SOURCE - Constance Vilanova - La Croix - 30 juillet 2018
La Fraternité Sacerdotale Saint-Pie-X a racheté l’ancienne chapelle de la Visitation du Puy-en-Velay. Cet ancien tribunal révolutionnaire se situe en plein cœur de la cité mariale.
La Fraternité Sacerdotale Saint-Pie-X a racheté l’ancienne chapelle de la Visitation du Puy-en-Velay. Cet ancien tribunal révolutionnaire se situe en plein cœur de la cité mariale.
Place de la Plâtrière, l’affaire est plus qu’une querelle de clocher. Laissée à l’abandon depuis plusieurs années, l’ancienne chapelle du couvent de la Visitation du Puy-en-Velay a été rachetée. Elle affiche depuis mi-juillet un permis de construire au nom de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie-X (FSSPX), fondée par Mgr Lefebvre, chef de file des opposants au Concile Vatican II.
Située sur un point de départ du chemin de Saint-Jaques-de-Compostelle, chef-lieu de la célébration du très rare Jubilé du Grand Pardon, la commune du Puy est un choix stratégique pour les lefebvristes.
« Historiquement, le lieu est plus important que Lourdes. Le jubilé en 2016, nous a donné l’opportunité de sensibiliser nos fidèles à ce projet », a ainsi déclaré à L’Éveil, quotidien de la Haute-Loire, le père Pierre Barrère, qui porte le projet depuis le prieuré Saint-François-Régis-d’Unieux, dans la Loire.
Sur le site Internet dédié au projet de rachat lancé il y a deux ans, la Fraternité a publié un appel aux dons en ligne lui permettant d’acquérir le bâtiment. Des fonds seraient encore nécessaires pour sa réhabilitation. En dénonçant la transformation des églises « en mosquée, fast-food, en bar ou salle des fêtes », la FSSPX revendique vouloir « rendre au culte les églises menacées de disparition ». Mais la désacralisation des édifices catholiques n’est pas son unique cheval de bataille.
Lieu de mémoire anti-révolutionnaire
La communauté lefebvriste compare la région du Velay à une « seconde Vendée ». À l’abandon après 1789, la chapelle a été un tribunal révolutionnaire. À la fin du XVIIIe siècle, des chouans du Velay y furent jugés et exécutés avec des prêtres réfractaires. « L’histoire de cette chapelle nous plonge au cœur de la résistance catholique et royaliste », est-il affirmé sur le site Internet du projet. « Elle est un symbole de résistance face à un état d’esprit qui veut s’attaquer à Dieu », a déclaré le père Barrère à L’Éveil.
Mais ce rachat est loin de plaire à l’opposition au Conseil municipal de la commune de 18 000 habitants. Préoccupés, quatre élus ont adressé, le 18 juillet, une lettre au préfet de Haute-Loire. « L’installation de cette secte catholique intégriste au Puy-en-Velay n’est pas anodine et pourrait engendrer des troubles à l’ordre public. Sur son site Internet, la FSSPX ne cache pas sa sympathie pour P. Pétain, qu’elle qualifie de "grande figure de la foi catholique" », y est-il décrié.
« Un rachat révélateur des cercles proches de Laurent Wauquiez »
Laurent Johanny, élu de gauche et signataire du courrier, explique que cette vente est révélatrice de la politique de Laurent Wauquiez, président de la région Auvergne-Rhône-Alpes et ancien maire du Puy-en-Velay.
« Dans sa politique nationale, il fait graviter autour de lui des cercles traditionalistes et ce rapprochement résonne à l’échelle locale », affirme-t-il à La Croix tout en disant rester assez lucide sur l’impact de cette lettre, l’achat ayant déjà été acté. Contactée à plusieurs reprises, la mairie du Puy-en-Velay n’a pas souhaité répondre.
Du côté de la FSSPX, l’accord avec la commune relève du bon sens. « La mairie voulait éviter une modification de l’aspect extérieur du bâtiment, explique le père Loïc Duverger, assistant supérieur de la Fraternité et responsable des achats. Des fidèles de la FSSPX étaient déjà présents au Puy et célébraient dans une salle prêtée. Il est important pour eux d’avoir un lieu de culte et la ville draine beaucoup de monde l’été. »
Le diocèse du Puy-en-Velay affirme ne pas pouvoir réagir à cette installation, à deux pas de la cathédrale. « L’évêque du Puy n’a aucune autorité canonique sur la FSSPX. Nous ne pouvons ni encourager, ni nous opposer à ce projet », a répondu le vicaire général, le père Emmanuel Dursapt. Quant à la possibilité de voir cette nouvelle paroisse attirer des fidèles rattachés à l’Église catholique, il tempère : « Faisons confiance aux gens. À ce jour, ne soyons pas générateurs d’inimitiés inutiles. »