SOURCE - Jean-Marie Guénois - Nicolas Senèze - La Croix - 29 août 2005
D’abord tenue secrète, une audience sans précédent a été accordée par Benoît XVI au successeur de Mgr Marcel Lefebvre, lundi 29 août à Castel Gandolfo
Joaquin Navarro-Valls commence par y préciser que Mgr Fellay « avait fait la demande » de ce rendez-vous et que le pape y était assisté par le cardinal Dario Castrillon Hoyos, président de la commission « Ecclesia Dei ». Deux phrases ensuite, dans ce communiqué, pour caractériser le contenu et le ton des entretiens : « La rencontre s'est déroulée dans un climat d'amour de l'église et de désir d'arriver à la parfaite communion. Bien que conscients de la difficulté, s'est manifestée la volonté de procéder par étapes et dans des délais raisonnables. »
De son côté, Mgr Fellay a confirmé lundi 29 août après-midi par communiqué, depuis Albano, siège romain de leur Fraternité, que la rencontre s'était déroulée dans un « climat serein ». Il a ajouté : « L'audience a été l'occasion pour la Fraternité de manifester qu'elle a toujours été attachée - et qu'elle le sera toujours - au Saint-Siège, la Rome éternelle. Nous avons abordé les difficultés sérieuses, déjà connues, dans un esprit de grand amour pour l'Église. Nous sommes arrivés à un consensus sur le fait de procéder par étapes dans la résolution des problèmes. » En conclusion, la Fraternité assure le pape de sa prière « pour qu'il puisse trouver la force de mettre fin à la crise de l'Église en "restaurant toutes choses dans le Christ" ».
Le plus spectaculaire de ces rattachements est celui de l'Union Saint-Jean-Marie-Vianney, à Campos (Brésil) : une structure créée par Mgr de Castro Mayer, évêque ami de Mgr Lefebvre et qui avait concélébré avec lui les ordinations épiscopales illicites de 1988 (notre photo) et fut donc excommunié. En 2001, à la suite des discussions entamées par Rome avec le mouvement intégriste, Mgr Licinio Rangel, successeur de Mgr de Castro Mayer, obtenait pour l'Union Saint-Jean-Marie-Vianney le statut particulier d'administration apostolique personnelle.
Néanmoins, il serait prématuré d'attendre des résultats immédiats de la rencontre du 29 août. En 2001, c'est en demandant pardon que Mgr Rangel s'était adressé à Jean-Paul II. Or, les déclarations de Mgr Fellay cet été sont loin d'avoir le même ton : c'est plutôt une certaine méfiance à l'égard de Benoît XVI qui se dégageait des textes publiés par le mouvement intégriste avant le contact du 29 août.
La rencontre du 29 août pourrait ainsi confirmer la place élevée du dossier liturgique dans son pontificat, même si cela va de pair avec son engagement pour Vatican II et l'oecuménisme, donnés comme prioritaires juste après son élection. Mais c'est précisément cet engagement qui déplaît fortement à ses interlocuteurs intégristes, même si cette position constante de Benoît XVI ne les surprend pas. Cette condition leur pose surtout une limite infranchissable, qu'il faudrait bien concilier avec un éventuel accord, car Benoît XVI, lui non plus, ne transigera pas sur le Concile.
- le premier composé principalement de la première génération de prêtres et séminaristes qui avaient suivi Mgr Lefebvre, dès avant le schisme. Se définissant comme le « canal historique », ce courant est plutôt favorable à une discussion en vue d'une résorption du schisme ;
- à l'opposé, toute une frange de la FFSPX (rassemblée principalement derrière Mgr Richard Williamson, un des quatre évêques ordonnés illicitement par Mgr Lefebvre - c'est lui qui, la semaine dernière, avait révélé à la presse le rendez-vous du 29 août) s'oppose à tout dialogue avec une Rome jugée définitivement « moderniste » et « protestantisée » ;
- au centre, enfin, les dirigeants de la Fraternité (dont Mgr Fellay, qui arrive en fin de son mandat de douze ans en juillet 2006), plutôt favorables à la discussion avec Rome, mais pas au prix de l'éclatement de la FSSPX.
Jean-Marie GUÉNOIS et Nicolas SENÈZE
D’abord tenue secrète, une audience sans précédent a été accordée par Benoît XVI au successeur de Mgr Marcel Lefebvre, lundi 29 août à Castel Gandolfo
1. Que s'est-il passé lundi 29 août ?D'abord tenue secrète - elle ne figurait même pas, lundi 29 août au matin, dans la liste officielle des personnalités que le pape devait recevoir - l'audience accordée, le 29 août à 11 heures à Castel Gandolfo, à Mgr Bernard Fellay, supérieur général de la Fraternité Saint-Pie X, par Benoît XVI, a finalement été officialisée par un communiqué du directeur de la Salle de presse du Vatican en milieu de journée.
Joaquin Navarro-Valls commence par y préciser que Mgr Fellay « avait fait la demande » de ce rendez-vous et que le pape y était assisté par le cardinal Dario Castrillon Hoyos, président de la commission « Ecclesia Dei ». Deux phrases ensuite, dans ce communiqué, pour caractériser le contenu et le ton des entretiens : « La rencontre s'est déroulée dans un climat d'amour de l'église et de désir d'arriver à la parfaite communion. Bien que conscients de la difficulté, s'est manifestée la volonté de procéder par étapes et dans des délais raisonnables. »
De son côté, Mgr Fellay a confirmé lundi 29 août après-midi par communiqué, depuis Albano, siège romain de leur Fraternité, que la rencontre s'était déroulée dans un « climat serein ». Il a ajouté : « L'audience a été l'occasion pour la Fraternité de manifester qu'elle a toujours été attachée - et qu'elle le sera toujours - au Saint-Siège, la Rome éternelle. Nous avons abordé les difficultés sérieuses, déjà connues, dans un esprit de grand amour pour l'Église. Nous sommes arrivés à un consensus sur le fait de procéder par étapes dans la résolution des problèmes. » En conclusion, la Fraternité assure le pape de sa prière « pour qu'il puisse trouver la force de mettre fin à la crise de l'Église en "restaurant toutes choses dans le Christ" ».
