Agitée par des remous profonds, il arrive que l'écorce de la terre se déchire violemment, provoquant bien des drames et frappant les esprits. Au-delà de l’émotion bien légitime qui s’ensuit, les scientifiques se penchent alors sur les phénomènes qui traversent le globe terrestre et leur juste connaissance des lois sismiques s’attache à protéger les populations exposées.
Au plan spirituel, c’est exactement la même chose. On peut se lamenter et longuement réciter la litanie des désastres : perte du sens commun, du sacré, des repères traditionnels, promulgation de lois iniques, spoliation légale des biens, effondrement des familles, des sociétés et de l’Eglise. La liste n’est jamais exhaustive. Mais sans étude complémentaire des mouvements de fond, le regret seul demeure stérile et ne résout rien. Pour revenir à la comparaison sismique, il ne protège pas les populations.
La juste connaissance de la tectonique des plaques spirituelles conditionne donc la reconstruction d’une véritable cité catholique : quelle fissure fondamentale est venue menacer ses fondations les plus solides ? Sans aucun doute, la perte de la vertu d'espérance qui, par une totale absence de perspective établit l'homme dans un monde cruel, fermé, racorni, sans ouverture sur l'éternité et le divin, et dans lequel il doit cueillir avidement les plaisirs qui passent puisqu'il est désenchanté et que, pour lui, la mort, tel un couperet aveugle, vient mettre un terme à sa vie de manière arbitraire.
Dans cette course effrénée (et perdue d'avance) contre la mort, l’homme s'enfonce alors inévitablement dans le trivial et perd nécessairement le sens du sacré : l’enchaînement morbide, maintes fois constaté, est incontestable. Sa boulimie des plaisirs et de l’instant dans laquelle il se réfugie l’avilit et le détruit intimement. Victime de cette cassure de l’ordre surnaturel, l'homme moderne perd son intelligence et sa noblesse nées de la bonté de l'ordre divin. Le péché originel se perpétue ainsi sous sa forme la plus nette. L’exemple du respect dominical constitue un exemple frappant de cette déchéance qui survient d’abord insidieusement et qui par la suite s’installe fermement peu à peu.
Il y a peu encore, les catholiques apprenaient au catéchisme qu'ils devaient sanctifier leur dimanche ; désormais, ce terme de sanctification est relégué au second plan, remplacé par celui d'obligation dominicale. Ce n’est pas faux en soi, cette obligation existe bel et bien. Mais sanctifier son dimanche n'est point simplement s'obliger à suivre un code limité de prescriptions, c'est avant tout offrir à Dieu l'hommage de son respect, de son temps, de sa volonté et de ses intentions. La sanctification du dimanche ne réside pas dans la simple observance d’une obligation morale : elle permet surtout d'élever le regard au-dessus des réalités purement terrestres, de se souvenir de la vocation éternelle et de reprendre souffle au milieu du tourbillon de la vie. Il s’agit bien de se livrer totalement, complètement, au Christ et à Son Père, en ce jour qui est une petite résurrection quotidienne ; celle de l'âme. La religion d'obligation est sclérosée, la religion de sanctification est celle de la charité, de l'hommage de la créature au créateur. La sanctification comporte une part d'obligation certes, mais elle invite l'homme à vivre ce jour en fils de Dieu, espérant qu'il garde toute la semaine cet esprit d'adoration. Quel chrétien sait ainsi que les péchés commis le dimanche, brisant le sacré, ont un caractère plus grave que ceux commis les autres jours ?
Ce tremblement de terre sémantique est ancien, il ne date pas d'hier. Il illustre merveilleusement que les courants destructeurs sont à l'œuvre de manière souterraine depuis fort longtemps. Lorsque la sanctification du dimanche a été réduite à n'être plus qu'une obligation dominicale, il se peut que personne n'ait réagit. Il y avait là, pourtant, un crime de lèse-majesté contre Dieu Lui-même. S’en est-on suffisamment soucié ?
Les courants souterrains sont nés dans les antres de la franc-maçonnerie. Leur doctrine perverse démolit la société, pourrit les mœurs et affaiblit les caractères. Elle inspire et conduit aujourd'hui la décadence, mène avec des succès apparents un combat qu’elle semble parfois sur le point de remporter. Du moins l’espère-t-elle.
L’espérance catholique, fondée sur la promesse de Dieu, serait-elle moins forte ?
Nul tremblement de terre ne peut renverser une maison dont les assises reposent en Dieu. La victoire appartient à ceux qui demeurent fidèles à leur vocation première en dépit des malheurs du temps, donnant au monde le témoignage serein de l'adoration profonde et de la sainte tranquillité.
Le combat qui vient est un combat d'espérance. Celui-là que Notre Seigneur est venu apporter sur terre lorsqu'il cherchait des « adorateurs en esprit et en vérité ».
Que les saints Rois Mages nous viennent en aide.
In Christo sacerdote et Maria,
Abbé le Roux