SOURCE - Peregrinus - Le Forum Catholique - 19 juillet 2018
Lorsque dans les années 1970 et 1980 Mgr Lefebvre, pour sauver ce qui pouvait l'être, a pris des moyens extraordinaires, la messe était interdite, la Tradition doctrinale, disciplinaire et liturgique de l'Eglise en péril de disparition rapide.
Lorsque dans les années 1970 et 1980 Mgr Lefebvre, pour sauver ce qui pouvait l'être, a pris des moyens extraordinaires, la messe était interdite, la Tradition doctrinale, disciplinaire et liturgique de l'Eglise en péril de disparition rapide.
Il est constant que la situation actuelle n'est pas la même. Il existe des instituts voués à la célébration de la messe traditionnelle, dont les séminaristes reçoivent une formation doctrinale à l'école de saint Thomas, et il se trouve toujours aujourd'hui des évêques pour leur conférer les saints ordres. Il est explicitement reconnu par les plus hautes autorités de l'Eglise que la messe n'a jamais été interdite. Les séminaires diocésains eux-mêmes commencent lentement à s'ouvrir à la liturgie traditionnelle. La critique de Vatican II se développe, certes timidement, bien au-delà du milieu traditionaliste strict.
Il y aurait donc quelque absurdité à vouloir poursuivre dans les mêmes termes un combat dont les moyens ont été choisis, ou plutôt imposés par les tristes circonstances, dans un contexte tout différent. C’est ce que sentent, confusément ou distinctement, bien des fidèles et bien des jeunes qui s’interrogent sur leur vocation.
Qu'on en approuve ou non les motifs et les moyens, le combat de Mgr Lefebvre avait incontestablement un sens. Ce n'est pas qu'il n'en ait plus aujourd'hui : il y a, incontestablement, un combat à mener aujourd'hui dans l'Eglise, pour la foi et les mœurs ; et c'est avec plaisir qu'on entend M. l'abbé Pagliarani parler de la nécessité de la sainteté des prêtres et des fidèles, raison d’être de la FSSPX.
Mais les formes prises hier par ce combat, dans la situation actuelle, sont condamnées à l'insignifiance, non seulement parce qu'elles seraient contre-productives sur le plan pratique, mais surtout parce qu'elles seraient dangereuses pour la foi.
En effet, s'il existe une tentation d'attiédissement, il existe également une autre tentation, plus insidieuse et infiniment plus dangereuse, car drapée dans les oripeaux de l'intransigeance doctrinale : celle d'inventer des raisons nouvelles - évidemment doctrinales - de poursuivre aujourd'hui le combat dans les mêmes termes, ceux d’une absurde guerre à outrance unilatéralement déclarée aux pasteurs légitimes de l’Eglise, sans voir qu'on se condamne ainsi à fausser insensiblement le combat, et très vite à le fourvoyer bien loin de ses louables objectifs initiaux : les attitudes pratiques n’ont évidemment pas la même portée, ni la même signification, dans des contextes radicalement différents.
C'est ainsi que pour continuer à combattre on invente des vérités pseudo-doctrinales sur la juridiction - dont on oublie qu'elle vient de Jésus-Christ par l'Eglise, et non d'un code, si critiquable soit-il - sur l'unité de l'Eglise - qu'on méprise en défendant formellement de communiquer avec des pasteurs et des fidèles qu'elle n'a pas retranchés de son sein – sur l’état de nécessité, opportunément mais abusivement identifié avec la crise de l’Eglise, etc.
Ce n'est pas aujourd'hui la perspective d'une régularisation canonique, indispensable à moyen terme, qui représente aujourd'hui le plus grand danger pour l'intégrité doctrinale de la FSSPX : ce sont ces moulins à vent prétendument doctrinaux, ce sont ces dogmes pseudonymes, qu'on réduit en catéchismes, en déclarations fracassantes et en sermons, quand à force de proclamer hautement la nécessité de professer la doctrine dans son intégralité, on n'oublie pas de la prêcher au peuple, auquel parfois on donne les pierres de fausses doctrines d’hommes quand il demande le pain de la parole de Dieu.
Car ces prétendues doctrines ne sont pas seulement contre-productives, elles ne blessent pas seulement la justice et la charité, mais elles sont directement dangereuses pour la foi que l'on se flatte de défendre. Certains craignent qu’un jour, dans un futur indéfini, la Fraternité se réveille libérale ou moderniste. Les mêmes devraient craindre plutôt que dès demain, les dogmes nouveaux de quelques faiseurs mal inspirés la fassent hérétique et schismatique.
On sait que Mgr Lefebvre entendait par son combat mener à bien l’opération-survie de la Tradition. Plaise à Dieu que ceux qui se veulent aujourd’hui ses héritiers les plus intransigeants ne se lancent pas, sous couvert de fidélité, dans l’opération-suicide qui condamnerait son œuvre non pas seulement à la marginalité et au repli sur soi, mais surtout au schisme et à l’hérésie.
Peregrinus