2. Y a-t-il eu des précédents ?Aucun, à ce niveau. Seuls ont eu lieu des entretiens officieux, depuis le schisme en 1988 - sauf qu'à cette époque, des catholiques avaient refusé de suivre Mgr Marcel Lefebvre dans le schisme : leur statut avait été réglé par Jean-Paul II par le biais du motu proprio Ecclesia Dei adflicta qui avait conduit notamment à la création de la Fraternité Saint-Pierre pour les prêtres et séminaristes d'Écône revenus vers Rome. Plusieurs fractions du mouvement lefebvriste se sont depuis agrégées aux communautés régies par ce statut « Ecclesia Dei » qui confère le droit de célébrer selon le rite de saint Pie V en union avec Rome, mais sous réserve de l'accord de l'évêque du lieu.
Le plus spectaculaire de ces rattachements est celui de l'Union Saint-Jean-Marie-Vianney, à Campos (Brésil) : une structure créée par Mgr de Castro Mayer, évêque ami de Mgr Lefebvre et qui avait concélébré avec lui les ordinations épiscopales illicites de 1988 (notre photo) et fut donc excommunié. En 2001, à la suite des discussions entamées par Rome avec le mouvement intégriste, Mgr Licinio Rangel, successeur de Mgr de Castro Mayer, obtenait pour l'Union Saint-Jean-Marie-Vianney le statut particulier d'administration apostolique personnelle.
3. Quelles sont les implications concrètes de cette rencontre ?Pour le moment aucune, même si le dialogue n'avait encore jamais repris à ce point et à un tel niveau. Du point de vue du mouvement lefebvriste, l'idéal serait d'obtenir un statut de prélature personnelle, à l'instar de l'Opus Dei, qui lui permettrait de s'organiser et de se développer en structure parallèle aux diocèses, avec un évêque propre. Mais c'est une solution différente qui avait été choisie à Campos : l'administration apostolique personnelle, statut provisoire proche de la «prélature territoriale» (qui est notamment celui de la Mission de France), où les fidèles qui le souhaitent sont rattachés au prélat, mais dans les limites géographiques de la prélature.
Néanmoins, il serait prématuré d'attendre des résultats immédiats de la rencontre du 29 août. En 2001, c'est en demandant pardon que Mgr Rangel s'était adressé à Jean-Paul II. Or, les déclarations de Mgr Fellay cet été sont loin d'avoir le même ton : c'est plutôt une certaine méfiance à l'égard de Benoît XVI qui se dégageait des textes publiés par le mouvement intégriste avant le contact du 29 août.
4. Quel est l'enjeu fondamental de cette audience ?Le fait que Benoît XVI accorde une telle audience quatre mois après son élection traduit une volonté claire de dialogue avec les intégristes. Espère-t-il pour autant résorber ce schisme, vécu à Rome comme un échec majeur du pontificat précédent ? À tout le moins, le nouveau pape entend sortir d'une situation de blocage. L'enjeu, pour lui, est double : d'une part, assurer sa mission d'unité de l'Église catholique ; et d'autre part, donner gages aux catholiques qui restent insatisfaits de la réforme liturgique issue de Vatican II, comme l'a été le cardinal Ratzinger lui-même. Sans penser à un retour en arrière, Benoît XVI souhaite notamment revaloriser la sacralité des célébrations.
La rencontre du 29 août pourrait ainsi confirmer la place élevée du dossier liturgique dans son pontificat, même si cela va de pair avec son engagement pour Vatican II et l'oecuménisme, donnés comme prioritaires juste après son élection. Mais c'est précisément cet engagement qui déplaît fortement à ses interlocuteurs intégristes, même si cette position constante de Benoît XVI ne les surprend pas. Cette condition leur pose surtout une limite infranchissable, qu'il faudrait bien concilier avec un éventuel accord, car Benoît XVI, lui non plus, ne transigera pas sur le Concile.
5. Les intégristes sont-ils d'accord entre eux ?Forte de 453 prêtres, dont un tiers de Français (soit 0,64% des prêtres français), et de 178 séminaristes, établie dans 59 pays, la Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X (FSSPX) rassemblerait 200.000 fidèles, dont la moitié en France. Elle est aussi fortement - et publiquement - divisée en trois courants principaux :
- le premier composé principalement de la première génération de prêtres et séminaristes qui avaient suivi Mgr Lefebvre, dès avant le schisme. Se définissant comme le « canal historique », ce courant est plutôt favorable à une discussion en vue d'une résorption du schisme ;
- à l'opposé, toute une frange de la FFSPX (rassemblée principalement derrière Mgr Richard Williamson, un des quatre évêques ordonnés illicitement par Mgr Lefebvre - c'est lui qui, la semaine dernière, avait révélé à la presse le rendez-vous du 29 août) s'oppose à tout dialogue avec une Rome jugée définitivement « moderniste » et « protestantisée » ;
- au centre, enfin, les dirigeants de la Fraternité (dont Mgr Fellay, qui arrive en fin de son mandat de douze ans en juillet 2006), plutôt favorables à la discussion avec Rome, mais pas au prix de l'éclatement de la FSSPX.
Jean-Marie GUÉNOIS et Nicolas SENÈZE