SOURCE - Notre Dame de Chrétienté - Mgr Marc Aillet - 11 juin 2014
Homélie de Monseigneur Marc Aillet - Messe de clôture du 32° pèlerinage de Notre Dame de Chrétienté le lundi 9 juin 2014
Au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit, Amen.
Je veux d’abord remercier son excellence Monseigneur Michel Pansard, évêque de Chartres de m’accueillir ainsi que vous tous, dans sa belle cathédrale dédiée à la Vierge Marie.
Et c’est une grande joie pour moi de présider cette messe de clôture de votre beau pèlerinage, non seulement pour me plonger dans votre ferveur pleine de ces 3 jours de prière, de réflexion et aussi d’effort, de pénitence même que vous venez confier à la Vierge Marie. Et aussi moi-même comme pèlerin, pour confier particulièrement à Notre Dame, mon diocèse, la consécration solennelle au Sacré Cœur de Jésus et au Cœur Immaculé de Marie que j’ai accomplie avec de nombreux prêtres et fidèles hier en la fête de la Pentecôte.
Ce n’est pas seulement une messe de clôture mais une messe d’envoi en mission, vous venez en effet de confier à la Vierge Marie qui vous accueille ici, ces trois jours de pèlerinage, ces trois journées de prière, de méditation, où vous vous êtes aussi délestés de tout ce qui vous encombre dans votre vie ordinaire pour recentrer votre existence sur Dieu.
Magnifique démarche que vous accomplissez aujourd’hui où vous allez aussi confier à la Vierge Marie l’engagement que vous voulez prendre au terme de ce temps fort de votre vie chrétienne. En particulier votre engagement dans la cité, car c’est bien le thème de votre dernière journée de pèlerinage sous le patronage de Saint Thomas More : ce grand homme d’état du XVIème siècle, laïc, qui voulu par une conscience éclairée par la foi « obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes ». Ils sont nombreux encore aujourd’hui, ceux qui payent cher leur fidélité à la voix de leur conscience, à la voix de la Vérité, et nous voulons particulièrement ce soir les envelopper dans notre prière.
La politique, au sens noble du mot, si elle est recherche incessante d’un ordre social juste, si elle est orientée vers le bien commun, est une forme éminente de la charité. Comme l’ont dit tous les papes récents jusqu’à notre pape régnant, le pape François, et je sais bien la défiance et le désamour pour la chose publique, pour la politique, qui gagne aujourd’hui un nombre croissant de nos concitoyens à cause de la tentation de l’intérêt et du pouvoir qui traverse sans cesse avec ces affaires notre vie politique en France.
Et pourtant l’engagement politique fait partie intégrante de la mission des catholiques. La tâche qui vous est dévolue à vous particulièrement fidèles du Christ, laïcs, de l’animation chrétienne des réalités temporelles, de votre propre initiative et de façon autonome, comme le rappelle le concile Vatican II à la lumière de la foi et de l’enseignement de l’Eglise. Mais encore faut-il que cet engagement politique soit resitué par rapport à la primauté de Dieu dans la vie de l’homme.
C’était en effet le thème général de votre pèlerinage : « Au commencement Dieu créa le ciel et la terre ». Toute la vie et toute l’activité de l’homme doivent être rattachées à cette Vérité du commencement : la primauté de Dieu dans la vie de l’homme. N’est-ce pas ce sens que nous devons donner à cette parole de Jésus dans l’évangile : « Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu ». Parce que nous sommes marqués au plus intime de nous mêmes par l’effigie de Dieu. Nous qui avons été créés à l’image et à la ressemblance de Dieu, c’est le fondement même de la dignité humaine, nous appartenons davantage à Dieu qu’à César. Si le bien commun qui est confié dans la cité à César dont l’autorité est légitime et qui trouve son fondement ultime en Dieu même est une fin dernière, la fin dernière de la société humaine. Elle reste subordonnée à la fin dernière surnaturelle de tout homme qui est capable de Dieu et qui est fait pour Dieu. Le bien commun, qui n’est pas seulement la somme des biens particuliers, mais qui est le bien que tous peuvent rechercher en commun, parce que seul il peut garantir la dignité de toute personne humaine sans acception de personne à commencer par la plus petite, la plus faible, la plus fragile, a été définie par Saint Jean XXIII comme : « L’ensemble des conditions économiques, sociales, culturelles, morales, intellectuelles, spirituelles, qui permettent dans la société à tout homme sans exception de rechercher sa fin dernière surnaturelle ».
