SOURCE - Abbé Benoît de Giacomoni, fssp - Communicantes - novembre 2014
« Le monde peut vivre sans soleil mais pas sans la Messe » Saint Padre Pio
« Si l’on comprenait ce qu’est la Messe, on mourrait, non pas d’effroi, mais d’amour » Saint Curé d’Ars
« S’il n’y avait dans le monde qu’une seule église où l’on célébrât l’auguste mystère de nos autels, où l’on consacrât, nous porterions sans doute une sainte envie à ceux qui seraient aux portes de cette église. Or, nous sommes ce peuple choisi, nous sommes à la porte de ce lieu saint, si pur, où Dieu s’immole chaque jour. Pour gagner cinq ou six francs, vous feriez trois ou quatre lieues, et vous ne feriez pas seulement trente pas pour entendre la Messe les jours de semaine ! Où est votre foi ? » (Saint Curé d’Ars)
Introduction générale
Expliquons d’abord pourquoi le titre du cours de cette année : « la Messe traditionnelle, trésor de l’Eglise et chef-d’oeuvre de l’Occident ».
Il est tout d’abord de mon devoir de prêtre d’enseigner les fidèles sur ce qui est le coeur de notre vie de communauté : la sainte Messe dans la forme extraordinaire. Voilà pourquoi nous nous attacherons à la présenter, à l’expliquer, et à en défendre les richesses. Elle est un « trésor pour l’Eglise » et non seulement pour ceux qui en vivent.
« Chef-d’oeuvre de l’Occident » car la Messe traditionnelle est le fruit extraordinaire de l’imprégnation par la Religion Catholique de la culture occidentale. Chaque époque a ainsi apporté sa contribution à cet édifice si parfait qu’il fut quasi-inchangé depuis le Concile de Trente au XVIe siècle ; depuis le Christ, l’antiquité, en passant par le Moyen-Age et la Renaissance, chaque époque de l’histoire de l’Occident a ainsi apporté sa pierre à la liturgie romaine, tout en préservant et en pénétrant le mystère légué par NS à son Eglise.
J’avais pensé sous-titrer « un antidote à la modernité ». On peut en effet, à mon sens, caractériser la modernité par ces éléments : subjectivisme, individualisme, anti-humanisme, déracinement. La Messe traditionnelle est un antidote car elle maintient de manière pérenne, vivante et vivifiante les remèdes à ces tares modernes :
- Objectivité : car elle fait triompher le culte comme expression de la Foi de l’Eglise au-delà de la piété et des préférences subjectives.
- Sociabilité : car elle est un acte public et cultuelle de la société visible institué par le Christ et non un acte arbitraire de l’individu.
- Humanisme : car notre époque s’attache à détruire la véritable anthropologie, alors que la Messe traditionnelle manifeste la nature humaine (corps et âme) dans toute son ampleur et son élévation.
- Enracinement : car elle montre à voir que l’homme n’est et ne peut être qu’un héritier, et non une créature déracinée.
I- La finalité de notre vie
1) « Honorer Dieu » : devoir des individus
« Le devoir fondamental de l’homme est certainement celui d’orienter vers Dieu sa personne et sa vie. Car c’est à lui que nous devons tout d’abord nous unir comme à notre principe indéfectible, à lui que doivent constamment s’adresser nos choix comme à notre fin dernière, c’est lui aussi que dans notre négligence nous perdons par le péché, et que nous devons retrouver en témoignant de notre foi et de notre fidélité ». Or l’homme se tourne normalement vers Dieu quand il en reconnaît la suprême majesté et le souverain magistère, quand il accepte avec soumission les vérités divinement révélées, quand il en observe religieusement les commandements, quand il fait converger vers lui toute son activité, bref quand il lui rend, par la vertu de religion, le culte et l’hommage dus à l’unique et vrai Dieu » (Encyclique Mediator Dei, ci-après désignée MD).
Voilà pourquoi tel est le premier commandement : Tu adoreras Dieu seul et l’aimeras plus que tout.
2) Un devoir social
« C’est un devoir qui oblige en premier lieu les hommes pris en particulier, mais c’est aussi un devoir collectif de toute la communauté humaine basée sur des liens sociaux réciproques, parce qu’elle aussi dépend de l’autorité suprême de Dieu. C’est pourquoi nous voyons Dieu dans l’établissement de la loi ancienne, édicter aussi des préceptes rituels et préciser avec soin les règles que le peuple devait observer pour lui rendre un culte légitime. » MD
II- La vertu de religion
1) Etymologie
NB : Nous parlons ici de la « religion » au sens de la « vertu de religion » ou de la « religion naturelle » de l’homme. Nous ne parlons pas ici du sens secondaire de la religion par lequel on désigne l’ensemble des éléments spécifiques d’une Religion.
« Plusieurs font dériver ce terme de « religare », c’est-à-dire « relier, lier fortement » comme le dit saint Augustin (de vera religione) : « la religion relie l’homme au seul Dieu Tout-Puissant ». La religion implique donc un rapport à Dieu seul, car c’est à lui seul que l’homme doit se lier comme à son principe indéfectible, c’est lui qu’il doit élire comme sa fin dernière. » IIa IIæ, 81, 1.
