois de lutte fratricide, les traditionalistes de Paris et de Bordeaux se séparaient ostensiblement. Le Figaro regardait avec amusement l’embarquement des « tontons flingueurs de la Tradition ». Quant à la Fraternité Saint-Pie X, elle publiait un communiqué sobre, indiquant que de telles structures, à l’instar de l’oratoire allemand Saint-Philippe Néri, avaient déjà été créées par le passé. « L’avenir dira ce qui distingue le nouvel institut des initiatives précédentes » terminait-elle assez laconiquement. Deux ans se sont écoulés. Le nouvel institut avait annoncé sa conquête tous azimuts et sa réussite sur le point de litige d’avec son ancienne formation : les séminaires. Entretemps, le pape a publié le Motu Proprio Summorum pontificum. Le recul de ces deux années peut désormais permettre de tirer un bilan provisoire de cet institut. Echec de la conquête des diocèses Il y a deux ans, l’IBP tenait ses ouailles en haleine. Sous le regard amusé des prêtres de la Fraternité Saint-Pierre échaudés par le terrain, les nouveaux conquérants prédisaient un vent nouveau. Des dizaines de diocèse devaient s’ouvrir à la nouvelle société religieuse. Les jours se sont suivis et se ressemblaient. « Dans les mois à venir, je compte prendre des R.V. avec les évêques, disait l’abbé Philippe Laguérie, pour nous faire connaître et étudier avec eux la possibilité de paroisse personnelle sur le modèle de saint Eloi. » De nouveau Saint-Éloi, il n’y en eut pas. D’accord avec les évêques de France, si l’on excepte les faits accomplis de Bordeaux et de Courtalain, il n’y eut que le cas isolé et partiel de Rolleboise. A Avignon, ce fut même un interdit qui pèse toujours sur l’Institut qui fut signé par l’archevêque Cattenoz. Ailleurs, la plupart des évêques qui voient dans les abbés Laguérie et de Tanoüarn l’homme des « occupations » et celui des journaux nationalistes, n’ont pas même daigné recevoir le supérieur général de l’IBP. A Paris et Marseille, malgré l’allégeance des prêtres de l’IBP, leurs dessertes du Centre Saint-Paul ou du Bon Jésus ont le statut de « chapelles sauvages ». La situation étrangère n’est pas meilleure. A Rome, le cardinal Castrillon Hoyos a du moins étendu sa protection pour maintenir l’appartement qu’occupent les séminaristes de l’Institut se formant dans les universités théologiques romaines, aux canons des tenants de Vatican II leur enseignant. Même dans sa patrie, en Colombie, l’IBP a reçu une interdiction formelle de s’implanter signée par le primat. Au Chili, le supérieur Navas a dû s’éclipser, perdant son vicaire qui quittait l’Institut. Quant au Brésil, les conquêtes qui devaient porter des « centaines » de séminaristes se sont soldées par la fermeture – au bout de six mois – d’une maison qui s’est cassée les dents sur une association liée à la TFP. Echec des séminaires Si l’on s’en souvient bien, on se rappellera que l’affaire de Bordeaux est née d’un rapport suscité par l’abbé Laguérie pour dénoncer une gestion trop sélective des séminaristes de la Fraternité Saint-Pie X. L’IBP était censé faire mieux pour prouver sa raison même d’exister et la procédure de récupération des ressortissants d’Écône et de Wigratzbad marcha un temps. Avec les recrues brésiliennes, Courtalain devait approcher la quarantaine à la rentrée 2007. La valse des directeurs – trois en moins de deux ans – les accrochages du corps professoral, les différends des deux dirigeants, le renoncement au projet de séminaire latino-américain, l’incapacité à confier de nouveaux apostolats et l’érosion forcée des séminaristes retombant à moins de vingt affaiblit considérablement l’Institut courant 2008. L’abbé Laguérie interrompit la politique des statistiques à laquelle il s’était initialement tant adonné. Du côté des prêtres, les « tontons flingueurs » ne se sont pas envoyés que des fleurs. Les distances tacites ou contraintes prises par les abbés Aulagnier et Héry, le départ de l’abbé Cecchin, la mise au vert de l’abbé Prieur ne sont pas forcément des signes prometteurs pour une équipe unie de dirigeants. Echec du pont entre Rome et la Fraternité « J’aurais sans doute préféré commencer l’année 2008 par des propos plus amènes. » disait sur son blog l’abbé Laguérie pour légitimer une diatribe de plus. Deux mille huit comme les années précédentes s’est révélée être un temps de destruction systématique de tout propos pouvant provenir des évêques de la Fraternité comme des autres prêtres la dirigeant, sous couvert d’amour pour elle. A l’aide de leurs blogs respectifs, il semble que les abbés Philippe Laguérie et Guillaume de Tanoüarn ont systématiquement détruit toute la sympathie que pouvaient nourrir les prêtres et fidèles de la FSSPX à leur égard. Des appellations familières