D’où la primauté de l’adoration dans la vie de l’homme, d’où la priorité de la prière pour le chrétien qui s’engage au service du bien commun dans la Cité. La prière, comme disait Marthe Robin, l’action, et en particulier l’action politique déborde toujours de la prière. Comme nous disait le pape François dans son exhortation apostolique « Evangelii Gaudium » sans des moments prolongés d’adoration eucharistique, de lecture priante de la parole de Dieu, de dialogue sincère avec le Seigneur, nos tâches se vident facilement de sens.
Nous nous décourageons à cause de la fatigue et des difficultés et la ferveur s’éteint. Et il faut encore chers amis, chers frères et sœurs, que votre engagement politique, vous qui êtes chrétiens, qui appartenez à l’Eglise du Christ, doit être resituer dans le contexte de l’évangélisation. Cette mission spécifique de l’Eglise et des chrétiens, qui a été confié par Jésus à ses apôtres, et qui a commencé au jour de la Pentecôte où la promesse de Jésus à Ses disciples s’est accomplie : « Vous recevrez une force venue d’En-Haut, l’Esprit Saint viendra sur vous et vous serez Mes témoins. » L’Eglise existe pour évangéliser, c’est-à-dire pour rendre témoignage à la Vérité. Comme le Christ le dit lui-même dans son procès inique devant Pilate : « Je suis né, Je suis venu dans le monde pour rendre témoignage à la Vérité ».
Et la Vérité, vous le savez bien, n’est pas seulement une idée, un slogan, une idéologie, une opinion, mais c’est une personne : « le Christ Jésus. » Non seulement nous devons rendre témoignage à la Vérité, qui est le Christ Fils de Dieu mort et ressuscité pour sauver tous les hommes. Mais aussi la Vérité sur l’homme, c’est-à-dire sur le mariage, sur la famille, sur le bien commun de la société sous toutes ses formes. Comme le disait le concile Vatican II dans sa constitution pastorale Gaudium et Spes : « Le mystère de l’homme ne s’éclaire vraiment que dans le mystère du Verbe Incarné. Le Christ Jésus, en nous révélant le Père et Son amour, révèle l’homme à lui-même et l’éminence de sa dignité.
Jésus qui est le chemin de l’homme. Saint Jean Paul II disait : « Que l’homme est la route de l’Eglise, parce que l’Eglise doit aller à l’homme pour le sauver tout entier. » Mais le Christ est le chemin de l’homme, Lui seul peut dire : « Je suis le chemin, la Vérité et la Vie ». Le chemin qui mène à la Vérité tout entière, pas une vérité partielle mais la Vérité qui embrasse la totalité de l’existence humaine, pas une vie médiocre ou au rabais, mais la vie pleine dont le Christ nous a montré le chemin et qui s’épanouira dans la vie éternelle. Chers amis, votre première mission est l’engagement politique est inscrit dans cette mission, c’est d’évangéliser. Comme disait le pape François dans son exhortation « La joie de l’évangile » : s’il y a bien quelque chose qui doit saintement nous préoccuper et inquiéter notre conscience, c’est que tant de nos frères vivent sans la lumière, la force, la consolation de l’amitié de Jésus-Christ, sans une communauté de foi qui les accueille, sans un horizon de sens et de vie. Et cette mission d’évangélisation qui intègre les catholiques en politique, cette mission d’évangélisation doit encore être éclairée par l’évangile d’aujourd’hui qui nous dit quelque chose sur notre rapport au monde.
