SOURCE - Jean Madiran - Présent - 16 février 2013
L’explosion médiatique d’une multitude de bavardages ne doit pas nous
entraîner à croire, comme on nous le propose artificieusement, que la
renonciation de Benoît XVI « soulève une multitude de questions sur les
raisons de sa décision ».
Il faut, je crois, prendre dans sa simplicité directe et tranchante,
quoique discrète, la raison qu’il donne de son départ : la situation
d’une « vie de la foi » engloutie dans « le monde d’aujourd’hui »
réclame de l’évêque de Rome, successeur de saint Pierre, une vigueur du
corps et de l’esprit que l’« avancement de son âge » a diminuée chez lui
« au cours des derniers mois ».
Pour cette raison, Benoît XVI vient d’accomplir un acte qui en contient
deux : il quitte sa charge, mais aussi il allonge de dix-sept jours le
délai minimum prévu pour la réunion du conclave qui choisira son
successeur. Ce sage délai est d’au moins quinze jours après la vacance
du siège apostolique : deux semaines de prières et de réflexion avant
que les cardinaux enfin réunis entrent dans l’obligation de voter quatre
fois par jour. La situation du monde et de l’Eglise exige ou du moins
conseille, selon Benoît XVI, de porter à un mois entier le délai de
réflexion et de prières.
Le Pape qui, le 07.07.07, a pleinement rendu à la messe traditionnelle
son droit de cité dans l’Eglise, le Pape qui a rétabli le principe
d’interpréter le Concile à la lumière de la Tradition, et non l’inverse,
le Pape qui a dénoncé l’apostasie silencieuse de l’exégèse actuellement
dominante a rencontré l’opposition d’une grande partie de la
catholicité, trop souvent conférences épiscopales en tête. Sans avoir à
entrer dans le détail des contradictions doctrinales ou pastorales que
des évêques, que des cardinaux lui ont publiquement manifestées d’une
manière implicite ou même explicite, il suffit de s’arrêter à ce que
tout le monde peut constater. Car tout le monde a pu constater que
malgré son enseignement et son exemple, il n’a réussi ni à supprimer la
communion dans la main, ni à retourner vers Dieu le célébrant de la
forme « ordinaire » du rite romain, ni à faire cesser la suppression de
tous les agenouillements. Il a rencontré dans l’Eglise la puissance
perverse d’autorités anonymes et de leurs réseaux contraires à la
structure hiérarchique de l’Eglise : le pape et les évêques, non pas les
comités et les commissions. Il a pu mesurer combien ces autorités
parallèles résistaient à la reconnaissance du droit de cité qu’il avait
rendu à la messe traditionnelle. Et cette Eglise-là, cette Eglise qui se
veut intellectuellement ingouvernable, est immergée dans un « monde
d’aujourd’hui » où les nations qui furent chrétiennes rejettent Dieu et
sa loi hors de la cité politique, tandis que les autres nations adorent
un Dieu qui n’est pas la Sainte-Trinité.
Tout cela appelle, selon Benoît XVI, que soit renouvelée la vigueur
physique et mentale, naturelle et surnaturelle, du ministère pétrinien.
En effet !
Sur l’état de l’Eglise et sur l’état du monde, nous avons donc, avant
l’ouverture du conclave, un mois de réflexion. Il se trouve qu’elle peut
être alimentée par deux ouvrages qui viennent de paraître en même
temps, deux ouvrages très différents de sujet et de contenu, et
cependant très convergents. L’un, présenté par les Editions Clovis,
c’est 670 pages, pas moins, d’une biographie détaillée, celle du P.
Roger-Thomas Calmel (1914-1975), par le P. Jean-Dominique Fabre.
L’autre, présenté par les Editions de l’Homme nouveau, s’intitule La
révolution chrétienne, c’est le P. Michel Viot, venu « de Luther à
Benoît XVI », qui répond aux questions de l’abbé Guillaume de Tanoüarn.
Nous allons prendre le temps de les consulter.
JEAN MADIRAN
Article extrait du n° 7794 de Présent du Samedi 16 février 2013