et usant à l’envie d’amalgame du premier au « flic helvétique » dénoncé par le second, les dirigeants de l’IBP ont perdu leur temps en sombrant dans la rancœur encore déversée dans l’éloge funèbre d’Yves Amiot. A défaut des résultats annoncés, des statistiques promises, il faut se résigner à se replier sur les fondamentaux, sur ce qui fit le succès de l’affaire de Bordeaux : réunir toutes les rancœurs contre la Fraternité pour créer un front commun : « Elle dérive, elle gère mal sa politique, elle vit en vase-clos », telle sont les genres de conseils de deux prêtres médiatiques à leurs cinq-cents anciens confrères pour masquer les misères de leur déroute. Echec de la critique constructive de Vatican II Le 8 septembre 2006, l’abbé de Tanoüarn publiait un communiqué affirmant que l’Institut était invité à formuler une « critique constructive de Vatican II. » Cette sentence – en l’état – constituait un bouclier doctrinal pour tous ceux qui pensaient que le combat de la Tradition dépassait la question liturgique. Etonnamment, les statuts de l’Institut sont restés méconnus. Passés inaperçus, les détails apportés par le cardinal Ricard montrèrent six mois plus tard que les fondateurs de l’IBP avaient signé une formule qui comportait aussi une partie principale beaucoup moins exigeante : « A propos de certains points enseignés par le Concile Vatican II ou concernant les réformes postérieures de la liturgie et du droit, et qui nous paraissent difficilement conciliables avec la Tradition, nous nous engageons à avoir une attitude positive d’étude et de communication avec le Siège Apostolique, en évitant toute polémique.» Ailleurs, les études qui devaient naître, des catéchismes du diocèse de Bordeaux aux travaux de l’abbé Héry, en passant par la critique en ligne du Concile par l’abbé Laguérie sont demeurées lettre morte. Au milieu du silence prudent qu’observaient les leaders des autres communautés Ecclesia Dei, les abbés Laguérie et de Tanoüarn se firent les uniques chantres de la modification controversée de la prière sur les Juifs du Vendredi Saint. Sur le site du Forum catholique, le second est devenu le légitimateur systématique, à la vie à la mort, de toute déclaration en provenance de Rome. Sur le terrain, il est devenu celui de la nouvelle messe, en prêchant aux obsèques selon le rite de Paul VI de Pierre Pujo ou en assistant à la messe chrismale du Jeudi Saint, et ceci sans réaction de son supérieur. A de nombreux égards, l’IBP apparaît désormais comme l’aile la plus modérée de la mouvance Ecclesia Dei. Réussite d’une politique spectacle Le contrôle des médias par l’abbé Laguérie qui s’est assuré le soutien de quelques familles parisiennes, et par l’abbé de Tanoüarn qui a engrangé celui des journalistes de Minute, du Choc du Mois et de Monde et Vie, fut une excellente rampe de lancement pour le nouvel institut. Radio Courtoisie sur les ondes apparut comme un excellent vecteur pour démonter que la Fraternité dérivait et que le salut n’existait que dans la nouvelle entité. Encore dernièrement, l’abbé Philippe Laguérie n’hésitait pas à affirmer que : « le combat parisien pour la liberté de la tradition liturgique s’était transporté à Bordeaux », ni plus ni moins ! La disparition de Serge de Beketch, l’éviction d’Olivier Pichon et le maintien de l’abbé Lorans, porte-parole de la FSSPX ont, semble-t-il, mis à mal le leadership de l’IBP sur la tribune radiophonique. Même sur le net, l’IBP a calé, ses sites perdant peu à peu toute énergie. Une survie momentanée a été osée par les effets de communication de l’IBP, à l’instar de l’interview du baron Seillière à la sortie de Saint-Éloi. Mais, les paillettes se sont parfois transformées en poussière lorsqu’il s’agissait de médiatiser une missive-type de l’Élysée ou pour annoncer le baptême de Plume, la fille de Dieudonné. Dès lors, même cette réussite prend des allures de fiasco. En Allemagne, en 2001, le cardinal Castrillon Hoyos avait récupéré les déceptions d’un prêtre pour créer l’oratoire Saint-Philippe-Néri. Après monts et merveilles promises au pays de Luther, il se trouve désormais totalement isolé. La médiatisation de l’IBP n’a eu qu’un temps. A l’heure où le rythme de croisière doit être pris, il semble que la nouvelle formation pèche là où elle a prêché. Les pêches miraculeuses semblent hélas sans lendemain. A cela s’ajoute le fait que l’IBP souffre d’un vice de fabrication puisqu’il a pris des moyens particuliers pour se construire. Ce clergé a hier poussé ses fidèles à s’exprimer contre leurs propres prêtres, à intervenir sur internet contre eux, à créer des associations de pression. Ne leur ont-ils pas placé entre les mains les dangereuses armes d’une autodestruction programmée ? |