Vous avez entendu l’évangile, Jésus dit : « Dieu a tant aimé le monde qu’Il nous a envoyé Son Fils unique dans le monde. Pour que tout homme qui croit ne se perde pas mais ait la vie éternelle. Le Fils de Dieu est venu dans le monde non pas pour juger ou condamner le monde mais pour que par Lui, le monde soit sauvé. » Rappelez-vous ce que Jésus dit dans la prière sacerdotale au chapitre XVII de Saint Jean, Lorsqu’Il prie Son Père, non pas de les retirer du monde mais de les garder du mauvais. Jésus nous a envoyé dans le monde pour rendre témoignage à la Vérité, pour annoncer l’évangile. Nous ne sommes pas naïfs, chers frères et sœurs, au point de croire que la frontière entre le monde dans lequel nous sommes envoyés, et la Vérité dont nous avons à rendre témoignage, passe à l’extérieur de nous, comme si nous nous étions des justes et les autres étaient des pécheurs, mais cette frontière entre le monde et la Vérité passe à l’intérieur de notre propre cœur qui a toujours besoin d’être purifié. C’est la conversion du cœur qui donne tout un sens à cette démarche de pèlerinage que vous venez d’accomplir qui est la source de notre mission d’évangélisation et de sa fécondité, qui est la source de votre engagement dans la cité. Nous avons toujours besoin d’être purifiés dans notre raison par la foi. Nous avons toujours besoin d’être réveillés dans les forces morales et spirituelles de notre vie pour être non pas efficace à la manière des hommes mais pour être féconds à la manière de Dieu.
Voyez chers frères et sœurs, si Romano Guardini, ce grand théologien allemand, auquel se référait si souvent notre pape émérite Benoît XVI, a pu dire : « L’Eglise se réveille dans les âmes, parce que l’Eglise c’est la vie de Dieu dans les âmes qui a été instaurée en nous par la grâce du Saint Esprit donnée à ceux qui croient au Christ. » On pourrait ajouter la politique, l’engagement politique se réveille et doit se réveiller dans la conscience. C’est pourquoi, j’ai été, chers frères et sœurs, très attentif l’an dernier à cette grande mobilisation de centaines de milliers de citoyens français dont de très nombreux jeunes et familles de la génération Jean Paul II, et vous en êtes, qui sont descendus dans la rue, non pas au nom de revendications catégorielles, mais pour promouvoir le bien commun et défendre le mariage et la famille, cellule de base de toute société humaine. Le mariage fondé sur l’union stable d’un homme et d’une femme, ouverts à la vie pour en garantir la filiation, c’est la Vérité du commencement. Au commencement où Dieu créa l’homme à son image, homme et femme, Il les créa. J’ai parlé pour ma part à travers cette mobilisation, d’un printemps des consciences. Et je pense en particulier à ce très beau fruit, de cette mobilisation qu’est le mouvement des veilleurs qui me fait toujours penser à cette parole de Saint Jean Paul II commentant l’appel de Jasna Góra, vous savez, cette prière prononcée, chantée devant la vierge noire de Czestochowa, le lieu d’unité d’un peuple, de sa résistance spirituelle au communisme athée, et qui en eu même raison. Cet appel de Jasna Góra : « Je suis près de toi, je me souviens, je veille ». Saint Jean Paul II, le 14 août 1991 à Czestochowa pour la veillée des journées mondiales de la jeunesse, commentait en français ce « je veille » que veut dire « je veille » cela veut dire : je suis un homme de conscience, j’appelle le bien : bien, le mal : mal, je cherche à combattre le mal en moi et à promouvoir le bien en moi.
Chers frères et sœurs, soyez des veilleurs. La politique se réveille dans la conscience purifiée, éclairée par la foi, formée par l’enseignement social de l’Eglise pour que cette conscience, qui d’instinct se tourne vers le bien et le bien commun de la société, qui est une vraie fin dernière de la cité des hommes soit affermie en vertus. Le monde a besoin aujourd’hui de chrétiens qui s’engagent en politique. Il a besoin d’hommes et de femmes vertueux. Il a besoin de saints pour restaurer la juste politique et permettre à tout homme de rechercher sa fin dernière, surnaturelle, qui est en Dieu.
Amen !