SOURCE - Abbé Néri - Le Forum Catholique - 14 novembre 2014
Non il ne s’agit pas de la célèbre chanson d’Édith Piaf, mais d’une certaine attitude irréaliste un choix de ne considérer que le bon côté des choses, comme le dit avec raison un écrivain :
Non il ne s’agit pas de la célèbre chanson d’Édith Piaf, mais d’une certaine attitude irréaliste un choix de ne considérer que le bon côté des choses, comme le dit avec raison un écrivain :
« A un moment donné, nous finissons par perdre tout contact avec le réel et un jour, nous nous réveillons dans la douleur en reconnaissant notre erreur : nous n'avons pas accepté de nous plier à la réalité, nous voulions voir la vie en rose et, de ce fait, nous sommes passés à côté. » (Anselm Grün, Choisis la vie ! - Le courage de se décider, Albin Michel, 2012)
Ni de l'utopie socialiste, comme disait Pierre Malpouge dans Présent à propos du discours de Hollande, « l 'espoir en rose social » où il ose la formule : « Ici, dans le silence des morts, c'est toujours l'espérance qui surgit, comme un cri. »
Tel n’est pas le cas au moins en principe de la constitution pastorale Gaudium et spes dont l’avant-propos maintient un certain équilibre :
« Les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps, des pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent, sont aussi les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des disciples du Christ, et il n’est rien de vraiment humain qui ne trouve écho dans leur cœur. »
Cependant tel qu’on a pu le constater dans l’aula conciliaire l’optimisme effréné de certains pères ainsi que de leurs théologiens a envahi les esprits dans la période qu’à suivie les assises conciliaires. Ce pourquoi c’est avec un certain étonnement que le Pape de l’époque trois ans à peine après la fin du Concile a pu dire :
« L’Église se trouve à une heure inquiète d’autocritique, mieux vaudrait dire d’auto-démolition. C’est comme un retournement à angle aigu et compliqué auquel personne ne se serait attendu après le Concile. L’Église en vient pour ainsi dire à se porter des coups elle-même. » (Paul VI, discours au Séminaire lombard de Rome, le 7 décembre 1968)
Je n’insiste pas sur le célèbre discours du 30 juin 1972 où le même Pape affirme avoir la sensation « que quelque part la fumée de Satan est entrée dans le Temple de Dieu. » « Même dans l’Église », poursuivait-il « règne le même état d’incertitude. On croyait qu’après le Concile une journée ensoleillée aurait lui sur l’histoire de l’Église. C’est au contraire une journée de nuages, de tempête, d’obscurité qui est venue. »
Il ne fut guère entendu. Jusqu’aujourd’hui on trouve encore une multitude de catholiques enfermés dans l’illusion d’un optimisme illégitime. On trouve à ce propos un juste diagnostique de cet état d’esprit chez Romano Amerio :
« L’optimisme illégitime, avec lequel on observe le déclin de la foi, l’apostasie sociale, la désertion du culte et la dépravation morale naît d’une fausse théodicée. » (Iota Unum – p.17)
On dit, « que cela est bon, puisque cela oblige l’Église à une prise de conscience et à une recherche de véritables solutions. » (ICI n° 285, 1 avril 1967 – p. 7)
Mais comme le rappelle bien le professeur Amerio, « ces affirmations impliquent la négation du mal » puisque « s’il est vrai que les maux occasionnent des biens, ils restent, répétons-le, des maux et ne causent comme tels aucun bien. »
Il y a dans l’illusion optimiste une confusion telle que la conduit face à la crise dans l’Église jusqu’à fausser la notion de la Providence :
«Il importe de répéter, contre l’optimisme illégitime, que si des événements heureux sont liés à la crise, comme le martyre à la persécution, la sagesse à la souffrance éprouvée (selon Eschyle), l’augmentation de mérite à l’épreuve, la clarification de la vérité à l’hérésie, ce qui arrive n’est pas l’effet du mal, mais un surplus de bien dont le mal est incapable par lui-même. Attribuer à la crise un bien, qui est étranger à la crise et provient d’autre chose que de la crise, suppose une idée fausse de la Providence. » (idem p.18)
Et de là, certains vont jusqu’à l’impudence de présenter la crise comme désirable :
« L’issue heureuse qui doit suivre la crise de l’Église lui est donc postérieure et ne change pas la négativité de cette crise : bien moins encore ne la rend-elle désirable comme certains s’enhardissent à l’affirmer. L’optimisme illégitime pêche, car il attribue au mal une fécondité qui n’appartienne qu’au bien. »
Saint Augustin a donné une formule fort heureuse de cette doctrine dans le De Continentia VI, 5 (PL XL 358 ; éd. Vivès XXI 468) :
« En effet, Dieu, dans sa toute-puissance, est assez bon pour tirer le bien du mal même, soit en le pardonnant, soit en le guérissant, soit en le faisant tourner au profit des justes, soit en le frappant de sa juste vengeance. Toutes ces choses sont bonnes. »
Spera in Deo