2) Définition
La religion consiste à rendre à Dieu le culte d’adoration qui lui est dû (fille de la vertu de justice). « C’est un acte bon [et donc un devoir naturel] que de rendre à quelqu’un ce que l’on doit : car lorsqu’on s’acquitte ainsi de ses obligations, on se place dans le vrai rapport avec autrui, on accomplit l’ordre que l’on doit observer à son égard. Puisqu’il appartient à la religion de rendre à Dieu l’honneur qui lui est dû, il est manifeste que la religion est une vertu ». IIa IIæ, 81, 2.
3) Pourquoi rendre à Dieu un honneur spécial ?
« Quel est donc le bien qui forme l’objet de la religion ? C’est de rendre à Dieu l’honneur qui lui est dû. Or, d’une part, l’honneur est dû à quelqu’un en raison de son excellence et de sa dignité ; ainsi Dieu a une excellence singulière puisqu’il est au-dessus de tous les êtres : donc il est dû à Dieu un honneur spécial, de même que parmi les hommes on rend des honneurs différents selon la dignité des personnes : parents, magistrats, rois. » IIa, IIæ, 81, 4.
4) Pourquoi rendre un culte à Dieu alors que cela ne lui apporte rien ?
« Si nous adorons Dieu, ce n’est pas qu’il ait besoin de notre culte, puisque sa gloire remplit l’univers et que les créatures ne peuvent rien y ajouter ; mais c’est que nous avons besoin de l’adorer, parce que nos hommages soumettent notre esprit à sa majesté suprême et lui donnent par cela même sa perfection : car toute chose est perfectionnée par sa soumission à une chose supérieure ; ainsi le corps l’est par la vivification de l’âme, et l’air par l’illumination de la lumière. » IIa IIæ, 81.
5) La vertu de religion réclame un culte intérieur et extérieur
« L’esprit humain réclame, pour se soumettre et s’unir à Dieu, le secours des choses sensibles parce que « les perfections invisibles de Dieu sont devenues visibles par ce qui a été créé, comme l’enseigne saint Paul (Rom, I, 20). Il faut donc que l’homme se serve des choses corporelles dans le culte divin ; il faut qu’il s’appuie sur cette base pour s’élever aux actes spirituels qui l’unissent à son Créateur. La religion a donc des actes intérieurs comme opérations premières qui lui appartiennent essentiellement, puis des actes extérieurs comme opérations secondaires qui se rapportent aux actes intérieurs. » IIa IIæ, 81, 7.
« Mais l’élément essentiel du culte doit être l’intérieur, car il est nécessaire de vivre toujours dans le Christ, de lui être tout entier dévoué, pour rendre en lui, avec lui et par lui, gloire au Père des cieux. La sainte liturgie requiert que ces deux éléments soient intimement unis, et elle ne se lasse jamais de le répéter chaque fois qu’elle prescrit un acte extérieur de culte. Ainsi, par exemple, elle veut « que ce que nous professons dans nos observances extérieures, s’accomplisse réellement dans notre intérieur ». Sans quoi, la religion devient assurément un formalisme inconsistant et vide. » MD
6) Résumé des vérités concernant la vertu de religion
En raison de sa perfection et de sa majesté, nous devons un hommage à Dieu, notre Créateur et souverain Maître. Or c’est la vertu de religion qui, au nom de la justice, nous incite à rendre à Dieu le culte d’adoration qui lui est dû.
Le culte dû à Dieu doit revêtir trois aspects ; il doit être :
- Intérieur : être une expression sincère des sentiments de notre âme : « Dieu est esprit et ceux qui l’adorent doivent l’adorer en esprit et en vérité » (Jn, IV, 24).
- Extérieur : manifester, conformément à notre nature humaine (corps et âme) le culte intérieur d’une manière sensible. Notre corps, en effet, doit lui aussi rendre hommage à Dieu. Le culte extérieur est donc nécessaire pour manifester et développer le culte intérieur.
- Public : l’homme est un être social ; il doit donc rendre hommage à Dieu non seulement de manière personnelle, mais aussi au nom de la société elle-même.
7) Le sacrifice est l’acte et l’expression suprême de la religion
« Saint Thomas [établit] que l’acte sacrificiel, significatif d’un hommage exclusivement divin, est une offrande rituelle d’un type particulier, où se manifeste l’attitude la plus convenable de l’âme devant Dieu (adoration). De ce fait, le sacrifice est le plus parfait des actes du culte. » (Abbé Franck Quoëx, Sedes Sapientiæ 81, p.67 ; ci-après désigné F.Q.)
« Avant toute définition, saint Thomas part d’un constat : l’offrande du sacrifice est une donnée universelle. On la rencontre dans tous les temps et dans tous les lieux, partout et toujours. » « Le fait du sacrifice est fondé sur la conscience qu’a l’homme de son état d’indigence et de dépendance à l’égard de Celui qui lui est supérieur, de qui il a tout reçu, et à qui il doit en justice soumission et respect. Le sacrifice est la manifestation de cet état d’humble dépendance. Or cette expression d’hommage doit être accomplie d’une manière proportionnée à la nature de l’homme, c’est-à-dire en recourant aux signes sensibles » (id.)
« L’acte sacrificiel consiste donc en une réalité sensible signifiant l’hommage intérieur de totale dépendance de la créature spirituelle. » (id.)
A suivre…
Abbé Benoît de Giacomoni, fssp